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Répartition des modes de représentation des jeux créables avec les usines à jeux de notre corpus

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ETOUR D

EXPERIENCE

:

CREER UN

S

ERIOUS

G

AME AVEC UNE USINE A JEUX

Après avoir passé en revue les outils techniques de notre corpus permettant la création de nouveaux jeux vidéo autonomes, nous pouvons nous interroger sur leur potentiel pour la création de Serious Games. Nous avons déjà identifié quelques expériences d‟utilisation de la création vidéoludique à des fins utilitaires, en général comme support à une activité pédagogique. Par exemple, Quandary a été utilisé pour travailler l‟écriture et le français (p.166), Stagecast Creator pour l‟initiation à l‟informatique (p.180), et Game Maker pour

l‟apprentissage de la programmation (p.179). Ces trois expérimentations utilisent des usines à

jeux à des fins « sérieuses », mais elles s‟appuient uniquement sur la création de jeux vidéo de divertissement. Est-il alors possible d‟utiliser les usines à jeux pour créer des Serious Games ? Afin de répondre à cette question, nous avons conduit une petite expérimentation sur l‟utilisation d‟une « usine à jeux » pour la création d‟un Serious Game. Le contexte est ici quelque peu singulier. Avec les chercheurs Julian Alvarez et Olivier Rampnoux, nous avons fondé l‟association Ludoscience, dont la mission est d‟étudier le jeu vidéo sous toutes ses formes, et plus particulièrement celle du Serious Game. Ce travail nous a amené à écrire l‟ouvrage de vulgarisation Introduction au Serious Game (J. Alvarez & Djaouti, 2010). En tant qu‟association travaillant notamment sur le Game Design, nous avons accueilli en 2011 un jeune stagiaire souhaitant découvrir la création de jeux vidéo. Sa durée de stage étant très courte, nous lui avons alors proposé de réaliser un Serious Game visant une finalité très simple : faire la promotion de notre ouvrage. Nous avions besoin d‟un sujet qui ne soit pas trop ambitieux en regard de la durée du stage, tout en permettant au stagiaire de s‟impliquer totalement dans le processus de création. Un Serious Game à vocation publicitaire semblait donc tout à fait adapté, à plus forte raison pour mettre en avant un ouvrage traitant de Serious Games. Une fois le sujet établi, la question des moyens techniques fut à déterminer. L‟objectif était que notre stagiaire, Quentin Vialade, puisse réaliser lui-même des prototypes. Lors de notre premier entretien, Quentin nous exposa brièvement son profil. Etudiant en première année d‟IUT SéRéCom, il n‟avait jamais créé de jeux vidéo, ne maîtrisait pour l‟instant aucun langage de programmation, n‟avait pas de compétences particulières en infographie et ne disposait que de trois semaines de stage. De plus, notre association ne possède pas de locaux et fonctionne principalement sur le mode du télétravail. Il était donc indispensable que Quentin puisse avoir une relative autonomie technique, afin de pouvoir véritablement se concentrer sur la création vidéoludique. Pour l‟aspect théorique du « Serious Game Design », nous avons décidé de lui assurer une formation continue par la pratique. Seule restait la question de l‟outil technique à utiliser pour la réalisation de prototypes. Nous avons alors étudié notre corpus d‟outils techniques pour identifier celui qui semblerait le plus pertinent par rapport aux contraintes évoquées. Notre choix s‟est porté sur The Games Factory 2 (p.178). Il s‟agit d‟une usine généraliste, laissant donc à Quentin une grande liberté de création. Le fait qu‟elle soit limitée à la création de jeux en 2D simplifie grandement le travail graphique, le logiciel proposant un éditeur de dessin intégré. La dimension publicitaire du jeu implique une diffusion large auprès du grand public, qui renvoie à un mode de diffusion du

jeu par le navigateur Internet. La technologie Flash (p.186) est à ce jour la plus adaptée à la

diffusion de jeux par ce biais. Comme il n‟était pas envisageable de former Quentin à Flash et à son langage de script propriétaire en si peu de temps, le fait que The Games Factory 2 puisse exporter des jeux dans ce format répondait également à nos attentes.

Nous avons donc formé Quentin à l‟utilisation de The Games Factory 2 en environ deux heures, puis l‟avons laissé s‟approprier le logiciel au fur et à mesure qu‟il travaillait sur le projet. Lors de ses trois semaines de stage, il nous a adressé quelques questions techniques liées à cet outil. La plupart du temps, il s‟interrogeait sur la manière d‟implémenter une fonctionnalité qu‟il avait imaginée pour le jeu, par exemple « comment faire rebondir mon

personnage ? » ou « comment faire pour créer un compte à rebours limitant le temps imparti pour finir le niveau ?». Il y a bien eu quelques questions liées à l‟utilisation du logiciel. Mais globalement, la session de découverte en début de stage semble avoir été suffisante pour que l‟apprentissage de la manipulation de cet outil ne soit pas un frein à sa créativité :

The Games Factory 2 est très intuitif, simple d'utilisation et

laisse une grande place à l'innovation : on n'est pas obligé de se cantonner à deux ou trois styles de jeu. Le seul détail qui m'a gêné est lorsque je m'occupais du remplacement des murs par les mots : faire des sélections de groupes d’objets n'était pas du tout précis et cela me faisait perdre un peu de temps. Mais sinon, cet outil n’a pas été une limite à ma créativité. J'ai pu réaliser tout ce que je voulais : le double saut, des ennemis qui se déplacent verticalement et horizontalement…

En utilisant ce logiciel, Quentin a donc pu s‟immerger dans le processus de réalisation professionnel d‟un petit Serious Game à vocation publicitaire. Voici globalement le cheminement qu‟il a suivi tout au long de ces trois semaines, tel que raconté dans son rapport de stage (Vialade, 2011).

Tout d‟abord, une phase de « réflexion papier » a permis d‟étudier plusieurs concepts de jeux. La lecture de notre ouvrage et sa propre culture vidéoludique ont inspiré à Quentin l‟idée d‟un jeu dans lequel le joueur incarne un personnage ayant pour mission de faire découvrir le « Serious Game » à d‟autres personnes. Son concept s‟est ensuite affiné vers l‟idée d‟avoir des personnes « piégées » dans un niveau, le joueur incarnant alors un héros devant les délivrer en leur « apportant la connaissance ». Partant de là, Quentin a réalisé deux prototypes sous The Games Factory 2 afin de trouver un genre vidéoludique adapté à cette idée de départ. Le premier prototype aborde une vue de côté et un gameplay du genre « plateforme », tandis que le second opte pour une vue de dessus avec un principe de jeu basé sur l‟exploration de labyrinthes. Ces prototypes ont été testés par des amis de Quentin, ainsi que deux « âmes objectives et innocentes » choisies par mon collègue Julian :

J'ai laissé mes enfants devant le jeu « vue de dessus » et cela fait plus de vingt minutes qu’ils sont dessus. Ils le recommencent sans arrêt. C'est bon signe car ils veulent le finir, alors que le jeu « vue de côté » ne les a pas du tout accroché.

Nous avons donc opté pour le jeu « vue de dessus », pour lequel Quentin a développé un prototype plus élaboré. Il s‟agit maintenant d‟explorer le labyrinthe en évitant des ennemis et des pièges, à la recherche de clés de couleurs ouvrant les portes des cellules des prisonniers. La contrainte du jeu est incarnée par un temps limité pour finir le niveau. Afin de l‟initier au « Level Design » (p.46), nous avons demandé à Quentin de développer quatre niveaux de jeu sur ce principe. Le jeu commençait à prendre forme, mais il y avait néanmoins un problème de cohérence entre l‟univers du jeu et le thème de notre livre. Après une phase de réflexion, un troisième prototype réalisé par Quentin modifie l‟univers du jeu : les labyrinthes représentent désormais un univers froid pour illustrer le côté « serious » alors que le joueur incarne le « game » devant apporter une certaine chaleur. Les règles du jeu ont également été modifiées. Le système de vie a par exemple été abandonné au profit du seul principe de « compte à rebours », avec l‟ajout de bonus accordant du temps supplémentaire. Ce processus de conception itératif a été poursuivi de manière à affiner le « Level Design » du jeu, afin qu‟il

délivre une expérience de jeu reposant sur un challenge progressif (p.149). L‟objectif est que

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