• Aucun résultat trouvé

C ONDITIONS ET ENJEUX DE LA DOCUMENTATION CONTEXTUELLE

ET POLARISATION DES INTERACTIONS

5.2. C ONTEXTUALISATION DES ASSEMBLAGES

5.2.1. C ONDITIONS ET ENJEUX DE LA DOCUMENTATION CONTEXTUELLE

Il est d’emblée apparu essentiel pour la cohérence de notre réflexion d’appréhender et de critiquer l’hétérogénéité de notre corpus. L’accès au matériel, l’ampleur des assemblages, les conditions d’étude et d’échantillonnage, la documentation disponible sont autant de paramètres variables qu’il convient d’exposer clairement.

293 Voir le fichier PDF joint à ce travail.

5.2.1.1. L’ACCESSIBILITE AU MATERIEL

L’accessibilité du matériel constitue un premier obstacle, duquel il ressort d’emblée que les différents assemblages de notre corpus ne pourront être traités de manière homogène. Quatre cas de figure se sont présentés à nous :

Au dépôt de fouille : pour Tell Arqa, nous avons pu travailler pendant trois mois cumulés sur place, au dépôt de fouille, avec un rythme intensif. Nous avons eu accès sans restriction à l’intégralité du matériel découvert sur le site. Nous avons pu pratiquer toutes sortes d’observations sur le matériel – parfois assez expérimentales – et échantillonner autant qu’il nous a semblé nécessaire. Ce sont bien sûr des conditions idéales.

Collections muséales : les assemblages de Ras Shamra et Qatna sont issus de collections conservées au Musée du Louvre et correspondant à d’anciens exports demandés par les fouilleurs eux-mêmes (en l’occurrence, Claude Schaeffer et Robert du Mesnil du Buisson). Leur étude a été soumise aux disponibilités et horaires de nos accompagnateurs en réserve294, et a demandé

des précautions adaptées au contexte muséal de consultation. Nous avons néanmoins pu voir l’intégralité des collections conservées en réserve pour chacun des sites, et constituer nous-même notre échantillonnage.

Échantillonnage préétabli : certains échantillonnages ont été constitués directement à l’issue de la fouille, par les fouilleurs. Ce mode de sélection, ne nous offrant pas la possibilité d’envisager l’assemblage dans sa globalité, nous a demandé de travailler sur des ensembles restreints ; c’est le cas notamment pour Enfeh ainsi que les sites du Akkar, Bseisé et Laha.

Ramassage de surface : c’est l’exemple le plus délicat. Les échantillons étudiés ne font pas partie d’un assemblage cohérent mais ont été ramassés en surface du site, hors contexte, et sélectionnés sur critères typologiques. Nos échantillons de Byblos sont dans ce cas.

Des conditions d’accès au matériel différentes ont donc induit des échantillonnages d’ampleur et de qualité différentes. C’est néanmoins la documentation des corpus qui nous a demandé le plus de recul critique, afin d’ajuster du mieux possible notre protocole et notre raisonnement.

5.2.1.2. ÉTAT DE LA DOCUMENTATION PUBLIEE

Les publications sont une source précieuse, mais non exhaustive et de qualité variable. Quel que soit l’état de cette documentation, elle est souvent la seule disponible pour les assemblages que nous étudions et constitue donc une base essentielle.

De ce point de vue, l’ancienneté des travaux s’avère parfois moins déterminante que la rigueur méthodologique avec laquelle ils ont été menés. Ainsi, publiée en 1935, la première monographie de Tell Mishrifeh-Qatna295 rassemble des

plans, coupes et description des niveaux fouillés souvent plus détaillés que pour certains sondages de Ras Shamra. S’il nous a donc été relativement aisé de situer dans leur contexte de découverte les vases de Qatna, la tâche s’est révélée plus complexe pour Ras Shamra, où une partie des tessons a pu être identifiée dans la publication tandis que nombre d’entre eux restent sans contexte précis.

Nous avons exploité cette documentation publiée pour restituer le plus précisément possible les contextes archéologiques des objets étudiés : dans le meilleur des cas, les objets sont situés sur un plan et/ou en stratigraphie (par exemple pour Arqa et Qatna). Mais nous avons dû parfois nous contenter d’une position stratigraphique à deux ou trois mètres près, voire reconstituer des coupes schématiques à partir de descriptions publiées296. Nous reviendrons plus loin aux

problèmes que pose Byblos, pour lequel nous ne nous sommes pas lancée dans une analyse archéo-stratigraphique des niveaux du IIIe millénaire – d’autant que nos

échantillons proviennent d’un ramassage de surface. Nous avons parfois aussi travaillé sur une documentation archéologique inédite : les sondages effectués à Tell Beisé et Tell Laha, dans la plaine du Akkar, ne figurent en effet que dans la thèse de doctorat de Jean-Paul Thalmann297. De même des fouilles d’Enfeh, dont la

monographie finale est à ce jour en préparation298.

Au-delà du contexte archéologique, nous avons également rassemblé les informations céramologiques : typo-chronologie, données stylistiques et éventuellement technologiques. Là encore, certaines publications proposent des descriptions plus exploitables que d’autres. Les volumes de Tell Arqa présentent des analyses précises et documentées sur ces différents sujets, bien que non exhaustives299 ; de même, l’assemblage du tombeau IV de Qatna est documenté par

des descriptions, inventaires, dessins et photographies300. Au contraire, la séquence

typo-chronologique du Bronze Ancien de Ras Shamra, reconnu dans plusieurs sondages, reste souvent peu claire.

Notre sujet n’étant pas de combler les lacunes documentaires des assemblages étudiés, nous avons choisi d’utiliser et de compléter au mieux les éléments disponibles. Nous nous en sommes tenue à un travail sur documents publiés ou aisément accessibles, incluant remaniement ou modification de certains éléments. Nous avons renoncé à toute recherche sur archives. Ce travail aurait pu

295 Du Mesnil du Buisson 1935.

296 C’est le cas pour certains sondages de Ras Shamra (sondage Nord, sondage supérieur) : voir partie

9.1.3.

297 Thalmann 1993.

298 Voir partie 8.1. et publication préliminaire dans Panayot-Haroun 2016.

299 Non exhaustives car un certain nombre de cas particuliers ne répondent pas aux classifications

établies et publiées, et doivent faire l’objet d’une analyse plus pointue.

nous apporter des éléments complémentaires, pour les collections du Louvre notamment, mais aurait été extrêmement chronophage et nous aurait menée bien au- delà des limites de notre propos301.

5.2.1.3. LA DOCUMENTATION DE FOUILLE

Les principales données de fouille que nous ayons consultées concernent Tell Arqa. Ayant travaillé sous le tutorat scientifique de Jean-Paul Thalmann dès notre Master et été intégrée à la mission de Tell Arqa, nous avons disposé de l’ensemble de la documentation non publiée du site. Nous avons ainsi pu manipuler la base de données, qui recense toute la céramique numérotée302, ainsi que l’intégralité des

photographies de travail et des dessins (mis au propre ou non), soit un ensemble exceptionnel de 12650 photographies et 4900 dessins, toutes périodes confondues, réalisés de 1978 à 2016. Il va sans dire que cette documentation a été d’une aide fondamentale dans notre travail, que ce soit pour consulter l’assemblage à distance, effectuer des recherches ciblées ou vérifier les données contextuelles de nos échantillons. De plus, l’existence de fiches individuelles pour chaque élément de la base de données nous a permis de visualiser plus en profondeur les spécificités de l’assemblage et d’y isoler des cas trop particuliers pour être mentionnés dans les synthèses publiées – mais néanmoins potentiellement signifiants pour notre recherche.

Dans le cas des fouilles du Akkar, les sondages dits « contrôles stratigraphiques » menés à Tell Bseisé et Tell Laha n’ont pas été publiés. Nous n’avons pas, à proprement parler, utilisé la documentation de fouilles ; mais nous avons tiré parti des éléments inédits présentés dans la thèse de Jean-Paul Thalmann303. Pour Enfeh, ce sont les rapports annuels de campagnes qui ont été les

supports de nos recherches.

L’abondance de cette documentation inédite, principalement pour Arqa, directement disponible et exploitable a donc largement enrichi notre travail. Elle a contribué, ainsi que les conditions privilégiées de travail dont nous avons bénéficié sur place et l’ampleur du corpus étudié, à en faire le site majeur de notre thèse.

301 D’autant que les archives du comte Du Mesnil du Buisson sont déjà en cours d’étude au Louvre

par Michel al-Maqdissi.

302 C’est-à-dire les éléments individualisés lors du tri de la céramique de chaque contexte ; voir

description du système d’enregistrement d’Arqa, partie 6.2.1.

5.2.1.4. UN DESEQUILIBRE DOCUMENTAIRE FLAGRANT : NECESSAIRE ADAPTATION DES METHODES ET OBJECTIFS

La documentation contextuelle des assemblages est de toute évidence très inégale, à cause de l’ancienneté de certaines fouilles et publications, mais aussi de la mise en œuvre de méthodologies divergentes. L’accès aux données inédites des fouilles d’Arqa participe de ce déséquilibre documentaire, offrant un corpus sans équivalent pour les autres sites considérés. Il nous a donc semblé essentiel d’adapter au cas par cas les méthodes et objectifs de travail, tout en suivant une trame de description commune.

Le déséquilibre documentaire induit également l’étalonnage des méthodes de traitement de données. Dans le cas de l’assemblage de Tell Arqa, pour lequel la documentation est la plus complète et homogène, nous pourrons attendre une analyse particulièrement fine des caractéristiques et évolutions de la production céramique. Par leur proximité géographique et matérielle, les données du Akkar seront principalement utilisées en comparaison avec Arqa. Lorsque la documentation est plus incomplète, le traitement et l’interprétation des données seront abordés avec précaution : ainsi de Ras Shamra, du contexte funéraire de Qatna et de la position secondaire des échantillons d’Enfeh. Enfin, quand la documentation contextuelle est presque inexploitable, les échantillons ne seront traités qu’à titre comparatif, afin d’étayer des points précis de discussion ; ce sera le cas des tessons de Byblos, issus d’un ramassage de surface. Nous décrivons plus avant les biais liés à chaque assemblage dans les parties correspondantes ; mais un seul et même système d’enregistrement a été employé pour homogénéiser du mieux possible nos données.