• Aucun résultat trouvé

La royauté du Fils (He 1,7-8)

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 175-177)

Le Seigneur qui fonda le monde (He 1,10)

4.1 Le motif du Fils et la création dans l’Épître (He 1,2.3.10)

4.2.2 Dieu parle à son Fils maître de la création (He 1,5-14)

4.2.2.2 La royauté du Fils (He 1,7-8)

Pour expliciter un deuxième ensemble de dissemblances entre le Fils et les anges, He 1,7-12 propose un ordre inverse de celui de l’unité précédente (5-6). Une première citation concerne les anges (

kai. pro.j

) (v. 7) et affirme leur situation subordonnée, puis un ensemble de citations appliquées au Fils (

pro.j de.

) affirment sa divinité et sa royauté. Cette unité peut se découper en 4 péricopes : le verset 7 concerne les anges, les versets 8,9 affirment la royauté du Christ, le verset 10 a pour motif la création, les versets 11,12 décrivent l’immutabilité du Fils et son action à la fin des temps. Nous traiterons des versets 10-12 dans une section indépendante en raison de leur importance pour notre sujet.

Les anges des vents (He 1,7)

Suite au verset 6 qui évoque l’adoration du Fils par les anges le verset 7 décrit la condition de ces derniers. L’auteur, pour étayer sa description, cite le Psaume 104 dans lequel le psalmiste chante la louange du Dieu

créateur qui a rempli l’univers de merveilles. Il fait en particulier référence au verset 4 qui mentionne les anges (

o` poiw/n tou.j avgge,louj

auvtou/ pneu,mata kai. tou.j leitourgou.j auvtou/

puro.j flo,ga

). Le terme «

pneu,mata

» est traduit par « vent »489 (TOB) ou par « esprit » (BJ). Le choix de « vent » semble préférable en regard du sens du Ps 104,4 (hébreu) et du parallélisme

avec le feu du deuxième membre qui donne également la faveur à une interprétation d’ordre naturel. Une fois ce choix posé, le premier membre (

o` poiw/n tou.j avgge,louj auvtou/ pneu,mata

), peut se traduire soit « qui fait des vents ses messagers (anges) » soit « qui fait de ses anges des vents ». La première traduction est soutenue par le texte massorétique du psaume qui propose de voir dans les vents des messagers et dans la flamme du feu des serviteurs. Le psaume est un hymne à la nature glorifiant Dieu le Créateur. Les éléments naturels obéissent aux commandements de Dieu. L’activité des anges se déploie dans l’univers (1 Hén 82 ; Jub 2,2). Les anges représentés par le vent, le feu sont les serviteurs du Dieu créateur (Ps 148,8). Ce qui peut correspondre au contexte de l’épître puisqu’en He 1,14490

les anges sont chargés d’un ministère.

489

K. Schenck propose également de traduire par vent en se référant à Jub 2,2 (SCHENCK, K. L.,

Cosmology and eschatology in Hebrews : the Settings of the Sacrifice, Society for New Testament Studies

monograph series ; 143, Cambridge University Press, Cambridge - New York, 2007, 123). 490

ELLINGWORTH, The Epistle to the Hebrews, 120-121. BATEMAN, Hebrews 1:5-13, 227.

Et concernant les anges il dit : Il fait de ses anges des vents

et de ses serviteurs une flamme de feu

kai. pro.j me.n tou.j avgge,louj le,gei\ o` poiw/n tou.j avgge,louj auvtou/ pneu,mata kai. tou.j leitourgou.j auvtou/ puro.j flo,ga(

174 Cependant, la LXX ouvre la possibilité d'une interprétation différente en plaçant les articles avant «

avgge,louj

» et «

leitourgou.j

» ; il est alors possible de lire ces deux termes comme complément d’objet et de lire « qui fait de ses anges des vents ». Dans les hymnes de Qumran, dans un texte en partie abimé, les vents sont transformés en anges : « Tu les as [créés] selon ta volonté ainsi que les vents puissants selon les décrets qui les régissent avant qu’ils ne devinssent [tes] anges de sa[inteté ] » (1QH1,10-11). Dans le livre d’Esdras, où figure une prière au Dieu Créateur qui demeure à jamais, l’auteur mentionne la parole de Dieu qui « change en vent et en feu l’armée des anges » (4 Esd 8,21). L’interprétation est alors la suivante491 : le Créateur peut faire des anges des éléments aussi changeants que le vent et le feu ; lui est implicitement au-dessus de tout changement. À l'instar de Dieu (le Père), le Fils est supérieur aux anges, qui sont sujets à changement, alors que lui est immuable. L’utilisation du verbe «

poie,w

» dont le sujet est le Fils va dans le même sens et ajoute une nuance. Le Fils est celui qui crée ses anges comme des vents, et ses serviteurs comme des flammes de feu. Cette interprétation est plausible. En effet, au verset He 1,2 le verbe «

poie,w

» a le sens de créer. Le verbe «

poie,w

» conjugué au participe présent, permet de suggérer l’idée d’une création continuée. Et le Fils est celui par qui Dieu a créé «

aivw/naj

» (le monde), dont les anges font partie. On peut comparer «

puro.j flo,ga

» à «

kekaume,nw|

puri.

» (feu ardent) (He 12,18). Cette dernière mention est liée au monde matériel qui sera ébranlé (He 12,27) et qui contraste avec le monde céleste non transitoire. Cette comparaison suggère que l’auteur voit les termes «

puro.j flo,ga

» comme appartenant à la création. Le Christ, contrairement aux anges, n’appartient pas au monde matériel. Dans l’Épître, leur condition transitoire les rend inférieurs au Christ. Les anges ne font pas qu’adorer le Fils, ils le servent en tant que leur Créateur et le Créateur de toutes choses, ce que le verset 10 va clarifier.

Ton trône subsiste (He 1,8-9)

Avant de retrouver un champ sémantique cosmologique, les versets 8 et 9 qui sont une citation de Ps 45,7-8 affirment la royauté du Fils et sa divinité. Par deux fois, Dieu parle à son Fils en lui donnant le titre de Dieu492 (

o` qeo.j

) : « Ton trône, Dieu » (He 1,8) ; « Dieu, ton Dieu t'a oint »(He 1,9). Cette désignation est préparée, non seulement par les formules solennelles de l'introduction (« rayonnement de sa gloire » et « empreinte de sa substance »), mais aussi par le dernier mot de l’unité précédente : si les anges de Dieu (He 1,6) doivent se prosterner devant le premier-né, cela signifie qu'il partage la dignité de Dieu lui-même. Le Psaume 45,7-8 articule la relation de Dieu avec le Fils. Dans le cadre de ce verset, l’utilisation de«

o` qeo.j

» s’adressant au Fils est à prendre dans le contexte juif et non dans l’usage courant dans le monde romain de donner le titre de « dieu » à une divinité païenne. Le Fils est clairement désigné comme Dieu.

Le titre divin du Fils est complété par l'évocation de la royauté dont les symboles sont le trône493 et le sceptre. Le trône symbolise à la fois la demeure divine qui se situe au

491

KOESTER, HEBREWS, 194,200. SCHENCK, Cosmology and eschatology,123. BRUCE, The Epistle to

the Hebrews,18. MEIER, Symmetry, 512. 492

KOESTER, HEBREWS, 194.SPICQ,Hébreux, 65. BÉNÉTREAU, Hébreux, 85.

493 Les autres occurrences du terme « trône » de l’Épître aux Hébreux renvoient au trône de grâce (He 4,16) et au trône de Dieu (He 8,1 ;12,2).

175 ciel, dans les hauteurs et le règne de Dieu sur l’ensemble de la création. En Sir 24,4, la Sagesse dont le trône « était une colonne de nuée » s’élance pour parcourir le cosmos. Le prophète Isaïe décrit Yahvé qui « trône au-dessus du cercle de la terre dont les habitants sont comme des sauterelles, il tend les cieux comme une toile, les déploie comme une tente où l'on habite (Is 40,22) ». Dans le Nouveau Testament, le trône est le lieu où siégera le Fils de l’Homme (Mt 19,28). Le plus grand nombre d’occurrences de ce terme se trouve dans l’Apocalypse. Au chapitre 4, le trône est celui de Dieu « Maître-de-tout » qui était, qui est et qui vient (Ap 4,8) et qui créa l'univers (Ap 4,11). Au chapitre, l’Agneau et Celui qui est sur le trône reçoivent les mêmes louanges : « À Celui qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau, la louange, l'honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles ! » (Ap 5,13 ; cf. Ap 7,9.10). L’Agneau au milieu du trône (Ap 7, 17) le partage avec Dieu (Ap 22,1.2). Dans le livre de l’Apocalypse, le trône est le lieu à partir duquel le cosmos est gouverné, et il est le lieu de la création nouvelle puisque « le fleuve de Vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l'Agneau » (Ap 22,1). Dans l’Épître aux Hébreux, l’accent est mis sur la notion d’éternité du trône494 (

eivj to.n aivw/na tou/ aivw/noj

). Selon J.P. Meier495, la référence

au trône éternel symbolise non seulement l’éternité à partir de l’évènement intronisation/exaltation mais il englobe la préexistence même du Fils.

La citation du Ps 45 se prolonge au verset 9 par une description de l'excellence du pouvoir du Fils. Sa perfection morale, son amour de la justice et son rejet de la haine conviennent à un roi et, encore plus, à un souverain divin. Un lien causal «

dia. tou/to

» (c'est pourquoi) est établi entre cette perfection morale et l'onction divine d'une huile d'allégresse, onction royale dans l'épître comme dans le Psaume. Contrairement aux rois terrestres, la royauté du Fils n’aura pas de fin et, siégeant sur le trône, il possède la puissance et l’énergie nécessaires pour mener à bien son projet pour la création. Le trône est toute à la fois le lieu d’exercice du pouvoir sur l’ensemble de la création et il symbolise l’éternité de ce pouvoir.

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 175-177)