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ANALYSES DE LA GESTION DE LA MEMOIRE : EXEMPLES

7.1 Critères de séléction des passages

7.2 Analyse des séances sur la factorisation des polynômes au Costa Rica

Dans ce chapitre, nous décrivons tout d’abord les passages considérés comme secondaires lors de l’étude de la gestion de la mémoire didactique dans les classes de mathématiques. Dans un deuxième temps, nous montrons deux exemples (un pour chaque professeur) du type d’analyses menées pour repérer les gestes mémoriels accomplis par les enseignants.

L’objectif de ce chapitre est de montrer le type d’analyses menées pour étudier la gestion de la mémoire dans la classe, ainsi que de tirer des éléments de réponses de trois de nos questions de recherche :

Q1. Que fait le professeur pour réactiver les objets et les rapports aux objets de l’univers cognitif de la classe ? Comment l’enseignant gère-t-il la mémoire didactique de la classe ?

Q2 Quelles sont la nature et la structure des « cadres institutionnels de la mémoire didactique » liés aux pratiques d’étude des mathématiques dans l’enseignement secondaire, et qui permettent la remémoration des élèves ?

Une des conclusions de l’étude exploratoire (voir paragraphe 3.2.3) a pointé la nécessité d’élaborer des critères de sélection des passages des transcriptions des séances observées. Ceci, à partir d’une délimitation de ce que nous considérons comme d’ordre mnésique, et relevant de notre problématique. Dans le paragraphe suivant nous présentons de tels critères, ainsi que des exemples pour illustrer les extraits « secondaires » de notre corpus.

7.1 CRITERES DE SELECTION DES PASSAGES

Comme nous l’avons signalé dans la problématique, si l’on considère un souvenir comme une reconstruction du passé, grosso modo, tout devient phénomène mnésique. La première évidence de l’omniprésence de ces phénomènes tient dans le fait que nous avons besoin de nous rappeler de manière souvent automatisée, voire inconsciente, le sens des mots dans un groupe, pour pouvoir communiquer avec les membres de ce groupe. Quand il s’agit de phénomènes didactiques scolaires, une telle « confusion » entre ce qui relève du passé et ce « construit in situ » est encore plus accentuée, car la dialectique ancien/nouveau des objets de savoir la rend légitime. Ainsi, pour qu’un objet de savoir puisse prendre place parmi les objets d’enseignement, il est nécessaire qu’il devienne un objet à deux faces :

D’une part […] il doit apparaître comme nouveau, opérant une ouverture dans les frontières de l’univers de connaissances déjà exploré ; sa nouveauté permet que se noue, à son sujet, entre enseignant et enseignés, le contrat didactique […]. Mais d’autre part, en un second moment de la dialectique d’enseignement, il doit apparaître comme ancien, c’est-à-dire autorisant une identification (par les enseignés) qui l’inscrive dans la perspective de l’univers de connaissances ancien (Chevallard, 1991, p. 66 − 67)

Nous ne cherchons pas à distinguer, entre les interventions des acteurs, celles qui « concernent le passé » et celles qui seraient, de préférence, des « constructions sur place ». Ce faisant, nous entreprendrions une bataille perdue d’avance ! L’objectif est plutôt de ponctuer les passages où les interventions de l’enseignant cherchent davantage à « aider » les élèves à mobiliser par « eux-mêmes » des objets ou des rapports à ces objets. De telles mobilisations peuvent être attendues pour atteindre des fins diverses : la correction d’une erreur, la constitution d’une technologie, la mise en évidence d’une proposition fausse, l’élaboration d’une technique, etc. En d’autres termes, nous dirions qu’il s’agit des gestes qui contribuent à la « stabilisation » de rapports aux objets : gestes pour l’aménagement d’un milieu pour la correction, pour la constitution d’une technologie, etc.

Nous avons décidé d’indiquer des types de passages que nous « excluons » de notre corpus pour l’analyse, au lieu de préciser ceux que nous gardons. Ce choix répond à une démarche méthodologique : une fois le corpus établi il faut s’y plonger pour analyser les gestes que l’enseignant accomplit, et déterminer ceux qui correspondent à la gestion de la mémoire. Nous décrivons donc les neufs passages que nous avons exclus du corpus en tant qu’épisodes où l’enseignant, nous semble-t-il, ne gère pas de manière intentionnelle la mémoire didactique de ses élèves.

1. Interrogations de la mémoire pratique sur des résultats de calculs

Il s’agit des passages où les enseignants demandent aux élèves le résultat d’un calcul, d’une simplification, ou en général, l’application d’une partie d’une technique. Nous excluons ces passages parce que même s’ils relèvent de mobilisations du passé, les gestes accomplis par l’enseignant ne nous semblent pas poursuivre l’intention d’élaborer un milieu pour faire se remémorer les élèves. En outre, normalement il s’agit des calculs, simplifications ou techniques tellement transparentes et non problématisées par les élèves que leur application pourrait être vue comme d’ordre automatique. Voyons deux exemples88 :

47 PROF=RB : [...] Entonces probemos con menos 2 tercios (8s). Cuánto es 3 por menos 2

tercios ?

48 E=M : Menos 8

49 PROF=RB : Menos 2, más 4 ?

50 E=V : 2

51 PROF=RB : 2. 2 por menos 2 tercios ? 52 E=V : Menos 4 tercios

53 PROF=RB : Menos 4 tercios, más 3 ? Menos 3 (5s). Menos 13 tercios, por menos 2

tercios ? (10s)

54 E=V : 26 …

55 PROF=RB : 26 novenos más 2 ? Va a dar cero ?

Ref: RB-2703200610H

51 PROF=SB : [...] Entonces vamos a ver, una x por 3, cuánto me va a dar?

52 Es : 3 x

53 PROF=SB : 3 x. Más, una x por menos 2 ?

88

Les extraits sont présentés en trois colonnes : le numéro du tour de parole, l’acteur qui intervient et l’intervention transcrite. Entre parenthèses et en italique sont notés des commentaires sur l’activité dans la classe, relevés par l’observateur. Le symbole « Es » indique que plusieurs élèves interviennent en même temps. Comme nous l’avons noté au chapitre 3, les références des transcriptions dans les annexes sont écrites en bas et à droite de chaque extrait.

54 Es : Menos 2 x.

55 PROF=SB : Menos 2 x. Cuánto me está sumando esto ?

56 Es : x

57 PROF=SB : Una x verdad. 3 x más menos 2 x, eso me va a dar, una x.

Ref: SB-2103200610L

2. Identifications lors de l’application d’une technique

Il s’agit des demandes d’identification que fait l’enseignant en donnant aux élèves le nom de la « catégorie » qu’il veut qu’ils reconnaissent dans une expression. Nous ne retenons pas ces passages car, même si les élèves ont besoin de « mobiliser » un certain rapport à la « catégorie » pour pouvoir retrouver l’élément attendu, l’enseignant ne cherche pas à « aider » l’élève à dire ou à faire quelque chose. C’est une question directe à laquelle l’élève répond normalement sans difficulté. Voyons deux exemples :

170 PROF=RB : [...] En este trinomio, cuánto daría a ? (P se refiere a: 2x²-x-7) [...]

175 E : 2 176 PROF=RB : 2. b? 177 E : Menos 1 178 PROF=RB : Menos 1. c ? 179 E : Menos 7 Ref: RB-2203200610G

56 PROF=RB: A ver aquí cuál es el coeficiente principal? (19’54, P se refiere a: y4-15y3+86y²- 176y+105).

57 Es: Uno

58 PROF=RB: Uno. Y el término constante?

59 Es: 105

Ref: RB-2104200610G

3. Récapitulations

Il s’agit des synthèses, que fait l’enseignant, du travail réalisé par la classe pendant une certaine période de temps. Comme nous l’avons signalé en 3.2.3 dans les conclusions de l’étude exploratoire, ces gestes font partie du travail propre aux pratiques enseignantes et sont liés à la structuration de l’enseignement. En outre, même si la gestion de la mémoire est présente lors de l’énonciation des points principaux « qui viennent d’être aperçus », il s’agit plutôt de pointer des éléments d’une mémoire de l’avenir (voir paragraphe 3.2.2.1) et non des actions pour « se remémorer » quelque chose. Voyons des exemples :