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La plus ancienne confession de foi au Christ médiateur de la création

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 47-49)

Dans une lettre à destination de Corinthe, écrite autour de l’année 54, Paul professe la foi chrétienne en un Dieu unique créateur et en un unique Seigneur par qui « toutes choses sont ». En 1 Co 8,6 Paul utilise le procédé formel, le jeu des prépositions des disputes philosophique sur le cosmos. Il est toutefois peu probable que sa vision de la création et du créateur soit celle des philosophes. Pour Paul comme pour les Juifs, Dieu ne se confond pas avec le cosmos et de ce fait l’Ancien Testament est la meilleure référence pour déterminer le sens du verset.

Les qualités du Christ et son rôle dans la création se déduisent de celles de Dieu le Père. À cause du contexte polythéiste du verset 1 Co 8,6, l'emphase n'est pas mise sur l'unité de la divinité (Dieu est un), bien que cela puisse en être déduit, mais sur l'unicité de Dieu (Dieu est unique). Le Dieu que les chrétiens désignent comme Père et Seigneur Jésus Christ est singulier par rapport à tous les autres que l’on nomme des dieux mais qui ne le sont pas. L’affirmation de l’unicité du Seigneur est marquée par le parallélisme du verset et par la conjonction « et ». Le Seigneur Jésus-Christ comme tel est unique car Dieu le Père est unique.

Le rôle du Christ se déduit du rôle du Père. Avec le Père, il participe à la création. Le Père est celui qui est à l’origine de la création. L’unique médiateur en est l’unique Seigneur : « Tout est par lui ». La finalité « nous » se trouve dans le Père et elle est atteinte au travers du Christ. Le passage de « toutes choses » à « nous » ne permet pas de supposer que Paul ait pensé à la réconciliation du cosmos dans son ensemble. Dans une interprétation non seulement chrétienne mais universaliste du pronom « nous » il est possible de considérer que c’est l’humanité tout entière qui est en marche vers le Père.

Dans un contexte polémique, le verset 1 Co 8,6 exprime un point de vue consensuel entre Paul et la communauté de Corinthe. Aussi avons-nous un témoin du milieu du premier siècle qui affirme que le Christ est l’unique médiateur de la création.

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Toutes choses créées « pour Lui »

2

(Col 1,15-20)

Dans la Première Lettre aux Corinthiens, Paul a proclamé le Christ médiateur de la création : « Toutes choses par lui » (1 Co 8,6). Le second passage qui, lors de notre définition du corpus, avait retenu notre attention se trouve dans l’Épître aux Colossiens (Col 1,15-20). Ce passage regroupe de nombreuses allusions à la création telles que des répétitions de «

ta. pa,nta

» (Col 1,16.17.20), des expressions signifiant création ou créatures comme «

kti,sewj

» (Col 1,15) ou «

evn toi/j ouvranoi/j kai. evpi. th/j gh/j

» (Col 1,16.20), des verbes indiquant l’action de créer (

kti,zw

) (Col 1,16) ou de soutenir la création (

suni,sthmi

) (Col 1,17). Ce premier constat nous indique déjà la richesse de la thématique cosmologique développée en Col 1,15-20. Dans l’étude qui suit nous nous attacherons entre autres à déterminer comment Col 1,15-20 enrichit la description de la relation du Christ à la création exposée en 1 Co 8,6.

Une première lecture de Col 1,15-20 laisse apparaître deux unités développant chacune un thème à savoir le Christ médiateur dans l’ordre de la création, puis le Christ médiateur dans l’ordre du salut. Cette double thématique étant liée, et bien que la présente étude concerne le rapport du Christ à la création originelle, il nous semble nécessaire d’analyser l’ensemble du passage. Nous le situerons dans son contexte littéraire, puis nous proposerons une traduction et un plan. Nous analyserons ensuite comment l’auteur aborde le rôle du Christ dans la création ainsi que les prérogatives qu’il lui attribue. Col 1,15-20 a été introduit à dessein dans une lettre à destination d’une communauté précise. Aussi dans une dernière étape nous examinerons son application au reste de l’épître.

L’Épître aux Colossiens : contexte d’écriture

Colosses, ville d’Asie Mineure, située dans la vallée du Lycus, n’a pas été évangélisée par Paul lui-même (Col 2,1). Mais il est probable qu’il y avait envoyé une mission, alors que lui-même séjournait à Éphèse. Cette relation indirecte avec Paul est confirmée par le fait qu’un de leurs compatriotes, Épaphras, qui leur avait enseigné la vérité, est maintenant avec Paul (Col 1, 6-7; 4, 12-13).

Depuis le début du XIXème siècle, l’attribution de l’épître à Paul est contestée. Les discussions des exégètes portent sur divers aspects : le vocabulaire et le style diffèrent sensiblement des autres écrits pauliniens ; la christologie met l’accent sur la création par le Christ et sur la prééminence de celui-ci ; l’ecclésiologie opère un glissement de la communauté locale à une Église faisant partie de l’accomplissement du Christ ; l’eschatologie réalisée semble dominer. En 1997, R.E. Brown105

résume le problème de la

105

BROWN, R.E., Que sait-on du Nouveau Testament ? , Bayard, Paris, 2000, 650. Pour un résumé de la question voir également ALETTI, J.-N., Saint Paul Epître aux Colossiens. Introduction, traduction et

commentaire, Gabalda, Paris, 1993, 22-31 et FURTER, D., Les Épîtres de Paul aux Colossiens et à Philémon, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1988, 28-37.

47 datation ainsi : l’épître aux Colossiens date « si elle est de Paul (ou de Timothée, du vivant de Paul ou juste après sa mort) des années 61-63 (ou un peu plus tard) depuis Rome, ou des années 54-56 depuis Éphèse. Si elle est pseudonyme (avis d'environ 60 % des spécialistes), dans les années 80, depuis Éphèse ». Pour donner un aperçu des arguments en faveur de l’une ou de l’autre hypothèse nous citerons J. Dunn et V. Pizzuto. Selon J. Dunn106, les techniques rhétoriques employées dans l’Épître aux Colossiens sont très éloignées des procédés des lettres pauliniennes et la christologie a évolué. Cependant, il note que Col 4,7-17 s’explique difficilement si le texte a été écrit une dizaine d’années après la mort de Paul. Aussi opte-t-il en définitif pour une rédaction dans les années 60, soit du vivant de Paul, par un disciple autorisé à écrire au nom de l’apôtre, soit juste après sa mort par un disciple se réclamant de l’autorité de Paul. Après avoir présenté différentes positions exégétiques concernant la question de l’auteur de Colossiens, V. Pizzuto107 propose à son

tour une hypothèse selon laquelle l’épître aurait été destinée à la cité de Laodicée ou serait une lettre circulaire. Selon lui, elle aurait été rédigée au moins une dizaine d’années après le tremblement de terre qui a secoué toute la région en 61. En effet, après un tel désastre, quelques années auraient été nécessaires pour qu’une communauté chrétienne se reconstitue.

Comme nous ne sommes pas spécialiste de l’Épître aux Colossiens, il nous est difficile de décider pour l’une ou l’autre date. Aussi nous retiendrons l’hypothèse de la pseudonymie et les années 80 comme la majorité des commentateurs cités par R.E. Brown108.

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 47-49)