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L E LITTORAL DU L IBAN NORD : E NFEH ET B YBLOS

B RONZE EVANESCENTE

Dans le cadre du projet Liban-nord (Ministère des Affaires Etrangères et de la Diplomatie), une mission archéologique franco-libanaise travaille à Enfeh depuis

450 Au sens de la moitié nord du Liban côtier, de Byblos au Nahr el-Kebir, et non du gouvernorat. 451 Moran 1987.

2013, sous la direction de Dominique Parayre puis Martin Sauvage (UMR 7041 ArScAn – VEPMO) et Nadine Panayot-Haroun (Université de Balamand, Liban- nord)452. Les travaux français se sont concentrés sur la recherche de niveaux de l’âge

du Bronze, en débutant par des prospections systématiques permettant d’évaluer le potentiel archéologique et l’amplitude chronologique de l’occupation et de ses abords (Figure 65)453. Dès 2014, les sondages ont révélé plusieurs installations médiévales et

modernes (citernes et bâtiments, et même salines du XXe siècle). L’installation de

l’âge du Bronze, et principalement du IIIe millénaire, a été mise en évidence par le

biais d’un assemblage céramique typique, présent en proportions résiduelles au sein d’un ensemble plus récent provenant exclusivement du sondage B, secteur de l’entrée (Figure 66). Il semble qu’aucun niveau en place de cette période ne doive être mis au jour sur le promontoire, où ils ont probablement été détruits par les installations postérieures puisque les tessons de l’âge du Bronze ont été mêlés à un remblai plus récent. Certains niveaux persistent peut-être encore à proximité, mais n’ont pas encore été repérés.

8.1.2. UN ASSEMBLAGE CERAMIQUETRIE

En 2013, les prospections ont permis de délimiter une zone de concentration des vestiges céramiques de l’âge du Bronze, dans la partie sud du promontoire. Ce matériel de surface n’a toutefois pas été considéré, et l’assemblage céramique étudié ici provient uniquement des fouilles de 2014454. Au total, 255 tessons de l’âge du

Bronze ont été identifiés, tous en position secondaire et en proportions résiduelles dans un assemblage plus récent.

8.1.2.1. REPARTITION CHRONOLOGIQUE

En l’absence de données contextuelles relatives à l’assemblage de l’âge du Bronze à Enfeh, la répartition chronologique des tessons est basée sur des critères morphologiques et technologiques, par comparaison avec des séquences connues au préalable455. 249 tessons ont pu être datés avec un degré de précision acceptable456 ;

452 Les premiers résultats de ces travaux ont été récemment publiés : Panayot-Haroun 2016.

453 Présentation détaillée des résultats dans les rapports annuels de mission, non publiés : Parayre 2014,

2015, 2016.

454 L’étude du matériel sur place, durant la mission de 2014, a été réalisée par Guillaume Gernez et

Xavier Faivre (Parayre 2015). Nous avons repris les listings bruts qu’ils ont établis, afin de les retravailler et de fournir les chiffres présentés ici.

455 Principalement la séquence céramique de Tell Arqa, situé seulement 35 km au nord-est d’Enfeh ;

les traitements de surface, notamment, y sont des éléments de datation bien caractérisés (voir partie 6.3.3. ; Thalmann 2006a, 2016).

456 Ces tessons sont au moins répartis dans les trois grandes périodes : Bronze Ancien, Moyen et

une datation plus précise a pu être proposée pour 211 d’entre eux. Le IIIe millénaire

représente au moins 92,4 % de l’assemblage daté457.

Les vestiges du BA III/ECL 3-4 s’avèrent les plus fréquents avec 51,4 % du total (Graphique 9). Vient ensuite le BA IV/ECL 5-6, puis le BA II/ECL 2, identifié en faibles proportions grâce à un type caractéristique de cette période, la coupe carénée lustrée. Les proportions restantes correspondent à des tessons dont l’attribution chronologique est imprécise.

Graphique 9. Répartition chronologique et fonctionnelle de l’assemblage de l’âge du Bronze issu du sondage B d’Enfeh.

457 Soit 230 tessons des 249 datés : cette proportion pourrait être encore augmentée par la prise en

8.1.2.2. REPARTITION MORPHO-FONCTIONNELLE

L’identification des types morpho-fonctionnels repose sur des éléments diagnostiques dont la forme et/ou le traitement de surface sont caractéristiques. La surreprésentation des jarres de stockage, aux dépens de toute autre forme, est particulièrement marquante (89,6 %). Les autres catégories fonctionnelles (service, transfert et culinaire) sont très peu fréquentes (Graphique 9). Il s’agit sans doute ici d’un trait typique de cet assemblage qui, malgré la position secondaire des vestiges céramiques, semble révéler une spécialisation fonctionnelle de l’occupation du Bronze Ancien d’Enfeh. Ces tessons sont vraisemblablement des témoins d’une zone de stockage du Bronze Ancien III installée dans les environs du promontoire, qui aurait été partiellement détruite par les installations postérieures et dont l’emplacement exact n’a pu être déterminé par les sondages – mais qui pourrait être cohérente avec une hypothétique installation portuaire.

8.1.3. ECHANTILLONNAGE POUR L’ETUDE DES PATES

Les 24 échantillons étudiés dans le cadre de cette thèse ont été sélectionnés sur place par Dominique Parayre et Jean-Paul Thalmann (3401 à 3424). Nous n’avons donc pu avoir accès à l’ensemble des tessons, et avons restreint notre travail à ce lot limité, documenté selon notre protocole de façon systématique (photographies, dessins des éléments diagnostiques). L’échantillonnage reflète toutefois la répartition chronologique et morpho-fonctionnelle de l’assemblage : les phases les plus représentées sont l’ECL3 et 4, et les vases de stockages (jarres peignées à fond plat) sont très largement dominants (Graphique 10 ; Figure 67).

Nous pouvons ainsi espérer obtenir une image satisfaisante des caractéristiques de cet assemblage, découvert hors de son contexte originel mais qui témoigne d’une occupagion à l’ECL3/4, centrée sur une activité de stockage illustrée par des types emblématiques du Bronze Ancien du Levant côtier : les jarres peignées.

8.2. B

YBLOS

Byblos est sans conteste l’un des sites les plus fameux du littoral levantin. Port privilégié des échanges avec l’Égypte dès le début du IIIe millénaire, site très tôt

urbanisé, fortifié, dominé par une élite prospère, et ayant livré un matériel d’une rare richesse – armes et parures en matériaux précieux notamment – Byblos est emblématique et superlatif. Mais c’est aussi, on le sait, l’un des sites les plus difficiles à appréhender d’un point de vue archéologique.

8.2.1. UN SITE MAJEUR TOUJOURS PROBLEMATIQUE

La place de Byblos dans l’histoire et l’historiographie est immense, puisque ce site portuaire a été le nœud des contacts maritimes avec l’Egypte. Localisé au centre de la côte libanaise, et occupant un promontoire rocheux avancé dans les eaux de la Méditerranée, sa position était en effet privilégiée. De fait, le développement du site est bien plus rapide qu’ailleurs et, dès le IIIe millénaire, la cité se dote de remparts, de

riches temples et de résidences d’élite458.

Aujourd’hui, plusieurs obstacles compliquent la compréhension de sa séquence, au premier rang desquels la méthode de fouille employée par Maurice Dunand459. L’histoire du site n’est reconstituable que dans ses grandes lignes, malgré

quelques essais de comparaison urbanistique et architecturale460. On ne dispose donc

pas de séquence chronologique précise et cohérente à Byblos : Maurice Dunand avait désigné les périodes d’après leurs caractéristiques architecturales (Sableux, Grosses Fondations, Piqueté) ; puis, reprenant les données en les comparant aux régions environnantes, Muntaha Saghieh a proposé une périodisation en KI à KIV, JI/JII, H461. Finalement, il n’existe pas, à notre connaissance, de véritable tableau

chronologique corrélant ces appellations avec une chronologie absolue, avec la chronologie conventionnelle (Bronze Ancien, Moyen) et, encore moins, avec la chronologie ARCANE.

8.2.2. LA CERAMIQUE DE BYBLOS

Si la séquence stratigraphique du site est problématique, la séquence céramique l’est au moins tout autant. Les tentatives de comparaisons typologiques avec des assemblages stratifiés des régions environnantes (Liban, Égypte, Palestine, Syrie) ont permis d’apporter quelques données et éléments de datation462. Des

458 Jidejian 1968 ; Lauffray 2008 ; Makaroun Bou Assaf 2009 ; Margueron 1994.

459 Lauffray 2008, p. 2-6 ; voir plus généralement la série de publications des Fouilles de Byblos

(notamment Dunand 1937-1939 et 1950-1958).

460 Par exemple : Saghieh 1983 ; Thalmann 2006b ; Pinnock 2007. 461 Saghieh 1983.

similarités satisfaisantes entre le BA III et IV d’Arqa et Byblos ont été reconnues : présence des fameuses jarres peignées, de jattes, de certaines cruches peintes et, surtout des petites tasses à une anse, qui semblent être un type très caractéristique du Liban nord463.

Malgré ces traits communs et l’insertion de l’assemblage de Byblos dans une culture céramique du Liban nord, certaines particularités locales le distinguent. La céramique de Byblos est en effet supposée être plus fruste et grossière que celle des autres sites libanais : cela serait lié au statut du site, dominé par une élite qui s’entoure de biens plus précieux que la céramique, à commencer par la vaisselle métallique. La céramique ne serait donc pas le support de l’expression de la richesse, au contraire de sites plus modestes qui auraient développé un artisanat potier de meilleure qualité, car seul support d’apparat464. Nous pourrons tester cette hypothèse par le biais de

l’étude des pâtes céramiques.

8.2.3. PRESENTATION DU CORPUS

La sélection d’échantillons de Byblos à laquelle nous avons pu avoir accès provient entièrement de ramassages de surface, effectués sur le site dans les années 1980 par Jean-Paul Thalmann. Ces tessons étaient conservés pour partie à la maison de Tell Arqa ; d’autres, qui avaient été exportés en France, nous ont été transmis par Jean-Paul Thalmann afin d’être intégrés à notre collection de thèse ; ils sont aujourd’hui conservés à Nanterre. Nous ne disposons donc d’aucune donnée contextuelle et ces 51 échantillons ont tous été datés sur critères typologiques, par comparaison avec les séquences connues en d’autres sites du Liban. Bien sûr, cette démarche induit un certain nombre d’incertitudes ; mais elle nous a semblé être la seule façon d’obtenir, malgré tout, une première approche technologique et pétrographique de l’assemblage du Bronze Ancien de Byblos.

Notre corpus comprend 51 échantillons (3201 à 3254) documentés selon notre protocole et bien répartis sur toutes les phases du IIIe millénaire, avec un

ECL 3 et 4 prépondérant (Graphique 11). Les classes morpho-fonctionnelles les plus