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Répartition des marchés visés par les « Serious Games » sortis à partir de 2002 (1265 titres)

Sur les 953 « ancêtres » des Serious Games de notre corpus, 65.8% d‟entre eux ont été conçus pour le marché de l‟éducation. Nous observons également 10.7% de jeux destinés à des fins publicitaires, et 8.1% qui traitent d‟écologie. Les autres secteurs représentent chacun moins de 2% des titres. D‟après ces données, les « ancêtres » des Serious Games sont majoritairement des jeux vidéo à caractère éducatif. La situation est différente du côté des jeux de la « vague actuelle », dans laquelle la part de l‟éducation n‟est plus que de 25.7%. En conséquence, les autres secteurs voient leur part augmenter, en particulier le secteur de la publicité qui représente dorénavant 30.6% des titres. Les autres marchés qui étaient pour la plupart sous la barre des 2%, se situent dorénavant dans une fourchette comprise entre 4% et 10% des jeux. Au final, nous constatons donc que la plupart des ancêtres des « Serious Games » sont des « jeux éducatifs » contrairement aux titres de la vague actuelle. D‟après ces données, nous pouvons donc penser que la « vague actuelle » permet aux Serious Games de s‟inscrire dans une plus large variété de secteurs Nous remarquons également un plus grand nombre de titres présents au sein de la vague actuelle. En effet, les 953 ancêtres des Serious Games de notre corpus sont sortis entre 1951 et 2001 (50 ans), alors que les 1265 Serious Games de la « vague actuelle » n‟ont été publiés qu‟entre 2002 et 2010 (8 ans). Bien que les « Serious Games » et leurs ancêtres répondent aux mêmes définitions, nous voyons ici un moyen de les différencier. Les « Serious Games » de la vague actuelle ne se distinguent pas de leurs ancêtres en tant que jeux isolés, mais en tant qu‟un ensemble plus volumineux de jeux vidéo qui traite d‟une plus grande variété de sujets. Plusieurs facteurs permettent alors d‟expliquer ces différences : évolution de la place du jeu vidéo dans la société, changement de modèles économiques, vieillissement de la « génération Y »… L‟explication de ce phénomène se trouve être une thématique de recherche à part entière (J. Alvarez & Djaouti, 2010). Pour cette thèse, nous nous limiterons à cette observation des différents domaines d‟applications visés par les « Serious Games ». Afin de compléter ces donnés quantitatives, découvrons à présent quelques exemples de Serious Games issus de la vague actuelle.

3.4 QUELQUES EXEMPLES DE SERIOUS GAMES ISSUS DE LA « VAGUE ACTUELLE »

Les données quantitatives sur les « marchés » des Serious Games montrent la diversité des thématiques qu‟ils permettent d‟aborder. Afin d‟illustrer cette diversité, nous proposons ci- dessous quelques exemples de Serious Games de la « vague actuelle » issus de notre corpus.

Chaque jeu est classifié selon les différents critères du modèle G/P/S (p.28).

3.4.1 AMERICA’S ARMY (VIRTUAL HEROES, 2002)

Il s‟agit d‟un « jeu de tir en vue subjective » dans lequel le joueur incarne un soldat devant accomplir diverses missions au sein d‟une escouade. Ce jeu multijoueurs est diffusé gratuitement par l‟armée américaine afin d‟aider au recrutement de nouveaux soldats. Il est également utilisé en interne comme outil d‟entraînement.

Gameplay :

- Type : Ludus.

- Objectifs: Eviter, Atteindre, Détruire. - Moyens: Déplacer, Tirer, Gérer, Choisir.

Permet de :

- Diffuser un message persuasif - Prodiguer un entraînement.

Secteur :

- Marchés: Défense & Militaire, Etat & Gouvernement.

- Public visé: à partir de 16 ans, Grand Public & Professionnels.

3.4.2 SEPTEMBER 12TH (GONZALO FRASCA, 2003)

Ce titre place le joueur face à un village du Moyen-Orient, peuplé d‟habitants innocents et de « terroristes ». Le seul moyen d‟action proposé au joueur est de tirer un missile, qui, après un certain temps de latence, ira exploser à l‟endroit désigné. Si, ce faisant, le joueur tue une personne innocente, les villageois pacifiques assistant au massacre se transformeront alors en « terroristes ». La meilleure stratégie pour éviter la prolifération des terroristes au sein de ce jeu est donc tout simplement de ne jamais tirer… Diffusé gratuitement par son auteur, il s‟agit d‟un Serious Game destiné à faire réfléchir le grand public sur la nature de la réponse américaine aux attentats du 11 septembre.

Gameplay :

- Type : Paidia. - Objectifs: (aucun). - Moyens: Tirer.

Permet de :

- Diffuser un message subjectif

Secteur :

- Marchés: Politique, Médias.

- Public visé: à partir de 15 ans, Grand Public.

3.4.3 RE-MISSION (HOPELAB, 2006)

Ce Serious Game est destiné à des adolescents atteints de cancer. Il s'agit d'un jeu de tir en 3D temps réel se déroulant à l‟intérieur du corps humain. Aux commandes d‟une chimiothérapie personnifiée, la mission du joueur est d‟éradiquer les différents types de cellules cancéreuses présentes dans le corps de plusieurs patients. Ce titre est utilisé dans le milieu hospitalier pour expliquer à de jeunes malades le fonctionnement de leurs traitements. Cela permet à l‟équipe soignante d‟amorcer un dialogue à propos de la maladie. Ce titre est également diffusé auprès du grand public afin de le sensibiliser à la lutte contre le cancer.

Gameplay :

- Type : Ludus.

- Objectifs: Eviter, Atteindre, Détruire. - Moyens: Déplacer, Tirer.

Permet de :

- Diffuser un message éducatif - Diffuser un message informatif

Secteur :

- Marchés: Santé.

- Public visé: de 8 à 25 ans, Grand public.

3.4.4 STOP DISASTERS! (PLAYERTHREE, 2007)

Ce Serious Game est un jeu de gestion dans lequel le joueur prend les commandes d‟un village menacé par une catastrophe naturelle imminente (tsunami, tremblement de terre…). L‟objectif du joueur est d‟arriver à aménager le village afin de limiter au maximum les victimes humaines, tout en garantissant un minimum de qualité de vie aux habitants (soins, éducation…). Ce titre est diffusé gratuitement par l‟ONU afin de sensibiliser le grand public aux catastrophes naturelles, et de lui transmettre les rudiments de leur prévention.

Gameplay :

- Type : Ludus.

- Objectifs: Eviter, Atteindre. - Moyens: Créer, Gérer, Choisir.

Permet de :

- Diffuser un message éducatif - Diffuser un message informatif.

Secteur :

- Marchés: Humanitaire & Caritatif, Ecologie

- Public visé: de 9 à 16 ans, Grand Public.

3.4.5 LURE OF THE LABYRINTH (THE EDUCATION ARCADE, 2009)

Il s‟agit d‟un jeu d‟aventure en ligne destiné à l'apprentissage des mathématiques. Au sein d‟un univers fantastique, chaque joueur dirige un avatar. Il peut alors s‟adonner à un ensemble de petits jeux simples lui demandant de mobiliser les fondamentaux mathématiques. La grande force de ce titre est sa composante multijoueurs, qui vise à renforcer l‟échange d‟informations à caractère éducatif entre les élèves. Pour cela, les joueurs gagnent des points de score s‟ils rédigent des aides à même d‟aider leur camarades à résoudre les énigmes du jeu. Ce Serious Game est conçu pour être utilisé en classe, chaque enseignant ayant la possibilité de préparer une session de jeu « sur mesure » pour ses élèves. De plus, le site officiel du jeu propose des fiches pédagogiques à destination des enseignants et des parents.

Gameplay :

- Type : Ludus.

- Objectifs: Eviter, Atteindre.

- Moyens: Créer, Gérer, Déplacer, Choisir, Ecrire.

Permet de :

- Diffuser un message éducatif - Favoriser l‟échange de données

Secteur :

- Marchés: Education.

- Public visé: de 11 à 15 ans, Etudiants.

4 Q

UELQUES TENDANCES ACTUELLES DU SECTEUR DU

S

ERIOUS

G

AME

Le secteur du Serious Game, qui regroupe un nombre croissant d‟acteurs d‟origines variées, est en constante évolution. De nombreuses « tendances » sont mises en évidences par les spécialistes du secteur quant à ses possibles évolutions. Il se trouve que trois de ces « tendances » sont justement en lien avec la question de la création de Serious Games, car elles visent à essayer de la faciliter.

4.1 REALISER DES ECONOMIES D’ECHELLE AU SEIN DE L’INDUSTRIE

Dans un article de presse, Stéphane de Buttet (2010) expose les différents modèles économiques de la vague actuelle des Serious Games. Il note principalement la montée en puissance du modèle économique dit « à la licence ». Au lieu de se voir proposer la création d‟un Serious Game « sur mesure », un commanditaire potentiel peut se voir offrir la personnalisation de Serious Games plus « génériques ». Si le projet final est forcément moins spécifique aux besoins du client, le coût total du projet s‟en trouve amoindri, le temps de réalisation du jeu étant plus court. Du point de vue des studios de développement, la création de tels Serious Games « génériques » passe par la mutualisation et l‟industrialisation d‟outils de conception et de fabrication idoines (Boudier & Dambach, 2010).

Ainsi, nous voyons apparaître des « frameworks » ou autres « usines logicielles » qui permettent de créer des « briques logicielles réutilisables » de manière à accélérer le développement industriel de Serious Game. Au niveau national, de tels outils sont actuellement inventés en partenariat avec des laboratoires de recherches. Ainsi, le framework SeGAE, utilisé par la société KTM Advance, est le fruit d‟une équipe de chercheurs du LIP6

(Yessad, Labat, & Kermorvant, 2010). Sur un moteur de jeu de gestion réalisé par des programmeurs expérimentés, cet outil propose un éditeur visuel permettant de créer simplement des événements logiques. Un concepteur sans connaissances en programmation peut donc créer ses propres scénarios de manière relativement poussée en sélectionnant des « conditions » et des « actions » à travers des menus déroulants. Suivant une logique similaire, le projet Learning Game Factory réunit Symetrix, SBT, Daesign, Les Tanukis et Genezis pour le côté industriel, ainsi que l’équipe de recherche de l’ESC Chambéry, le Laboratoire informatique de Grenoble (INPG-LIG), l‟INSA Lyon et l’équipe SysCom de l’Université de Savoie pour les chercheurs (Deguerry, 2009). Ce projet vise à proposer :

« [U]ne plateforme d’édition et de diffusion web de learning games pour les grands comptes, les PME, les écoles et le grand public. En vue, tout simplement l’industrialisation des Serious Games avec la possibilité de créer plus vite et moins cher des learning games ! »

Pour cela, l‟outil imaginé par les partenaires met à disposition un ensemble de « modules réutilisables », qui seront développés par des programmeurs expérimentés. Des concepteurs pourront ensuite piocher dans cette base de modules pour construire leur propre Serious

Game, réduisant ainsi considérablement le temps de fabrication (p.91).

Les projets d‟outils permettant d‟accélérer la production industrielle de Serious Game ne sont pas forcément destinés uniquement aux concepteurs professionnels de jeux. Par exemple, le projet de Serious Game Journalistique, monté par le journal Le Monde, KTM Advance, et l‟Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, vise à proposer des outils permettant à des journalistes de produire rapidement des Serious Games traitant de sujets d‟actualité (Vandamme, 2010). Dans une veine similaire, le projet Moteur de Jeux Orientés Santé (MoJOS) rassemble la société DIDACT Systèmes, le cabinet d‟étude IDATE, et deux laboratoires de l‟Université de Montpellier spécialisés dans la recherche médicale (UM1- CHU) et informatique (UM2-LIRMM). Cet outil vise à accélérer la production de Serious Games thérapeutiques, qui seront par exemple utilisés pour la rééducation de patients victimes d‟un accident vasculaire cérébral (Harmonie Magazine, 2009). Dans un registre similaire, un des projets de recherche de la North Carolina State University a abouti à la création d‟un outil baptisé Virtuoso. Sa vocation est de permettre à des enseignants de créer des scénarios

pédagogiques pour des jeux d‟action-aventure en 3D (p.220). En parallèle à ces partenariats

entreprise-université, certaines sociétés spécialisées dans la création de Serious Games commercialisent également leurs propres outils de travail, à l‟image de la société Caspian Learning et de son outil Thinking Worlds (p.214). Plus récemment, le studio français Onlineformapro propose un outil baptisé SGTools (Onlineformapro, 2010), dont le

fonctionnement est largement inspiré par la famille de logiciels Virtools (p.182).

4.2 PERSONNALISER DES SERIOUS GAMES POUR AIDER LE « SERIOUS GAMING »

La montée en puissance de la pratique du « Serious Gaming » (p.22) amène de nouvelles

problématiques. De plus en plus encouragée dans le secteur de l‟éducation (Gee, 2007; Prensky, 2007; Shaffer, 2007), cette pratique se voit même formalisée à travers des « guides » proposant un choix de « jeux vidéo à détourner pour l‟éducation ». Si la plupart sont sous la forme de sites Internet, tel le blog tenu par Yasmine Kasbi17, il en existe aussi au format papier, comme le catalogue ENGAGE Learning 2009-2010, réalisé grâce à un financement de la communauté européenne (Pivec, 2010).

17

Pour autant, il peut arriver qu‟un enseignant qui souhaite détourner des jeux vidéo pour les utiliser en classe soit confronté à des aspects du jeu qui ne conviennent pas à sa méthode pédagogique. Qu‟il s‟agisse d‟un thème mal abordé, d‟un jeu trop long, ou tout simplement d‟informations incomplètes, un enseignant peut rapidement sentir le besoin de « modifier » quelque peu le contenu du jeu pour l‟adapter à son cours. Face à ce problème, une équipe de chercheurs canadiens a monté un projet visant à proposer des Coquilles Génériques de Jeux Educatifs. Il s‟agit de jeux pour lesquels chaque enseignant peut créer son propre contenu, et

ainsi adapter au mieux le jeu qu‟il souhaite utiliser en classe (p.227). Si ce type de projet vise

à concevoir des « jeux modifiables » spécifiquement destinés à un public de pédagogues, d‟autres enseignants font tout simplement le choix d‟utiliser des jeux vidéo du commerce dotés en standard de fonctionnalités de personnalisation. Par exemple, le collectif Pedagame a utilisé le jeu Buzz! Quiz TV (Relentless Software, 2008) car chaque enseignant pouvait

intégrer les questions qu‟il souhaitait au jeu avant de le présenter à ses élèves (p.23).

Ainsi, les possibilités de « personnalisation » d‟un jeu commencent à rentrer en compte lors de son détournement dans le cadre du « Serious Gaming ». Dans une certaine mesure, cette volonté peut être mise en parallèle avec le fait que certaines sociétés de l‟industrie du Serious Game souhaitent offrir à leurs clients la possibilité de créer leurs propres scénarios. C‟est par exemple le cas de la société OKTAL, spécialisée dans les simulateurs de formation à la conduite de véhicules. Son logiciel SCANeR propose en standard une interface de « création de scénario », permettant à chaque client d‟adapter ou de créer de nouvelles situations par lui- même, sans avoir à solliciter une prestation supplémentaire auprès de la société. OKTAL étant un des partenaires du CIFRE ayant permis le travail de recherche présenté dans cette thèse,

nous reviendrons ultérieurement sur cet outil (p.215).

4.3 DEMOCRATISER LA CREATION DE SERIOUS GAMES

A mi-chemin entre ces deux tendances, nous recensons également plusieurs projets visant à créer des outils permettant à des personnes ne possédant aucune connaissance en programmation ou en conception vidéoludique de réaliser ses propres jeux éducatifs. Les exemples que nous avons pu recenser à ce jour sont principalement des initiatives d‟origines

universitaires. Nous avons déjà mentionné Virtuoso (p.220) et les Coquilles Génériques de

Jeux Educatifs (p.227). Rankin & al. (2009) proposent quant à eux de s‟appuyer sur un jeu de tir pour créer des jeux éducatifs. A partir d‟Unreal Tournament 2004 (Epic Games, 2004), les chercheurs ont tout d‟abord construit de nombreux niveaux permettant d‟aborder des concepts de chimie au niveau collège. La suite de leur travail, toujours en cours lors de la rédaction de cette thèse, vise à créer des outils permettant la réalisation de tels « mods » par des enseignants sans expérience préalable en conception et développement de jeux vidéo. Mais de tels projets visent parfois à permettre non pas aux enseignants, mais aux élèves, de créer leurs propres Serious Games. Ainsi, Adventure Author et Flip proposent des outils permettant simplifier la création vidéoludique pour la rendre accessible à un public jeune et/ou

inexpérimenté en matière de programmation informatique (p.225). Si tous ces projets

s‟appuient sur des outils et moteurs de jeux vidéo déjà connus et reconnus dans la sphère du divertissement, d‟autres chercheurs ont choisi de créer de nouveaux logiciels permettant à des

I

NTRODUCTION AU

G

AME

D

ESIGN

Comme nous venons de l‟évoquer, le secteur du Serious Game est actuellement en phase de réflexion sur les différentes approches permettant de faciliter la création de tels jeux (p.39). Plus précisément, ces réflexions visent tout d‟abord à proposer aux professionnels de l‟industrie de gagner en temps de production. Elles visent également à rendre la création de Serious Games plus accessible aux personnes extérieures à l‟industrie, tels que les enseignants, afin de leur permettre de réaliser leurs propres jeux.

Le champ du jeu de divertissement a déjà abordé ces questions en essayant de réfléchir à des

moyens permettant de mettre sa propre pratique créative à la portée d‟amateurs (p.14). Ce

chapitre propose donc un regard sur le « Game Design », afin d‟esquisser un rapide état de l‟art des pistes explorées pour faciliter la création de jeux vidéo de divertissement. La suite de notre travail de recherche vise à identifier d‟éventuelles idées, concepts ou outils provenant du « Game Design » qui peuvent être bénéfiques au champ du « Serious Game ». Précisons que, bien que le « Game Design » recouvre a priori tout type de jeu, nous limiterons notre

analyse à la sphère des jeux vidéo. Au delà de notre champ disciplinaire de rattachement, ce

choix est avant tout motivé par le fait que la vague actuelle de « Serious Games » est

principalement située sur support informatique, tel que nous venons de l‟observer (p.18).

1 U

NE DEFINITION DU

« G

AME

D

ESIGN

»

Littéralement, le terme « Game Design » peut se traduire par « conception de jeu ». Cette traduction renvoie à la définition donnée par Salen & Zimmerman (2003). Les deux chercheurs définissent le « Game Design » comme :

« Le processus par lequel un concepteur crée un jeu, destiné à être utilisé par un joueur, afin que naisse une expérience de jeu »18 [p.80]

Cette définition reste vague quant à la nature exacte de ce « processus » de Game Design. Nous pouvons penser que cela est dû à l‟apparente diversité des pratiques se rapportant à la création de jeux. Nous détaillerons ultérieurement ces différentes approches culturelles du

« Game Design » (p.46), car cette définition nous renvoie tout d‟abord à une question

fondamentale. Si le « Game Design » est le processus de création d’un jeu, qu’est-ce que

sous-tend exactement la notion de « jeu » ?

2 U

NE DEFINITION DU JEU

Cette vaste question a engendrée une littérature plus que conséquente, sans pour autant apporter une réponse ayant véritablement fait consensus (Caillois, 1967; Crawford, 2004; Esposito, 2005; Huizinga, 1951; Salen & Zimmerman, 2003, 2005). Face à ce constat, nous pourrions supposer qu‟il existe non pas une, mais plusieurs définitions du « jeu », dont la pertinence varieraient avec l‟angle d‟étude choisi.

18

“Game design is the process by which a game designer creates a game, to be encountered by a player, from

2.1 LE « MODELE CLASSIQUE DU JEU »

Une autre réaction face à cette multitude de définitions serait de les analyser de manière à identifier d‟éventuels éléments récurrents permettant de proposer une définition synthétique. C‟est justement le travail de recherche inauguré par Salen & Zimmerman (2003). Il fut repris et complété par Juul (2003), qui a analysé un total de sept définitions antérieures. Pour cette analyse, Juul pose comme postulat de départ qu‟une bonne définition du jeu doit décrire trois aspects :

- Le jeu en tant qu‟objet créé par un concepteur (« the game »). - La relation entre le joueur et le jeu (« the player »).

- Le rapport du jeu au reste du monde (« the world »).

Ces trois aspects représentent les trois « angles définitoires » proposés par Juul. Ensuite, le chercheur, compare les définitions données par Huinzinga (1951), Caillois (2005), Suits (2005), Avedon & Sutton-Smith (1971), Crawford (1982), Kelley (1988), ainsi que Salen & Zimmerman (2003). A noter que cette dernière définition est elle-même le fruit de l‟analyse synthétique de huit définitions issues des travaux de Parlett (1999), Abt (1970), Huinzinga (1951), Caillois (2005), Suits (2005), Crawford (1982), Costikyan (2005) et Avedon & Sutton-Smith (1971).

Juul identifie alors des ressemblances entre ces multiples définitions. Ces ressemblances lui permettent de proposer six « points-clés » définissant un jeu : les « règles », le « résultat quantifiable variable », la « valorisation du résultat », « l‟effort du joueur », « l‟attachement du joueur au résultat » et les « conséquences négociables ». A partir de ces six « points- clés », Juul propose la définition du « jeu » suivante :

« Un jeu est un système formel basé sur des règles donnant lieu à un résultat quantifiable variable. Ces variations de résultat sont associées à des valeurs différentes. Le joueur est donc émotionnellement attaché au résultat du jeu, et s’implique de manière à influencer le résultat produit. Cependant, les

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