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Entretien avec Corinne Clément, 17 février 2015, 18h, au bar l’Entracte (Place de la

Trinité), durée : 40mn

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Corinne Clément a été une actrice du mouvement féministe toulousain, et a réalisé les affiches de la Maison des femmes et celles du Ciné-club. Elle est aussi à l’origine des illustrations et des bandes dessinées à l’intérieur de la Lune Rousse. Elle n’a pas de suite répondu à ma demande concernant l’entretien. C’est Irène Corradin qui lui a demandé de me répondre. Cette absence initiale de réponse est due au fait qu’elle ne considérait pas son travail comme de « l’art ». J’ai donc orienté mon interview pour comprendre quelle vision elle avait de l’art et celle qu’elle avait de son travail. J’avais amené avec moi les images et les photographies que m’avait données Brigitte Boucheron, dont les affiches du Ciné-Club et celle de la Maison des femmes.

Est-ce que vous pouvez commencer par expliquer un peu votre parcours ?

J’ai découvert le féminisme assez jeune. Je suis arrivée à Toulouse en 75, mais je m’intéressais déjà à cette question avant donc j’étais encore étudiante. Je n’habitais pas Toulouse à l’époque donc je me suis un peu baladé ailleurs, en Allemagne, j’ai fait mes études à Poitiers, et là je me suis intéressée déjà au MLF à l’époque. J’allais à quelques réunions, quelques trucs, mais comme j’étais pas encore fixée quelque part, je m’intéressais juste à ces questions. J’ai découvert ça dans les années 1972-73-74… Mais en même temps ça coïncidait aussi avec ma découverte du problème écologique. C’est l’opportunité qui faisait que j’ai milité plus directement dans l’antinucléaire que dans le féminisme là où je me trouvais à l’époque parce qu’il y avait des questions de constructions de centrales à l’époque, c’était d’actualité, mais j’avais toujours les deux à l’idée. Pour moi c’était les deux grandes questions qu’il fallait faire évoluer dans la société. Sauf qu’elles étaient séparées, enfin on parlait pas trop de féminisme dans les journaux écologiques de l’époque, enfin à ma connaissance, style

272 Image : VIGROUX Sophie, La Dépêche : Les trésors cachés de Toulouse [en ligne], 11 mars 2013 [consulté

le 10 février 2016]. Disponible sur : http://www.ladepeche.fr/article/2013/03/11/1579234-les-tresors-caches-de- toulouse.html.

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La Gueule ouverte, et par ailleurs l’écologie ne branchait pas les femmes qui étaient

préoccupées par l’avortement. Voilà j’avais ces deux trucs en tête. Quand je suis arrivée à Toulouse, je voulais voir ce qu’il y avait, ça me paraissait être une ville très active, donc on cherche, on regarde, et j’ai vu une affiche « AG du MLF », je m’en souviens encore. Et j’y suis allée, car je me suis dit qu’il fallait prendre les choses par un bout. Je suis tombée en plein sur une réunion qui commençait à parler d’un projet d’ouvrir une maison des femmes. C’était en 75, et je suis rentrée là-dedans. Donc j’ai participé un projet qui consistait à construire une maison pour les femmes, qui était pas loin d’ici d’ailleurs puisqu’elle était rue des Couteliers, c’était une location, et donc voilà je suis rentrée comme ça tout simplement, d’une manière très prosaïque d’ailleurs… On a restauré, on a fait des meubles, on a piqué des murs… Je suis rentrée comme ça.

Quand avez-vous commencé à dessiner ?

Je ne dessine plus. À l’époque j’avais commencé à dessiner enfant, je dessinais beaucoup. Et je faisais des bandes dessinées justement. J’étais assez fascinée par ça, j’écrivais des histoires et puis je les mettais en bandes dessinées. Ou bien j’écrivais des petits romans, mais comme beaucoup d’enfants comme ça qui expriment leur créativité par le dessin. Donc j’avais l’habitude de faire des petits dessins, quand je prenais des notes, quand je voyageais, des choses comme ça. Par exemple quand je faisais des études d’Histoire de l’art médiéval, quand je me baladais, je dessinais des chapiteaux romans, des choses comme ça, des petites esquisses. Mais je n’avais aucune formation et je ne dessinais pas de manière catastrophique, mais sans aucune technique.

D’où vient votre goût pour le dessin ?

Je crois, s’il faut chercher des origines… Ma mère, qui est une femme au foyer, qui s’est mariée, quand elle était jeune, elle a pris des cours de dessins et de peinture et elle a fait des tableaux. En amateur hein, en amatrice. Elle s’est arrêtée au fur et à mesure qu’elle a eu des enfants, elle en a eu quatre, mais quand j’étais enfant, je l’ai vue peindre et d’ailleurs j’ai récupéré ses dessins que je garde précieusement chez moi, parce que c’est une femme qui avait un potentiel, mais qui, comme beaucoup de femmes, n’a pas pu le développer. Donc en tout cas j’ai vu ses tableaux aux murs, j’ai vu ses dessins, quand j’allais chez mes grands- parents, au grenier, elle avait fait des dessins de mode y en avait partout par terre et j’ai vu tout ça, et je pense que ça m’a marqué. Et quand on était enfant, on était passionnés par le dessin animé aussi. Donc moi lorsqu’on me demandait : « Qu’est-ce que tu veux faire ? » je

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répondais : « Je voudrais faire des dessins animés ou des bandes dessinées », voilà ce que j’avais dans la tête.

Avez-vous participé à la création du magazine La Lune Rousse ?

Oui sans doute puisque La Lune Rousse est née au moment de la Maison des femmes donc… Il devait y avoir un groupe de travail pour autant que je me souvienne parce que c’est un peu vague. Et puis y avait un groupe, et puis on rassemblait des articles, on le discutait, on voyait ce qu’on retenait tout ça… Et donc je ne sais pas comment j’en suis venue à proposer des dessins, mais ça se faisait vraiment à l’amiable parce qu’on se connaissait, c’était vraiment artisanal et spontané tout ça. Y a peut-être des choses qui m’ont fait rire et qui ont fait que j’ai eu envie de faire de l’humour sur certains de nos traits, de nos aspects, pour qu’on se moque un peu de nous-mêmes. Ce n’était pas des bandes dessinées qui dénonçaient l’oppression des femmes, c’était beaucoup plus de l’autodérision. Je ne suis pas sûre que les femmes de l’extérieur pouvaient toujours suivre… De toute façon La Lune Rousse n’avait pas non plus un impact énorme, c’était déjà bien que ça existait puisqu’il n’y avait rien ici.

C’était vous qui les proposiez ces bandes dessinées ?

Ah oui complètement, je faisais ce que je voulais. D’ailleurs tout le monde faisait ce qu’elle voulait là-dedans. Y en avait une qui mettait un poème, l’autre un coup d’humeur, la troisième faisait un dessin. Je crois me souvenir qu’il y avait un groupe poésie, un groupe photo, enfin on ne mettait pas des photos dans le journal, on n’avait pas les moyens de faire des reproductions, des groupes de réflexions, et parfois j’imagine que les groupes de réflexion faisaient un article. C’était complètement spontané tout ça.

Vous proposiez des textes en plus des dessins ?

J’ai dû faire un ou deux textes, mais je sais plus de quoi ça parlait… C’était plutôt le dessin moi. Dans les groupes un peu militants, il y en a qui sont plus théoriciennes, d’autres plutôt pratico-pratiques… Et moi j‘aimais bien dessiner donc c’était ma façon de contribuer.

D’où vient cet intérêt pour la bande dessinée ?

Je crois que c’est un effet de génération. On lisait des bandes dessinées à l’époque, il y avait

Pif, qui était un journal plutôt PC, après y avait les Walt Disney, les Mickeys et les trucs

comme ça… À l’époque on ne lisait pas mal de bandes dessinées pour enfants et pour adolescents. Ce qui me plaisait là-dedans c’est que ça alliait le texte et le dessin, et comme j’aimais aussi écrire, et que je faisais des bandes dessinées enfant, je pense que c’est pour ça que j’ai choisi la bande dessinée.