PARTIE IV : PARTIE EMPIRIQUE
Chapitre 9. Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques
2.1.1. Sélection des dosimétries
La sélection des dosimétries a été possible grâce à l’aide d’un physicien médical du terrain A.
Le critère de sélection était la complexité des solutions dosimétriques. Il a donc été choisi :
o un cas considéré comme simple, protocolaire (dosimétrie 1) : la prescription médicale
a été respectée et optimalisée et l’exécution ne présente pas de risques particuliers ;
o un cas considéré comme complexe, non protocolaire (dosimétrie 2) : afin de répondre
de manière optimale à la prescription médicale, certains compromis ont été réalisés.
La qualité du traitement est atteinte en virtuel au détriment de certains risques
d’exécution, qui peuvent être pris en compte par ailleurs.
Le tableau 11 présente les caractéristiques des dosimétries sélectionnées. Pour chaque cas, les
informations suivantes étaient à disposition des sujets : le plan dosimétrique avec le plan de
traitement, les distributions de dose, les vues des faisceaux et l’histogramme dose-volume.
Les deux dosimétries choisies par l’expert du terrain A ont été réalisées via la technique
IMRT. Or, tous les centres ne possèdent pas cette technique, même si les sujets rencontrés la
connaissent tous. Nous avons détecté cet écueil à partir du 4
èmeentretien, réalisé hors du
terrain A. Ainsi, nous avons rajouté, pour le cas 1 – dès le 4
èmesujet – l’information suivante,
obtenue lors des entretiens précédents : « Le centre qui a proposé cette dosimétrie en IMRT
réalise également pour les prostates des dosimétries avec la technique conformationnelle. La
configuration des faisceaux est maintenue (5 faisceaux en isocentrique), mais la dose totale
est moins élevée (70-76Gy ou lieu de 80gy en IMRT) ». Ceci constitue le moyen trouvé pour
« confronter » les sujets à une solution en conformationnelle, qui serait plus proche de leurs
pratiques.
Dosimétrie 1 Dosimétrie 2
Type de cancer Prostate Germinome (crâne)
Age du patient Adulte Jeune adulte
Dose prescrite 80Gy 24Gy + 16Gy RED
Nombre de fractions 40 15 + 10
Dose/fraction 2Gy 1.6Gy + 1.6Gy
Energie 20x 6x
Débit 400UM/min 400UM/min
5 fx non coplanaires39, isocentrique
Configuration des
faisceaux (fx) 5 fx en étoile, isocentrique38
6 fx non coplanaires, isocentrique
Technique utilisée IMRT40 IMRT
Tableau 11 : Description des deux dosimétries présentées en expérimentation
2.1.2. Consigne
La consigne a été présentée oralement en début de passation. La première partie de la
consigne concerne un rappel du projet de recherche.
Je vous remercie de m’accorder votre temps et de bien vouloir participer à cette recherche
qui rassemble votre établissement, le laboratoire d’ergonomie du Cnam et l’Institut de
Radioprotection et Sûreté Nucléaire (IRSN). Notre objectif est d’étudier la sûreté/sécurité des
pratiques de planification et d’administration de la dose de rayons en radiothérapie,
c’est-à-dire de comprendre comment vous vous organisez individuellement et collectivement pour
garantir la sécurité des soins. L’objectif n’est ni de juger vos pratiques ni de vous
sanctionner.
La seconde partie est la consigne proprement dite.
Je vais vous présenter deux dosimétries faites par d’autres professionnels. Je vous demande
de commenter les choix qui ont été réalisés par vos collègues. Ce qui nous intéresse, c’est la
logique de ces propositions. En dosimétrie, il est normal que plusieurs solutions soient
possibles. Il ne s’agit pas ici de noter leur qualité. Je vous demande de commenter les choix
faits par vos collègues et de me dire en quoi ils se rapprochent ou s’éloignent des vôtres, ce
38
La technique isocentrique consiste à irradier le volume-cible en faisant le bras de l’accélérateur tourner autour d’un même point (d’un même centre). Le fait d’avoir un seul isocentre facilite le placement du patient pour les manipulatrices.
39
Au lieu de tourner le bras de l’accélérateur et laisser la table arrêtée (coplanaire), on fait des rotations de table avec le bras de l’accélérateur incliné (non co-planaire). Ceci demande aux manipulatrices des allers-retours en salle d’irradiation pour effectuer la rotation de la table.
40
La technique IMRT consiste à délivrer une dose au volume cible par une bonne conformation des faisceaux et au-delà, permet une variation de l’intensité de la dose émise à l’intérieur de chaque faisceau. Ceci permet une augmentation dans les doses totales prescrites, car celles-ci seront plus concentrées dans le volume-cible comparées à une technique classique ou conformationnelle.
Chap. 9 : Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques
que vous feriez vous-même et pourquoi vous le feriez. Je vous présente un cas après l’autre.
Vous pouvez poser des questions à tout moment.
Les entretiens individuels ont duré 30 minutes environ. Les verbalisations ont été enregistrées,
puis retranscritesdans leur intégralité.
2.1.3. Validation du protocole expérimental
Le protocole expérimental a été validé en collaboration avec un physicien médical du terrain
A, autre que celui qui nous a aidés à sélectionner les deux dosimétries. La phase de validation
a consisté à soumettre le protocole expérimental à ce physicien, dans les mêmes conditions
que celles prévues pour la mise en œuvre pratique (présentation de la consigne et des deux
dosimétries). L’objectif était d’estimer le temps de la passation et de vérifier la
compréhension, par le physicien, des dosimétries présentées.
Durant la passation le physicien a constaté qu’il manquait des éléments utiles à la
compréhension d’une des dosimétries (la vue des faisceaux, par exemple). A la fin de la
passation, une phase de débriefing a permis d’identifier les éléments manquants et de les
ajouter à la dosimétrie en question. Cela fait, le protocole expérimental a enfin été validé.
2.1.4. Sujets
En possession de l’annuaire de la Société Française de Physique Médicale (SFPM), nous
avons écrit un courriel à 40 physiciens médicaux appartenant à des centres de radiothérapie de
la région parisienne. Dans un but de comparaison, nous avons contacté des sujets appartenant
à des centres avec des statuts (Centre de Lutte Contre le Cancer – CLCC –, public, privé) et
des ressources (de pointe ou conventionnelles) variés.
Au final, 14 sujets issus de 5 centres différents ont accepté de participer à cette étude. La
distribution des sujets par centre est présentée dans le tableau 12. Les centres A et B
correspondent respectivement à nos terrains de recherche A et B.
Chaque sujet a traité les deux dosimétries. L’ordre des dosimétries a été le même pour tous les
sujets. Mis à part trois sujets, tous les sujets ont au moins 3 ans d’ancienneté dans la
profession.
Centre Statut Nombre
d’accélérateurs Techniques disponibles
Sujets (physiciens médicaux) Classique Conformationnelle IMRT
A Centre de Lutte Contre
le Cancer (CLCC) 7 Tomothérapie 5 Classique B Privé 3 Conformationnelle 2 Classique Conformationnelle C CLCC 6 IMRT 2 Classique D Public 3 Conformationnelle 2 Classique E Public 2 Conformationnelle 3 Total 14
Tableau 12 : Echantillon de l’expérimentation 2