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L’école, espace de reproduction des inégalités sociales La reproduction sociale, une affaire de réussite scolaire ?

SOCIOLOGIE À LA GÉOGRAPHIE

1.1.1 L’école, espace de reproduction des inégalités sociales La reproduction sociale, une affaire de réussite scolaire ?

En France, au moment où le projet du collège unique institutionnalise l’école démocratique du mérite en charge de garantir l’ascenseur social, l’ouvrage de Bourdieu et Passeron (1970), La reproduction, ouvre la brèche des études sur le phénomène de « reproduction sociale » à l’école en généralisant l’expression au sein des sciences sociales. L’école est accusée de reproduire et de légitimer la hiérarchie des positions sociales existantes. Dès lors, toute une branche de la sociologie de l’éducation s’intéresse en priorité aux échecs et aux réussites scolaires à l’image des travaux de Dubet et Martuccelli (1996). De plus, comme l’ont montré Felouzis, Liot et Perroton (2005) en utilisant les termes forts

« d’apartheid scolaire » et de « ségrégation ethnique », la situation des établissements et les stratégies de détournement de la carte scolaire des classes supérieures jouent un rôle essentiel dans la formation des destins

scolaires. Alors que le collège est la cible de ces études sur les réussites scolaires, un public est particulièrement visé par les sociologues français : les jeunes des quartiers populaires en banlieue parisienne que le système délaisse.

Si ces processus se retrouvent dans une certaine mesure en Suisse, ils sont loin d’être comparables (cf. la présentation du contexte genevois en 3.1).

Pourtant, les origines sociales de classes, décisives selon Bourdieu et Passeron, ne suffisent pas à expliquer les orientations professionnelles et la variété des parcours scolaires. Que dire de ces 25% de jeunes défavorisés qui, selon le scénario de l’origine sociale déterminante, n’auraient pas dû aller à l’université (Charlot, Bautier, et Rochex, 1994) ? Et de ces filles qui, depuis plusieurs décennies, réussissent mieux que les garçons de la maternelle à l’université, mais restent désavantagées sur le marché du travail (Baudelot et Establet, 1992) ? Afin de comprendre pleinement le processus de reproduction – et ses limites – il importe de prendre en compte le sens que chacune et chacun, par ses diverses origines et son parcours de vie, accorde à l’école et au savoir.

Tandis que le sexe devient une variable sociale à prendre en compte, la question du genre est alors fondamentale. Duru-Bellat (1995) est une des premières à s’intéresser à l’usage que les filles font de l’appareil de formation, en questionnant leurs aspirations en relation avec les rôles sociaux proposés par la société. L’ensemble de ces études viennent confirmer le constat suivant : mettre ensemble les enfants de toutes les classes sociales jusqu’au bac, de même que réunir les filles et garçons en un même lieu, ne suffisent pas à garantir la réussite de toutes et tous dans les mêmes conditions.

En France, et en réponse à l’impératif de l’égalité entre les sexes qui invite à mesurer de manière quantifiable les parcours et réussites de chacun-e, l’agenda de recherche porte avant tout sur le thème de la « mixité », de ses effets et de ses limites. Il me semble que ce terme répond plus à un agenda politique qu’il ne sert véritablement l’analyse. En effet, il s’avère limité à deux niveaux : d’une part pour comprendre le maintien des différences dans le processus de reproduction de l’ordre social, et d’autre part pour questionner l’existence des parcours atypiques. Dans cette perspective, l’actualisation du concept de différenciation, lequel est centré sur les acteurs (Lignier, 2012), apparaît plus porteur. On peut relever le travail de thèse de Depoilly (2014) sur les modes de sociabilité et la socialisation différenciée entre filles et garçons. Considérant ensemble les effets du genre et de la classe dans les processus de différenciation, elle s’intéresse en particulier aux modes d’accommodement et d’ajustement aux règles de l’ordre scolaire pour les filles de milieu populaire, une frange de la population qui a longtemps été délaissée. Sa réflexion s’inscrit dans le champ ouvert par Rubi (2005) sur ces adolescentes déviantes, des filles de milieux populaires devenues auteures de violence juvénile, un phénomène généralement analysé au masculin. Si les deux études s’accordent sur un constat de non-docilité de ces filles, contrairement aux rapports de genre traditionnel, Depoilly ne constate pas de culture d’opposition semblables à celles des « crapuleuses » de Rubi. Les filles qu’elle a étudiées rusent en adoptant des formes d’opposition moins frontales avec les agents scolaires. Ces modes de faire leur permettent de maintenir le lien pédagogique, et donc de ne pas décrocher.

La réussite ou l’échec scolaire restent néanmoins souvent la trame commune entre ces études sur la reproduction sociale. Il faut se tourner vers l’école primaire pour repérer des études interrogeant la différenciation sociale sexuée sans poser la réussite scolaire comme objectif, suite notamment aux travaux pionniers de l’anthropologue Delalande sur la culture enfantine dans la cour de récréation (2001). La littérature anglo-saxonne suit une tendance similaire avec un intérêt pour la construction du genre en primaire (en particulier Thorne, 1993, Nordström, 2010 sur la cour de récréation), et des travaux plus nombreux sur la classe et la « race » dans le secondaire, où cette fois-ci, et comme en France, la question de la réussite professionnelle n’est jamais loin (par exemple, Larreau, 2011).

Des groupes sociaux aux cultures en conflit ?

Une grande partie des études en sociologie de l’éducation expliquent la construction des inégalités scolaires et sociales par le phénomène de reproduction sociale, lui-même étroitement lié au concept de culture, qu’il s’agisse de la culture qu’entretient ou diffuse l’école (la culture scolaire) ou de celles, parfois en tension, que l’institution héberge. Par culture, il est question dans cet écrit de l’ensemble de représentations sociales, de valeurs et de pratiques (actions individuelles et expérience collective) qui définissent le rapport au monde d’une société ou d’un groupe donné et lui donnent sens.

- Culture scolaire, culture de l’élite

Bourdieu et Passeron dans Les héritiers (1964) présentent l’école comme un système favorisant la culture des dominants. En opérant une sélection sur des critères socio-culturels, le système scolaire favorise les « élus » (ceux qui maîtrisent les savoirs, les savoir-faire, le niveau de langue, etc. de la culture de l’élite) tandis qu’il élimine les individus des classes défavorisées qui n’ont pas le capital requis pour réussir dans l’enseignement supérieur. La culture scolaire fait dès lors l’objet d’investigation (Perrenoud, 1994 ; 1996) pour comprendre les valeurs, principes et habitus d’un parcours scolaire réussi. Il s’agit pour l’apprenant de répondre non seulement au curriculum réel (les programmes et prescriptions officielles de l’institution) mais aussi et surtout au curriculum caché,

« cette part des apprentissages qui n’apparaît pas programmée par l’institution scolaire, du moins pas explicitement » (Perrenoud, 1993), tel qu’utiliser un certain niveau de langue, être obéissant et discipliné, reconnaître la valeur du travail et du mérite. Ces apprentissages comportementaux sont essentiels à la maîtrise du « métier d’élève ».

Parce que la culture scolaire est synonyme de manière de faire et de manières d’être, elle propose par conséquent des formes de socialisation et d’être ensemble. Plus forte dans la salle de classe, haut lieu de l’institution scolaire, l’influence est moindre dans les couloirs et la cour de récréation. Dans ces espaces, d’autres modes de faire sont visibles, qui se rattachent à d’autres cultures, qualifiés tour à tour par les sociologues de « sous-culture », « contre-culture », « contre-culture anti-école » et « contre-culture jeune ».

- Les « contre-cultures » des « cultures jeunes »

Nous ne reviendrons pas sur les débats sémantiques. Retenons que chaque terme a été proposé pour expliquer un rapport à la culture majoritaire dominante, diffusée par l’élite adulte bourgeoise et masculine. Yinger, connu pour avoir distingué sous-culture et contre-culture (1960) propose d’utiliser contre-culture en cas d’inversion des valeurs avec la société environnante6, scolaire versus cultures des jeunes individus) domine.

L’étude de Paul Willis, qui vise à comprendre pourquoi les enfants d’ouvriers se mettent volontairement en marge du système scolaire et acceptent des emplois d’ouvriers, est alors novatrice et fondatrice (1977). Contrairement à l’approche hypothético-déductive et principalement statistique de Bourdieu et Passeron, Willis réalise une étude inductive et qualitative des comportements des fils d’ouvriers (appelé les « mecs », lads en anglais). Il explique que, loin d’être passifs, ces derniers contribuent au processus de reproduction en choisissant de devenir ouvriers à leur tour. En insistant sur l’autonomie et la créativité des

« mecs », Willis critique la thèse de la « carence culturelle » (cultural deprivation) défendue par les auteurs de Les héritiers et de La Reproduction. Il dresse le portrait d’une culture fondée sur des valeurs de virilité qui se construit en opposition au conformisme de la culture scolaire. « Blaguer » est un témoignage de résistance et d’intelligence ; s’organiser contre les

« mouchards » est une question de justice ; le vol est une juste récupération ; la valorisation de la force du travail manuel supplante la valeur du « savoir » de l’école méritocratique, le geste lent s’oppose au rythme imposé de l’usine transposé ici à l’école, etc. En somme, ces pratiques (glander, arnaquer, sécher, rigoler, se bagarrer) visent à subvertir l’autorité de l’institution en pénétrant de dont il ne maîtrise pas les codes ; il est au contraire volontairement créatif.

Il est intéressant de constater que, trente-cinq ans plus tard, Pierre Escofet (2012) observe des faits similaires, à l’issue de son étude ethnographique dans un cycle d’orientation genevois. Malgré un contexte social et économique

6 Citation exacte : « Subculture, I have suggested, is used to designate both the tradi-tional norms of a sub-society and the emergent norms of a group caught in a frustrating and conflict-laden situation. This paper indicates that there are differences in the origin, function, and perpetuation of traditional and emergent norms, and suggests that the use of the concept contra-culture for the latter might improve socio-logical analysis. » (Yinger 1960, 635)

sensiblement différent de l’Angleterre des années 1970, la similitude des observations invite à la comparaison. Escofet relève, lui aussi, la concurrence des valeurs avec le corps enseignant lequel s’exprime à travers une démarche nonchalante et des gestes ralentis (« le corps cool »), une valorisation machiste et virile des bagarres, un art de la répartie7 et une organisation contre ceux qui

« disent du mal ». Or, le sociologue mène son enquête dans l’établissement le plus favorisé de Genève et ses observations ne portent pas sur des individus qui résistent à la majorité. Au contraire, selon le sociologue, ces comportements et ces usages du corps, issus de la culture de rue8, seraient devenus des principes organisateurs des sociabilités adolescentes. La sociabilité est ici comprise comme « la manière dont les individus entrent en relation les uns avec les autres », définition que nous reprenons dans cette recherche.

L’étude d’Escofet vient confirmer la thèse de Pasquier, laquelle présente la culture populaire et médiatisée comme la culture jeune dominante au sein des lycéens (2005). Dans cette perspective, les anti-conformistes sont non plus celles et ceux qui s’opposent à l’école mais celles et ceux qui adhèrent à la culture scolaire au détriment du groupe de pairs. En conséquence à la fois d’une baisse du contrôle des adultes et d’une prise en charge croissante par l’univers marchand, Pasquier comme Escofet soulignent la forte normativité qui règne au sein du groupe de pairs. Toutefois, alors que Pasquier s’intéresse aux pratiques médiatiques avec distance, le regard et la posture critique d’Escofet sur les formes de sociabilité juvénile dresse un portrait plus sombre d’une société juvénile se fermant sur elle-même, à la façon d’un microcosme (auto)destructeur. Lorsque les résistances à la culture scolaire deviennent le fait de la majorité, encouragées de surcroît par une projection marchande de grande ampleur, la question de l’autonomie et du sens politique de ces oppositions parait légitime. Pour Escofet, et contrairement à la thèse de Willis, cette culture du microcosme n’a rien d’une contre-culture. Contrairement aux cultures jeunes de résistance des années 1960-70, elle n’est pas politique et s’avère même dangereuse pour cette nouvelle génération, en ne lui offrant aucune perspective d’avenir.

La nouvelle échelle du phénomène, encouragée par les nouvelles techniques de communication, fragiliserait comme jamais le groupe jeune. D’une part, entre pairs, l’autorité est alors bien plus dure que celle des adultes. Elle est propice à la « tyrannie de la majorité » décrite par Arendt (2000, 233): « Quant à l’enfant dans ce groupe, il est bien entendu dans une situation pire qu’avant, car l’autorité d’un groupe, fût-ce un groupe d’enfants, est toujours beaucoup plus forte et beaucoup plus tyrannique que celle d’un individu, si sévère soit-il. (…) Affranchi de l’autorité des adultes, l’enfant n’a donc pas été libéré, mais soumis

7 Lire à ce sujet Coeur de Banlieue : Codes, Rites et Langages de David Lepoutre (2001).

8 Ces codes, véhiculés par le rap, seraient aussi appelés « culture gangsta » en Amérique du Nord selon l’étude de Dillabough, Kennely, et Wang (2007) sur la sociologie de la culture jeune au Canada. Celle-ci confirme l’influence de la culture gangster (gangsta) dans les formes de représentation entre jeunes : « the « tough » girls/boys situated themselves in the representational mode of Gangsta culture (e.g citing Rap and girl on girl bullying, boys’ symbolic referencing was chiefly to baggy trousers, the wearing of chains and brand name clothing, and the carrying of cell phones). » (139).

à une autorité bien plus effrayante et vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité. »9

D’autre part, le groupe de pairs aurait atteint une influence sans précédent, en comparaison des autres institutions de socialisation selon Escofet (2011, 104) :

« Nos analyses reposent sous cet aspect sur un postulat fort, fruit de tendances lourdes : jamais dans l’histoire du 20e siècle le groupe des pairs ne s’est imposé à ce point comme une instance socialisatrice auprès des jeunes générations, reléguant presque mécaniquement à l’arrière-plan l’influence des autres instances potentiellement efficaces à ce niveau (famille, école, institutions, etc.) ».

Dans un contexte de transformation des liens intergénérationnels, et tandis que l’institution scolaire perd en légitimité, le groupe de pairs joue un rôle croissant dans la définition des formes de sociabilités.

-

Un lieu, une culture ?

Dans leurs études ethnographiques Willis et Escofet ne s’intéressent pas intentionellement au rôle de l’espace. Celui-ci est mentionné au détour des analyses. Pourtant, la situation des actes de résistance fait partie de leur analyse, qu’il s’agisse de la culture de résistance des fils d’ouvriers ou de celle majoritaire du microcosme juvénile. Alors que Willis mentionne la « zone de l’informel » comme un espace où s’expérimente la reproduction sociale (hors de la salle de classe et hors des temps d’enseignement), Escofet met en valeur des

« zones stratégiques » (le coin fumeur, le couloir et les abords de l’établissement) et des lieux d’évitements. Il utilise en outre le terme de

« territoire » pour questionner les formes de sociabilité entre pairs. Dans les deux études, le couloir apparaît comme l’espace de pouvoir des pairs. À l’inverse, la bibliothèque fait office de refuge10. Malgré des conclusions différentes, ces analyses corrèlent lieux et cultures, chaque lieu étant emblématique d’une culture d’affiliation (culture scolaire ou jeune) et d’une institution de socialisation (école ou pairs).

Afin de rendre compte de la dimension spatiale des phénomènes étudiés par Willis et Escofet, j’ai réalisé deux schémas de synthèse à partir de leurs travaux.

Le premier (figure 1.1) rend compte des valeurs diffusées par la culture scolaire et par la culture jeune dominante. Parce que celles-ci sont contradictoires, j’ai choisi de les placer sur un continuum qui recense les valeurs mentionnées par

9 Suite de la citation : « En tout cas, il en résulte que les enfants ont été pour ainsi dire bannis du monde des adultes. Ils sont soit livrés à eux-mêmes, soit livrés à la tyrannie de leur groupe, contre lequel, du fait de sa supériorité numérique, ils ne peuvent se révolter, avec lequel, étant enfants, ils ne peuvent discuter, et duquel ils ne peuvent s’échapper pour aucun autre monde, car le monde des adultes leur est fermé. Les enfants ont tendance à réagir à cette contrainte soit par le conformisme soit par la délinquance juvénile, et souvent par un mélange des deux. » (Arendt, 2000, 233-234).

10 Dans l’étude d’Escofet, un interviewé est très explicite quant à l’usage de la bibliothèque : « si tu connais personne, commence à te faire des amis en allant à la bibliothèque... d’abord tu commences à la bibliothèque et tu montes les échelons. (…) si tu veux passer trois années tranquilles ben tu restes à la bibliothèque » (2011, 306).

les deux auteurs : d’un côté, l’institution scolaire qui valorise notamment la discipline, la vérité et l’obéissance ; de l’autre, les pairs, comme institution de socialisation horizontale, dont les membres les plus influents valorisent le corps relâché, le rire et, si ce n’est la désobéissance, du moins la résistance vis-à-vis des adultes de l’institution. Ces deux ensembles de valeurs peuvent entrer en contradiction dans les formes de sociabilités, ou manières d’être ensemble, qu’ils proposent.

J’ai volontairement mis en exergue deux valeurs mentionnées par les auteurs et qui semblent structurantes des deux cultures : l’élitisme d’un côté, la virilité et le sexisme de l’autre. J’ai ensuite hierachisé « le mérite » et « le travail », plus spéficiques de l’élitisme que « l’obéissance » et « le fait de la dire la vérité ». De même, « les pratiques illicites d’acquisition » et « les bagarres » contribuent à la diffusion de la virilité et du maschisme au point de devenir des valeurs. « Le rire », « l’art de la répartie », « avoir un corps « cool » » et « trainer en groupe », y participent dans une moindre mesure, même si ces pratiques sont communément partagées par les pairs.

À partir de ce continuum, je souhaitais positionner les espaces scolaires où ces valeurs sont plus majoritairement diffusées et produites. Afin de rendre compte de la relation de chaque espace aux deux cultures en opposition, il apparut nécessaire de rajouter un axe, ou plutôt de croiser ce même axe sur la figure 1.2. Cet ajout permet de positionner les espaces scolaires mentionnés par les sociologues (couloir, bibliothèque, salle de classe) en rendant compte des écarts de valeur entre ceux-ci.

Figure 1.1 : Le continuum de valeurs, synthèse à partir de Willis, 1977 et Escofet, 2011 Nb : Le continuum est placé sur un axe vertical pour plus de lisibilité. Je ne reprends ici que les pratiques valorisées et mentionnées par Willis et Escofet.

Figure 1.2 : L’école, un monde culturel dual

Deux espaces sont particulièrement emblématiques des valeurs qu’ils hébergent et diffusent. D’un côté, la bibliothèque est l’espace de la culture scolaire où se diffusent et s’apprennent les valeurs méritocratiques du travail individuel propre à la fabrique de l’élite. De l’autre, les espaces de transition servent de scènes d’expression de l’art de la répartie, de la désobéissance, des petites bagarres et du sexisme, en somme ce que Hemmings a rassemblé sous le qualificatif de

« hidden corridor curriculum » (1999) – que l’on peut traduire par « le curriculum caché du couloir ».

De cette spatialisation de nos deux études sociologiques, retenons que les valeurs défendues par l’institution scolaire et celle des pairs non seulement cohabitent dans l’école mais entrent en concurrence dans certains espaces.

Lorsqu’une institution de socialisation définit avec hégémonie les formes de sociabilité, cette situation comporte un risque : le risque de la tyrannie de la majorité dénoncée par Arendt lorsque le groupe de pairs domine (dans le couloir), le risque de l’autoritarisme dénoncé par Merle (2005) lorsque l’institution scolaire est maître (plus souvent dans la classe). Je suppose a priori que les légitimités sont partagées dans la cour de récréation et la cafétéria, grâce à la multitude d’usages des lieux que ces espaces offrent, et en

Lorsqu’une institution de socialisation définit avec hégémonie les formes de sociabilité, cette situation comporte un risque : le risque de la tyrannie de la majorité dénoncée par Arendt lorsque le groupe de pairs domine (dans le couloir), le risque de l’autoritarisme dénoncé par Merle (2005) lorsque l’institution scolaire est maître (plus souvent dans la classe). Je suppose a priori que les légitimités sont partagées dans la cour de récréation et la cafétéria, grâce à la multitude d’usages des lieux que ces espaces offrent, et en