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Pour autant, ces initiatives visant à créer un logiciel émulant les capacités d‟une usine à jeux populaire n‟auront pas été vaines. Elles ont donné naissance à des outils facilitant la création de jeux de combats avec M.U.G.E.N.. De base, cette usine à jeux est fournie avec plusieurs éditeurs permettant de créer les différentes parties d‟un jeu de combat. Seul problème, la plupart de ces outils sont loin d‟être intuitifs, car ils s‟appuient sur des fichiers textes que l‟utilisateur doit rédiger selon un formalisme précis. Ainsi, un outil permet de compresser les images et sons importés dans des formats lisibles par l‟usine à jeux, tandis que la création de niveau, la programmation de personnages ou même la création d‟animations s‟effectue en éditant des fichiers textes. Pour la programmation des personnages, ils sont considérés comme des « machines à états finis » : chaque personnage du jeu est constitué d‟une collection d‟états (attente, vient de recevoir un coup, en train de faire une attaque spéciale…). Il faut alors définir, pour chacun des états, un numéro d‟animation, puis régler divers paramètres tels que les forces de déplacements du personnage ou la puissance des coups qu‟il est en train de porter. Il est ensuite possible d‟ajouter des « conditions » permettant de contrôler les changements d‟états du personnage. Certaines de ces « conditions » introduisent les manipulations complexes sur l‟interface entrante qui caractérisent ce genre vidéoludique. La création d‟animation passe par un fichier texte séparé, dans lequel il faut noter des numéros d‟images dans leur ordre d‟apparition, assortie d‟une durée d‟affichage pour chaque étape d‟animation. Le seul « éditeur visuel » fourni permet de dessiner les zones de collisions pour chaque étape d‟animation du personnage, une fois que le fichier d‟animation a été créé dans un éditeur de texte. Si ces outils quelque peu rudimentaires n‟ont pas empêché de nombreux passionnés de se lancer dans la création de jeux de combats, la communauté de Game Designer amateurs utilisant M.U.G.E.N. s‟est considérablement agrandie avec l‟arrivée d‟outils « officieux » simplifiant ce processus de création. Par exemple, Fighter Factory (Ramon do Rosário Saldanha, 2009) propose plusieurs « éditeurs visuels » qui facilitent grandement la création d‟animations, de niveaux, et des différents états des personnages. Cet outil génère ensuite des fichiers textes qui seront interprétés par le moteur à la base de M.U.G.E.N., permettant ainsi de créer plus facilement des jeux de combats.

Ce genre d‟initiative, qui pousse des amateurs à créer des éditeurs externes remplaçant les éditeurs livrés en standard avec une usine à jeux, n‟est pas limité à cet exemple illustratif. On le retrouve par exemple dans des outils destinés à la création de jeux éducatifs, tels que avec Adventure Author et Flip (p.225), qui remplacent les outils de Neverwinter Nights 2 (Bioware, 2006), ainsi qu‟avec Virtuoso (p.220) qui transforme ceux fournis avec Half-Life 2 (Valve Software, 2004).

1.6 LA SPHERE DU JEU D’AVENTURE GRAPHIQUE

Si le jeu d‟aventure textuel est vraisemblablement le genre le plus propice à l‟apparition

d‟usines à jeux spécialisées (p.166), son évolution qu‟est le genre du jeu d‟aventure graphique

n‟est pas en reste. Dans les années 80 et 90, les aventures à base de texte furent progressivement éclipsées par d‟autres jeux d‟aventure, richement illustrés et animés. Les deux sociétés leaders du secteur étaient Sierra et LucasArt. Afin de pouvoir produire rapidement de nombreux titres, ces sociétés ont développé en interne des outils leur permettant d‟accélérer la réalisation de jeux d‟aventure graphique (Rob Smith, 2008).

Concrètement, il s‟agit de « middleware » (p.46), même si à l‟époque ce terme n‟était pas

utilisé au bénéfice de l‟appellation plus générale de « moteur de jeu ». Ces outils se présentent sous la forme d‟un ensemble d‟éditeurs permettant de créer des décors ou des personnages animés, assorti d‟un langage de script propriétaire permettant de définir l‟interactivité des différentes scènes du jeu. Ces « moteurs de jeu » sont similaires aux usines à jeux de l‟époque, à la différence qu‟elles n‟étaient pas diffusées au grand public mais utilisées uniquement en interne par chaque société.

Du côté de chez Sierra, le premier moteur de jeu s‟appelle Adventure Game Interpreter (AGI) et fut utilisé entre 1983 et 1989. Il fut utilisé pour créer des grands classiques du jeu d‟aventure comme King‟s Quest: Quest for the Crown (Roberta Williams, 1984), Space Quest: The Sarien Encouter (Mark Crowe & Scott Murphy, 1986) et Leisure Suit Larry in the Land of the Lounge Lizards (Al Lowe, 1987). Il a également permis la création d‟ancêtres des

Serious Games (p.33), à l‟image du jeu éducatif Donald Duck‟s Playground (Al Lowe, 1984),

qui traite du calcul et de la logique. Ce moteur n‟a jamais été diffusé auprès du grand public. Pourtant, plus de dix ans après sa dernière utilisation par Sierra, des amateurs ont entrepris de hacker les jeux qu‟il fait tourner pour proposer des outils permettant de créer de nouveaux titres. Ainsi, AGI Game Studio (Peter Kelly, 2000) est une usine à jeux permettant de créer de nouveaux jeux d‟aventure tournant sur le moteur AGI. Bénéficiant de l‟évolution technologique et ergonomique, ce logiciel est bien plus facile à utiliser que les outils originellement créés par Sierra. Un destin similaire a été connu par le successeur d‟AGI, nommé Sierra‟s Creative Interperter (SCI). Utilisé de 1988 à 1996 par Sierra afin de continuer ses séries phares, ce moteur est plus complexe : il a connu de nombreuses versions incompatibles entre elles. En conséquence, le travail des hackers souhaitant créer des outils officieux relatifs à SCI est bien plus ardu. Par exemple, SCI Studio (Brian Provinciano, 2001) et SCI Companion (Troflip, 2007) ne permettent de créer des jeux que pour la première version du moteur SCI, communément appelée SCI0. Des outils existent pour travailler sur des versions plus récentes du moteur, mais à ce jour ils permettent seulement d‟analyser des jeux existants, et non d‟en créer de nouveaux. S‟il reste donc du travail pour hacker les moteurs de Sierra, en comparaison celui de Lucasarts est un terrain inexploré. Le moteur Script Creation Utility for Maniac Mansion (SCUMM) fut utilisé entre 1987 et 1998 pour créer d‟autres grands classiques du jeu d‟aventure, tels que Maniac Mansion (Ron Gilbert & Gary Winnick, 1987), Indiana Jones and the Last Crusade (Ron Gilbert & al., 1989), The Secret of Monkey Island (Ron Gilbert & al., 1990) ou Sam & Max Hit the Road (Sean Clark & al., 1993). Le succès rencontré par ces jeux a rapidement entraîné des projets d‟usines à jeux capables de créer de nouveaux titres pour ce moteur, tels que SCRAMM (Jimmi Thogersen, 1999) et Glumol (Bob & Alex, 2000). Malheureusement ces deux outils ne virent jamais le jour. Ils restèrent à l‟état d‟annonce, bien que leurs développeurs respectifs communiquaient beaucoup sur leur avancement. Ces deux logiciels sont restés célèbres dans

l‟histoire des usines à jeux comme des « vaporwares »52

. Ils sont mêmes devenus des références culturelles ironiques : un projet d‟usine à jeux aux fonctionnalités ouvertement ambitieuses sera souvent comparé à SCRAMM ou à Glumol au détour d‟un forum. Il faudra

52

Ce terme désigne un logiciel resté à l‟état d‟annonce (« logiciel vaporeux »), car n‟ayant jamais été diffusé malgré le fait que ses développeurs aient abondamment et longuement communiqué sur ses fonctionnalités.

attendre quelques années supplémentaires avec la sortie de ScummC (Alban Bedel, 2006) pour voir l‟ébauche d‟un logiciel permettant de créer des jeux compatibles avec le moteur SCUMM. Ce projet sera malheureusement abandonné après la sortie de versions bêta prometteuses. Les espoirs de cette communauté de créateurs de jeux d‟aventure reposent aujourd‟hui sur ScummGen (sronsse, 2009), toujours en cours de développement.

Heureusement, les usines à jeux spécialisées dans le genre des aventures graphiques ne s‟arrêtent pas à ces nombreuses tentatives de « hacking » des moteurs de jeux commerciaux. En effet, un total de 50 outils techniques représente cette catégorie dans notre corpus. Par exemple, le logiciel World Builder (William C. Appleton, 1986) rencontra un énorme succès sur Macintosh, et permit la création de nombreux jeux d‟aventures uniquement destinés à cette machine. Côté PC, les logiciels les plus célèbres sont Adventure Game Studio 3.0 (Chris Jones, 2008), Wintermute Engine (Jan Nedoma, 2003), Point & Click Development Kit 2 (Ben Maas, 2006) et Visionaire 3.0 (Thomas Dibke, 2008). Bien que récents, ces différents outils ont en général une histoire assez longue, et changent parfois de nom au cours de leur évolution. Ainsi, Adventure Creator (Chris Jones, 1997) est la première version d‟Adventure Game Studio, alors que Visionaire 2d (Thomas Dibke, 2002) marque les débuts de Visionaire. La plupart des usines à jeux d‟aventure graphique sont destinés à la création de jeux en 2D, à l‟exception de certains logiciels comme 3D Adventure Studio (Marten van der Honing, 2003) qui propose une représentation 3D. Globalement, tous ces logiciels fonctionnent plus ou moins de la même manière. Ils permettent tout d‟abord la création « d‟objets », auxquels peuvent être assignés différentes animations. Une fois les divers éléments de jeux ainsi créés, l‟utilisateur peut les agencer pour créer les nombreuses « scènes » qui composeront son jeu d‟aventure. Vient ensuite la phase de la création de l‟interactivité, qui s‟appuie généralement sur un langage de script propriétaire. Pour chaque élément dans une scène, l‟utilisateur pourra programmer une série de « réactions » aux actions du joueur. Prenons par exemple un objet « livre ». Le créateur du jeu pourra décider que, si le joueur effectue l‟action « prendre le livre », l‟objet « livre » s‟ajoutera à la variable « inventaire » de l‟objet « avatar du joueur ». Mais si le joueur effectue simplement l‟action « lire le livre », le concepteur du jeu programmera alors une autre réaction qui affiche une image en plein écran représentant une page ouverte de ce « livre ».

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