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La redéfinition de l’image des femmes

expression collective et engagée contre création individuelle et universelle

I. Le mouvement féministe et l’art en Midi-Pyrénées : des créations collectives en marge de la situation artistique

I.3 Les productions artistiques issues du mouvement féministe

I.3.3 La redéfinition de l’image des femmes

« Qu’est-ce qui a changé ? Notre blocage par rapport au dessin, notre rapport au corps, une certaine conception du beau102 […] »

102 Anonyme, Journal des lesbiennes féministes de Paris nº1, juin 1976, Archives municipales de Toulouse,

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Le rejet des représentations des femmes dans le cinéma s’est accompagné de celui des sujets féminins dans la culture patriarcale, véhiculés entre autres par les institutions artistiques103. Afin d’élaborer de nouvelles images, non soumises à la seule beauté physique, les militantes s’emparent de moyens de communication relativement simples à manier, ne demandant pas de technique particulière, comme le dessin et la bande dessinée. Les magazines féministes, nationaux et locaux, foisonnent d’illustrations réalisées par des militantes. Ces images ont trois fonctions, selon leur rapport avec le texte : l’ornementation, l’illustration et l’information104. Les dessins ont comme avantage d’être facilement intégrables dans une publication, contrairement à la photographie qui est plus chère. De plus, ils permettent une expression rapide qui ne demande pas de réflexion particulière contrairement à l’écriture, ou de matériaux spécifiques contrairement à la peinture (annexe 2). Les dessins sont des compléments d’écriture ; l’expression passe par le trait, la forme, et non par les mots, comme c’est par exemple le cas pour ceux réalisés dans le magazine

Différence (illustrations 12 et 13). La redéfinition des images des femmes passe aussi par la bande dessinée. Celle-ci a souvent été considérée comme un art mineur et littéraire, destiné à la jeunesse. La création de Pilote en 1959, par Jean-Michel-Charlier, Albert Uderzo et René Goscinny, a changé ses objectifs, en l’ouvrant à la réflexion et en la destinant aux adultes105

. Dans la période de Mai 68, de nombreuses bandes dessinées font leur apparition, comme

Pravda la survireuse de Guy Pellaert, et contribuent à un « tournant vers une nouvelle culture, absorbant les codes de l’image politique, de l’humour et de la dérision106

[…] » L’une des principales caractéristiques de cet art, mêlant écriture et illustration, est son style narratif lui permettant de mettre en scène des individus ou des situations107 . Dans La Lune

Rousse, de nombreuses BD sont réalisées par Corinne Clément. Elle témoigne des instants

quotidiens de la vie en collectivité, dans la MDF, dans le mouvement des femmes, dans le Ciné-club, etc. (illustration 14). Les dessins sont esquissés et peu détaillés. Ici, ce n’est pas

l’esthétique qui compte, ni la projection réaliste de l’apparence physique des sujets, mais leurs activités et leur personnalité. La « Beauté », telle qu’elle est entendue dans les codes

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Voir NOCHLIN Linda, Femmes, art et pouvoir et autres essais, Nîmes, Editions Jacqueline Chambon, 1993 (1ère ed. 1989).

104 BRUNEAU Marie, GENIER Bertrand, Presse Papier/Travaux en cours, Design&co, Paris, Pyramyd NTCV,

2006, p. 90.

105DUPUY Dominique, Bande dessinée, dans ARTOUS Antoine, EPSZTAJN Didier, SILBERSTEIN Patrick

(dir.), La France des années 1968, Editions Syllepse, Paris, 2008, p. 153.

106 Ibid, p. 155.

107 LE PONTOIS Sandrine, La BD pour apprendre et comprendre : du storyworld didactique à l’engagement

testimonial, dans DACHEUX Eric, LE PONTOIS Sandrine (dir.), La BD, un miroir du lien social : Bande dessinée et solidarités, Communication et Civilisation, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 131.

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esthétiques de représentation des femmes, notamment dans les institutions artistiques, disparaît au profit d’une nouvelle beauté, celle de la vie entre femmes, où l’être prime sur le paraître : « […] faire éclater les critères du beau qu’on nous a fourrés dans la tête. Découvrir

le beau là où on ne l’attendait pas. Ouvrir le champ de nos désirs108

. »

D’autres militantes se sont intéressées, non pas à la représentation des personnages féminins, mais à la redéfinition de leur identité individuelle. Ce travail de quête intérieure s’est réalisé grâce à la vidéo. Le féminisme est la prise de conscience d’une conscience de l’oppression109

et, après des années de sommeil, l’éveil se fait par l’art110. Les groupes de parole servent à l’expression, mais la douleur ne peut s’exprimer par le langage. L’art serait «

un moyen d’en pénétrer le secret, puisqu’il ne repose pas seulement sur le langage rationnel, sur la narration linéaire ou sur la croyance naïve en la thérapie111. » Les femmes se sont

rapidement emparées de la vidéo comme moyen d’expression artistique. À Toulouse, ce travail est rendu possible par Marie-Thérèse Martinelli. Elle forme des groupes de vidéastes, composés entre autres de Maïté Débats, Monique Haicault et Anne-Marie Auger (annexe 5). Elles travaillent notamment sur l’introspection et le rapport à la Mère. Elles ont réalisé le film

À la recherche du Masculin-Féminin en nous (50mn, bande Sony, 1 /2 pouce) à la fin des

années 1970, renommé Balbutiement112 (illustration 15). Dans la première moitié des années 1980, le groupe de vidéastes propose un stage avec Katerina Thomadaki (annexe 5). Le film, selon les témoignages des créatrices et l’expérience de la réalisatrice, est réalisé selon les mêmes principes que Double Labyrinthe :

« Le vide auditif en tant que dimension mentale et temporelle. Matérialisation du concept à travers le corps qui se charge de la fonction sémantique au détriment du mot. […] Dimension politique de l’identité féminine. Dimension politique du corps. Dimension politique du langage poétique. Dimension politique du Super 8113. »

Les actrices/réalisatrices se réunissent par paires après un tirage au sort, et elles se filment l’une après l’autre. Celle qui est filmée décrit en amont à celle qui est derrière la caméra, la manière dont elle souhaite apparaître, et celle qui filme retranscrit ensuite le mieux possible

108 Anonyme, Journal des lesbiennes féministes de Paris nº1, op. cit.

109Voir HERITIER Françoise, Masculin/Féminin II : Dissoudre la hiérarchie, Essais, Paris, Poches Odile Jacob,

2002.

110 PHELAN Peggy, RECKITT Helena (dir.), Art et féminisme, op. cit., p. 34. 111 Ibid..

112 Mail personnel de Marie-Thérèse Martinelli, daté du 8 avril 2015. 113

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cette description, sur une courte scène d’environ trois minutes (annexe 5). L’objectif est donc

la communication entre les femmes, orale et inconsciente. Ce qui ne se transmet pas par la parole doit se transmettre par le désir, et l’image réalisée doit correspondre à l’imaginaire de celle qui l’a décrite (annexe 5). Parallèlement, Maïté Débats a profité de cet apprentissage de la vidéo pour continuer de son côté ce travail. Elle a tout d’abord réalisé, avec d’autres cinéastes, le film L’aidant de la mère, sur la culpabilisation des femmes mères par les administrations sociales114. Elle a aussi participé à la fondation de l’APIAF, et est entrée à l’école de l’Enseignement Supérieur de l’Audiovisuel en 1986 où elle a rencontré Carole Prestat. Au sein de l’APIAF, avec cette dernière, elle réalise des films autour des violences conjugales ; la vidéo permet la libération de la parole115. Ainsi, les militantes vidéastes ne recherchent pas le profit. Si elles s’installent derrière la caméra, c’est « parce qu’elles ont des choses à exprimer,

parfois même longtemps contenues116 […] »

L’un des autres nouveaux moyens de communication qui a été employé est la photographie. Elle est utilisée à la fois comme outil servant à figer la mémoire, et comme une possibilité de recherche esthétique autour de l’environnement et du quotidien des femmes. Un groupe Images est actif depuis le début de la MDF et organise des sorties collectives afin de prendre des photographies (illustration 16). Il est composé d’Irène Corradin, Monique Bonzom, Marie-France Brive, Arlette… Entre 1978 et 1980, un laboratoire de photographie se monte à la MDF117. En juin 1981, le groupe organise une exposition sur le thème « Espaces ». Les photographies n’ont pas de titre, mais elles sont attribuées à leur autrice. Elles mêlent l’esthétique au souvenir (illustrations 17, 18 et 19), et permettent d’avoir encore aujourd’hui des images de la MDF, des femmes qui s’y trouvaient et de leurs activités. Elles ne reflètent pas seulement une réalité figée à vocation mémorielle, mais des sentiments et des émotions, ceux qui traversaient le MLF et les habitantes de la Maison. Les expositions du groupe Images ne circulent pas uniquement à Toulouse118, mais elles restent cependant internes aux groupes féministes.

114 CASAS VILA Gloria, « Mais quel monde voulons-nous ? Entretien avec Maïté Débats, féministe engagée de

Toulouse », Nouvelles questions féministes, vol. 31, nº1 (2012), Homophobie : p. 104.

115V.N., Carole Prestat et Maïté Debats : paroles de femmes [en ligne]. La Dépêche du Midi, 5 août 2002

[consulté le 10 avril 2015]. Disponible sur : http://www.ladepeche.fr/article/2002/08/05/406479-carole-prestat- et-maite-debats-paroles-de-femmes.html

116 LEJEUNE Paule, Le cinéma des femmes : 105 femmes cinéastes d’expression française (France, Belgique,

Suisse) 1885-1987, Paris, Atlas Lherminier, 1987, p. 18.

117 Anonyme, « Investissement sur l’image », La Lune Rousse, nº8 (mai 1980), p. 27. 118

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Un film-diapositive sur la MDF a également été tourné en collaboration avec Mona Fillières, réalisatrice de Douze fois impure (1977). Le film a débuté en juillet 1981119, mais il n’en reste apparemment aucune trace à ce jour.

Le mouvement féministe en France s’inscrit donc dans le prolongement des manifestations de Mai 68 et une période d’ébullition collective. La présence des femmes à l’université, foyers de politisation, a favorisé leur prise de conscience. Le MLF toulousain ouvre de nombreux lieux, majoritairement non mixtes, avec des objectifs différents. Le « vivre ensemble » a une importance particulière dans le militantisme féministe, et encore plus dans le militantisme lesbien, très présent à Toulouse. Les membres de la MDF se retrouvent ainsi dans ce lieu, se découvrent et vivent ensemble. Elles produisent leur propre journal, La

Lune Rousse, dans une optique d’exprimer leur vécu, leurs émotions, leurs analyses, et de

s’opposer à la presse traditionnelle, imprégnée par le patriarcat et le capitalisme. Les féministes se retrouvent face à plusieurs difficultés : celles de la division entre elles, malgré les volontés de se rassembler, et la difficile articulation entre un mouvement visible et l’opposition aux tentatives de récupérations institutionnelles. Cette récupération, favorisée par les femmes les moins radicales, est engagée depuis la mise en place d’un secrétariat d’État à la Condition féminine en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing, puis accentuée par celle du Ministère délégué aux droits de la femme en 1981 par le PS. La violence patriarcale et la crainte de la récupération institutionnelle poussent les féministes les plus engagées à s’isoler entre elles, jusqu’à la victoire du PS en 1981 qui modifie l’ensemble du panorama militant. La perte de vitesse du mouvement après dix ans de vie, l’espoir en de réels changements et l’institutionnalisation de la question du genre féminin se traduit par une perte de radicalité et de combativité dans les milieux politisés.

Le « vivre ensemble » a cependant permis la mise en place d’une certaine solidarité avec les femmes cinéastes et artistes, notamment par la création du Ciné-club non mixte de la MDF. Les féministes y projettent des films d’hommes, dans lesquels elles critiquent, positivement ou négativement, l’image et la place données aux femmes. Parallèlement à cette critique, elles se cherchent une histoire commune et une culture commune. Elles découvrent les cinéastes et créatrices du passé et du présent. Cette découverte se traduit vite par un soutien aux réalisations de ces cinéastes, notamment par la mise en visibilité de leurs œuvres

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et par le tissage de liens affectifs. La diffusion des films passe par le cadre du Ciné-club et de ses projections mensuelles au Cratère ainsi que par des festivals locaux ou la décentralisation de festivals nationaux. L’approche socioculturelle de l’impact du cinéma sur le milieu féministe et de l’intérêt de ce dernier sur cet art permet de « montrer quelles relations les

objets culturels ont avec les groupes sociaux, de manière à comprendre et l’objet lui-même, et le groupe qui le consomme120. » Le Ciné-club a eu beaucoup de succès auprès des

Toulousaines et d’autres formes de soutien se sont créées, comme la galerie Art Femmes et celle de Françoise Courtiade. Cependant, la visée artistique du Ciné-club ne semble avoir été portée que par quelques femmes cinéphiles121. Les débats qui ont traversé le Ciné-club étaient pour la plupart portés sur la politique, le ressenti122, et non sur une analyse approfondie du film en tant qu’œuvre cinématographique (annexe 4). Le succès de ce lieu viendrait principalement du fait qu’il soit un lieu du MLF, un rendez-vous fédérateur non mixte autour d’un film, plutôt que d’un engouement réel autour du cinéma. Autrement dit, le besoin de vivre ensemble effacerait en partie les théories artistiques au profit d’une consommation esthétique. Les galeries sont quant à elles des initiatives individuelles prises à part du mouvement féministe en lui-même. L’association Esclarmonde, par le biais du magazine

Différence, a surtout publié des articles politiques, et non artistiques123. L’association devait

se différencier quelque peu de sa publication, mais l’absence d’archives la concernant laisse penser un échec de sa volonté de soutien culturel collectif. Le manque d’attention pour la galerie Art femmes, Jeanne Vital n’étant pas une militante active connue dans le mouvement, marque apparemment les limites de l’attachement artistique des actrices politiques toulousaines.

La collectivité, par le biais du mouvement féministe, a néanmoins aussi été vectrice de créativité. Le point commun de ces œuvres est qu’elles sont toutes fondées sur un rejet des institutions d’art, et se constituent en dehors de celles-ci. Les féministes se lancent dans l’acte créatif afin de visibiliser leurs actions et leurs existences, s’émanciper et émanciper par l’acquisition et la transmission de techniques artistiques, et redéfinir leurs images. Ces redéfinitions diffèrent des clichés dominants dans la culture : les femmes ne sont pas érotisées, elles ne sont pas objets, mais sujets, et l’accent est mis à la fois sur leurs activités,

120 LAGNY Michèle, De l’Histoire du cinéma : méthode historique et histoire du cinéma, Cinéma et

Audiovisuel, Paris, Armand Colin Editeur, 1992, p. 194-195.

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M. The, « Réflexion sur le Ciné-club de la maison des femmes », texte présenté à la « Conférence internationale sur la femme, le cinéma et la vidéo » d’Amsterdam le 25 et 31 mai 1981, La Lune Rousse, nº12- 13, tome 1 (1981-1982), p. 105.

122 Ibid. 123

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leurs personnalités et non sur leurs seules apparences physiques. Les créatrices féministes se posent en sujets actifs, et refusent la figuration et la passivité. Elles s’emparent des nouveaux moyens de communication revalorisés par Mai 68, comme la vidéo, la photographie, la bande dessinée, le roman-photo et le théâtre de rue. Ces derniers ont l’avantage de ne pas demander une technique particulière afin de les utiliser, et ils sont faciles d’accès. Les œuvres sont pour la plupart produites en collectivité. Elles sont souvent amatrices et n’ont pas pour objectif d’être diffusées à l’extérieur du mouvement et de ses lieux, si ce n’est dans une optique militante.

En dehors des lieux et de ces rassemblements militants, d’autres engagements ont apparemment émergé : « les féministes étaient dans le mouvement politique, mais aussi

ailleurs124. » D’autres formes de solidarité, de vision des événements, de militantisme et de regroupements peuvent donc être étudiées dans le but de compléter l’histoire du féminisme en Midi-Pyrénées. Les milieux universitaires (le groupe Simone), syndicaux (les rédactrices du magazine Antoinette de l’Union Départementale CGT, etc.), culturels (les actions de Monique Lise Cohen, Marianne Miguet et Dany Nadal, etc.), politiques (le centre de la Rue Borios et l’Association Promotion Initiatives Autonomes des Femmes (APIAF), etc.), et les lieux en dehors de Toulouse (les Maisons de femmes dans le Gers, etc.) sont autant d’éléments à prendre en compte dans la situation locale.

D’autres questions se posent comme celle des motivations qui ont poussé les femmes à franchir le pas de l’isolement pour aller dans les groupes de paroles et dans le mouvement : par quel biais se propageaient les idées féministes ? Quelles étaient les revues et les publications lues par les féministes et par les femmes en général ? Quel impact ont eu ces publications ? Comment est-ce qu’on « rentrait » dans le mouvement féministe ? Quelles étaient les possibilités de s’investir ? Comment était-on reconnue comme « militante » féministe ? Qu’est-ce qui a pu freiner certaines femmes, dont des artistes, à se mobiliser aux côtés des militantes tout en étant conscientes des discriminations ? Quel rôle a joué la non- mixité dans la dynamique et l’isolement du mouvement ? Quels étaient les atouts et les limites de la non-mixité selon les militantes féministes ? Quels rapports de pouvoir ont pu s’instaurer à l’intérieur du mouvement ? L’impact réel des politiques mises en place dans les années 1980 serait aussi à réfléchir, à savoir la possibilité d’une préoccupation pour l’art lorsque l’urgence des revendications politiques s’estompe : quels ont été les changements concrets concernant le militantisme féministe local dans les années 1980 ? Quelles conséquences ont

124 Rencontre du 25 février 2016 avec Marianne Miguet, bibliothécaire au Musée du Vieux Toulouse et Dany

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eu ces changements ? Y a-t-il eu un réel intérêt pour l’art dans le milieu féministe, ou celui-ci s’est-il instauré autour de ce que pouvait apporter l’art à la collectivité et aux liens entre femmes ? Pourquoi, malgré l’affinité des militantes pour le cinéma, aucun groupe comme Musidora ne semble s’être constitué dans la région ? Qui est à l’origine de l’organisation de la quinzaine sur « la représentation des femmes au cinéma » en 1975, à laquelle les militantes féministes et Musidora ont été conviées à participer125 ? Quel est ce « collectif Femmes de réalisation vidéo » qui se serait constitué après cet événement à Toulouse et dans d’autres villes ?

L’interrogation concernant les liens entre l’art et le féminisme semble aussi pouvoir se poser comme celle des relations « hégémoniques » à l’intérieur du mouvement, qui incluent les militantes et les sympathisantes, mais qui peuvent « exclure » les femmes, artistes ou non, extérieures au mouvement : quels liens les créatrices comme Vera Kunodi, Marie-Claude Treilhou ou Anne Barrès ont-elles entretenus avec le mouvement féministe ? L’intérêt qui a été porté à ces réalisatrices et artistes vient-il d’un goût esthétique pour leurs créations ou de leurs positions politiques qui ont permis de nouer des relations amicales avec les militantes ? Les relations entre femmes peuvent-elles évoluer d’une attention personnelle vers une attention esthétique ? Qu’est-ce qui explique l’absence d’archives et de préoccupation, de la part du mouvement féministe comme du milieu artistique, envers la galerie Art femmes ? Qu’est-ce qui a provoqué l’arrêt prématuré de l’association Esclarmonde ? Est-ce leur retrait volontaire du milieu féministe ? Est-ce le manque d’intérêt pour l’art à Toulouse ? Ou est-ce également l’absence de subventions des associations culturelles en région avant 1981 ? Il serait de plus intéressant de trouver les actions et les activités de Charlotte Calmis dans la région : un groupe comme La Spirale a-t-il pu exister localement ? Où bien Calmis n’a-t-elle axé ses actions que vers la région parisienne ? La question de l’origine et de la motivation des créations collectives internes au mouvement n’est également pas résolue : malgré l’existence de ces productions, les militantes qui en sont à l’origine ne se revendiquent pas comme « artistes ». L’absence de contact avec le milieu de l’art et la légitimité qu’il procure semble être un frein à cette revendication : quelles étaient les connaissances artistiques des militantes créatrices ? Quelles étaient leurs inspirations ? Y a-t-il eu des productions similaires dans d’autres villes de province, ou cette émergence à Toulouse n’était-elle due qu’à la présence de certaines personnes intéressées par l’art ?

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L’accès au monde de l’art se fait, dans la majorité des cas, par l’acquisition d’une formation à l’école des Beaux-arts. La situation régionale diffère de la situation nationale,