PARTIE IV : PARTIE EMPIRIQUE
Chapitre 9. Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques
3.3. Les stratégies de prévention visant à garantir la qualité en sécurité
3.3.2. L’assistance aux manipulatrices
Les stratégies d’assistance aux manipulatrices comprennent la transmission orale et/ou écrite
des solutions conçues, et la présence des physiciens ou dosimétristes auprès des
manipulatrices pour la première mise en place de la solution. Ce type de stratégie vise à
contrôler les sources de risques qui n’ont pas pu être prises en compte par ailleurs, lors de la
conception en virtuel.
La transmission orale et/ou écrite des solutions conçues
Le dossier informatique et papier est l’outil utilisé par tous les professionnels pour transmettre
les informations nécessaires à la réalisation des tâches de l’étape suivante de la chaîne. Les
physiciens médicaux et dosimétristes envoient aux manipulatrices des consignes relatives à la
mise en place des traitements. Il peut s’agir de spécifications concernant le positionnement du
patient, des messages d’alerte indiquant un traitement compliqué ou inhabituel, ou encore des
messages indiquant la nécessité de la présence d’un médecin ou d’un physicien/dosimétriste.
Ces consignes sont fournies soit par écrit, via le dossier papier, soit par oral, soit les deux.
Au total, 13 des 14 physiciens ont mentionné que lorsqu’une solution est compliquée ou
inhabituelle, les consignes de mise en place habituellement présentes dans le dossier sont
renforcées et les modifications éventuelles sont signalées. C’est une façon d’anticiper
certaines difficultés que peuvent rencontrer les manipulatrices lors de l’administration de la
séance.
Ici on a vraiment la culture de simplifier les choses pour le poste. Les feuilles d’irradiation sont
claires avec des commentaires sur les modifications. P2, Centre A.
Pour les cas compliqués je vais voir les manip’ et je leur dis « voilà, j’ai fait une balistique où il y a que des faisceaux obliques, c’est compliqué ». Mais je leur dis pourquoi : « la cible telle qu'elle est ne me permet pas de traiter par une technique classique, donc je préfère vous avertir que vous
allez être un peu embêtées, mais c’est pour le bien du patient ». P10, Centre E
La présence lors de la première mise en place d’une solution compliquée
La recherche de la solution optimale pour un cas non standard peut conduire à placer le
patient avec des accessoires originaux, « bricolés », dans le but de répondre à la balistique
idéale. Les placements du patient peuvent à leur tour également être non protocolaires. Pour
les cas non standards, l’envoi de consignes seul ne suffit pas pour réduire les risques
d’exécution d’une solution compliquée. En conséquence, les concepteurs de la solution
doivent être présents lors de sa mise en place afin de garantir sa reproductibilité.
Parmi les 14 sujets, 9 ont évoqué qu’une des façons de réduire la complexité d’une solution
est d’assister à la première mise en place, c’est-à-dire d’être présent en salle d’irradiation avec
les manipulatrices. Nous avons vu au chapitre 8 que les manipulatrices sont rassurées par la
présence des physiciens et qu’elles vont les réclamer pour les cas qu’elles considèrent
compliqués.
J’avoue que j’ai du mal à changer une technique sans aller leur montrer, sans aller voir avec elles [les manipulatrices], réaliser leurs difficultés aussi, parce que quand on n’est pas dessus, on ne
voit pas. P6, Centre E
On descend le dossier pour la mise en place, généralement. Parfois on ne se rend pas compte de la complexité des dossiers, donc il descend [au poste de traitement] par le circuit normal et on a
Chap. 9 : Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques
Les résultats présentés dans cette partie mettent en évidence que les physiciens disposent de
deux moyens de contrôle visant à garantir la qualité et la sécurité des traitements (cf. tableau
13). Le premier se situe en amont de la conception d’une solution et vise l’évitement de
certains risques par anticipation : par exemple, on change certains paramètres d’irradiation, on
n’envoie pas une solution compliquée à un poste surchargé. Le second se situe au poste de
traitement et consiste à réduire les risques d’erreurs qui ne peuvent être résolues en virtuel.
Ceci est possible via l’assistance à la mise en place de la solution par les manipulatrices.
Eviter l’envoi d’un traitement compliqué vers les postes anciens
Type d’appareil Limiter la complexité des
paramètres d’irradiation à contrôler manuellement
Paramètres d’irradiation
Ajuster certains paramètres risqués malgré la présence d’un
contrôle automatique
Prise en compte des facteurs
techniques
Qualité et type de contention Prendre en compte pour définir le temps de la séance
Expérience des manipulateurs
Eviter l’envoi d’un traitement compliqué vers les postes où les
manipulatrices sont novices
Charge de travail au poste
Eviter l’envoi d’un traitement compliqué vers les postes
surchargés en patient
Prise en compte des facteurs
humains et organisationnels
Quantité de cas compliqué / jour
Eviter l’envoi d’un traitement compliqué vers les postes où le
nombre de traitement compliqué/jour est élevé
Evitement des risques Prise en compte du confort du patient Placement difficile à tenir/Patient algique/Enfants
Eviter les placements difficiles à tenir trop longtemps, surtout pour les patients douloureux et pour les
enfants Messages d’alertes indiquant un traitement non standard
Consignes indiquant un appel à l’aide
Transmission orale ou écrite
Consignes pour le placement
STRATEGIES DE PREVENTION DES RIS Q UES Assistance aux manipulatrices Présence de l’équipe de physique médicale
Consignes orales, et vérification de la reproductibilité du placement simulé
Le schéma présenté en figure 22 retrace l’ensemble des points présentés, c’est-à-dire
l’applicabilité d’une solution idéale et les compromis vis-à-vis de la solution idéale. Si la
solution idéale n’est pas possible avec les ressources disponibles, un premier niveau de
compromis est observé. La solution s’écarte de la qualité optimale, mais permet d’assurer un
niveau de sécurité optimal selon les moyens disponibles. Si la solution idéale est possible
avec les ressources disponibles, les physiciens vont rechercher la qualité optimale de cette
solution. En présence de risques, la majorité des physiciens vont poursuive la quête de qualité
maximale car ils disposent d’un certain nombre de stratégies leur permettant d’agir sur la
prévention des risques. En dépit de cela, ils prennent un risque raisonné certes, mais pas
absent. Cela constitue un certain degré de compromis sur la sécurité.
Certains sujets ne prendront pas ce risque (3/14). Cette prise de décision peut être due à
l’absence de ressources pour assurer la sécurité d’une qualité optimale risquée. Certains sujets
feront donc plutôt un compromis sur la qualité, en revenant vers des solutions plus classiques
et plus sûres. Il s’agit d’un deuxième niveau de compris observé sur la qualité.
Chap. 9 : Du virtuel au réel : la recherche d’optimalité et l’anticipation des risques