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C LASSIFICATION FONCTIONNELLE : UN ASSEMBLAGE POLYVALENT

T ELL A RQA : UN SITE DE REFERENCE

6.3. L A SEQUENCE CERAMIQUE

6.3.1. C LASSIFICATION FONCTIONNELLE : UN ASSEMBLAGE POLYVALENT

La dénomination des types céramiques une idée de leur fonction – ce qui est après tout naturel dans la mesure où la fonction détermine (en partie) la forme, et inversement. Afin de formaliser ces interprétations implicites, Jean-Paul Thalmann a proposé une classification fonctionnelle en quatre catégories sur la base de critères morphologiques et volumétriques387. Il y introduit, aux côtés des catégories

386 Thalmann 2006b, p. 865-871 ; 2010, p. 98. Pour Tell Fadous, voir plus précisément Genz 2010b,

fig. 9. Pour Sidon, voir Doumet-Serhal 2004, fig. 4 et 7 ; 2006b, fig. 9.

387 Roux et Thalmann 2016, p. 103-111. Les mesures de capacité des vases sont au cœur de la

classification fonctionnelle. Jean-Paul Thalmann a d’ailleurs développé à cet effet un logiciel de mesure de volumes à partir de dessins (PotUtility) et a consacré plusieurs articles à cette question, en prenant pour exemple les jarres de stockage d’Arqa (voir par exemple Thalmann 2003, 2007b ; Thalmann et Sowada 2014).

habituellement définies de vaisselle de table (ou de service), de stockage et culinaire, une classe de vases de transfert :

« Ils regroupent des récipients de taille et capacité moyennes (5/7 à 15 l) qui représentent à toute époque une part importante des assemblages domestiques ; récipients multifonctionnels, ils étaient nécessaires, entre autres usages possibles, pour la conservation à court terme, le transfert depuis les zones de stockage ou la préparation de quantités limitées de denrées388. »

En termes fonctionnels, l’assemblage d’Arqa se répartit donc entre ces quatre catégories, dont la définition nous semble pertinente et que nous utilisons dans ce travail. Le corpus céramique est diversifié et polyvalent, car les quatre catégories fonctionnelles sont représentées dans les assemblages de chaque phase.

6.3.1.1. LA VAISSELLE DE SERVICE

La catégorie « vaisselle de service », ou « de table », comprend les récipients ouverts et fermés de petites dimensions (Figure 35) : coupes, gobelets et cruches principalement. Il faut souligner la faible proportion de formes ouvertes de type plat ou assiette : si, durant la phase T, cette forme est bien représentée par les grandes coupes carénées caractéristiques du début du millénaire, elle disparaît quasiment complètement dès la phase S, et ce jusqu’à la fin de la période. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, notamment l’existence d’équivalents en matériaux périssables dont nous n’aurions pas gardé trace ; toutefois, l’absence totale de vestiges de ce genre, même dans les couches d’incendie 18A et 16B-A, questionne. Il pourrait plutôt s’agir d’une rupture profonde des modes de consommation, qui mène à l’introduction au niveau 18 des petits pots à une anse. Cette forme devient alors caractéristique de l’assemblage d’Arqa : du pot à anse de phase S à la petite tasse de phase P, ses dimensions réduisent progressivement, mais le type persiste jusqu’à la fin du IIIe millénaire389. Sa fréquence semble témoigner de

l’importance des vases à boire dans l’assemblage de table, en association avec les différentes cruches découvertes en bonnes proportions dans tous les niveaux390.

6.3.1.2. LA VAISSELLE DE TRANSFERT

Sous le terme de « transfert » sont regroupés des récipients de dimensions intermédiaires : principalement des pots, petites jarres et grandes cruches. Ils sont

388 Roux et Thalmann 2016, p. 108.

389 Jean-Paul Thalmann avait coutume de dire que l’évolution du gobelet G.4 du niveau 17, au G.5 du

niveau 16 et au G.6 du niveau 15, illustrait nos mesures actuelles de boisson : la pinte de 50 cl, le 33 cl et le traditionnel demi de 25 cl.

390 En relation avec le développement des cultures des drinking vessels au Levant : voir notamment

dédié à du stockage à court terme dans les zones d’habitation, à du rangement391, à du

transfert entre zones de stockage à long terme et zones de consommation, sans doute aussi au transport de l’eau. Cette catégorie est bien représentée dans tous les assemblages de phase, témoignant ainsi de sa polyvalence et de son large emploi dans le cadre quotidien.

6.3.1.3. LA VAISSELLE DE STOCKAGE

La vaisselle de stockage comprend les récipients de capacité importante, variant de 20 à 140 litres. Si la forme principale est celle de la jarre à fond plat, les plus gros exemples sont appelés pithoi et ne présentent jamais d’anses (Figure 36). Au contraire, une large partie des jarres comporte deux anses à mi-panse : leur présence ne semble cependant pas constituer une distinction fonctionnelle claire entre stockage et transport, car nombre d’entre elles ont été découvertes dans des zones de stockage. Le contenu des jarres ne semble pas non plus corrélé à la forme : dans la couche de destruction 16B, certaines contenaient du blé, tandis que d’autres présentaient des concrétions calcaires pouvant indiquer la présence d’eau, ou encore des coulures probablement dues à de l’huile. De rares fonds de jarres contenaient des résidus de résine.

6.3.1.4. LA VAISSELLE CULINAIRE

La catégorie culinaire comprend presque uniquement des marmites, dont la forme évolue légèrement au cours du temps (Figure 37). Ce sont les seuls vases à fond arrondi de l’assemblage ; le corps est ovoïde à sphérique, le col est court et le profil des lèvres connaît de petites variations selon les phases. Un seul autre type est rattaché à cette catégorie : les plaques de cuisson, qui apparaissent à la phase P, révèlent l’introduction de nouveaux modes de cuisson dans la seconde moitié du IIIe

millénaire.

Pour résumer, l’étude fonctionnelle souligne la polyvalence de l’assemblage à toutes les périodes, puisque toutes les catégories sont représentées. Plusieurs caractéristiques peuvent néanmoins être mises en évidence, concernant entre autres les modes de consommation : une rupture se produit entre les phases T et S, lorsque les coupes carénées (et la quasi-totalité des formes ouvertes de service) disparaissent pour laisser place à des vases à boire, parmi lesquels les tasses à une anse sont particulièrement typiques392. Nous n’avons pas défini de classe fonctionnelle dédiée

au transport, dans la mesure où il est difficile de véritablement attester de la

391 Ainsi, une petite marmite découverte en place dans le niveau 18 contenait plusieurs vases plus

petits, qui y étaient regroupés et visiblement rangés.

392 Cette rupture dans les modes de consommation, d’abord observée au Levant nord, se propage

circulation d’un type : il est vraisemblable que les potentiels vases de transports soient des formes fermées avec éléments de préhension, de type jarres à anses.