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Le Fils est supérieur aux anges (He 1,4)

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 169-171)

Le Seigneur qui fonda le monde (He 1,10)

4.1 Le motif du Fils et la création dans l’Épître (He 1,2.3.10)

4.2.1 Dieu établit un Fils (He 1,1-4)

4.2.1.3 Le Fils est supérieur aux anges (He 1,4)

La présentation de la condition nouvelle du Fils se poursuit au verset 4 qui sert de transition entre l’exorde et la suite du chapitre. Alors que les premiers versets de l’exorde comparaient le Fils aux prophètes le verset 4 le compare aux êtres célestes. Le Fils « est devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un Nom plus excellent que le leur » (

tosou,tw| krei,ttwn geno,menoj tw/n avgge,lwn o[sw| diaforw,teron parV auvtou.j keklhrono,mhken

o;noma

). Dans la suite du chapitre l’auteur s’emploie à montrer la subordination des anges au Fils (vv. 5.6.7.13) et au chapitre 2 il développe la thématique de la subordination temporaire du Fils incarné aux anges. Le terme de «

krei,ttwn

» traduit par « supérieur » inclut des

463

« ayant accompli la purification des péchés » He 1,3b. 464 L’incarnation sera clairement évoquée en He 2,14 et He 10,5. 465

GUTHRIE, D., The Letter to the Hebrews: An Introduction and Commentary, Inter-Varsity Press, Leicester, 1983, 69.

466 L’Épître aux Hébreux utilise comme expression synonyme : «

evn toi/j ouvranoi/j » (He 8,1). 467

168 nuances telles que « plus puissant », « plus grand », « meilleur ». Concernant ce verset nous nous attacherons à détailler deux points. Le premier concerne la tension qui existe entre l’affirmation que le Fils est « empreinte » de la substance de Dieu et le fait qu’il devienne supérieur aux anges. Le second nous amènera à considérer le don du Nom et son rapport avec la création.

Le Fils est devenu (

geno,menoj

) au moment de son « exaltation »468 supérieur (

krei,ttwn

) aux anges. J.P. Meier469 souligne que certains commentaires traduisent «

geno,menoj

» par « se montrant lui-même » et évite ainsi l’opposition avec «

w'n

» au verset 3a . Les versets He 1,2-3 évoquent le Christ préexistant image parfaite de Dieu. Quant au verset 4, il mentionne la supériorité du Christ à partir du moment de son exaltation. L’apparente contradiction est, selon J.P. Meier, le résultat de deux lignes de traditions qui se sont rencontrées. La première a comme origine la littérature sapientielle d’où est issue l’idée du Christ préexistant. La seconde promeut une christologie où Jésus est proclamé Seigneur à partir de sa résurrection/ascension (Rm 1,4 ; Ac 2,34-36 ; 13,33 ; Ph 2,9-11). L’auteur de l’Épître ne semble pas avoir été préoccupé par cette apparente contradiction.

Le Fils hérite d’un nom qui est incomparable à celui des anges et de ce fait il possède une position plus haute que celle de tous les êtres. Dans la tradition hébraïque, le nom définit une personne, en même temps qu’il la désigne. Il exprime sa dignité et son rang. Il contient en quelque sorte l’ensemble des qualités, des aptitudes et du pouvoir dont est dotée la personne. Le nom résume toutes les grandeurs humaines et divines. Dans la réalisation de son dessein de Salut, Dieu a appelé certains hommes d’un nom nouveau. L’initiative divine produit un changement de patronyme. Curieusement, le nom en He 1,4 n’est pas dévoilé. Aussi pouvons-nous nous interroger sur sa portée, sur les qualités qu’il englobe et sur un lien éventuel avec la création.

Le contexte suggère que le Nom est probablement le titre de Fils470. Pour S. Bénétreau il n’y a pas de contradiction avec ce qui précède car le titre de Fils recouvre un sens nouveau qui prend en compte les évènements christologiques que sont l’incarnation et l’intronisation/exaltation. Les opposants à ce choix font remarquer qu’ailleurs dans l’Épître aux Hébreux le titre de Fils semble être permanent (He 1,2 ; He 3,6 ; He 5,8). Une possibilité serait alors de lire le verset 4 en fonction du chapitre 2. Le Fils qui est devenu pour un temps inférieur aux anges réassume son Nom471. Comme le Nom qui est au-dessus de tout n’est autre que le Nom de Dieu (Ph 2,10 ; Is 45,22-24), une interprétation serait de considérer que le Nom hérité par le Fils serait le Nom divin. Philon, (Confus 146) indique que le Logos en tant qu’intermédiaire principal a reçu le Nom de Dieu. Une autre solution pourrait être d’associer au Nom le titre de « Seigneur ». En effet, le verset fait allusion au Psaume 110 dont le premier verset « Parole du Seigneur à mon Seigneur » pourrait favoriser cette lecture. Cette interprétation peut être étayée par He 1,10 : « toi Seigneur tu fondas la terre ». La mention du Nom est le dernier mot de l’exorde qui est explicité dans la suite du chapitre.

468 La tradition qui renvoie au don du Nom au moment de l’exaltation se trouve dans d’autres textes chrétiens tel Ph 2,9-11.

469

MEIER, Structure and Theology in Heb 1,1-14, 185. 470

MEIER, Structure and Theology in Heb 1,1-14, 187 ; ATTRIDGE, Hebrews, 47.BÉNÉTREAU, Hébreux,

75.

471

169 Certaines traditions relient le Nom à la création qui est l’un des motifs abordés dans l’exorde. En 1 Hén 48,2-3.5, l’auteur évoque la proclamation d’un Nom avant la création du monde : « à cette heure, ce Fils d’homme fut appelé auprès du Seigneur des Esprits, et son nom (fut prononcé) en présence du Principe des jours. Avant que soient créés le soleil et les signes, avant que les astres du ciel soient faits, son nom a été proclamé par devant le Seigneur des Esprits » et devant celui dont le nom a été révélé « s’inclineront et se prosterneront tous les habitants de l’aride » (1 Hén 48,5). Quelques chapitres plus loin en Hén, 69,11-26 l’auteur imagine que Kasbe’êl, initiateur du pacte, a fait prêter serment aux anges par le Nom imprononçable de Dieu que seul Michel connaissait. Grâce au Nom et au pacte, le ciel a été suspendu avant la création du monde, la terre a été établie sur les eaux, les astres ont accompli leurs courses. La connaissance du Nom implique la connaissance du mystère suprême de la création.

Dans le troisième livre d’Hénoch472, au chapitre 11, Dieu révèle à Métatron

l’ensemble des secrets de la création. Puis au chapitre suivant, Métatron est revêtu d’une robe de gloire, sur sa tête est placée une couronne sertie de pierres précieuses et il reçoit le nom de « Yahvé, le jeune » car son nom est en Yahvé (3 Hén 12,5). Dans cet ouvrage, le pouvoir de Métatron s’étend sur l’ensemble de la création et les anges lui sont soumis.

S.D. Mackie473 évoque une autre hypothèse qui permet d’établir un lien entre le nom et la création. Pour lui, l’auteur de l’épître pourrait se référer au rituel du Yom Kippour où le Nom était acclamé. Or ce rituel avait comme objectif le renouvellement de la création. Le nom que reçoit le Fils témoignerait alors de son statut de grand-prêtre œuvrant au salut eschatologique.

L’héritage d’un nom est celui d’un titre. Nous avons souligné qu’il existe une tension entre la préexistence du Fils et la nouveauté de son statut après la session à la droite. Le Nom reçu renvoie à la supériorité sur les anges, à l’intervention en faveur de la création. Le don du Nom entraîne la seigneurie sur l’ensemble du cosmos et la connaissance du mystère de la création comme le suggère le passage d’Hénoch. Les versets suivants explicitent la suprématie du Fils.

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 169-171)