• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4  : Problématique de recherche

4.2 D EFINITION DE L ’ OBJET D ’ ETUDE

4.2.1 SUR LA NOTION DE « MEMOIRE »

Lorsqu’on considère que la mémoire est référée à des reconstructions du passé, alors grosso modo, tout peut devenir mémoire ! Aussi est-il donc nécessaire d’exposer l’approche à partir de laquelle nous aborderons le sujet.

Dans l’esquisse phénoménologique de la mémoire qu’entreprend Ricœur (2000), celui-ci note que la mémoire, en tant que capacité, apparaît « comme une province de l’imagination », de « l’image » dont le lieu se trouverait « dans la conscience ». Contre cette vision « d’image- souvenir », d’imbrication entre mémoire et imagination, Ricœur note qu’au même titre que la conscience est conscience de quelque chose, « on se souvient de quelque chose » (Araya et Matheron, 2005). C’est donc, en s’appuyant sur la détermination de ce « quelque chose » que nous pouvons établir, pour notre étude, un rapport à la notion de « mémoire ». Nous considérons donc l’identification de l’objet « mémoire » à travers certains des phénomènes qui lui sont relatifs. La mémoire relève ainsi de phénomènes indexés sur le temps, perçus par des individus ou par des institutions, et qui sont relatifs à des pratiques. Les phénomènes sont considérés comme des expériences57 qui ont mis en présence un individu ou une institution avec des faits et qu’on essaie de théoriser. Il s’agit donc, pour nous, de nous engager dans une analyse raisonnée de faits d’expérience relatifs au passé, relevés par l’observation, et menée à partir d’outils théoriques. Pour ce qui nous occupe, les phénomènes considérés sont relatifs au passé de la classe. En particulier, au passé qui relève des pratiques du savoir et de l’étude de ce savoir ; c’est-à-dire, des pratiques mathématiques et didactiques. Ils sont confrontés aux éléments venus de la théorie et dont nous nous servons pour cette étude. De cette manière, comme l’indique Ricœur, en suivant « les choses » du passé, il est alors possible d’envisager une « phénoménologie éclatée » du souvenir en distinguant, « au

57

cœur de l’acte de mémoire la question du « quoi ? » de celle du « comment ? » et de celle du « qui ? ». Autrement dit, les questions du souvenir de quel objet ou événement de nature mathématique ou didactique, souvenir obtenu de quelle manière et pour quels sujets ?

Comme nous venons de le signaler, ce sont les éléments du passé des pratiques accomplies dans les classes et qui sont porteuses d’une forte intention d’enseigner qui nous intéressent. Pour cela, nous désignons la mémoire qui nous occupe comme étant didactique et se rapportant à la classe, ou encore à l’institution-classe.

Dans le cadre d’une théorie anthropologique des savoirs et de leur didactique, la question de la dimension cognitive de l’activité mathématique est abordée grâce au concept de rapport aux objets (voir paragraphe 2.1.1). Nous précisons donc que, pour notre travail :

Cette mémoire est nécessairement un construit institutionnel : les objets et les rapports auxquels elle fait référence existent au sein des institutions. Elle est préservée à travers des éléments pérennes d’un « contrat », qui évoluent lentement. L’avancement modéré de ces éléments permet à la mémoire d’être préservée, car il autorise des régulations portant sur l’intervention du passé dans les pratiques présentes de l’institution.

4.2.2 SUR LA NOTION DE « GESTION »

Chevallard précise le sens à donner au mot « geste », à partir de la modélisation anthropologique du professeur qu’il donne lors de la VIIIe Ecole d’été en 1995.

Dans l’« esquisse d’un modèle didactique » sur « la fonction professorale », l’auteur pointe l’existence de diverses institutions qui intègrent un système de formation scolaire nommé génériquement l’Ecole. Chacune de ces institutions détermine un ensemble P(I) de positions institutionnelles existant dans I : les positions « élèves » et les positions « professeurs », par exemple.

Comme nous l’avons indiqué en 2.1.1, étant donnée une institution I, un objet o y existant et une position p dans I, on dit que x est un « bon sujet » de I en p si R(x, o) ≅ RI(p, o). Or, pour

la mméémmooiirree ddiiddaaccttiiqquuee d’une personne ou d’une institution se rapporte à la manifestation de phénomènes indexés sur le temps et relatifs aux rapports d’une personne ou d’une institution à des objets de savoir et aux pratiques dans lesquelles ils sont pris, ou ont été pris, au sein du développement temporel de l’institution.

pouvoir porter un jugement sur la conformité entre « rapport personnel » et « rapport institutionnel », de tels rapports doivent devenir « ostensifs »58. Pour décrire la manière dont les rapports « se donnent à voir » on considère que « la position p est caractérisée par un répertoire de gestes », que le sujet x en p, « doit accomplir dans le cadre d’un certain nombre de dispositifs ».

Comme l’explique l’auteur dans son esquisse, le mot geste est pris au sens large,

Le latin gestus signifie, au figuré, « prendre sur soi, se charger volontairement de », et donc « exécuter, faire ». C’est en ce sens large, et non dans le sens restreint plus courant (« mouvement du corps »), que le mot est pris ici : on doit le rapprocher du verbe gérer et du substantif gestion, de même origine (Chevallard, 1996, p. 84, c’est nous qui soulignons).

Il y a donc une variété de gestes du professeur : attribuer une note au devoir d’un élève, participer à une réunion avec les parents d’élèves, sélectionner un exercice à donner dans le devoir à la maison, demander à un élève qu’il vienne factoriser une expression, demander à la classe le résultat d’un calcul, etc. Dans ce sens, le verbe gérer fait référence à l’action d’accomplir ces gestes et le substantif gestion est à interpréter dans le sens de la mise en œuvre des gestes par un sujet x d’une institution.

Chevallard ajoute au « dyptique gestes-dispositifs » un troisième élément, afin de préciser le système de repérage d’une position institutionnelle qu’il propose. Il s’agit des savoirs pertinents, ou comme il le précise des systèmes de connaissances et des savoirs pertinents « qui permettent de structurer les dispositifs et d’informer les gestes ».

Pour notre travail, nous considérons « gestion » au sens large du terme, en nous appuyant fortement sur l’esquisse de Chevallard :

Autrement dit, et en accentuant le sens large du terme, la gestion réfère au fait de faire quelque chose pour atteindre quelque chose. Cette dernière, certes, est associée à ce qu’on

58

Nous prenons « ostensifs » au sens que nous avons donné pour la mémoire ostensive et pour les objets

Laggeessttiioonn est l’accomplissement, dans le cadre d’un certain nombre de dispositifs, des gestes qui dépendent d’un système de connaissances et des savoirs pertinents dans une institution.

gère : une situation, un processus didactique, un orchestre, un environnement informatique, une séance, la mémoire didactique, etc. Nous reviendrons sur ce point au chapitre sept, à travers un prisme méthodologique, afin de délimiter ce que nous observons, qui est relatif aux phénomènes mémoriels dans la classe.

Avant d’articuler les définitions présentées ci-dessus pour définir notre objet d’étude, revenons brièvement sur la notion de mémoire ostensive (voir paragraphe 1.2.5).

La mémoire didactique que nous étudions est considérée comme un phénomène car elle est « perceptible ». Il s’agit donc, d’une mémoire « délibérément donnée à voir, de manière revendiquée, et par des moyens appropriés, à ses propres sujets ou à d’autres personnes par une institution ou un individu, quelle que soit sa position dans l’institution » (Matheron, 2001, p. 236). Ainsi, et pour être plus précise, la « mémoire » qui nous occupe est donc la « mémoire didactique ostensive ». Définissons donc notre objet d’étude :

Etant donné que ces gestes sont relatifs à une mémoire, nous les appelons gestes mémoriels et les termes génériques pour les décrire peuvent être, par exemple : écrire, parler, ne pas parler, signaler, désigner, indiquer, demander, etc. quelque chose.