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O UTILS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES EN D IDACTIQUE DES M ATHEMATIQUES

C. Contrats fortement didactiques portant sur un savoir ‘nouveau’ […]

3.2 E TUDE EXPLORATOIRE EN F RANCE

3.2.3 C ONCLUSIONS TIREES DE CETTE ETUDE

L’objectif de notre étude consistait à déterminer des aspects associés à l’évocation, réalisée par l’enseignant, d’éléments du passé (fictif ou réel) des élèves. De manière intentionnelle, nous avons choisi de formuler cet objectif au sens large, afin de favoriser le repérage de gestes

concernant la mobilisation des connaissances anciennes (au sens large aussi). Nous avons repéré quatre types de gestes : les rappels relatifs au passé scolaire, les re-formulations, les replacements dans un niveau de co-détermination didactique et les ostensifs déclencheurs. Chacun de ces gestes peut remplir plusieurs fonctions, que nous avons décrites dans les deux paragraphes précédents. Dans la suite, nous présentons des conclusions relatives aux points à prendre en considération afin de poursuivre la construction de la problématique première de notre recherche : la gestion mémorielle dans la classe.

• Etant donné que, pour cette analyse, nous n’avions pas caractérisé les passages à considérer comme d’ « ordre mémoriel », et notamment, nous n’avions pas défini de « critères de sélection » de ces passages, certains des gestes repérés sont confondus ou ambigus. En plus, en considérant un « souvenir » comme une reconstruction du passé, grosso modo, tout devient « d’ordre mnésique » − de là l’affirmation de Centeno (1995) : « on pourrait traiter toute la didactique sous ce terme de mémoire »51. Il semble donc impératif, de délimiter de manière assez précise les interactions que nous considérons relatives à la mémoire didactique ou au moins, celles relevant de notre recherche. Ce qui nous amène aussi à préciser notre objet d’étude : la gestion de la mémoire didactique.

• La description faite pour le premier type de gestes identifiés, rappels relatifs au passé, ne semble pas être un outil convenable pour la modélisation du travail de gestion de la mémoire dans la classe (nous pourrions faire aussi le commentaire pour d’autres types). Ceci, car même si certaines fonctions y sont présentes, ce que l’enseignant cherche à mobiliser à travers ces gestes n’est pas, finalement, précisé. Ainsi, la définition de ce type de gestes en termes de « rapports antérieurement établis » est assez large et englobante, pour servir de point de repère pour une analyse du travail de l’enseignant dans une « perspective mémorielle ».

• Pour ce qui concerne les gestes de re-formulation, et avec l’intention d’initier la délimitation de certaines passages, il nous semble évident qu’ils font allusion à des éléments du passé (une répétition de ce qui vient d’être dit, une reformulation déclenchée par quelque chose de dit, ou des synthèses d’interventions produites). Cependant, cette gestion mémorielle nous semble

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Un autre évidence de cette omniprésence de ce que nous pourrions nommer « phénomènes mnésiques », tient dans le fait que nous avons besoin de nous rappeler du sens des mots dans un groupe, même si ce rappel n’est pas la plupart du temps conscient, pour pouvoir communiquer avec les membres de ce groupe.

faire partie d’un travail propre aux pratiques enseignantes dont l’intention première n’est pas forcement la mobilisation d’un passé. Nous retrouvons cette affirmation dans le travail de Mercer (1997), qui expose dans La construcción guida del conocimiento, des types de « conversations » que l’enseignant peut établir avec ses élèves. En ce qui relève les « conversations » pour « répondre à ce que disent les élèves », il inclut les confirmations, les répétitions, les reformulations et les élaborations. Les quatre types nous semblent assez proches de ce que nous avons indiqué comme des gestes de re-formulation : répétitions, récapitulations, reformulations. D’après l’auteur, ces types de conversations sont des techniques communes que les professeurs utilisent pour guider l’activité d’apprentissage de leurs élèves. En d’autres termes, ils sont vus comme des gestes dont la fonction principale ne concerne pas la mobilisation intentionnelle de connaissances anciennes, mais plutôt l’incorporation dans « le discours de ce que disent les élèves afin de réunir les contributions des élèves pour construire des significations plus générales » (p. 36). De cette manière, et revenant à la nécessité de construire des « critères de sélection des passages à analyser », le fait de considérer un geste comme « mobilisateur du passé », ne devrait pas lui donner forcement le statut de « geste mémoriel ». Il est donc indispensable de reprendre cette notion de « geste mémoriel », afin d’indiquer ceux qui pour nous relèveront « du savoir », et en conséquence, seront propres à la didactique des mathématiques.

• Comme conséquence du point précédent, il nous semble qu’il est plus pertinent pour modéliser la gestion de la mémoire, de classifier « ce que fait » l’enseignant à ce propos. En d’autres termes, il faudra centrer davantage nos lunettes d’observation sur « sur quoi » s’appuie le professeur pour « faire voir » ou « faire se souvenir » les élèves de quelque chose, que sur la forme de l’intervention. Il nous semble aussi pertinent de considérer les fonctions de ces gestes pour guider la structuration des types de gestes mémoriels.

• Il semble nécessaire de trouver d’autres outils, théoriques et méthodologiques, pour arriver à mieux caractériser le fonctionnement de l’institution. En effet, les observations naturalistes sont utiles et indispensables, mais elles ne sont pas suffisantes pour établir une description détaillée de la classe. D’autres types de données sont donc primordiales pour croiser les caractérisations. Dans ce sens,

• il est nécessaire de réaliser une étude pendant une durée de temps plus longue et continue. Ceci afin de tenir compte de l’évolution de l’institution qui peut être décrite en termes de contrats didactiques instaurés dans les classes. A ce sujet, comme Matheron (2000) l’a signalé, « l’adhésion au contrat didactique produit, à un double titre, des phénomènes de rappel et d’oubli » (p. 129). De tels phénomènes nous semblent pouvoir être davantage repérables lors d’une durée d’observation continue et relativement étendue.

• Au delà des observations de classe, et en particulier de la pratique enseignante du professeur, il est nécessaire de prendre en compte l’observation de l’étude menée par les élèves. Ceci parce qu’ils constituent l’une des composantes fondamentales de l’institution didactique sans laquelle, par exemple, la description du fonctionnement de l’institution est incomplète.

• Il est utile de procéder à des enregistrements vidéo de certaines séances, notamment de celles où des notions de géométrie seront étudiées. Ceci car l’utilisation de « la figure » dans la gestion de mémoire, comme nous l’avons vu, semble être un élément presque indispensable. En plus, généralement les sujets de l’institution didactique accompagnent leur travail à l’aide de divers gestes des mains, du corps, du visage, etc., qui nous semblent pouvoir être d’ordre mémoriel, et qui sont difficilement repérables à l’aide d’enregistrements audio ou en se limitant aux observations directes.

• Il est préférable que le savoir mathématique, qui est l’objet d’étude des classes à observer, ne soit pas uniquement de nature géométrique. En effet, comme nous l’avons vu, la fonction mnémotechnique des figures géométriques est très dominante et risque de masquer l’accès à d’autres points d’appui que pourrait utiliser l’enseignant dans l’intention de rappeler certaines connaissances. Ainsi, par exemple, dans l’enseignement de la géométrie, des phrases comme « regardez la figure », « qu’est-ce que vous voyez dans la figure », « en voyant la figure… », sont habituelles, mais la verbalisation des intentions de la reconnaissance de certains éléments « cachés » dans ces figures pour évoquer des connaissances (c’est-à-dire, « que doit reconnaître l’élève dans la figure pour se rappeler de quoi ? ») est donc moins fréquente pour les enseignants (et encore moins pour les élèves !)

3.3 RESUME

Dans ce chapitre, nous avons précisé l’importance de l’étude de la gestion de la mémoire en classe de mathématiques. Ceci afin de fixer des points de départ pour structurer notre étude exploratoire. Les résultats de ce travail initial nous ont permis de réaliser une première classification des gestes qu’accomplit l’enseignant et relatifs à la mémoire didactique : les rappels relatifs au passé scolaire, les re-formulations, les replacements dans un niveau de co- détermination didactique et l’usage d’ostensifs déclencheurs.

Nous avons aussi relevé des aspects qui restent à préciser : la caractérisation des points d’appui que l’enseignant mobilise à partir des gestes mémoriels, une classification plus détaillée et caractérisée de ces gestes, la définition des passages considérés comme relatifs à la gestion de la mémoire didactique à travers l’élaboration de critères de sélection de ces passages, une meilleure caractérisation des classes à observer qui puisse favoriser le repérage des éléments institutionnels qui influent dans « l’organisation de la mémoire des sujets », la prise en compte de la structuration personnelle que les élèves font de leur mémoire personnelle, parmi d’autres.

Dans le chapitre suivant, nous intégrons certains des résultats de cette étude exploratoire à notre problématique de recherche en considérant une autre perspective, celle fournie par le sociologue Maurice Halbwachs dans Les cadres sociaux de la mémoire. Il nous semble possible de transposer plusieurs thèses de Halbwachs à une étude didactique de la gestion de la mémoire dans des classes de mathématiques, car la nature des « groupes » qu’il a étudiées (« un groupe est essentiellement un intérêt, un ordre d’idées et de préoccupations […] un courant d’idées ») est proche à celle des « groupes » que nous étudions (un dispositif qui permet « la mise en jeu de manières de faire et de penser propres ») : les classes de mathématiques dans l’enseignement scolaire. Ainsi, les gestes accomplis par le professeur, afin de gérer la mémoire didactique, fournissent-ils des éléments qui pourraient intégrer un « cadre mémoriel ». Notamment, nous étudierons plutôt les spécificités des « groupes » et des « institutions » scolaires afin de déterminer des cadres institutionnels de la mémoire didactique de la classe, car ce sont eux qui structurent les points de référence utilisés dans les gestes mémoriels.