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Le Christ remplit toutes choses (Ep 4,10)

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 124-130)

3.3.1 « Les hauts cieux »

3.3.2 Le dépassement des limites du cosmos

3.3.2.2 Le Christ remplit toutes choses (Ep 4,10)

Le Christ triomphe de ses ennemis et se meut dans le cosmos, tel est le propos des versets Ep 4,8-10. Dans un déplacement vertical, il monte (vv. 8.9.10) et descend (vv. 9.10) entre le ciel et la terre. Cette péricope fait suite à un ensemble de versets qui énoncent l’unité du Corps, de l’Esprit, du Seigneur et de Dieu le Père « qui est au-dessus de tous, par tous et en tous ». Les versets (vv 8-10), reproduits ci-dessous, exposent la façon dont le Christ prend possession du monde.

8

9

10

dio. le,gei\ avnaba.j eivj u[yoj hv|cmalw,teusen aivcmalwsi,an( e;dwken do,mata toi/j avnqrw,poijÅ

to. de. avne,bh ti, evstin( eiv mh. o[ti kai. kate,bh331 eivj ta. katw,tera Îme,rhÐ332 th/j gh/jÈ

o` kataba.j auvto,j evstin kai. o` avnaba.j u`pera,nw pa,ntwn tw/n ouvranw/n( i[na plhrw,sh| ta. pa,ntaÅ

8

9

10

C'est pourquoi il [est]333 dit : étant monté vers la hauteur il a capturé des captifs, il a donné des dons aux hommes.

" Il est monté ", qu'est-ce à dire, sinon qu'il est aussi descendu, dans les régions inférieures de la terre ?

Celui qui est descendu est le même aussi qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses.

La référence à l’Écriture est un renvoi au psaume Ps 68,18 (Ps 67,19 LXX) qui célèbre le cortège triomphal de Yahvé montant victorieux vers sa montagne, suivi par les prisonniers et les trésors de guerre. En fait, le verset n’est pas une citation exacte du psaume : « Tu es monté sur la hauteur; tu as fait des prisonniers, tu as pris des dons parmi les hommes »334 (TOB). Plusieurs modifications ont été apportées. Éphésiens place le Christ et non Yahvé comme sujet des verbes. Ensuite, le verbe « tu es monté » est transformé en participe « étant monté ». La transformation majeure consiste à choisir l’une des acceptions possible de «

lamba,nw

» à savoir le verbe «

di,dwmi

» (donner). Les versets 9 et 10 s’apparentent à des formulations midrashiques et expliquent la signification du verbe

331

Certains manuscrit ajoutent « prw/ton » (préalablement) après « il est descendu ». Il est omis par P46, X*, A, C*, D, F, G et attesté par X2, B, C3,

Y..

332

« me,rh » est omis par P46, D*, F, G et attesté par X, A, B, C, D2 ,I,

Y

33. Nous reproduisons le choix de Nestle-Aland.

333 Nous sommes en présence d’une citation de l’Écriture que la traduction littérale « il dit » ne permet pas de rendre clairement, d’où notre choix de traduction « il est dit ». J.-N. Aletti a choisi de remplacer « il » par « l’Écriture » (ALETTI, Éphésiens, 204) et la BJ traduit par « on dit ».

334

Ps 68,18 : « avne,bhj eivj u[yoj hv|cmalw,teusaj aivcmalwsi,an e;labej do,mata evn avnqrw,pw| kai. ga.r

123 « monter » et ses conséquences. Le texte affirme que le Christ est non seulement monté (v. 9) mais qu'il est descendu (v. 10). Les deux verbes « monter » et « descendre » sont précisés par des lieux. Il est monté « vers la hauteur » (v. 8) et « au-dessus de tous les cieux » (v. 10), et il est descendu « au plus bas de la terre » (v. 9).

Comme nous l’avons mentionné le verset 9 possède deux variantes de lecture qui ont leur importance dans l’interprétation de ce verset. Certains manuscrits ajoutent «

prw/ton

» (préalablement) après « il est descendu » et certains omettent «

me,rh

» (partie). Si on retient «

me,rh

» on peut traduire « les régions les plus inférieures » de la terre. La montée a été interprétée de manière consensuelle comme l’ascension ou l’exaltation du Christ décrite en Ep 1,20-22. Les avis sont cependant partagés quant à la descente mentionnée ici. S'agit-il de la descente de l’Esprit à la Pentecôte335, de la descente aux

enfers, de la mise au tombeau avant la résurrection ou encore de l'incarnation? Nous évoquerons les différentes hypothèses pour tenter de déterminer la manière dont le Christ est présent à l’univers.

Une hypothèse, défendue par W. H. Harris, associe la descente du Christ à celle de l'Esprit Saint à la Pentecôte. Le point de départ de sa démonstration est la tradition targumique qui relie le Ps 68 à Moïse qui monte au ciel pour y recevoir la Torah. Cette tradition effectue la même transformation du verbe « prendre » en « donner ». En effet on lit dans le Targum des psaumes336 : « Tu es monté au ciel, ô Moïse, le prophète, tu as tenu la captivité captive, tu as enseigné les paroles de la Loi, tu as donné des dons aux fils des hommes ». Ce texte, nettement postérieur337 à l’Épître aux Éphésiens, pourrait cependant se référer à une tradition plus ancienne. W.H. Harris évoque ensuite la fête juive des Semaines (Pentecôte) qui après Pâque célébrait le don de la Loi338, d’où une relation possible avec TgPss 68. De là s’intéressant à la première Pentecôte chrétienne, il tente d’établir une connexion entre le Ps 68 et le don de l’Esprit en Ac 2,32-34339. Il suggère ensuite de lire Ep 4

comme un texte polémique mettant face à face Moïse qui descend du Sinaï pour donner la Loi et le Christ identifié à l’Esprit qui donne des dons à l’Église340 (v. 11). La phrase «

ta.

katw,tera Îme,rhÐ th/j gh/j

» est lue comme un génitif d’apposition et peut alors être traduite par « les régions inférieures, la terre ». Cette hypothèse est peu suivie. En effet les arguments montrant la connexion avec le Livre des Actes sont peu convaincants. De plus l’Épître aux Éphésiens ne comporte aucune polémique vis-à-vis de Moïse, et bien que le Christ et l’Esprit participent à la même tâche, ils ne peuvent être identifiés.

335

Pour un état de la question voir HARRIS, W. H., The descent of Christ : Ephesians 4:7-11 and

traditional Hebrew imagery, (Arbeiten zur Geschichte des Antiken Judentums und des Urchristentums ; 32), E.J.

Brill, Leiden, 1996, 46-63. 336

http://targum.info/pss – TgPss 68,19.

337 La date de composition du Targum des psaumes est incertaine. Les propositions s’échelonnent entre le IVème et le VIème siècle.

338 Les preuves de l’existence de cette fête et son objet (célébration du don de la Loi ou fête agricole) au premier siècle sont discutées.

339

HARRIS, The descent of Christ, 159-169. Il met en avant la présence d’un vocabulaire proche avec

« u`yo,w » et « lamba,nw » avec le Ps 68. 340

HARRIS, The descent of Christ, 170-212. Dans la prière Ep 3,14-21 le Christ et l’Esprit sont mentionnés dans une même phrase. L’auteur demande que le croyant reçoive la puissance par l’Esprit et que le Christ habite son cœur.

124 Pour certains, le verset 9 est une allusion à la descente aux enfers. Avec des nuances cette interprétation, déjà connue dès les premiers siècles en référence au Christ ayant passé par le séjour des morts avant sa résurrection, a été défendue par C.E Arnold (1989), J.L. Kreitzer (1998 et 2007), T.G. Gombis (2005).

Dans son explication, C.E. Arnold341 retient que l’emploi du Ps 68 établit le triomphe du Christ. Selon lui, à partir du contexte hellénistique, il faut considérer que l’expression «

ta.

katw,tera Îme,rhÐ th/j gh/j

» désigne l’Hadès. Le monde souterrain, peuplé de divinités, est un endroit très redouté par la population d’Asie Mineure, comme en témoignent les références à des inscriptions sur les pierres tombales. Dans la croyance populaire de la région, les déesses Artémis, Hécate342, Selênê étaient les seules sources sur lesquelles on pouvait compter pour remédier à la peur de l’Hadès. Ep 4,8-10 peut donc être perçu comme une preuve supplémentaire de la suprématie du Christ sur tous les « pouvoirs » du mal puisque sont également incluses les divinités du monde souterrain. Le verset souligne la suprématie du Christ cosmique de manière renouvelée. Le Christ n'est pas seulement supérieur aux forces qui peuplent le ciel, mais également supérieur aux divinités effrayantes qui peuplent les mondes souterrains.

L’ouvrage343 « Hierapolis in the heavens, studies in the letter to the Ephesians » de

L.J. Kreitzer défend la thèse que l’Épître aux Éphésiens serait destinée à une communauté située dans la ville d’Hiérapolis, proche de Colosses. Dans ce contexte, Ep 4,8-10 pourraient être une référence voilée à une petite caverne dédiée à Pluton considérée comme un passage vers le royaume des morts. La description du Christ descendu aux enfers puis monté au-dessus des cieux, serait l’expression de sa conquête des forces de la mort. Pour étayer sa théorie, L.J. Kreitzer s’appuie sur des pièces de monnaies d’Hiérapolis qui illustrent l'enlèvement de Perséphone, fille de Déméter connue également sous le nom de Korê, par Hadès, le dieu des enfers, et qui présentent l’entrée du royaume des morts. Les différents mythes révèlent l’existence de plusieurs cavernes qui servaient d’entrée vers le monde souterrain. Les rites d'Éleusis célébraient le passage de la tristesse à la joie. La tristesse de Déméter d'être séparée de Perséphone se transforme en bonheur d'être réunie avec sa fille Perséphone lorsqu’elle remonte de l'enfer. Il n’est alors pas difficile d’établir une sorte de parallèle avec la résurrection du Christ d'entre les morts. Ainsi, pour L.J. Kreitzer, Ep 4,8-10 ferait référence à Jésus-Christ qui descend dans les « parties les plus basses de la terre » et serait une allusion délibérée à la porte d’entrée du royaume des morts d’Hiérapolis. Le message chrétien transcenderait l'expression locale du culte de Déméter et de Perséphone. Ce passage affirmerait la puissance du Seigneur qui détient les clés de la vie et de la mort.

T.G. Gombis344, dans un article récent, rapproche également la descente du Christ et la mise au tombeau. Son argumentation ne s’appuie cependant pas sur l’archéologie. Il prend comme point de départ le problème soulevé par la transformation du verbe

341

ARNOLD, Ephesians: Power and Magic, 57-58.

342 Hécate possède les clés de l’Hadès. En Ap 1,18 le Christ est celui qui détient « les clés de l'Hadès ».

343

KREITZER, L. J., « The Plutonium of Hierapolis and the Descent of Christ into the 'Lowermost Parts of the Earth (Ephesians 4,9)», BSW 79, 1998, 381-393 ; KREITZER, L. J., Hierapolis in the heavens: studies in the

letter to the Ephesians, - (Library of New Testament studies ; 368), T & T Clark, London, 2007.

344

GOMBIS, T. G., Cosmic Lordship and Divine Gift-Giving: Psalm 68 in Ephesians 4:8 , (NT 47/4), Brill, Leiden, 2005, 367-380.

125 « prendre » en « donner » et note que le motif du don tient une place importante dans le chapitre 4. Sa démarche consiste à prendre la citation du Psaume 68 comme une allusion à la totalité du psaume qui retrace la victoire de Dieu. La métaphore de la guerre entre divinités était très connue dans le Proche Orient ancien. Le modèle est alors le suivant. Lorsque des divinités sont engagées dans un conflit, le vainqueur possède le droit de construire un temple où son peuple viendra le célébrer. Lors de ses victoires sur le cosmos comme dans le Psaume 29, Yahvé donne la puissance à son peuple et le bénit (v. 11). Le Psaume 68, cité en Ep 4,8, célèbre Yahvé comme le Divin conquérant, et utilise le modèle de la guerre divine. Après sa victoire il reçoit hommage de son peuple (v. 27) et lui donne force et puissance (v. 35). Le même mouvement se trouve dans Éphésiens où le Christ triomphe des « Puissances ». L’Épître aux Éphésiens comporte les éléments essentiels des mythologies de combats célestes, à savoir les mentions de conflit, de victoire, de royauté, de procession, de célébrations, de construction d’un temple. Aussi en Ep 4,8 le Christ, grâce à l’allusion au psaume, est dépeint comme un guerrier cosmique victorieux des puissances, qui après son accession au trône donne des cadeaux à son peuple. Après l’explication de la présence du motif du don en Ep 4,8, T.G. Gombis, s’attache à décrypter l’expression «

ta.

katw,tera Îme,rhÐ th/j gh/j

» qu’il rattache à la mise au tombeau. Il s’appuie sur le fait qu’en Ep 2,13-16, la mort du Christ signifie la victoire sur la haine. La division entre les Juifs et les nations a été abolie par le sang de la Croix. La réponse à la question du verset 9 est que le Christ a le droit de monter sur son trône et de bénir son peuple avec des dons car il a triomphé de ses ennemis par sa mort. Au verset 10, l’opposition monter/descendre rejoint le motif de l’humiliation/exaltation développée dans Ph 2,6-11345. Le verset 10 précise d’ailleurs

l’exaltation puisqu’il est monté au-dessus de tous les cieux. Avec la citation du Ps 68, l’auteur de l’épître emploie la même image pour le Christ que celle utilisée dans l’Ancien Testament pour Yahvé le Dieu d’Israël. Il fait ainsi entrer Christ dans l’identité du Dieu unique. L’intérêt du développement de T.G. Gombis se trouve dans sa discussion sur le combat divin qu’il associe à un combat cosmique. Son explication pour rattacher «

ta.

katw,tera Îme,rhÐ th/j gh/j

» à la mise au tombeau est moins convaincante.

345

Ph 2,6-11 a donné lieu à des interprétations variées. La question qui rejoint notre propos est de savoir si les versets 6 et 7 (« Lui, de condition divine, ne retient pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme (…) ») mentionnent ou non l’incarnation et sous-entendent ou non la pré-existence. Les deux interprétations trouvent leurs défenseurs. Par exemple, R.-M. Morlet (Morlet, R.-M., L'Épître de Paul aux

Philippiens, Édifac, Vaux-sur-Seine, 1985 ; voir également Fee, G. D., Paul's Letter to the Philippians, William B.

Eerdmans Publishing Company, Grand Rapids, 1995) défend l’hypothèse de l’incarnation. De plus, il souligne que l’emploi du participe présent dans la proposition « evn morfh/| qeou/ u`pa,rcwn » indique une chose qui persiste, ce qui constituerait donc un argument solide en faveur de la préexistence (99). Quant au terme « morfh, » R. -M. lui donne le sens de « condition ». Le statut divin du Christ n’est pas un obstacle à sa volonté de service. L’humanité de Jésus est soulignée avec insistance au verset 7 et la kénose équivaut à l’incarnation. Selon J.-N Aletti (Aletti, J.-N., Saint Paul, épître aux Philippiens / introduction, traduction et commentaire, J. Gabalda, Paris, 2005), par contre, ces versets ne sont pas une allusion à l’incarnation. Il les interprète comme une référence à l'itinéraire du Christ incarné, lequel, ayant renoncé à la seigneurie et à la gloire qu'il pouvait revendiquer de par sa condition divine, s'est humilié et a vécu dans une attitude de totale obéissance, jusqu'à endurer la mort en croix (p.153). L’arrière-plan de ces versets serait alors à chercher dans la figure du serviteur souffrant. Un argument contre l’idée d’incarnation se trouve dans l’invitation du verset 5 qui vise à donner le Christ en exemple aux croyants et qui ne serait pas pertinente dans le contexte de l’incarnation.

126 Les trois argumentations précédentes ont, avec des approches différentes, interprété la descente du Christ comme une descente au séjour des morts. Il n’est pas évident de voir en quoi la descente au séjour des morts ajouterait quelque chose d'essentiel à l'argumentation. J.-N. Aletti346, sans prendre totalement parti, avance l’idée que l’allusion à une descente aux enfers n’est pas complètement aberrante car Rm 10,7 et 1P 3,19 y font allusion. De plus, l’insistance de l’auteur d’Éphésiens, avec l’emploi de «

kai

, », pourrait renvoyer à une incursion dans le royaume d’Hadès. Avec M. Bouttier, nous pensons cependant que les représentations qui découlent d’une descente aux enfers ne sont alors pas cohérentes avec la cosmologie essentiellement binaire (les cieux et la terre) et non tripartite (la terre, ce qui est en dessous, ce qui est au-dessus) de l’épître347.

Aujourd'hui, la majorité des exégètes interprètent la descente comme l'incarnation. Le génitif «

th/j gh/j

» est explicatif, et si l'on retient la variante «

me,rh

», on peut traduire par « les régions inférieures, la terre »348. L’opposition ciel/terre est ainsi mise en relief. Dans le développement Ep 4,9-10, la montée est citée avant la descente. En d’autres termes, ce qui est premier c’est l’exaltation et non l’incarnation. L’insistance est sur l’identité ; celui qui monte est le même que celui qui descend349.

L’ascension n’est pas une désertion, car c’est par ce double mouvement descente/montée que le Christ remplit l’univers. Il parcourt l’espace entre le plus haut du ciel et les régions inférieures de la terre afin de «

plhrw,sh| ta. pa,nta

» (Ep 4,10). L'explication du psaume a rejoint l'énoncé de la récapitulation (Ep 1, 9-10). Toutefois, c'est désormais le Christ qui opère personnellement. « Tout remplir » retentit comme un cri triomphal, celui de l’accomplissement victorieux. Dans Éphésiens le langage qui célèbre l’évènement messianique emprunte désormais aux catégories de l’espace. La pénétration du monde créé lui est dévolue jusqu'à cette hauteur qui domine les cieux les plus élevés. Rien n’échappe à sa présence. « Visité par lui le créé reçoit ainsi sa vocation pleine et ultime, l’espérance de sa propre glorification »350. Le Christ remplit l’univers par un mouvement dynamique et l’allusion au Ps 68 accentue l’idée de triomphe. Par cet acte, il est comparable à Yahvé dans l’Ancien Testament.

Le Christ est celui « qui remplit tout en tous » (Ep 1,23) et qui monte et descend afin de « remplir l’univers » (Ep 4,9-10). À deux reprises l’auteur présente le Christ qui prend possession du cosmos, raison pour laquelle nous avons regroupé l’étude de ces deux versets. Cependant, au chapitre 3, un autre passage introduit une comparaison du Christ et de l’univers. 346 ALETTI, Éphésiens, 217. 347 BOUTTIER, Éphésiens, 182. 348

REYNIER, Éphésiens, 130 ; BOUTTIER, Éphésiens, 182 ; O’BRIEN, Ephesians, 296 ; LINCOLN,

Ephesians, 245.

349

Un verset du Quatrième Évangile présente la même séquence des verbes « monter » et « descendre » : « Nul n'est monté au ciel, hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'homme » (Jn 3,13). Le débat, pour ce verset se porte sur le terme « monter ». « Descendre » fait référence à l’incarnation.

350

127 3.3.2.3 L’amour du Christ aux dimensions cosmiques

La prière du chapitre 3 (Ep 3,14-21) évalue l’amour du Christ à la mesure de l’immensité de l’univers. Le passage Ep 3,14-21 commence par une adresse (14-15) au Père. Aux versets suivants (16-19), la requête progresse afin que s’affermisse l’homme intérieur (v.16), que le Christ habite les cœurs (v. 17), que les chrétiens aient la force de comprendre et de connaître l’amour (vv. 18-19) et d’être ainsi remplis de Dieu. La prière se conclut par une doxologie (20-21). Les versets 14 à 19 forment en grec une seule et même phrase. Aussi certaines traductions françaises se permettent de mettre un point après le verset 17 et traduisent «

i[na

» par « Ainsi ». Nous suivrons ce principe car notre intérêt se porte sur les versets 18 et 19, reproduits ci-dessous, dans lesquels l’auteur mesure l’amour du Christ à l’aune de l’univers.

18

19

i[na evxiscu,shte katalabe,sqai su.n pa/sin toi/j a`gi,oij ti, to. pla,toj kai. mh/koj kai. u[yoj kai. ba,qoj(

gnw/nai, te th.n u`perba,llousan th/j gnw,sewj avga,phn tou/ Cristou/( i[na plhrwqh/te eivj pa/n to. plh,rwma tou/ qeou/Å

18

19

Ainsi vous recevrez351 la force de

comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur,

et [de] connaître l'amour de Christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez comblés jusqu'à toute la plénitude de Dieu.

Pour cette description de l’amour du Christ, l’auteur adopte une série de termes énigmatiques : « largeur », « longueur », « hauteur et profondeur »352. Ces termes sont d’origine grecque. Les auteurs de l’Ancien Testament, selon les traditions du Proche Orient ancien, utilisaient des dénominations de lieu - le ciel et la terre ou la terre et la mer - pour désigner la totalité du monde. Le texte d’Éphésiens ne précise pas ce que ces dimensions mesurent, mais ce ne sont pas les trois dimensions utilisées habituellement. L’emploi de ces termes laisse supposer que l’auteur de l’épître considère l’univers comme une sphère. L’observateur se situe au centre de celle-ci. La longueur et la largeur représentent les dimensions horizontales. La hauteur est la dimension de l’univers visible ; quant à la profondeur elle renvoie à l’univers invisible353. Les quatre dimensions englobent donc la création dans sa totalité et soulignent l’immensité de l’univers.

Comme dans d’autres textes, l’intérêt de ces dimensions tient dans le fait qu’elles ne sont pas mesurables, ce qui rejoint plusieurs passages de la littérature sapientielle,

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