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expression collective et engagée contre création individuelle et universelle

I. Le mouvement féministe et l’art en Midi-Pyrénées : des créations collectives en marge de la situation artistique

II.1 La « guérilla artistique »

II.1.3 Les revues artistiques

« Ces revues n’étaient pas seulement des lieux où se cristallisaient des enjeux de modernité, sur le plan, poétique artistique, etc. C’était aussi des formes de "reconnaissance et de dialogue" puisque les lieux adéquats n’existaient pas. Des centres d’art de papier » (Pierre Manuel, annexe 10).

Les différentes revues qui animent et circulent dans la région à partir du milieu des années 1970 sont des regroupements d’individus, mobiles et disponibles, qui travaillent en commun autour de « l’esprit de l’art » (annexe 10). La revue peut être observée « comme un

lieu symbolique de légitimation de la pensée et un lieu réel de théorisation de celle-ci », à

savoir comme un « intellectuel collectif153 ». Erres, dirigée par Patrick Garcia, Jean Delord, Pierre Manuel puis, plus tardivement, par Isabelle Delord, provient et est financée par l’UTM, notamment la filière philosophie dont sont principalement issus ses rédacteurs. Elle intègre les arts plastiques dès son second numéro154. Axe Sud est fondée par Michel Batlle et est liée à la galerie Axe Art Actuel. Sa vocation est de rendre compte des activités poétiques et artistiques

151 BRIANTI Sylvio, Traces d’artistes : dictionnaire de l’art moderne et contemporain dans les Hautes-

Pyrénées de 1900 à nos jours, Tarbes, Edicité et Coté 4, 2010, p. 182.

152 Coordination des Artistes Plasticiens de Toulouse, CAPT et + Peintures. Catalogue d’exposition (Toulouse,

Palais des arts, 24 novembre-14 décembre 1980). Toulouse, 1980.

153 RIEFFEL Rémy, La Tribu des clercs : les intellectuels sous la Ve République 1958-1990, Calmann-Lévy,

Paris, 1993, p. 219, dans VALETTE Léa, Les lieux de la critique de théâtre en France : enjeux esthétiques et

convictions politiques (1964-1981), thèse de doctorat d’Arts du spectacle, mention Études théâtrales, sous la

direction de WALLON Emmanuel, Paris, Université Paris Ouest Nanterre, 2014, p. 89.

154 REGIMBEAU Gérard (2009). L’information-documentation en art contemporain dans ses dispositifs : cadre

théorique et études de cas, dans COUZINET Viviane (dir.), Dispositifs info-communicationnels : questions de médiations documentaires, Paris, Hermès-Lavoisier, p. 229.

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du sud de la France et de la Catalogne (annexe 10). Bertrand Meyer Himhoff, Christian Satgé et Joan Claret font partie du comité de rédaction. Pictura Edelweiss est le regroupement de Pierre Manuel, Bertrand Meyer Himhoff, Christian Satgé, Gérard Tiné, Joan Claret et Raymonde Hébraud-Carasco (féministe, réalisatrice (Gradiva, 1978) et professeure d’esthétique en philosophie à l’université du Mirail). C’est une revue de création et de réflexion autour de la production provinciale qui émane du département Arts du CPAC.

Pictura Magazine est plus orientée vers l’information et la diffusion de l’art local avec

l’intégration d’une dimension critique (annexe 9). Elle est dirigée par Christian Satgé ; Meyer Himhoff, Jean Delord et Hébraud-Carasco font partie des collaborateurs. Les liens avec les autres villes du Sud, celles de « l’arc méditerranéen » qui relie Bordeaux à Nice, en passant par Toulouse et Montpellier, se concrétisent grâce à ces revues (annexe 10). Le numéro 2 d’Axe Sud indique des correspondances à Montpellier, Marseille, Nice, Nîmes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, et même Paris. Le numéro 8 de 1983 étend son champ jusqu’à Biarritz, Barcelone, et même New York. Il est également notable que La Dépêche du Midi se fait le relais de plusieurs expositions dans la ville, par le biais de la critique d’art Aline Dinier, l’écrivain Michel Roquebert et le peintre et critique d’art Robert Aribaut.

Les années 1970 en Midi-Pyrénées sont donc propices à l’apparition d’un réseau qui se tisse en dehors des institutions. Ce réseau est composé d’individus qui s’associent entre eux et montent des collectifs d’artistes, des comités de rédaction de revues, etc. Les expositions de la Mostra del Larzac, ainsi que les théories de l’art contemporain, à travers les mouvements Support/Surface et Peinture-Itération, imprègnent ces réseaux et participent à la mise en visibilité des avant-gardes dans la région. En 1972, le magazine L’Art Vivant lance une enquête pour tenter de répertorier les artistes de province, à savoir « ceux qui n’ont pas la

"chance" de résider à Paris, se sentent isolés, privés des grandes expositions, tenus à l’écart des grands débats, coupés de la réalité artistique contemporaine, laissés pour compte155… »

Ils reçoivent une cinquantaine de dossiers de collectifs156. L’art des années 1970 est aussi marqué par des revendications concernant la liberté de création, la critique du centralisme parisien et l’engagement de l’artiste pour faire vivre l’art en dehors des institutions, sclérosées : « Nous affirmons notre présence et la réalité de nos créations comme objets réels,

matérialisation essentielle de créateurs qui refusent de se laisser momifier en participant

155 JC, « Au lecteur de Province », L’Art vivant, nº26 (janvier 1972), p. 2-3. 156

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d’une recherche militante d’un art contemporain157

. » Ces regroupements et ces théories sont irrigués par les revues locales, qui sont une possibilité de visibilité des artistes vivants, d’échanges d’idées et, dans une moindre mesure, de sensibilisation du public profane à l’art contemporain. Ces revues et ces groupes permettent surtout l’accès à un réseau : celui des acteurs et des actrices de l’art contemporain local.

La décentralisation mise en place à partir de 1982 marque un frein dans cette dynamique. Les régions sont transformées en collectivités territoriales de plein exercice. De nouvelles structures apparaissent dans les régions, avec à leurs têtes des personnes morales jugées compétentes. Ces changements s’inspirent directement des réseaux non marchands élaborés par les acteurs des années 1970158.