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Eco-Reporter : explication du principe des dialogues (gauche) et aide de jeu contextuelle (droite)

Loin d‟être triviale, l‟intégration de tels mécanismes destinés à expliquer le fonctionnement du jeu à un public n‟ayant potentiellement jamais touché de jeux vidéo fut à l‟origine de nombreux cycles itératifs de prototypage et test. Une première version du jeu expliquait successivement le fonctionnement de trois « écrans » dès le démarrage du jeu. Ces trois explications consécutives se sont avérées constituer trop d‟informations à assimiler pour les testeurs. Nous avons donc réduit cette phase de présentation à deux écrans seulement, l‟écran de la carte n‟étant présenté au joueur qu‟après un premier dialogue avec un personnage. Cela permet de « retenir » l‟attention du joueur en le laissant jouer un peu avant de lui expliquer de nouveaux mécanismes de jeu. De même, un prototype affichait une aide contextuelle qui demandait au joueur de cliquer sur l‟écran pour la faire disparaître avant de pouvoir continuer à jouer. Cela s‟est avéré perturbant pour certains testeurs, pour qui ce « clic supplémentaire » était une source d‟inquiétude : face à une action de leur part qui n‟avait pas l‟air de faire avancer le jeu, ils commençaient à douter d‟avoir bien assimilé comment jouer et hésitaient à cliquer de nouveau, cherchant plutôt à réafficher l‟écran d‟aide.

Au final, que ce soit pour expliquer des mécanismes de jeu que l‟on pourrait penser comme « évidents » car faisant partie de la culture vidéoludique, ou pour ajuster la pertinence et le débit des explications de jeu, l‟intégration d‟un « tutorial » au sein même du jeu s‟est révélé être une tâche très importante du processus de création de ce Serious Game. De nombreux tests ont été nécessaires afin d‟arriver à mettre en place des explications qui soient délivrées au bon moment pour qu‟un joueur novice puisse appréhender le fonctionnement du jeu sans aide extérieure (p.147).

2.4 LE JARDINIER ECOLO

En complément d‟un jeu d‟aventure simple d‟accès et visant les joueurs attirés par l‟aspect « réflexion », nous avions également envisagé de proposer plusieurs jeux d‟envergure plus modestes mais mettant l‟accent sur le côté « action ». La dimension exploration et les nombreux textes de dialogues seront ici remplacés par des manipulations à effectuer en temps limité dans des jeux nécessitant de développer une stratégie élaborée pour gagner des points de « score ». Si Eco-Reporter vise à transmettre de nombreuses informations sur la vie quotidienne dans l‟écoquartier Andromède, ces autres jeux traiteront des différents aspects de la construction de ce quartier. Le choix d‟une orientation « action » limite la quantité d‟information transmissible avec chaque jeu, car nous souhaitons toujours nous inscrire dans

une approche « intrinsèque » où le contenu sérieux est mélangé au système de jeu (p.106).

être assimilé pour gagner, car il incarnera la stratégie gagnante du jeu. Par exemple, dans un jeu portant sur les espaces verts, le message sera le fait que les plantes exotiques consomment beaucoup d‟eau et ne sont pas forcément pertinentes dans un écoquartier. Pour gagner à ce jeu, le joueur devra donc comprendre qu‟il ne faut pas utiliser de plantes exotiques dans l‟aménagement de son espace vert.

2.4.1 PLUSIEURS CONCEPTS DE JEUX

Selon ce principe, nous avons alors proposé de nombreux concepts de jeux, tous basés sur un des nombreux « métiers » impliqués dans la création de l‟écoquartier Andromède :

- Le jeu des espaces verts : ce jeu propose au joueur d‟aménager et d‟entretenir un espace vert. Le joueur se verra proposer plusieurs espèces de plantes (exotique, locale…) qu‟il pourra planter dans un espace vert vierge. Une fois plantées, ces plantes ont besoin d‟eau pour rester vigoureuses. Régulièrement, des visiteurs traverseront le parc. Si les plantes sont bien arrosées, elles auront un effet positif sur le moral des visiteurs. Si elles sont en manque d‟eau, elles auront un effet négatif sur le moral des visiteurs. Plus les visiteurs sortiront contents du parc, plus le joueur gagnera de points. Les espèces exotiques de plantes ont un effet plus important sur le moral des visiteurs, mais sont nettement plus gourmandes en eau. La stratégie gagnante du jeu consiste donc à comprendre qu‟il vaut mieux planter des espèces locales que des plantes exotiques. Le joueur peut également « améliorer » ses plantes, ce qui a pour effet de les faire grandir. Or, un arbre étant moins gourmand en eau une fois qu‟il a grandi, la stratégie gagnante consistera également à planter et faire grandir seulement quelques plantes, plutôt que planter de très nombreuses jeunes pousses qui seront très gourmandes en eau. Ce jeu s‟inspire plus ou moins du genre vidéoludique « Tower Defense », notamment de Flash Element TD (David Scott, 2007)

- Le jeu des chantiers : A partir d‟un terrain vierge, le joueur doit construire des maisons pour les habitants. Il peut pour cela diriger deux équipes d‟ouvriers : les constructeurs et les nettoyeurs. Les constructeurs ont la capacité de générer des maisons, mais ce faisant il créent des déchets et produisent du bruit. Les nettoyeurs peuvent enlever ces déchets et poser/enlever des panneaux anti-bruit. Des habitants arrivent de manière régulière. Le joueur doit leur construire des maisons jusqu‟à ce que la zone de jeu soit totalement remplie. Dès qu‟une maison est construite, des habitants l‟occupent. Si un chantier se déroule à côté d‟une maison habitée, ses occupants seront incommodés par le bruit et les déchets. S‟ils sont trop incommodés, ils finiront par partir, laissant une maison vide et non réutilisable dans l‟espace de jeu. Le joueur gagnera des points en fonction du nombre de maisons toujours habitées une fois que toute la zone est construite. Pour gagner, le joueur devra donc utiliser son équipe de nettoyage de manière à limiter les nuisances produites par l‟équipe de construction, mais aussi planifier ses constructions de manière à gêner le moins d‟habitants possibles. Ce jeu illustre la politique de « chantiers propres » mise en place sur Andromède afin de ne pas incommoder les premiers habitants alors que les constructions continuent. Ce jeu s‟inspire du genre vidéoludique « Time Management », et plus particulièrement de Diner Dash (GameLab, 2003).

- Le jeu de l’urbaniste : à l‟échelle du quartier, le joueur sera chargé de disposer des blocs « maisons » et des blocs « routes ». Il est donc libre de disposer les différents « programmes de construction » dans le quartier. Mais ces programmes ont des formes géométriques différentes et leur placement demande donc réflexion, à l‟image de Tetris (Alexey Pajitnov & Vadim Gerasimov, 1985). Une fois placé, un bloc commence à se dégrader. Il faut donc régulièrement remplacer les blocs posés par des blocs plus récents. Si le joueur place ses blocs de manière anarchique, il sera obligé de

détruire des programmes encore en bon état pour remplacer les blocs détériorés. Mais s‟il adopte la stratégie de planification urbaine dite en « îlots », qui fut utilisée pour Andromède, il pourra plus facilement entretenir les bâtiments de son quartier. Ce jeu illustre donc la méthode d‟urbanisation modulaire d‟un écoquartier, qui tranche avec les lotissements résidentiels des années 90, afin de pouvoir plus facilement rénover les infrastructures dans le temps. Ce jeu s‟inspire librement du Serious Game City Rain (Mother Gaia Studio, 2009) et du jeu vidéo Sim City (Maxis, 1989).

- Le jeu de l’architecte : un petit jeu très simple destiné à illustrer les avantages des écomatériaux dans la construction. Le joueur incarne l‟architecte d‟un immeuble, et se voit doté d‟un budget limité. Il peut alors choisir les matériaux à utiliser pour isoler l‟immeuble, dans une liste allant des matériaux de base (peu onéreux) à des matériaux écoperformants (mais cher). Une fois les matériaux choisis, le joueur dispose d‟un curseur permettant de régler le niveau de chauffage et de climatisation de l‟immeuble. Un thermomètre indique en temps réel la température de l‟habitation. Les jours et les saisons défilent alors que le joueur doit essayer de maintenir une température intérieure agréable pour les habitants. S‟il a choisi des matériaux d‟isolation basiques, il aura certes réalisé des économies au départ mais réalisera bien vite que sa facture de chauffage et de climatisation sera très élevée. A l‟inverse, en choisissant d‟investir dans des écomatériaux, le joueur réalisera des économies de chauffage et de climatisation qui se révéleront plus intéressantes d‟un point de vue économique au fur et à mesure que la partie se déroule.

- Le jeu de l’aménageur : ce jeu vise à illustrer la manière dont la SEM Constellation, partenaire du projet et aménageur du quartier Andromède, a sélectionné les différents programmes qui y sont installés. Le joueur est face à une carte de l‟écoquartier Andromède, avec tous ses lots qui sont libres. Il reçoit alors des propositions de programmes (bureaux, habitations, infrastructures publiques, espaces verts…) qui sont définies par plusieurs caractéristiques : coût, performances écologiques… Le joueur est libre de refuser ou d‟accepter ces offres, auquel cas il devra placer ledit programme dans un des lots du quartier. Comme dans la réalité, le jeu se déroule en trois « tranches » : le joueur place des programmes sur un tiers de la superficie du quartier, puis reçoit un bilan avant d‟aménager le tiers suivant. Selon les choix du joueur, différents problèmes peuvent survenir : inondations si le goudronnage des sols est trop important, plaintes des habitants s‟il n‟y a pas assez de commodités… Ces problèmes seront programmés de manière à mettre en valeur les choix d‟aménagement opérés pour l‟écoquartier Andromède. Ce concept de jeu s‟inspire très librement de Sim City (Maxis, 1989).

2.4.2 DES CONTRAINTES ECONOMIQUES LIMITANT L’AMPLEUR DU PROJET

Ces différents concepts de jeu ont été validés par les différents partenaires du projet. Cependant, bien que cela ne transparaisse pas dans les modèles théoriques de conception de

Serious Games (p.91), un tel projet est généralement soumis à des contraintes de temps et de

budget. Ainsi, bien que ces cinq Serious Games paraissaient pertinents, la réalité économique du projet ne permettait pas de tous les développer. Nous avons donc été contraints de choisir un seul concept de jeu au sein de cette liste, afin de pouvoir réaliser un Serious Game « d‟action » venant compléter l‟approche de Eco-Reporter. Notre choix s‟est porté sur le jeu des espaces verts, dont la création a été poursuivie sous le titre Le Jardinier Ecolo.

2.4.3 UNE « STRATEGIE DE JEU GAGNANTE » AU SERVICE D’UN MESSAGE SERIEUX

Nous avons utilisé un processus itératif, basé sur le modèle générique DICE, pour développer ce jeu grâce à de nombreux prototypes régulièrement évalués. Le fait de s‟appuyer sur un genre de jeu existant, bien que ses codes furent quelque peu transformés pour l‟occasion,

permettait de bénéficier d‟une certaine base quant à la pertinence ludique du principe de jeu (p.134). Nous avons donc pu nous concentrer sur l‟affinage des mécanismes de jeu (définition des différentes types de plantes, de leur coût, ajustement des vagues de visiteurs…) afin de mettre en avant le message du jeu : l‟utilisation d‟espèces locales est écologiquement préférable pour l‟aménagement d‟espaces verts car elle permet d‟économiser l‟eau. De nombreux tests auprès de personnes variés en âge et en expérience dans la pratique du jeu vidéo ont été réalisés de manière à s‟assurer que les joueurs développaient bien cette stratégie pour marquer un maximum de points. Si le principe de base du jeu fut rapide à poser, son « équilibrage » (ajustement des coûts, de l‟influence des plantes…) pour pousser les joueurs vers cette stratégie sans pour autant les empêcher d‟en tester d‟autres fut particulièrement long : environ quatre mois, soit plus de la moitié du temps de création de ce Serious Game. Afin de mener les nombreuses corrections de prototypes inhérentes à ce mode de développement itératif, nous avons commencé à réaliser un outil technique destiné à faciliter la modification des règles de jeu (p.256). Les différents cycles d‟itération ont ainsi permis d‟aboutir à un jeu « terminé », prêt à être diffusé auprès du grand public.

44. Le Jardinier Ecolo : prototype (gauche) et version finale (droite)

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