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CHAPITRE 6 : INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

2 Les implications pratiques de la recherche

Les implications pratiques des résultats de cette recherche se situent plus spécifiquement au niveau de la contribution que les ressources disponibles dans les établissements apportent aux élèves dans leur développement personnel et dans la structuration de leurs aspirations scolaires et professionnelles. Cette contribution s’aperçoit à travers les différentes activités et les rapports intrinsèques que les élèves entretiennent entre eux d’une part, et avec les divers intervenants de l’école d’autre part. En termes de rapports, les enseignants et les pairs occupent la majeure partie du temps que les élèves passent à l’école. À travers leurs enseignements et les différents types de relations qui se développent entre eux (élèves et enseignants), les élèves apprennent à faire face aux exigences de l’institution qui les accueille, notamment la prise de conscience de leur statut d’élève et la prise en compte des règles de fonctionnement et l’organisation du système dans leur conduite et leur attitude. Malgré quelques écarts décriés dans le comportement de certains enseignants, les élèves considèrent qu’ils doivent leur développement en grande partie à tous ceux qui les encadrent dans les écoles, et plus spécifiquement aux enseignants. Dans l’étude menée par Jutras, Joly, Legault, et Desaulniers (2005) sur les conceptions de cette profession chez le personnel enseignant du primaire et du secondaire au Québec, les enseignants considèrent leur pratique professionnelle comme une aide au développement de la personne. Cette manière de conceptualiser les finalités de leurs actions éducatives est édifiante pour notre recherche dans le sens où elle nous interpelle sur la manière dont nos enseignants (ceux de la Côte d’Ivoire) se perçoivent eux-mêmes dans l’exercice de leur fonction et dans l’atteinte des objectifs et des missions assignés à l’école. Quelles perceptions ont-ils de la profession qu’ils exercent ? Se perçoivent-ils comme des professionnels en service dans les établissements ou de simples intervenants au service des élèves dans ces écoles ? Que disent les textes et les lois ivoiriennes sur l’exercice de cette profession ? Ces lois sont-elles identiques à tous les ordres et à tous les degrés d’enseignement ? Que valent ces textes dans l’exercice de leur fonction ?

On serait aussi tenté de se poser les mêmes questions concernant les missions et les activités exercées par les conseillers d’orientation dans nos établissements. Les informations que ces derniers donnent aux élèves sont considérées comme la première source d’informations sur

laquelle ces élèves se basent pour exprimer leurs vœux et leur choix d’orientation pour la suite de leur carrière. Cependant, les résultats de notre recherche laissent présager un certain dysfonctionnement au niveau de l’exercice de cette profession dans nos lycées et collèges. En effet, il est bien étonnant de constater qu’après dix années d’exercice dans ces établissements, certains élèves, pour ne pas dire la plupart, ne sachent exactement l’utilité de cette profession et l’intérêt de la présence de ces intervenants à leurs côtés. Est-ce un problème de communication entre élèves et conseillers ? Est-ce un problème au niveau de l’organisation et du fonctionnement du système éducatif ivoirien ? La question est aussi de savoir si les conseillers d’orientation affectés dans les ministères responsables de l’éducation en Côte d’Ivoire sont mieux outillés pour répondre efficacement aux besoins et aux attentes du système éducatif de façon générale et ceux des élèves de façon particulière. Comment perçoivent-ils leurs interventions auprès des élèves qui sont les premiers bénéficiaires de leurs prestations de services dans les écoles ? Et, comment se perçoivent-ils en tant qu’intervenants en relation d’aide avec un public majoritairement constitué de sujets âgés de 11 à 20 ans ?

À la lumière de récents travaux sur l’exercice de cette profession, des données soulèvent certaines problématiques qui méritent d’être plus investiguées dans le cadre d’autres recherches en ce qui concerne le milieu éducatif ivoirien. En effet, les difficultés d’exercice de la profession de conseiller d’orientation sont différemment abordées dans les recherches. De façon générale, le nombre insuffisant de conseillers dans les établissements scolaires reste le problème le plus fréquemment abordé dans ces travaux (Bomda, 2008; Fozing, 2013; Moumoula, 2006; Moumoula & Bakyono-Nabalou, 2005; Ordre des conseillers et conseillères d’orientation de Québec, 2010; Sovet, Bomda, Ouédraogo & Atitsogbe, 2013 et Tague & Bomda, 2015). Vu le faible ratio conseillers / élèves, ces intervenants n’auraient pas la possibilité de satisfaire la totalité du public scolaire et de se rendre utiles pour tout le monde. C’est dans ce sens que Bomda (2008) qualifiait la profession de conseiller d’orientation de luxe et de sinécure au Cameroun. N’est-ce pas aussi pour cette raison que ces intervenants privilégient la plupart du temps des rencontres de groupes avec les élèves plutôt que d’axer leurs interventions sur l’accompagnement individuel des apprenants ? Les conseillers d’orientation seraient aussi confrontés dans l’exercice de leur profession à

l’exécution et à l’ampleur des tâches administratives que leur confie l’administration scolaire (Bomda, 2008; Okene, 2009; Viviers, 2014). Vu cette situation, il y aurait un grand risque de dénaturation de la fonction de conseiller d’orientation dans les écoles et un manque à gagner certain pour les élèves vu que ces intervenants, déjà en nombre restreint, ont du mal à encadrer tous les apprenants. L’un des corollaires de cette situation serait aussi outre mesure, la question de l’identité professionnelle de ces intervenants qui se voient en train de faire des tâches qui n’ont rien à avoir avec leur formation académique encore moins leurs missions sur le terrain. Les rapports d’autorité informelle entre les conseillers d’orientation et les autres intervenants de l’école posent aussi un problème à la réalisation de leurs différentes missions sur le terrain (Masson, 1994). Selon cet auteur, de par leur formation universitaire, les conseillers d'orientation ont un mode de relation plus « psychologique » avec les élèves alors que les relations que les enseignants entretiennent avec ces derniers sont plus basées sur la transmission des connaissances. Cela engendrerait selon lui, des différences catégorielles de jugements qui sont le plus souvent source de conjonctures entre ces intervenants dans les écoles. Aussi, dans un rapport établi par Hénoque et Legrand (2004), à la demande du Haut conseil de l’évaluation de l’école (France), il est fait mention que les conseillers d’orientation ne sont pas bien intégrés dans les établissements scolaires. Ils justifient cela par le fait que seulement 5% des chefs d’établissement s’appuient sur les conseillers pour impulser un travail en commun. En outre, d’après eux, malgré que le thème de l’éducation à l’orientation soit le second contenu des travaux menés en commun avec 33 % des sollicitations, seulement 1% des enseignants estiment que l’incitation au travail en commun dans les établissements émane principalement des conseillers d’orientation psychologues en France. Ce constat attire notre attention en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, où l’intégration des conseillers d’orientation dans les établissements scolaires est une question d’actualité. Elle est plus axée sur la contribution de ces intervenants au niveau des équipes éducatives dans les établissements en vue d’assurer un meilleur encadrement des élèves. Débattus lors d’une session de formation organisée par le ministère de l’Éducation en avril 2012, les différents participants avaient souligné un certain nombre de blocages qui entachent les activités des conseillers et l’accomplissement de leurs missions sur le terrain. Pour pallier ce dysfonctionnement, différentes mesures avaient été prises pour rendre ces équipes éducatives plus fonctionnelles afin que les divers intervenants qui les composent puissent travailler dans

une synergie d’actions pour que les élèves puissent en tirer un meilleur profit. C’est dans cette optique que la théorie écologique du développement de Bronfenbrenner (1979) évoqué dans notre deuxième chapitre prend tout son sens. En effet, par la notion d’équipe éducative, cette théorie montre l’existence d’un cadre d’échange formel ou non formelle entre les différents microsystèmes auquel participe l’élève. Dans ce contexte, un meilleur cadre d’échange entre ces systèmes serait plus profitable à un élève, quels que soient sa situation ou ses handicaps. Aussi, dans la mesure où la majorité des personnes que rencontrent les conseillers d’orientation lui sont recommandées par d’autres personnes ou d’autres intervenants (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation de Québec, 2010), une rupture ou une absence de communication au sein de ces équipes éducatives serait préjudiciable à la bonne marche et à la mise en œuvre de leurs activités. Au cours de celles- ci, les conseillers d’orientation privilégieraient la création d’un cadre de rencontres individuelles avec le consultant (l’élève); rencontres au cours desquelles les besoins de ce dernier sont recueillis, décodés, analysés puis communiqués par le conseiller d’orientation lui-même au regard de son expertise et sa déontologie à l’élève ou à son correspondant (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation de Québec, 2010). En définitive, ces différents constats relatifs à l’exercice de la profession de conseiller d’orientation dans les établissements nous interpellent sur la nécessité de réaménager l’organisation du travail et le fonctionnement de ces structures afin de faire bénéficier aux élèves le meilleur profit lié à la présence d’une plus grande diversité d’intervenants dans les écoles. Ces constats nous interpellent aussi sur la nécessité de renforcer les capacités de ces intervenants en optant pour des recherches collaboratives en vue d’optimiser le pouvoir d’agir de ces conseillers.