• Aucun résultat trouvé

Au sein de notre corpus, 21 textes différents visent à proposer au moins un modèle formel à proprement parler. Les 19 textes restants s‟articulent autour d‟une volonté de théorisation moins poussée. Ils visent plutôt à prodiguer des « conseils de conception » génériques, voire à proposer tout simplement un retour d‟expérience de la part de Game Designers expérimentés. Nous baptisons cette catégorie d‟ouvrage des « livres de recettes ». Si la majorité d‟entre eux sont de simples recueils de conseils, certains auteurs ont cependant cherché à formaliser leur façon de prodiguer ces conseils sous forme de « pièces à assembler ».

3.4 LES « PIECES A ASSEMBLER »

Cette catégorie regroupe six textes proposant des conseils sous forme de « pièces à assembler » afin de faciliter la conception d‟un jeu vidéo.

3.4.1 LES « GAME DESIGN PATTERNS »

L‟approche la plus structurée de cette catégorie consiste à proposer un ensemble de « stratégies de conception » basées sur une philosophie similaire aux design patterns utilisées en ingénierie informatique (Gamma, Helm, R. Johnson, & Vlissides, 1994). Les Game Design Patterns (Bjork & Holopainen, 2004) sont une collection de 200 « pièces » qui peuvent être utilisées pour concevoir un jeu. Si les deux chercheurs ont volontairement omis d‟étayer leur collection de « patterns » par un modèle formel ou une définition du jeu, ils proposent

néanmoins une typologie hiérarchique destinée à classer les « patterns » selon les aspects du jeu qu‟elles concernent : « temporalité », « règles », « joueurs »…

3.4.2 LE « 400 PROJECT » DE FALSTEIN

Dans une veine similaire, le 400 Project lancé par Falstein (2006) vise à rassembler un grand nombre de conseils de conception formalisés comme des « règles à suivre ». Pour cela, ce Game Designer reconnu a appelé à contribution tous ses confrères. A ce jour, 112 règles sont proposées par ce projet. Si la philosophie du 400 Project est similaire à celle des Game Design Patterns, les conseils proposés ne sont pas tout à fait les mêmes. Les « patterns » sont plutôt des « pièces de puzzle » à assembler pour construire un jeu, alors que les règles du 400 Project sont des bonnes pratiques à suivre. En conséquence, ce dernier projet n‟est appuyé par aucune « catégorisation » particulière des règles proposées.

3.4.3 D’AUTRES APPROCHES DE TYPES « PIECES A ASSEMBLER »

Si ces deux derniers textes proposent une véritable collection de « pièces à assembler » formalisées, l‟idée même d‟envisager une telle formalisation semble avoir été inspirée par la notion de Formal Abstract Design Tool introduite en 1999 par Church (2005). L‟auteur y appelle à l‟utilisation d‟un langage uniforme et formalisé pour le Game Design, en s‟appuyant sur deux ou trois exemples concrets. Cet appel a inspiré d‟autres auteurs, tel que Leblanc (2005) qui propose des exemples « d‟outils formels » destinés à créer de la tension dramatique dans les jeux.

Dans un autre registre, notons le travail de Koster, qui propose d‟utiliser des outils mathématiques pour la conception de jeux vidéo (Koster, 2009). Il s‟appuie particulièrement sur les problèmes NP-complets de Karp, tels que « l‟empaquetage d‟ensemble » ou « la couverture de sommets ». Il montre qu‟ils peuvent servir à résoudre des problématiques concrètes lors de la conception d‟un système de jeu, par exemple lors de l‟équilibrage des classes d‟avatars dans un jeu de rôle massivement multijoueurs (MMORPG).

Enfin, une dernière initiative de « formalisation » des conseils de Game Design se démarque

du lot par sa référence au monde du cinéma. Inspiré par le Dogme95 des réalisateurs danois29,

Adams (2001) propose le Dogma 2001 pour le jeu vidéo. Il s‟agit d‟une série de dix « règles à suivre » pour créer des jeux vidéo. De l‟aveu même de leur auteur, les règles proposées, telles que « les scènes cinématiques non-interactives sont prohibées » ou « il pourra y avoir des gagnants, des perdants, des adversaires, mais pas de Bons absolus ou de Méchants absolus » ne sont pas neutres. Elles reflètent un engagement artistique de la part d‟Adams, qui appelle ainsi ses confrères à se focaliser sur l‟expérimentation et le gameplay pour concevoir des jeux vidéo.

3.5 LES « CONSEILS DE CONCEPTION »

Enfin, au-delà de tous les textes déjà présentés, les treize éléments restants dans notre corpus proposent des « conseils de conception » nettement moins formalisés. Au regard de notre corpus, cette forme de textes aux propos purement empiriques est visiblement la plus répandue. Elle est représentée par les écrits de Saltzman (1999), Rouse (2001), Crawford (2003), Meigs (2003), Pedersen (2003), Rollings & Adams (2003), Bates (2004), Brathwaite & Schreiber (2008), Kremers (2009), Perry & DeMaria (2009), Albinet (2010), Trefry (2010) et Rogers (2010).

29

Lancé par Lars von Trier et Thomas Vinterberg, le Dogme95 est un manifeste de dix règles à suivre pour réaliser un film. Ces règles reflètent un engagement artistique de la part des deux réalisateurs, qui furent suivis dans cette initiative par de nombreux autres réalisateurs à travers le monde.

Ces treize textes sont tous des ouvrages écrits par des Game Designers de l‟industrie du jeu vidéo, à destination de leurs confrères. S‟ils ne proposent pas d‟outils théoriques d‟aide à la réflexion, ils semblent néanmoins tous tenir d‟une philosophie proche. Globalement, ces ouvrages sont organisés en chapitres consacrés à chacun des « point-clés » de la conception du jeu vidéo. Par exemple, un chapitre aborde la rédaction du « Game Design Document » (p.44), un autre celui de la narration, du graphisme, du gameplay, de l‟interface ou encore de l‟intelligence artificielle. Ces ouvrages sont souvent accompagnés de comptes-rendus d‟expériences de terrain, soit sous la forme d‟interviews avec des Game Designers professionnels, soit par l‟analyse de jeux existants. A noter que ces retours d‟expérience sont également présents dans les textes des catégories précédentes lorsqu‟il s‟agit d‟ouvrages. Au final, en dépit de leur absence d‟outils théoriques clairement formalisés, les « conseils de conception » restent riches d‟enseignements sur la création d‟un jeu vidéo.

3.6 APPLICATIONS DES OUTILS THEORIQUES D’AIDE A LA REFLEXION

A la lecture des textes de notre corpus, les outils théoriques d‟aide à la réflexion que nous venons d‟identifier semblent pouvoir être utilisés pour plusieurs finalités différentes.

3.6.1 GUIDE DE CONCEPTION

L‟application la plus évidente de tous ces outils théoriques est bien évidemment celle d‟aide à la conception de jeu vidéo. Tous ces outils sont inventés par des créateurs des jeux, et visent à faciliter le processus de Game Design. Ils emploient pour cela des approches très différentes. Certains proposent une typologie des éléments à construire, d‟autres une méthode de représentation graphique, ou encore une catégorisation des profils de joueurs. De part leurs différences de fonctionnement et de résultats, ces outils s‟avèrent complémentaires. Rien n‟interdit à un concepteur d‟en utiliser plusieurs à la fois.

Cependant, comme la complexité de certaines représentations schématique le laisse penser, ces outils théoriques sont loin d‟être simples à utiliser. S‟ils ont certes le potentiel de faciliter la création d‟un jeu vidéo, en tout cas durant l‟étape « Imaginer » du processus (p.65), ce potentiel de facilitation semble difficilement accessible à des novices. Afin d‟être en mesure d‟utiliser les outils que nous avons présenté, il semble que le concepteur se doit déjà d‟être familier avec un certain nombre de concepts théoriques liés à la création de jeu. Par exemple les notions « d‟éléments de jeu », de « profils de joueurs », de « récompenses » ou encore de « règle » sont prises pour acquises dans la description des divers outils étudiés. L‟approche de facilitation de la création vidéoludique représentée par ces outils théoriques d‟aide à la réflexion semble donc être plutôt destinée à un public d‟experts. Ces outils étant avant tout destinés aux professionnels, ce constat semble finalement assez logique. Les novices pourront toujours commencer par la lecture des ouvrages accompagnant ces modèles, dont les « conseils de conception » qu‟ils prodiguent sont destinés à faciliter l‟apprentissage du

« Game Design », comme nous le verrons ci-après (p.82).

Il convient également de rappeler que tous ces outils étant « théoriques », ils ne peuvent pas directement produire de jeux qui soient « jouables ». Quel que soit le support de jeu envisagé, tous ces outils peuvent être utilisés pour concevoir de manière théorique le fonctionnement du jeu. Mais pour pouvoir le tester avec des joueurs, il faudra ensuite passer par une étape de

« fabrication ». Comme nous l‟avons déjà évoqué (p.44), dans le cas du jeu vidéo, cette étape

de fabrication implique tout simplement de réaliser un programme informatique permettant de jouer au jeu.

3.6.2 GRILLE D’ANALYSE

Ces outils théoriques peuvent également contribuer à l‟analyse de jeux, et non pas seulement à leur conception. Les modèles proposant des niveaux de lectures, tels que le modèle MDA (p.75), les Primary Schemas (p.75), les Game Elements (p.76), les Game Layers (p.77), les Lenses (p.78), et ceux proposant une typologie (p.68) sont d‟ailleurs explicitement présentés par leurs auteurs comme de potentielles grilles d‟analyses de jeux existants. De plus, la plupart des outils présentés dans ce chapitre servant à construire des jeux, ils peuvent tout aussi bien être utilisés pour les déconstruire. Tous ces outils théoriques viennent donc enrichir les modèles d‟analyse des chercheurs spécialisés en jeu vidéo (Rufat & Minassian, 2011).

3.6.3 VECTEUR PEDAGOGIQUE

La plupart des outils théoriques analysés ici sont originellement introduits par des articles de revues spécialisées ou dans des ouvrages. En plus de la présentation du fonctionnement de l‟outil, ces ouvrages proposent des conseils de conception et autres réflexions sur certains aspects du Game Design, tels que le gameplay, l‟équilibrage, l‟interface… Si cela n‟est pas forcément le cas des articles de revues à cause de leur taille réduite, nous retrouvons néanmoins dans leur style d‟écriture une certaine volonté pédagogique. En d‟autres termes, tous les textes étudiés dans notre corpus semblent avant tout pensés pour apprendre comment créer des jeux au lecteur. De part leur aspect formel, ces outils permettent de structurer une méthodologie de conception de jeu vidéo, et la rendent donc potentiellement plus accessible à de nouveaux apprenants.

De plus, le potentiel analytique de ces outils théoriques de conception constitue probablement une des réponses aux nombreux défis soulevés par l‟enseignement de la culture ludique (désignée en anglais par le terme « ludoliteracy »). Des études de terrain sur le sujet (Zagal, 2010; Zagal & Bruckman, 2008) font remonter qu‟il est par exemple difficile d‟inciter des étudiants à quitter leur posture de « joueur passionné » pour se mettre dans une posture propice à l‟analyse de jeux. De même, les différences de niveaux de culture ludique au sein d‟un groupe d‟étudiants ont tendance à créer un public très hétérogène, ce qui complique la mission de l‟enseignant. Nous pouvons alors imaginer que les outils théoriques s‟appuyant sur un modèle formel pourraient apporter une réponse sur ces deux points. En proposant un cadre d‟analyse clairement défini au travers d‟un outil, les étudiants adopteront peut-être plus facilement une posture d‟analyse. De plus, le fait que cet outil théorique soit inconnu de la plupart des étudiants permettra peut-être d‟homogénéiser légèrement le niveau d‟un groupe d‟étudiants. Pris de manière isolée, ces outils théoriques d‟aide à la réflexion semblent difficilement accessibles aux novices. Ils semblent donc plus adaptés à un contexte pédagogique où l‟enseignant peut les accompagner dans leur apprentissage de l‟outil.

3.6.4 OUTIL DE COMMUNICATION

Enfin, terminons par une proposition d‟application nouvelle pour ces outils. Comme nous l‟avons déjà évoqué, dans l‟industrie vidéoludique le travail d‟un Game Designer consiste à

produire un cahier des charges appelé « Game Design Document » (p.46). Ce document

exhaustif détaille de manière très précise le fonctionnement du jeu inventé par le concepteur, afin de permettre aux autres membres de l‟équipe (programmeurs, artistes…) de le fabriquer. Les gros studios de création de jeu vidéo sont d‟ailleurs organisés en « départements » spécialisés dans chacun des domaines impliqués : conception, programmation, graphisme, son, tests… En tant que premier élément de la chaîne de fabrication d‟un jeu vidéo, le département de conception est régulièrement amené à communiquer le fruit de son travail aux autres départements. Ce rôle est traditionnellement tenu par le « Game Design Document » (Rogers, 2010; Rouse, 2001). Cependant, une récente étude menée au sein des studios de création vidéoludique montre une évolution de cette pratique (Hagen, 2010). En effet, les studios constatent aujourd‟hui que le « Game Design Document » est de moins en moins utile car il est trop volumineux, ce qui décourage les employés de le lire. Ce constat reflète

l‟évolution des pratiques de production de jeu vidéo, telles que l‟abandon du modèle de

développement en cascade au profit de méthodes agiles (p.94). Les studios cherchent donc

aujourd‟hui des moyens de communication plus efficaces entre leurs différents départements. D‟après les studios interrogés par l‟étude, aucun standard n‟est actuellement établi en la matière. La tendance est à l‟expérimentation de nouveaux moyens de communication adaptés aux échanges entre chaque type de département.

Dans ce climat d‟expérimentation, nous pensons que certains outils de notre corpus pourraient constituer des moyens de communication fort intéressants. En particulier, nous pensons que les modèles formalisant le jeu sous forme de diagrammes peuvent faciliter la communication entre le département de conception et celui de programmation. En effet, certains de ces modèles formalisent le jeu selon des standards appartenant à la culture de l‟ingénierie

logicielle, telle que le langage UML pour Machinations (p.70) ou les réseaux de Pétri pour la

Game Grammar (p.69). Mais même quand ils ne relèvent pas d‟un standard, ces modèles formels semblent tous fortement influencés par le paradigme de programmation « Orienté Objet ». Par exemple, les Tokens (p.68) proposent de diviser un jeu en un ensemble d‟éléments sous forme d‟une hiérarchie qui n‟est pas sans rappeler le principe d‟héritage du « modèle Orienté Objet ». Certains outils pourraient également s‟avérer intéressants pour la communication entre les départements de conception et de tests utilisateurs. Par exemple, la Game Alchemy (p.73) et les Game Layers (p.77) permettent tous deux de formaliser les émotions que le concepteur souhaite faire ressentir au joueur. Ces deux outils théoriques d‟aide à la réflexion pourraient alors servir à produire un document que le département de tests utiliserait comme référence lors de ses évaluations.

S‟il ne s‟agit là que d‟une perspective théorique qui reste encore à valider sur le terrain, nous pensons vraiment que ces quelques outils théoriques de Game Design ont un réel potentiel pour la communication interne des studios de développement de jeu vidéo.

4 S

YNTHESE

:

OUTILS THEORIQUES ET FACILITATION DU

G

AME

D

ESIGN

Dans ce chapitre, nous nous sommes intéressés aux outils théoriques visant à faciliter le Game Design. Pour cela, nous avons constitué un corpus de texte relatifs au « Game Design », et les

avons étudié à la recherche d‟outils théoriques (p.59). Nous en avons identifié deux sortes :

les méthodologies de conception (p.60) et les outils d‟aide à la réflexion créative (p.68).

En ce qui concerne les méthodologies de conception, nous observons plusieurs modèles du processus de création d‟un jeu vidéo. Bien que chacun de ses modèles soit basé sur une « série d‟étapes » différente, nous avons pu identifier des récurrences dans les douze modèles que nous avons étudiés. Ces récurrences nous ont permis de proposer le modèle générique ICE (p.65), un cadre permettant de définir des « série d‟étapes » du processus de création vidéoludique. Reposant sur un cycle itératif, ce modèle défini trois « étapes génériques » : « Imaginer », « Créer » et « Evaluer ». Les méthodologies de conception que nous avons étudié proposent alors une ou plusieurs étapes qu‟il est possible d‟inscrire dans ces « étapes génériques ». Le modèle générique ICE peut donc être vu comme un cadre synthétique à partir duquel chaque créateur peut définir sa propre « série d‟étapes » pour créer un jeu vidéo. Nous avons également identifié des outils d‟aide à la réflexion créative, destinés à guider la démarche du créateur durant l‟étape générique « Imaginer ». A cette fin, ces outils proposent plusieurs approches différentes. Certains outils proposent des méthodes de modélisation

graphique de la structure d‟un jeu (p.68). D‟autres proposent d‟analyser les joueurs (p.71) et

la manière dont ils interagissent avec un jeu (p.73). Enfin, une dernière approche vise à

proposer des « pièces à assembler » permettant de créer un jeu plus rapidement (p.79). S‟ils

sont principalement destinés à faciliter la création de nouveaux jeux, nous observons également que ces outils théoriques semble pouvoir servir à d‟autres applications, telle que

l‟analyse de jeux existants ou l‟apprentissage de la création vidéoludique (p.81). Mais quelle

que soit l‟application envisagée, ces outils d‟aide à la réflexion créative semble relativement complexes à utiliser. S‟ils représentent une approche de facilitation de la création de jeu vidéo, cette facilitation se destine principalement à des créateurs « experts ». Au vu de l‟origine professionnelle de ces outils, ce constat était malheureusement prévisible. Mais les

amateurs ne possédant pas d‟outils théoriques qui leur sont destinés (p.57), seule l‟exploration

des outils professionnels pouvait nous permettre d‟identifier des approches théorique de facilitation du Game Design. Nous essaierons néanmoins d‟éprouver le potentiel de ces outils théorique d‟aide à la conception pour la facilitation du « Serious Game Design », autant dans

un contexte industriel (p.87) que pédagogique (p.248).

Que ce soit pour les méthodologies de conception comme pour les outils d‟aide à la réflexion créative, nous constatons également que ces outils sont aussi nombreux que différents. Cette multitude d‟outils semble très surprenante au premier abord, d‟autant plus que plusieurs outils s‟appuient sur un modèle formel. Il semble que cet effort de formalisation des outils théorique ne leur permette pas pour autant de prétendre à l‟universalité. Certes, nous observons des outils à la finalité différente. Par exemple, ceux visant à proposer un modèle formel du jeu s‟avèrent complémentaires de ceux classifiant les joueurs. Mais même au sein d‟une même catégorie d‟outils, plusieurs modèles existent. Par exemple, nous recensons sept modèles formels différents pour la structure ludique. Comment pouvons-nous expliquer une telle multitude d‟outils pour un même aspect de la création vidéoludique ? Les propos de Crawford (1982), lorsqu‟il présente sa propre méthodologie de création de jeux vidéo, semblent nous apporter une réponse :

« La méthodologie que je décris est basée sur mes propres expériences de conception de jeu, et reflète la plupart des pratiques que j’utilise pour créer un jeu. Cependant, je n’ai

jamais utilisé cette méthodologie pas-à-pas, et je ne recommande à personne de le faire. En premier lieu, le Game Design est une activité bien trop complexe pour être réduite à une simple procédure formelle. De plus, la personnalité du concepteur doit dicter sa manière de travailler. Mais surtout, le concept même de formalisation absolue s’oppose à la créativité qui caractérise le Game Design. […] Ainsi, je propose ma méthodologie non pas comme une formule normative, mais comme un ensemble d’habitudes et de pratiques que l’apprenti Game Designer pourra essayer d’intégrer à sa propre méthodologie de travail. »30 [p.45]

Ainsi, le plus ancien texte de notre corpus apporte déjà une réflexion très pertinente sur la potentielle formalisation du Game Design. S‟il est possible de proposer des outils formels accompagnant le processus du Game Design, voire de formaliser le processus lui-même à travers une série d‟étapes clairement définie, aucune de ces tentatives de formalisation ne peut avoir vocation à l‟universalité. Comme le rappelle Crawford, la nature créative du processus de conception d‟un jeu implique une certaine part de liberté. Cela explique donc pourquoi il est possible d‟identifier autant d‟outils théoriques différents pour le Game Design : chacun reflète une part de la personnalité de son inventeur. La diversité des outils étudiés dans ce chapitre permet donc de répondre aux besoins d‟un large panel de Game Designers. Et si aucun des outils recensés ici n‟est satisfaisant pour un concepteur donné, il lui sera toujours possible de s‟approprier un modèle existant en le transformant, voire d‟en créer un complètement original.

Au final, les propos de Crawford mettent en lumière le principal intérêt de recenser les outils théoriques de Game Design. Comme il n‟existe pas d‟outil théorique universel, il est essentiel de recenser un large panel d‟approches existantes afin d‟accompagner de nombreux concepteurs différents dans leur démarche créative. Nous supposons donc qu‟il existe également plusieurs outils théoriques adaptés aux Serious Games. Mais, dans cette hypothèse,

Outline

Documents relatifs