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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

2 Recension des écrits

2.2 L’influence des acteurs principaux du système éducatif

2.2.3 Le rôle joué par les conseillers d’orientation

Chez les conseillers en orientation, la documentation sur les influences qu’ils exercent sur les jeunes à l’école est beaucoup plus focalisée sur leurs activités d’aide à l’orientation. Ces travaux mettent l’accent sur diverses pratiques qu’ils utilisent dans les établissements pour pouvoir mieux aider les élèves dans la structuration de leurs aspirations professionnelles et la prise de décision concernant leur choix de carrière. Selon Guichard et Huteau (2006), les pratiques d’aide à l’orientation sont diverses. De l’entretien-conseil aux méthodes d’éducation à l’orientation en passant par les bilans d’orientation, ces méthodes visent toutes à pouvoir mieux aider les individus dans leur démarche d’orientation. Selon Boy et al. (1999), parmi toutes ces pratiques, les plus couramment utilisées dans les établissements aujourd’hui sont les « méthodes d’éducation à l’orientation ». Grâce au développement informatique et au développement des connaissances dans le domaine de l’orientation scolaire et

professionnelle, elles ne se contentent plus de donner des informations aux élèves et étudiants sur les études et les professions (Huteau, 1999). Elles visent plutôt selon lui,

à permettre à l’individu de mieux se connaitre et se propose également de développer toute une série de compétences qui sont nécessaires à l’élaboration d’intentions d’avenir : capacité à explorer qui suppose non seulement la connaissance des sources d’informations, mais aussi des attitudes mentales, capacité à prendre des décisions, à élaborer des stratégies, à planifier ... afin de faciliter l’implication du sujet dans le processus d’orientation (p. 228).

Selon lui, la plupart de ces méthodes se sont développées à partir d’un modèle appelé ADVP ou « Activation du Développement vocationnel et professionnel » mis en place par Pelletier, Noiseux et Bujold dans les années 1970. Solaux (1999), mentionne qu’en France, leur mise en œuvre repose sur la circulaire du ministre de l’Éducation de l’époque (31 juillet 1996). Celle-ci se fondait sur trois affirmations. La première stipule que « les choix d’orientation résulteraient d’une construction progressive et propre à chaque élève. Il y a donc lieu, sur cette base, de les y préparer selon une démarche éducative personnalisée ». La seconde se base sur le fait que « le choix de l’orientation des élèves résulte pour l’essentiel du résultat de l’interaction entre deux systèmes de représentation (la représentation de soi et la représentation de l’environnement socioprofessionnel) » et le troisième sur le fait que « les élèves sont porteurs de représentations simplifiées et stéréotypées, souvent erronées qu’il convient de rectifier et d’enrichir » (p. 301). Selon Pelletier, Noiseux et Bujold (1974), l’activation du développement vocationnel « implique des expériences à vivre (dimension expérientielle), des expériences à traiter cognitivement (dimension médiationnelle) et des expériences à intégrer logiquement et psychologiquement (dimension phénoménologique) » (p. 172). Pour eux, les tâches développementales auxquelles l’ADVP fait référence sont au nombre de quatre. Il s’agit de l’exploration qui est « l’examen de l’ensemble des possibles, recherche active d’informations diverses sur soi et sur le monde »; la cristallisation qui est « la mise en ordre et la structuration des informations recueillies au cours de l’exploration »;

la spécification qui se rapporte à l’intégration « de la décision et des divers facteurs à

considérer » et la réalisation qui a trait « à la réalisation concrète de ce qui a été envisagé précédemment ». Selon Boy et al. (1999), la prolifération de ces méthodes soulève toutefois, la question de leur pertinence et de leur efficacité sur le terrain. Boy et al. (1999) avaient

initié un recensement de ces méthodes et avaient établi des critères en vue de les évaluer. Pour ce faire, « seules les méthodes qui conjuguent au moins trois aspects des tâches mentionnées dans la circulaire de 1996 (France) à savoir la connaissance de soi, de l’environnement professionnel et des formations, la capacité à s’autoévaluer, à prendre une décision, à identifier les sources d’informations pertinentes » (p. 165) avaient permis selon ces auteurs à analyser les fiches à partir d’une grille élaborée à cet effet. Leurs investigations révèlent que les méthodes d’éducation à l’orientation sont plus diversifiées. Elles s’adressent aussi autant à des jeunes scolarisés qu’à des jeunes non scolarisés, à des publics aussi jeunes qu’adultes, mais aussi à des personnes en transition comme à des personnes au travail. Elles se distinguent dans la description de leurs objectifs généraux et spécifiques, la nature de leurs supports pédagogiques, la structure et la représentation de la tâche d’orientation, la méthode qu’elles utilisent, la présentation des éléments contextuels et la présentation des références théoriques sur lesquelles elles se basent. Pour l’essentiel, selon ces auteurs, en milieu scolaire, ces méthodes doivent permettre, selon les instructions du ministère de l’Éducation (France), au jeune à « apprendre à s’autoévaluer », « de lui renvoyer une image positive de lui-même » en tenant compte de certains éléments de la réalité comme ses résultats scolaires et « à connaître les filières de formation » (p. 165). Huteau (1999) quant à lui, mentionne que ces méthodes sont de plus en plus élaborées par les conseillers d’orientation psychologues en France et ils sont aidés dans la mise en œuvre de ces programmes par une équipe éducative composée des autres partenaires de l’école parmi lesquels les enseignants occuperaient une place importante. Selon lui, l’efficacité de ces méthodes d’éducation à l’orientation serait irréfutable dans la plupart des établissements. Elle serait plus marquée chez des sujets volontaires que chez les autres sujets, chez des sujets adolescents que chez des sujets adultes, selon l’intensité de l’intervention en termes de durée, selon que l’intervention soit individuelle ou collective et lorsque le conseiller d’orientation est plus expérimenté. En nous référant à la recension de Huteau (1999), en occurrence l’étude de Forner (1996), de Forner et Vouillot (1995) et certaines études américaines dont il fait cas, ces méthodes seraient très bien appréciées par les élèves. Ils les trouvent intéressantes et utiles (80 %) et près des deux tiers d’entre eux sont prêts à les recommander et à suivre d’autres séances. Selon ces estimations, 76 % des élèves pensent que ces méthodes leur ont appris à mieux se connaître, à mieux connaitre les métiers (90 %) et à mieux préparer leur avenir (82 %). Pour Boy (1999),

avec le développement des nouvelles technologies, bon nombre de logiciels et de programmes informatiques se sont développés au sein des méthodes d’éducation à l’orientation et, la faille essentielle de la plupart de ces outils informatisés reste cependant leur validité au sens métrologique, car tous n’ont pas été testés ou validés avant leur utilisation. Selon Huteau (1999), l’aide à l’éducation ou les interventions d’aide à l’orientation ont de plus en plus tendance à s’inscrire dans la dynamique de ce qu’on appelle aujourd’hui, « l’orientation tout au long de la vie » ou le life designing (Savickas et al., 2010). Ce nouveau paradigme de l’orientation qui a une visée constructiviste et constructionniste de l’accompagnement des personnes sollicitant l’aide des conseillers d’orientation s’appuie sur l’idée de construction et de co-construction du projet d’orientation autour du concept de soi et de l’identité (Savickas et al., 2010). Selon Dumora et Boy (2008), la réalité étant construite et co-construite par l’expérience avec les autres et par le langage mis en œuvre dans ces expériences, la construction du projet d’orientation nécessiterait une implication effective du sujet, faisant ainsi de lui l’acteur, voire l’auteur principal de son orientation. C’est dans ce sens que Guichard proposa en 2008, un schéma d’entretien constructiviste en conseil d’orientation. Pour lui, cette forme d’entretien ne diffère pas des autres formes d’entretien utilisées en orientation. La spécificité de celle qu’il propose réside dans sa démarche qui consiste à faire prendre conscience au jeune de sa situation présente en l’aidant à l’analyser de façon complexe à partir de ses formes identitaires subjectives, à la lire dans la perspective de certaines anticipations futures et à déterminer des activités dans lesquelles, il pourra s’engager en vue de réaliser ses projets.

Au Canada et plus précisément au Québec, l’on assiste depuis quelques années au développement d’une pratique d’aide à l’orientation connue plus couramment sous le nom « d’approche orientante ». Cette méthode qui succède au cours d’éducation au choix de carrière dans le secondaire s’inspire selon Beaudoin (2007) de la politique d’éducation axée sur le concept d’éducation à la carrière adopté par le gouvernement américain en 1974. Celui- ci repose sur le principe de l’infusion et celui de la collaboration. Leurs buts selon elle, sont non seulement de « fournir à l’élève des occasions d’améliorer sa connaissance de soi, de découvrir le monde du travail, de prendre des décisions et de se préparer à la carrière », mais aussi « de développer les liens entre le système scolaire et le milieu afin que l’éducation à la

carrière soit un effort de toute la communauté plutôt qu’un effort du système éducatif seul » (p. 13). Le concept d’approche orientante a été adopté aussi pour faire face aux besoins de la population des élèves auxquels les conseillers et les conseillères en orientation n’arrivaient plus à faire face à cause de leur nombre insuffisant sur le terrain (Beaudoin, 2007). Selon la direction de l’adaptation scolaire et des services complémentaires du ministère de l’Éducation de Québec (2002), la raison d’être d’une telle approche est « d’accroître la connaissance de soi, de ses intérêts et de ses aptitudes, ainsi que des divers métiers et professions, favoriser la conception d’un projet de formation et de carrière, susciter l’intérêt et la motivation à l’égard des études et diminuer les risques d’échec et d’abandon scolaires » (p. 11) afin d’augmenter la réussite scolaire et de susciter la qualification. Sur le plan pratique, ses principaux objectifs sont, selon le ministère (2002),

d’accompagner l’élève dans le développement de son identité, en vue de faciliter son cheminement scolaire et son choix de carrière; de fournir à l’élève des occasions de découvrir les divers types de formations et de parcours scolaires possibles, afin qu’il puisse s’y situer et élargir ses visées professionnelles; de permettre à l’élève de connaître le monde du travail ainsi que son organisation, ses exigences et les divers profils de métiers et de professions qu’on y trouve et d’accompagner l’élève tout au long du processus d’orientation et le soutenir dans les étapes critiques de son parcours scolaire, au cours desquelles il doit parfois faire des compromis entre la formation et la carrière idéale et la réalité des choix qui s’offrent à lui (p. 19).

L’instauration d’une approche orientante nécessite cependant, selon Beaudoin (2007) une initiative de la part de la direction de l’école, puis un engagement actif de l’élève (acteur principal de la démarche) dans le processus, et une collaboration effective des enseignants et des parents de l’élève, soutenus par des conseillers d’orientation (personnes-ressources du processus). Bien que l’approche orientante soit une pratique récente dans les milieux scolaires québécois, elle est perçue selon Beaudoin (2007) comme « une solution permettant d’améliorer les services d’orientation dans les écoles » (p. 55). Elle note aussi que cette forme d’aide à l’orientation aurait peu d’impact sur les résultats scolaires. Cependant, elle favoriserait la motivation scolaire à travers les différentes activités que les élèves trouvent signifiante et intéressante (Beaudoin, 2007).

La recension des écrits que nous venons de présenter montre que bon nombre de facteurs objectifs liés au fonctionnement des systèmes éducatifs, à l’organisation interne des établissements et la plupart des personnes avec qui les élèves entrent en relation à l’école sont susceptibles d’influencer à des degrés divers leurs expériences scolaires et la structuration de leurs aspirations scolaires et professionnelles. Dans ces organisations, la place qu’occupent les conseillers d’orientation dans la préparation des jeunes à devenir adulte au travers les diverses activités qu’ils leur proposent s’avère importante et essentielle. Par le biais de leurs contacts, les élèves parviennent par le processus de subjectivation adolescente à mieux se connaître, à mieux identifier les choix de formations qui leur sont possibles et probables et à adopter de meilleures stratégies pour leurs choix de carrières. Cette recension des écrits en mettant l’accent sur les relations privilégiées de l’élève à l’école met aussi l’accent sur les acquis de cette expérience pour les élèves. Cependant, nous notons que les questions essentielles qui guident la problématique de notre recherche sont très peu, voire inexistantes dans la littérature scientifique africaine et plus particulièrement au niveau de la sous-région ouest-africaine où se situe la Côte d’Ivoire. Ce constat nous amène à aborder la pertinence de cette recherche que nous présentons ici en quelques lignes.