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La responsabilité sociale d’entreprise

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http://www.comite21.org

59 Née de la fusion de la Fédération Mondiale des Cités Unies (FMCU), de l’International Union of Local

Né du paternalisme d’entreprise (Ballet et de Bry, 2001), la responsabilité sociale (ou sociétale) d’entreprise (RSE), de l’anglais Corporate Social Responsability (CSR)60, est considérée comme la déclinaison des principes de développement durable à l’entreprise. En effet, le développement durable dont les principes s’appliquaient initialement aux États et aux collectivités territoriales, avec la mise en place d’Agenda 21 décrété lors sommet de la Terre de Rio de 1992, se sont progressivement élargies aux entreprises, lors du sommet de la Terre de Johannesburg de 2002. Ainsi, sur la base des trois piliers du développement durable, la responsabilité sociale d’entreprise vise une triple performance de l’entreprise ou Triple bottom

line (Elkington, 1998) à la fois économique (Profit), sociale ou sociétale (People) et

environnementale (Planet). Cette notion de Triple P s’intéresse donc à l’efficacité et à la rentabilité pour le volet économique, aux conditions de travail et aux droits de l’homme pour le volet social et aux consommations et pollutions pour le volet environnemental. La notion de responsabilité sociale (ou sociétale) d’entreprise succède ainsi au concept d’entreprise citoyenne porté par le patronat au cours des années 1980-1990, et dont l’acceptation sociale sera mitigée en raison des nombreux plans sociaux et restructurations d’envergures mises en place par les entreprises au cours de cette période (Syfuss-Arnaud et Trenteseaux, 2000). Ce sera au cours du forum économique de Davos de 1999, sous l’impulsion de Koffi Annan, Secrétaire générale de l’ONU, que le développement durable fera une véritable percée au sein des entreprises, avec le Pacte mondial (Global Compact). Ce pacte est destiné à rassembler les organismes des Nations Unies, les entreprises, les États, le monde du travail et la société civile, sur la base du volontariat, autour de dix principes universels regroupés en quatre grands domaines. Il vise ainsi à promouvoir le dialogue et les échanges sur les bonnes pratiques des entreprises concernant les droits de l’homme, les conditions de travail, l’environnement et la lutte contre la corruption. Au 15 décembre 2012, le Pacte mondial représente près de 10.750 adhérents dans le monde dont 7.100 entreprises, et plus de 18.200 COPs61 ont été postées. En France, on dénombre 866 participants, dont 769 entreprises, faisant de la France le deuxième pays le plus engagé dans ce domaine dans le monde. Cependant, depuis son lancement, 4.011 entreprises dans le monde ont néanmoins été

60 Le terme social en anglais désigne à la fois les relations sociales internes et externes à l’entreprise, d’où la traduction par le terme « sociétal » en français qui intègre les relations externes de l’entreprise contrairement au terme « social » qui revoie principalement aux relations sociales internes à l’entreprise.

supprimées de la liste des participants, par défaut de communication ou d’engagements62. Nous assistons ainsi, avec la RSE, à une privatisation du droit (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2007) ou à une délégation de l’action publique des États en direction des entreprises, comme put l’être le paternalisme en son temps.

En Europe, le Livre Vert (2001) intitulé « Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises » fût le premier à définir la RSE comme « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et à leurs relations avec toutes les parties prenantes, internes et externes (actionnaires, personnels, clients, fournisseurs et partenaires, collectivités humaines) et ce, afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables et d’investir dans le capital humain et l’environnement ». La commission européenne définit quant à elle la responsabilité sociale d’entreprise comme « un concept selon lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités et opérations, et dans leur interaction avec leurs parties prenantes sur une base volontaire »63. L’objectif de la RSE est donc de minimiser et de prévenir les impacts négatifs de l’activité des entreprises et de renforcer ses impacts positifs au travers d’innovations et de nouveaux produits et services, bénéfiques pour la société et l’entreprise. Cependant, dans sa définition de la RSE, la commission européenne fait néanmoins la distinction entre la RSE et « la responsabilité des entreprises pour leurs impacts sur la société », comme le respect de la législation applicable dans le domaine social et les conventions collectives entre partenaires sociaux. La RSE s’est donc élargie dans sa conception et sa définition, du social et sociétal à l’environnement et à la gouvernance, quatrième pilier du développement durable. Les entreprises doivent donc mettre en place des structures et processus visant à intégrer les enjeux sociaux, environnementaux, mais également éthiques comme le respect des droits de l’homme. Ainsi, la « RSE complète, sans la remplacer, la réglementation et la politique de l’État » selon la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation de 2004 organisé par l’OIT. Enfin, en France, le Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie définit la RSE comme la

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http://www.pactemondial.org

63 “a concept whereby companies integrate social and environmental concerns in their business operations and in their interaction with their stakeholders on a voluntary basis” -

http://ec.europa.eu/enterprise/policies/sustainable-business/files/csr/new-csr/act_en.pdf - COM(2011) 681, page 3.

prise en compte par les entreprises des impacts sociaux et environnementaux de leur activité pour adopter les meilleures pratiques possible et contribuer ainsi à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement64.

Le concept de responsabilité sociale d’entreprise interpelle donc l’entreprise sur l’ensemble de son organisation et de ses finalités. En effet, la RSE est basée sur la théorie des parties prenantes, qui regroupe l’ensemble des ayants droit de l’entreprise ou tous ceux qui participent à l’activité de l’entreprise ou à sa vie économique. Parmi les principales parties prenantes de l’entreprise, on peut citer les salariés, les clients, les fournisseurs et les actionnaires. Les syndicats et les ONG sont également considérés comme des parties prenantes bien que leurs actions se limitent souvent à des actions de veille et d’alerte sur les activités de l’entreprise. Enfin, la société civile, les collectivités locales ou encore l’État sont eux aussi généralement considérés comme des parties prenantes par l’influence qu’ils peuvent exercer sur les activités de l’entreprise. Il est ainsi de la responsabilité sociale de l’entreprise de chercher à satisfaire l’ensemble de ses parties prenantes en créant le plus de valeur (stakeholders value) pour ses ayants droit. La théorie des parties prenantes s’oppose ainsi à une vision de court terme de l’activité de l’entreprise, par la recherche de rendement immédiat, et à la théorie Friedmanienne de maximisation de profit pour l’actionnaire (stockholders value).

En effet, selon les théories de la firme, celle-ci est un « nœud de contrat » noué avec différentes parties prenantes tandis que pour Milton Friedman, « la seule et unique responsabilité de l’entreprise est d’accroître son profit »65 pour ses actionnaires ou propriétaires66, selon la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976). Dans cette théorie, la responsabilité des dirigeants consistait alors à adopter les stratégies qui répondent au mieux aux attentes des actionnaires. Cependant, les actionnaires (shareholders) ne sont pas les seuls

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http://www.developpement-durable.gouv.fr/Responsabilite-societale-des.html - mise à jour du 17 janvier 2011.

65 "There is one and only one social responsibility of business to use it resources and engage in activities designed to increase its profits so long as it stays within the rules of the game, which is to say, engages in open and free competition without deception or fraud." -Friedman M., Capitalism and Freedom, University of Chicago Press, Chapter 8 - Monopoly and the Social Responsibility of Business and Labor, 1962.

à être concernés par les activités de l’entreprise. Ainsi, la théorie de l’agence a été élargie à l’ensemble des autres acteurs (stakeholders) impactés par l’activité de l’entreprise (Hill et Jones, 1992). Selon la théorie des organisations, l’entreprise est dépendante de ses parties prenantes par les ressources qu’elles lui apportent. Ainsi, la pérennité de l’entreprise dépendra de son aptitude à gérer ses relations et interactions avec ses différentes parties prenantes (Pfeffer et Salancik, 1978). Pour cette raison, dans son modèle des cinq forces, Michael Porter (1979) considère les clients et les fournisseurs comme les principales parties prenantes de l’entreprise. Les rapports de forces entre donneurs d’ordres et fournisseurs doivent donc évoluer vers des relations partenariales créatrices de valeurs partagées pour répondre aux principes de responsabilité sociale d’entreprise.

La théorie des parties prenantes (stakeholders) remet ainsi en cause la primauté des actionnaires dans la gouvernance d’entreprise et fournit un nouveau cadre d’analyse des activités économiques de l’entreprise en réponse aux nouvelles exigences sociales et environnementales. La RSE participe donc, in fine, à la production de stratégies, de dispositifs de gestion, de conduite de changement, de méthodes de pilotages, de contrôle et d’évaluation intégrant de nouveaux critères de performances. L’avenir de la RSE dépendra en grande partie, selon Capron et Quairel-Lanoizelée (2007), de la qualité des débats et du processus participatif, du dialogue et de la concertation entre les différentes parties prenantes.