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Les retombées de l’expérience scolaire au niveau du registre de la connaissance

CHAPITRE 4 : L’EXPÉRIENCE SCOLAIRE CHEZ DES ÉLÈVES DE LA CLASSE DE

3 L’expérience scolaire dans la construction personnelle chez les élèves

3.2 Les retombées et/ou la portée de l’expérience scolaire chez les élèves

3.2.1 Les retombées de l’expérience scolaire au niveau du registre de la connaissance

Ces retombées sont de plusieurs types au niveau du registre de la connaissance. Ils partent des simples connaissances générales aux connaissances plus spécifiques dans certains domaines comme le rôle des divers intervenants à l’école, les filières de formation après le baccalauréat dans les universités et grandes écoles et les connaissances relatives au soi. Au niveau des connaissances générales, trois autres distinctions peuvent être faites. La première distinction concerne le niveau intra-individuel. Les élèves mentionnent ici le savoir, le savoir-faire et le savoir-être qu’ils ont acquis durant toute leur scolarisation.

Et puis, j’ai appris beaucoup de choses là-bas qui me servent encore aujourd’hui. Par exemples, les calculs en mathématiques, les multiplications, les leçons d’histoire et il y a pleins d’autre chose encore (Sylvain).

Pour moi, l’école m’a apporté beaucoup de choses. Grâce à cela, j’ai connu la comptabilité (Kipré).

[…] c’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon. Si je n’étais pas venu à l’école, je n’allais pas avoir toutes ces connaissances (Gérard).

On faisait des sketches et des théâtres […] Je me rappelle une fois, on devrait prester devant les autorités du lycée et les parents d’élève de l’établissement. On était en compétition contre le lycée classique et le lycée garçons de (Nom de la ville). Je me rappelle que c’est nous qui avions remporté le trophée. On avait presté sur hypertension artérielle. […] Dans mon parcours scolaire, je peux dire qu’il y’a eu des hauts et des bas. Les concurrences dans les différentes classes m’ont permis de prendre conscience et de réveiller en moi l’envie de travailler. L’encouragement des professeurs m’a permis aussi de prendre conscience et de prendre de l’avance sur les autres (Moussa).

[…] il peut arriver des moments où tu peux être confronté à des difficultés. Et si tu n’es pas fort moralement, si tu veux te décourager, tu ne pourras pas atteindre tes objectifs. Donc, ça m’a permis de pouvoir m’adapter à certaines situations et puis de ne pouvoir pas me décourager dans la vie, continuer toujours à me battre (Fanta). Ah oui ! Peut-être un changement dans mon comportement (Dorcas).

Mon passage au primaire m’a permis de m’ouvrir un peu (Fidèle).

Au fur et à mesure que j’ai commencé à aller à l’école, bon ! À changer d’école, j’ai commencé à m’améliorer côté comportement parce que j’étais très très invivable. J’étais quelqu’un de très coléreux et quelqu’un de très cru. C’est-à-dire que lorsque je te vois comme ça, je ne sais pas, j’étais très imbue de moi-même. Et je sais que quelque chose a changé en moi (Fabienne).

La deuxième distinction au niveau des connaissances générales a trait au niveau interindividuel. La confrontation des élèves avec les autres acteurs de l’école leur a permis d’avoir un meilleur encadrement et de bénéficier des retombées d’une bonne socialisation. Plus de 80 % des élèves pensent avoir bénéficié à l’école de meilleurs outils et astuces pour pouvoir mieux s’intégrer dans la société.

Je peux dire que l’école primaire a été la base de ce que je suis aujourd’hui. Grâce à cela, je sais lire et compter aujourd’hui. À part cela, je ne vois ce que de spécial cela m’a apporté (Kipré).

Et puis, si tu n’as pas été bien encadré, c’est-à-dire qu’on vous a un peu briffé sur « il faut faire ça, il ne faut pas faire ça et tout », parce que quand même à l’école, on donne ce genre de conseil là « ce genre de chose, c’est bien, ce genre de chose, ce n’est pas bien », comment se comporter et tout. Une fois arrivé dans un autre cadre, peut-être que vous serez moins suivis ou peut-être que ce sera moins rigoureux, tu vas basculer dans carrément autre chose (Dorcas).

J’ai appris aussi à connaître ce qu’on appelle aussi l’amitié. J’étais aussi dans un club de littérature en français. C’était notre premier de classe en seconde qui en était le président et moi, j’étais son secrétaire général (Moussa).

De façon générale, je peux dire qu’au lycée technique, on a été formé psychologiquement non seulement avec les matières qu’on a étudiées en français, en mécanique, en dessin et autres. Ici, on a appris ce que c’est que la rigueur parce qu’à 7h30, quand tu as cours par exemple avec monsieur (Nom de l’enseignant) en atelier et que tu ne viens pas à l’heure, tu ne fais pas cours pendant 4h. Donc, en tout cas, on a commencé à développer certaines attitudes concernant tout ça (Antoine).

Au final, je retiens que le lycée technique n’est vraiment pas un lycée facile. Une fois ici, il faut vraiment te donner. C’est un établissement qui fait beaucoup réfléchir. Si tu ne fais pas parler ton intelligence ici, tu ne vas pas avoir un diplôme avant de partir

(N’douba).

La troisième distinction au niveau des connaissances générales a un caractère beaucoup plus spécifique. Elle concerne la reconnaissance du travail fourni par l’élève, la structuration de ses aspirations et les projections qu’il fait dans le futur concernant son avenir professionnel. La reconnaissance du travail bien que peu évoquée dans ces entretiens nous semble important à souligner. En effet, seulement deux (02) élèves y abordent le sujet. L’effet que pourrait avoir cette reconnaissance sur la perception que le sujet a de lui-même et de ses capacités sera abordé dans les prochaines pages de ce mémoire. Pour le moment, nous nous contenterons de retranscrire les extraits de verbatim que nous avions trouvés dans leurs récits.

[…] tout le monde parlait de moi. J’avais une bonne renommée en français. Quand il y avait des problèmes surtout en français à l’école, j’étais la référence (Florence).

J’avais de très bons rapports avec les enseignants. En troisième, le prof de maths m’appelait Einstein et les autres élèves m’appelaient « le fils du prof de mathématique » parce que j’étais très bon en mathématique. Quand le prof arrivait, les élèves disaient « Moussa, ton papa arrive » (Moussa).

Au niveau de la troisième distinction des connaissances générales à caractère spécifique, nous avons souligné aussi la structuration des aspirations et les projections que font ces élèves concernant leur avenir professionnel. En effet, les connaissances acquises par ces élèves durant leur formation leur permettent d’affiner leurs aspirations. Elles leur permettent aussi de nourrir certaines ambitions et de se projeter dans l’avenir sur le plan professionnel.

Quand tu vas à l’école et que tu fais certaines matières, c’est ton goût qui t’envoie vers là-bas en fait parce que dans le parcours que j’ai fait depuis la 6ème jusqu’à maintenant, c’est vraiment la chose qui m’a attirée au fait. C’est pour cela que je suis allée dans ce sens (Dorcas).

Ce que je peux retenir de toutes mes années de scolarisation, c’est que l’école nous a d’abord formés, nous a apprêtés et nous à forgés dans ce qu’on veut faire. […]. Je peux dire que mon passage au collège m’a aidé à savoir plus ce que je voulais faire. Avec tout ce qu’on faisait à l’école, je me suis penché vers la gestion et l’informatique

(Georges).

De façon générale, je peux dire que mon passage au collège m’a permis […] de connaître mes valeurs, de connaître les matières dans lesquelles ça va et les matières dans lesquelles ça ne va pas afin de pouvoir choisi mon chemin. Ça m’a permis de savoir que j’étais fort dans les matières scientifiques et que j’avais plus d’efforts à faire dans les matières littéraires comme l’allemand par exemple. Je peux dire que ça allait aussi en français et en anglais. […] Durant mon passage au lycée classique ici, je peux dire que mes ambitions n’ont pas changé. Je peux dire au contraire qu’ils se sont plus améliorés. J’ai vu plus ce que je voulais faire. C’était plus CBG, sciences économiques ou l’agronomie (Gérard).

Je peux dire que mon passage au collège m’a permis de voir plus loin. Je me disais qu’en ayant des hauts diplômes, on peut se faire une place dans la société (Lucie). Oui ! Bien sûr ! C’est à l’école que j’ai appris tout ce que je sais. C’est à l’école que j’ai appris la mécanique et l’électromécanique. C’est aussi de l’école qu’est partie mon ambition de faire la robotique ou la mécatronique (Ibrahim).

L’envie de devenir maîtresse avait fortement changé. En côtoyant les professeurs, j’ai vu que le maître n’était rien devant le prof. Pour être maître, il faut le BEPC. Alors qu’il te faut faire juste 2 pas, pour être prof (Fabienne).

Si je n’avais pas été à l’école, je pense que je serais présentement en train de cultiver dans les champs de cacao et de café de mon grand-père au village. C’est ce que tous mes frères et cousins qui ne sont pas partis à l’école ou qui n’ont pas réussi à l’école font. C’est parce que je suis parti à l’école et que j’ai fait la seconde AB au lycée technique que j’ai eu l’envie de faire cette formation. Mais, peut-être aussi que si on m’avait orienté dans une autre filière, j’allais opter pour un autre choix qui serait différent des sciences économiques et gestions (Moussa).

Au niveau du registre de la connaissance, nous avons noté une particulière qui pourrait avoir aussi une incidence sur l’expérience qu’ont vécue les élèves dans leurs établissements. Celle- ci est relative aux rôles des divers intervenants à l’école. Cet intéressement aux rôles des divers intervenants de l’école est sans doute lié au niveau d’investissement scolaire des élèves. En effet, d’après nos analyses, seuls les élèves qui ont de bons résultats scolaires s’intéressent à ce sujet. Parmi ces derniers, une proportion plus grande est attribuée aux filles (87,5 %). Cependant, de façon générale, leurs connaissances dans ce domaine semblent limitées. Seul le rôle des éducateurs est clairement exprimé par les participants. Certains avouent aussi ne pas connaître l’utilité et l’intérêt de la présence des conseillers d’orientation dans les établissements.

Il y a des conseillers d’orientation qui venaient en classe. Mais, je ne les ai jamais approchés personnellement pour leur exposer un problème ou quoi que ce soit. À cette période, je me disais que je n’avais pas le temps ... et puis, j’étais en 6ème et 5ème et je

n’avais pas d’examen en vue. Du coup, je me disais quel intérêt à aller parler à des conseillers ? Je ne voyais pas l’intérêt et leur utilité dans l’établissement. De la 4ème à

la troisième, c’était aussi pareil (Florence).

Dorcas donne les raisons de la méconnaissance du rôle et de l’utilité des conseillers d’orientation dans les établissements. Pour elle, « ils ne sont pas pris au sérieux par les élèves. Peut-être qu’ils se disent que c’est une perte de temps. Il y a d’autres aussi qui ne voient pas en quoi les conseillers peuvent les aider ». Elle ajoute que cela serait lié à un manque d’informations.

Je pense que c’est surtout un manque d’informations en fait. Ils ne doivent pas … ils ne savent pas vraiment en quoi le conseiller d’orientation peut les aider. Pour eux, quel que soit le sens qu’on prend, le conseiller d’orientation ne peut les aider

(Dorcas).

Vu cette situation, le ministère de l’Éducation nationale de Côte d’Ivoire et les conseillers d’orientation qu’il emploie ne devraient-ils pas alors plus communiquer sur le rôle et les fonctions des intervenants à l’école pour une meilleure appropriation de leurs services par les élèves ?

Quelles connaissances les élèves de terminale du lycée technique et du lycée classique d’Abidjan ont-ils des filières de formation et des possibilités d’emploi qui leur sont offertes après le baccalauréat ? Cette connaissance que nous avons identifiée est aussi classée dans le registre des connaissances. Les informations que les élèves donnent à ce sujet ont été regroupées en six (06) items. Ce sont :

 la bonne connaissance des filières de formation après le baccalauréat,  la bonne connaissance de la filière envisagée après le baccalauréat,

 la connaissance limitée de la voie à suivre pour réaliser son projet professionnel,  la connaissance limitée des filières de formation après le baccalauréat,

 la connaissance approximative concernant la profession souhaitée et  les informations non fondées sur les filières de formation.

Pour une meilleure lisibilité de la représentativité de ces items dans notre échantillon, nous avons établi le tableau suivant.

PARTICIPANTS ITEMS NOM DES PARTICIPANTS TOTAL DE PARTICIPANTS

Bonne connaissance des filières de formation après le baccalauréat  Fabienne  Ibrahim  Aya  Moussa  Gérard  Florence  Fidèle  Fanta 08

Bonne connaissance de la filière envisagée après le baccalauréat

 Ibrahim

 Aya

 Fabienne

03

Connaissance limitée de la voie à suivre pour réaliser son projet professionnel  N’douba  Dorcas  Georges  Lucie 04

Connaissance limitée des filières de formation après le baccalauréat  N’douba  Kipré  Dorcas  Georges  Sylvain 05

Connaissance approximative concernant la profession souhaitée

 Kipré  Gérard  Stéphanie  Antoine  Dorcas  Ibrahim 06

Informations non fondées sur les filières de formation

 N’douba  Fanta  Antoine  Moussa  Stéphanie 05

À l’analyse de ce tableau, tout porte à croire que la majorité des participants de cette étude n’ont pas suffisamment d’informations sur les filières à suivre et les débouchées après leur baccalauréat. Sur l’ensemble des seize (16) participants, seulement huit (08) sont reconnus comme ayant une bonne connaissance des filières de formations après le baccalauréat. Par ailleurs, parmi ces huit (08) participants, nous avons constaté que deux participants (Fanta et Moussa) avaient des informations non fondées sur les filières de formations après le baccalauréat et que deux autres (Ibrahim et Gérard) avaient aussi des connaissances approximatives sur l’exercice de la profession qu’ils envisagent. Au total, sur les seize (16) participants de notre étude, nous pouvons considérer que seulement 1/4 a une bonne connaissance des filières de formations après le baccalauréat et seulement 1/8 a une bonne connaissance de la filière qu’il souhaiterait entreprendre après le baccalauréat. Le manque d’informations, la négligence de l’expertise et de l’utilité des conseillers d’orientation dans les établissements par les élèves eux-mêmes n’expliquent-ils pas ce résultat ?

Au niveau du registre de la connaissance, il y a aussi ce que nous avons identifié comme « la connaissance de soi ». Cette connaissance permet à l’individu de se définir comme étant un être potentiel ayant des similitudes et des différences avec d’autres personnes. La connaissance de soi insufflée par l’expérience que les élèves ont acquise à l’école peut être subdivisée en trois composantes inclusives et exclusives. Il s’agit d’abord de l’identité personnelle du sujet. Cette première composante de la connaissance de soi met ici en exergue, le rapport à soi du sujet et ses rapports avec les autres. L’individu se définit comme tel avec des attributs ou caractères qu’il se donne. La deuxième composante définie comme « images

propres » (Guichard, 2008, 2012) est différente de la première. Cette image propre est une

perception de l’image que le sujet se fait de lui-même. Elle peut être perçue comme négative ou positive selon la manière que nous l’appréhendons par rapport à la désirabilité sociale. « L’image sociale » (Guichard, 2008, 2012) est aussi l’une des composantes de la connaissance de soi. Dans sa description, le sujet tient aussi compte de la perception qu’il pense que les autres se font de lui. Cette perception qui peut être aussi bonne ou mauvaise ne manque pas dans le discours de nos participants. Les relations de l’élève avec ses homologues et la plupart des intervenants à l’école sont sujettes à des critiques et à des rétroactions qu’ils prennent en compte dans leur vie quotidienne et surtout dans leurs relations à l’école.

La portée de l’expérience scolaire peut être aussi perçue au niveau d’un second registre. Celui-ci n’est pas isolé du premier. On pourrait même dire qu’il se fonde sur ce premier registre (celui de la connaissance) pour mieux assurer sa gestion. C’est le registre de la pensée.