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O UTILS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES EN D IDACTIQUE DES M ATHEMATIQUES

2.1 L A T HEORIE A NTHROPOLOGIQUE DU D IDACTIQUE

2.1.4 O RGANISATIONS DIDACTIQUES

A partir de ce qui a été présenté sur la notion de praxéologie, nous pouvons reformuler la tâche que la société et l’Ecole assignent aux professeurs des mathématiques : enseigner − ou faire reconstruire − à ses élèves un système d’organisations mathématiques plus ou moins articulées entre elles et qui constituent un programme. Les formes possibles pour accomplir cette tâche, c’est-à-dire, pour organiser le processus de l’étude22 dans une institution donnée, sont désignées sous le terme d’organisations didactiques (OD). Dans notre travail, la « gestion de la mémoire » est donc vue comme une « tâche didactique » nécessaire lors de l’organisation de l’étude.

Moments de l’étude

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La notion de « signe » renvoie à l’idée d’un concept, c’est-à-dire à l’idée d’« une unité conventionnelle du sens », et celle de « signifiant » peut être interprétée comme la partie matérielle ou physique du signe. Voir, http://www.pomme.ualberta.ca/ling/semio.htm

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D’après la TAD, la notion d’« étude » est considérée « en un sentido muy amplio e integrador la cual se aplica a un ámbito más amplio que el del aula e, incluso, más general que el de las propias instituciones didácticas, abarcando desde la actividad matemática de los investigadores, la del economista, hasta la que realizan los alumnos. El proceso de estudio se refiere tanto al proceso de creación − o recreación − de una organización matemática como al producto de dicho proceso » (Espinoza et Azcárate, 2000, p. 357)

D’après Chevallard (1999), quel que soit le cheminement de l’étude, on rencontre nécessairement certains types de situations. Ces types de situations, l’auteur les nomme moments de l’étude ou moments didactiques. Ici, le mot « moment » n’est pas pris au sens temporaire ou chronologique, mais plutôt au sens de la présence d’un aspect du processus d’étude. Ainsi, les moments de l’étude ne sont pas vécus en « une seule fois », mais peuvent se présenter en différentes instances du cheminement et même parfois, simultanément. Dans la suite de ce paragraphe, nous ébaucherons la description des six moments proposés par Chevallard.

♦Premier moment : La première rencontre. La première rencontre peut trouver place dans deux types de situations : l’une appelée problématique culturelle-mimétique et une autre plutôt identifiée par un système de situations fondamentales23.

Dans le meilleur des cas, pour les situations d’ordre culturel-mimétique, cette rencontre conduit à chercher et à expliciter les raisons d’être des objets trouvés lors des situations rencontrées par les élèves, en signalant pour quelle raison l’objet a été élaboré, ou au moins pourquoi il continue de vivre dans la culture. En revanche, les situations du deuxième type font naître l’objet devant l’élève comme étant ce qui permet de construire une réponse aux questions posées. Mais il y a aussi des situations de rencontre qui sont des mixtes de références culturelles partielles et de situations s’apparentant à des situations fondamentales.

♦ Deuxième moment : L’exploration du type de tâches Ti et l’élaboration d’une technique τi.

On peut trouver deux positions dialectiques conjointes pour définir l’élève lors du moment d’élaboration d’une technique. Ainsi d’une part, c’est l’idée de l’élève héros triomphant sans coup férir de toute difficulté possible (fonction centrale qui est dévolue aux problèmes), mais aussi d’autre part, c’est l’idée d’une réalité indispensable « de l’élève-artisan laborieux » qui avec ses collègues, et sous la direction de l’enseignant, construit les techniques. Donc, l’étude d’un problème en particulier ne sera pas une fin en soi, mais un moyen pour constituer une technique de résolution.

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« La situation fondamentale est une situation adidactique caractéristique d’un savoir ou d’une connaissance » (Perrin-Glorian, 1999, p. 286). Une situation est adidactique quand disparaît d’elle l’intention d’enseigner, mais

♦ Troisième moment : Constitution de l’environnement technologico-théorique [θ, Θ] relatif à Ti. Ce troisième moment est en interaction étroite avec chacun des autres moments. En fait, dès la première rencontre avec le type de tâches Ti, il y a un rapport avec un environnement technologico-théorique antérieurement élaboré ou avec des germes d’un environnement à créer.

♦ Quatrième moment : Travail de la technique. C’est le moment de travailler de manière qualitative et quantitative le type de tâches pour lequel on perfectionne la maîtrise des techniques qui lui sont associées. Ce faisant, l’élève se perfectionne en améliorant et en rendant plus efficaces et plus fiables son rapport aux techniques, en explorant leur portée. Ce travail demande généralement de retoucher la technologie élaborée jusque-là.

♦ Cinquième moment : L’institutionnalisation. C’est le moment de définir l’organisation mathématique élaborée, d’éclairer l’élève sur ce qu’il doit savoir de l’organisation mathématique construite. L’institutionnalisation sépare, « par un mouvement qui engage l’avenir, le « mathématiquement nécessaire », qui sera conservé et le « mathématiquement contingent », qui bientôt sera oublié ». De cette façon, une praxéologie mathématique fait son entrée dans la culture de l’institution qui en a hébergé la genèse. C’est aussi ce moment qui relance l’étude en mettant en évidence certains types de problèmes qui n’ont pas été travaillés avant (ou pas assez en profondeur).

♦ Sixième moment : L’évaluation. Ce moment s’articule au moment de l’institutionnalisation et il est supporté par la nécessité d’évaluer l’adéquation du rapport personnel élaboré avec le rapport institutionnel défini dans l’étape précédente. Derrière l’évaluation classique des rapports personnels se profile aussi l’évaluation de la norme elle-même ; on juge de sa puissance, sa maniabilité, sa maîtrise et sa portée.

Ces six dimensions du processus d’étude facilitent le repérage des activités privilégiées par l’enseignant en classe, et par conséquent, l’application de cet outil peut nous renseigner sur les rôles destinés aux sujets des institutions. Par exemple, si le moment de la constitution d’un bloc technologico-théorique est presque absent, les responsabilités de justifier l’entrée dans l’institution du savoir en jeu seront difficilement à la charge de l’élève − voire de

l’enseignant ! Dans ce cas, nous doutons de la mise en œuvre d’une gestion mémorielle « intentionnelle ».

Bosch et Gascón (2002) désignent la modélisation d’une organisation didactique en termes de moments de l’étude comme une première méthode d’analyse qui rend possible la description de presque tous les types d’organisations didactiques. Cependant, ils remarquent que la structuration en termes de moments ne suffit pas à une telle description,

car l’explicitation des différents moments de l’étude va partir, avant tout, de ce donné qu’est l’OM à mettre en place, qu’il va falloir être capable d’analyser en éléments ni « trop gros » ni « trop fins » pour ne pas tuer sa « structure vitale », tout en montrant comment se réalise ou pourrait se réaliser sa « recomposition ». En d’autres termes, la description que nous pourrons fournir des OD relatives à une OM donnée va être fortement déterminée par la manière dont nous allons décrire cette OM. Inversement […] la description des OD nous apportera des lumières sur cette OM (p. 32)

En partant de cette dialectique entre OM et OD, les auteurs ont étudié l’incidence des modèles épistémologiques des mathématiques sur les pratiques enseignantes, en élaborant un modèle de l’espace des organisations didactiques institutionnelles. Dans le paragraphe suivant nous présentons certains éléments de cette modélisation.