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L’hommage des anges au Fils (He 1,5-6)

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 172-175)

Le Seigneur qui fonda le monde (He 1,10)

4.1 Le motif du Fils et la création dans l’Épître (He 1,2.3.10)

4.2.2 Dieu parle à son Fils maître de la création (He 1,5-14)

4.2.2.1 L’hommage des anges au Fils (He 1,5-6)

L’unité (5-6) approfondit le motif introduit en He 1,4 de la supériorité du Fils sur les anges. Ces versets concernent l’établissement d’une relation souhaitée par le Père entre lui et son Fils. Une des conséquences est l’ordre donné aux anges d’adorer le Fils.

Pour introduire son propos l’auteur de l’épître pose une question rhétorique « Auquel des anges a-t-il jamais dit ? » (v.5). La

réponse est supposée être négative puisque Dieu n’a jamais appelé un ange son Fils. Mais dans l’Ancien Testament, occasionnellement, les êtres célestes sont appelés fils de Dieu (Gn 6,2 ; Ps 28,1 ; Ps 88,7). La LXX traduit parfois « fils de Dieu » par « anges de Dieu » (Jb 1,6 ; 2,1 ; 38,7 ; Dn 3,25). Cependant dans l’Écriture, l’expression « fils de Dieu » est toujours au pluriel. Aucun ange en tant qu’individu n’est appelé Fils de Dieu.

La réponse à la question rhétorique de He 1,5 donne à entendre que c’est Dieu qui parle

et que les textes choisis par l’auteur s’appliquent au Fils. Aucune proclamation de ce type n’a jamais été faite pour les anges. Le verset 5, avec deux citations, aborde le motif de la filiation et de la paternité. La première citation est un extrait du Psaume 2 : « Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré » (Ps 2,7). La seconde « Je serai pour lui un père, et lui sera

Auquel des anges, en effet, a-t-il jamais dit : Tu es mon Fils,

moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Et encore :

Moi, je serai pour lui un père, et lui sera pour moi un fils. Et de nouveau, lorsqu'il introduit le Premier-né dans le monde, il dit : Et que tous les anges de Dieu l'adorent.

171 pour moi un fils » (2 S 7,14)474 provient d’un oracle prononcé par le prophète Nathan. Le Psaume 2 est généralement considéré comme un psaume royal475 dans lequel Yahvé promet au roi, nouvellement intronisé, toutes les nations de la terre en héritage (Ps 2,8). Le texte propose une validation du titre de Fils employé dans l’exorde. Mais la proposition « moi, aujourd'hui, je t'ai engendré » (v. 5) provoque une tension par rapport à l’existence du Fils de toute éternité et soulève la question de l’interprétation de l’aujourd’hui de l’engendrement divin. En effet, l’auteur semble faire référence à un évènement important qui, selon différentes hypothèses, pourrait être une référence à la génération éternelle du Verbe, à l’incarnation, au baptême, à la transfiguration, à la résurrection ou à l’intronisation476. Si l’on

considère l’hypothèse de l’incarnation et que l’on désire maintenir la notion de préexistence, la proposition pourrait se lire « celui qui va devenir Fils ». L’interprétation de l’évènement comme intronisation-exaltation477 semble la plus probable dans le contexte de ce chapitre. Il faudrait alors y voir l’engendrement, comme la reconnaissance définitive du statut de Fils478.

La seconde citation 2 S 7,14 (v. 5b), oracle de Nathan à David, évoque la maison ou la dynastie que Dieu va établir à jamais (2 S 7,16). Le passage du livre de Samuel rassemble dans sa forme et dans son contenu les éléments établissant l’alliance entre Dieu et son peuple. Il n’est donc pas surprenant que la promesse faite à David ait été comprise comme l’annonce d’un roi-messie. Les deux psaumes mentionnés par l’auteur de l’Épître aux Hébreux ont connu une lecture messianique dans les milieux juifs479 (Ps Sal 17,4 ; 4QFlor 1,1-13). Le verset 5 comporte l’unique mention du terme « Père » en lien avec le Christ dans l’Épître aux Hébreux. Le verset He 1,5 a établi une relation filiale entre le Fils et Dieu dans un contexte qui met en jeu l’ensemble des forces du cosmos.

L’auteur poursuit sa démonstration de la supériorité du Fils par l’évocation de l’introduction du Fils premier-né480 dans le monde. Le terme «

prwto,tokoj

» renvoie à la

qualité d’excellence du Fils. Il est le premier-né car il existe avant la création et toute la création est son héritage. Ce titre est donné à David dans le Psaume 89,27 lorsqu’il est proclamé le plus grand roi de toute la terre. À nouveau se pose la question de savoir quel est l’événement visé ici. Les chercheurs ont proposé le baptême481, l’incarnation, la parousie ou

l’exaltation. Les interprétations divergent en fonction du rôle attribué à l'adverbe « pa,lin » et

474

Le verset 5b pourrait également être une citation de 1 Ch 17,13.

475

ELLINGWORTH, The Epistle to the Hebrews, 111.

476 Pour la liste des auteurs partisans de l’une ou l’autre interpretation voir : E

LLINGWORTH, The Epistle

to the Hebrews, 113.

477

Voir également Ac 13,32 ; Rm 1,3-4. La même analyse a été faite par C.R. Koester (KOESTER,

HEBREWS, 191) ; ATTRIDGE, Hebrews, 45 ; MEIER, Symmetry, 105.

478 L’auteur utilise des matériaux provenant de traditions différentes qui ne peuvent s’intégrer facilement. De plus, dans ce chapitre, son objectif n’est pas de développer une christologie cohérente mais de démontrer la supériorité du Christ sur les anges pour le présent et le futur. Le modèle qui associe préexistence, incarnation, exaltation est supposé en He 2,8-11 ; 10,5 et des allusions à l’éternité du Fils se lisent en 7,3 ; 11,26 et 13,3.

479

ELLINGWORTH, The Epistle to the Hebrews, 111. 480

Cf. 70. 481

Pour des arguments en faveur du baptême voir : BATEMAN, H.W., Early Jewish Hermeneutics and

Hebrews 1:5-13 : The Impact of Early Jewish Exegesis on the Interpretation of a Significant New Testament Passage, Peter Lang, New York, 1997, 222.

172 de la portée du substantif « oivkoume,nh ». Lorsque « pa,lin » est associé à la particule «

de,

» il peut prendre le sens adversatif de « par contre » et porter sur l’ensemble de la phrase ou signifier « à nouveau ». Dans ce dernier cas la proposition devrait se lire : « lorsque Dieu introduisit une nouvelle fois le premier-né » et ferait ainsi référence à la parousie. Une référence482 à la parousie s'harmonise mal avec le contexte. De plus, « pa,lin » dans l’Épître aux Hébreux est une manière commune d’introduire les citations bibliques (He 1,5 ; 2,13 ; 4,5 ; 10,30). Aussi, malgré l'ordre inhabituel des mots il est préférable de conserver à « pa,lin » son rôle d’intermédiaire. Il n’est donc pas possible de s’appuyer sur « pa,lin » pour déterminer l’évènement dont il question dans ce verset. La décision finale dépend du sens retenu pour «

oivkoume,nh

» et du contexte. «

oivkoume,nh

» peut signifier « univers », « monde », « humanité », « royaume ». Il ne se rapporte pas nécessairement au monde visible, mais peut renvoyer à la vie humaine organisée ou à l’Empire Romain. Pour ceux qui associent « monde habité » à «

oivkoume,nh

»483, l’évènement dont il est fait mention dans ce verset est l’incarnation qui représente le temps pendant lequel le Fils a été un moment inférieur aux anges. Le choix de l’incarnation a pour conséquence de mettre en évidence un lien supplémentaire avec l’exorde où l’auteur mentionne la purification des péchés. Mais l’emploi de citations relatives à l’exaltation dans le contexte de l’incarnation est peu probable. En He 2,5, «

oivkoume,nh

» est associé à l’expression « à venir » et devient une appellation du monde futur qui sera soumis au Christ. Il est raisonnable de penser que c'est ce monde parfaitement organisé qui est déjà visé en He 1,6. L’évènement dont il est question est l'accès du Fils à la gloire céleste lors de son intronisation-exaltation. La mention de psaumes royaux au verset 5 et l’adoration des anges semblent également favoriser l’interprétation intronisation-exaltation484.

Suite à l’intronisation du Fils, les anges reçoivent l’ordre d’adorer le Fils (

proskunhsa,twsan auvtw/| pa,ntej a;ggeloi qeou/

). La source de ce passage est incertaine. Les deux textes les plus fréquemment cités sont Dt 32,43b (LXX)485 et Ps 97,7486. Le Psaume 97 (LXX 96) a plusieurs points de contact avec l’Épître aux Hébreux. Il décrit le règne du Seigneur sur le monde («

oivkoume,nh

» Ps 97,4 ; He 1,6a) au moyen de métaphores atmosphériques évoquées dans le verset He 12,18. Bien que non mentionné dans l’Épître, P. Ellingworth487 préfère retenir comme source du verset 6 le verset Dt 32,43b dans une forme non attestée mais à laquelle 4QDt donne un support indirect. Il établit une relation entre l’exaltation du Christ et l’entrée dans la terre promise. Dans la LXX, les trois quarts des occurrences de «

proskune,w

»488 (adorer) sont employées pour qualifier l’adoration du vrai Dieu ou des idoles. Les anges rendent au Christ un honneur réservé à Dieu seul. L’auteur

482 BÉNÉTREAU, Hébreux, 82. 483 ATTRIDGE, Hebrews, 56. 484

Selon F. Bruce, l’« oivkoume,nh » peut représenter le monde céleste de l’Apocalypse où l’Agneau apparaît devant les êtres célestes et où il reçoit les honneurs équivalents à ceux réservés à Dieu (BRUCE, The

Epistle to the Hebrews,17). J.P. Meier penche également pour le monde à venir. Il s’appuie sur l’influence du Platonisme Moyen sur l’auteur et sur le fait que, lorsque l’auteur de l’Épître veut désigner le monde créé, il emploie le terme « ko,smoj » (He 10,5). MEIER, Symmetry,507.

485

Le verset 43b est absent du texte Massorétique. 486

Voir également Odes 2,43b (kai. proskunhsa,twsan auvtw/| pa,ntej oi` a;ggeloi qeou). 487

ELLINGWORTH, The Epistle to the Hebrews, 118-119. 488

173 précise que ce sont tous (

pa,ntej

) les anges qui adorent le Fils (Ap 5,8-10 ; Asc Is, 11,23-25). L’ordre divin n’atteste pas seulement de la subordination des anges envers Dieu mais également de leur subordination au Fils. L’ordre vient de Dieu mais c’est pour enjoindre aux êtres célestes de rendre hommage au premier-né.

Dans le document Le Christ, Parole créatrice (Page 172-175)