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PARTIE IV : PARTIE EMPIRIQUE

Chapitre 9. Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques

3.3. Les stratégies de prévention visant à garantir la qualité en sécurité

3.3.1. L’évitement des risques

Une fois la solution optimale obtenue en virtuel, les critères le plus souvent mentionnés par

les sujets correspondent à la prise en compte des sources de risques d’exécution de la solution.

La vérification de ces critères vise à s’assurer que la solution optimale obtenue en virtuel le

sera également en réel. En effet, les physiciens vont vérifier la conformité d’au moins trois

types de sources de risques : les facteurs techniques, les facteurs humains et organisationnels

Chap. 9 : Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques

et le patient. A travers la prise en compte de ces facteurs, les stratégies des physiciens sont

fondées sur l’évitement des difficultés auxquelles les manipulatrices peuvent être confrontées.

Les difficultés connues par les physiciens seront anticipées et prises en compte lors de la

phase de planification en virtuel, c’est-à-dire avant la mise en place effective de la solution

par les manipulatrices.

Les facteurs techniques

Le type d’appareil de traitement peut entrer en compte dans les choix dosimétriques et a été

évoqué par 8 sujets. Les traitements les plus classiques seront envoyés vers les appareils plus

anciens, qui ne disposent pas de logiciels de contrôle et d'enregistrement de paramètres. Sur

ces appareils, en cas d’oubli de la part des manipulatrices, par exemple, le système ne signale

pas l’erreur. Comme les traitements classiques comportent moins de paramètres à vérifier et

moins d’accessoires à mettre en place que les traitements compliqués, ils seront davantage

envoyés vers les anciens appareils. Les physiciens vont toutefois « faire plus attention » avec

des postes de ce type, afin d’éviter la production d’erreurs qui ne peuvent pas être détectées à

travers l’automatisation. Ils vont ainsi réduire les facteurs d’erreurs à la source, c’est-à-dire

dès la planification du traitement en virtuel, soit en évitant d’envoyer un traitement compliqué

vers ce type de poste, soit en limitant la complexité de certains paramètres d’irradiation.

On va essayer de limiter le panachage de filtres, parce que c’est source d’erreur régulière, un filtre à 30 à la place d’un filtre à 45 et ainsi de suite, ce genre de choses. Sur ces types de machines qui sont plus anciennes, qui ont plus de restrictions et qui ne sont pas connectées à un

système de contrôle, on fait plus attention. […]. Parfois on se dit : plutôt que de mettre un 5ème

faisceau, on va essayer de rester à 4 faisceaux et jouer sur d’autres éléments. Parce qu’il faut entrer en salle à chaque fois, il faut changer les caches - la précision de positionnement des caches n’est pas aussi grande qu’elle peut l’être en multi-lames. Cela est un facteur de risque

qu’on prend en compte, je pense. P4, Centre D.

De manière générale, la moitié des physiciens (7/14) ont mentionné qu’ils ajustent certains

paramètres d’irradiation pour ne pas « troubler » les manipulatrices ou pour faciliter leurs

tâches. Les moyens utilisés visent notamment la réduction du temps de manipulation et la

minimisation des erreurs.

Par exemple, pour les décalages on essaye de ne jamais mettre 2,38, on met 2,5. On va arrondir

au demi-centimètre pour qu’elles ne se trompent pas. P2, Centre A

On essaye en dosimétrie de penser à minimiser la rotation de colli, puisque sur les appareils clinac les filtres peuvent prendre deux orientations. On se débrouille pour faire en sorte

d’inverser le sens du filtre, plutôt que de faire un demi-tour de colli. P4, Centre D

On essaye de ne pas faire des angulations tarabiscotées du genre 331,5°, 248,8°. On essaye de

faire des choses relativement standard pour réduire le risque d’erreur. P7, Centre A

Le type et la qualité de la contention utilisée pour éviter les mouvements du patient ont été

également mentionnés comme des facteurs à prendre en compte pour réduire les risques. Ils

déterminent le temps d’irradiation qui répond au mieux à la prescription médicale et à

l’immobilité du patient. Un traitement trop long avec une contention qui n’est pas fiable ne

garantit pas que la dose sera délivrée à l’endroit souhaité. De plus, une contention de bonne

qualité facilite le placement du patient par les manipulatrices. Cet élément a été cité par 4

sujets.

Pour les patients pour qui la balistique est difficile à placer, il va falloir faire en sorte de que la

contention soit bien adaptée.Cela facilite le placement pour les manip’. P14, Centre C

Le confort du patient

L’immobilité du patient durant la séance constitue, comme indiqué précédemment, une des

garanties de la délivrance de la dose prescrite par le médecin au volume-cible. En

conséquence, le patient peut représenter une source de fiabilité des traitements, mais

également une source de risques dont il faut tenir compte. Ce facteur a été cité par 6 sujets. De

cette manière, le confort du patient durant la séance sera recherché dès la phase de simulation

des traitements et de conception des contentions jusqu’au placement effectif au poste. Associé

au type de contention, le temps du traitement fait partie des facteurs pris en compte par les

physiciens pour assurer le confort du patient. Plus le temps de traitement sera long, plus il y a

de risques que le patient se sente inconfortable et bouge. Notons ici que le confort du patient

n'est pas recherché pour lui-même, mais pour des raisons de performance et de sécurité. Ceci

est surtout important pour les enfants et les patients algiques.

L’autre chose qui va être quand même prise en compte, c’est le temps que peut durer le traitement ou la mise en place par rapport au patient. Le patient peut avoir soit à supporter un masque, soit à rester longtemps sans bouger. S’il est douloureux ou si on l’a installé, pour pouvoir traiter au mieux, dans une position qui n’est pas forcément des plus confortables pour lui, il ne va pas tenir

longtemps sans bouger. P3, Centre A.

Les facteurs organisationnels et humains

Nous l’avons vu, la solution la plus sophistiquée en termes d’efficacité clinique est recherchée

par les physiciens dans la mesure des ressources dont ils disposent. Outre les facteurs

techniques, les ressources humaines et organisationnelles disponibles dans le service de

radiothérapie vont impacter la conception du traitement. L’expérience des manipulatrices et la

charge de travail au poste de traitement ont été mentionnées comme étant des facteurs vérifiés

lors du choix d’une solution plus risquée ou de la mise en place d’une nouvelle technique

d’irradiation. Selon 4 sujets, avant de mettre en place une dosimétrie difficile à exécuter ou

inhabituelle, il faut s’assurer que les manipulatrices destinées à l’exécuter ont de l’expérience.

Pour ce faire, les traitements considérés comme difficiles sont envoyés vers les postes de

traitement où les manipulatrices ont de l’expérience dans la profession. En suivant le même

raisonnement, dans les situations où les équipes sont instables, les nouvelles techniques ne

sont pas mises en place dans le service.

Chap. 9 : Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques

Quand on voit que beaucoup de personnes de l’équipe ont changé, qu’on a 10 000 nouvelles manipulatrices et une nouvelle technique que l’on est prêt à lancer, on dit « hé, stop ». Même si je sais qu’elle est meilleure, quand on fait une erreur ça va être plus grave. Le compromis, c’est en

permanence ! P8, Centre A.

Deux sujets évoquent également la quantité de cas compliqués dans la journée comme un

facteur à prendre en compte au moment de choisir une dosimétrie. Les cas compliqués

prennent plus de temps au poste de traitement (placement difficile, plusieurs paramètres à

régler, etc.) et ne peuvent pas être choisis pour tous les patients. Augmenter le temps de prise

en charge d’un patient signifie d’une part réduire le nombre de patients traités dans la journée,

et d’autre part surcharger les manipulatrices avec des traitements longs et compliqués, ce qui

augmente les sources d’erreurs.

Faire une technique très efficace cliniquement, mais difficile à mettre en pratique ce n’est plus une technique idéale car elle est susceptible d’erreur. On le fait, mais alors il faut multiplier les

contrôles, multiplier les présences… On finit par ne pas le faire pour tous les patients. P13,

Centre C.

Ainsi, lors du choix d'une solution de qualité optimale avec des paramètres plus sophistiqués,

les physiciens vérifient si la solution n’engendrera pas une charge de travail trop importante

pour les manipulatrices avec la conséquence de traiter moins de patients. La stratégie des

physiciens consiste d’une part à hiérarchiser les cas pour lesquels les ressources seront plus

mobilisées – cette décision est prise en concertation avec le médecin responsable du patient.

D’autre part, il est préférable d’envoyer les traitements plus compliqués vers les postes moins

chargés et plus fiables en termes d’expérience des manipulatrices et de contrôles

automatiques.

En connaissant son centre, il arrive qu’on se dise que sur tel appareil on ne va pas mettre tel type de technique parce qu’on sait que cet appareil là a une qualité un tout petit peu plus faible que

l’autre, au niveau de sa qualité géométrique ou de sa reproductibilité. P8, Centre A

L’ensemble de ces éléments montre que l’anticipation de difficultés éventuelles lors de

l’exécution du traitement vise en réalité l’évitement des risques, dans le sens où des actions

peuvent être effectuées avant que le risque soit effectif au poste de traitement. Associées à ces

stratégies, d’autres stratégies sont destinées à assister l’exécution des traitements par les

manipulatrices. Elles sont détaillées ci-dessous.

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