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Recherche d‟un outil technique grâce au modèle ISICO étendu sur notre site Internet

Sur un modèle similaire au site Serious Game Classification (p.32), ce site est également

ouvert aux contributions extérieures selon les modalités collaboratives du « Web 2.0 ». Ce site

2.2 LES OUTILS DE « MODDING »

Au sein de notre corpus de 400 outils techniques, 37 outils de « modding » ont été identifiés (critère « modification d‟un jeu existant »). Cette petite sélection nous invite à étudier le

potentiel apport de la pratique du « modding » (p.51) pour les Serious Games.

2.2.1 LE RECOURS AU « MODDING » POUR LA CREATION DE SERIOUS GAMES

Nous remarquons tout d‟abord que certains créateurs de Serious Games choisissent de s‟appuyer sur le « modding » pour transmettre leur message. Par exemple, Escape from Woomera (Kate Wild et al., 2003) modifie le jeu Half-Life (Valve Software, 1998) pour alerter l‟opinion publique sur les conditions de vie dans les camps de réfugiés situés en

Australie (p.25). Dans un autre registre, Marine Doom (1996) est un « mod » à vocation

militaire du jeu Doom II (id Software, 1994). Il est créé directement par l‟armée américaine, à travers le Marine Corps Modeling and Simulation Management Office, dont le Lieutenant Scott Barnett endosse le rôle de chef de projet. Ce « mod » est dédié à l‟entraînement des troupes. Axé sur les capacités de jeu en réseau de Doom II, le « mod » Marine Doom permet à des escouades de quatre soldats de s‟entraîner à agir ensemble, avec pour mission d‟arriver à neutraliser un bunker ennemi. Enfin, Revolution (The Education Arcade, 2004), permet au joueur de vivre une période historique particulièrement importante aux Etats-Unis : celle de la guerre d‟indépendance de 1775. Il se présente sous la forme d‟un jeu de rôle multijoueurs, dans lequel chacun incarne un personnage d‟une classe sociale différente : d‟esclave à notable, en passant par un forgeron patriote. Pensé pour l‟usage en classe, ce titre permet aux élèves d‟appréhender les différentes perspectives du conflit, dont ils pourront ensuite débattre. En effet, ce titre est calibré pour des sessions d‟environ 45 minutes, le rendant compatible avec une introduction ou des débats menés par l‟enseignant en complément de la pratique du jeu. Ce Serious Game produit par des chercheurs du MIT est un « mod » du jeu de rôle Neverwinter Nights (Bioware, 2002).

2.2.2 LA CREATION DE « MODS » COMME METHODE PEDAGOGIQUE

Loin de se limiter à la seule création de Serious Games, la production de « mods » peut en elle-même être le berceau d‟une activité pédagogique. Par exemple, la création de « mods » est utilisable pour l‟enseignement de l‟informatique, comme l‟ont étudié El-Nasr & Smith (2006). Leur étude présente deux expérimentations très intéressantes. La première est menée sur une classe de lycéens, lors d‟un cours d‟initiation à l‟informatique. Afin de leur faire approcher des concepts de programmation informatique (paradigme objet, variables, programmation événementielle…), les enseignants proposèrent aux élèves de réaliser un « mod » pour le jeu Warcraft III (Blizzard Entertainment, 2002). Il s‟agit d‟un jeu de « stratégie temps réel (STR) », qui demande au joueur de gérer des ressources afin de construire une base et une armée, puis de commander cette armée pour détruire l‟adversaire. Ce titre est livré avec un SDK permettant de modifier la plupart des aspects du jeu. Dans l‟expérimentation de El-Nasr & Smith, des lycéens ont transformé ce jeu en simulation de football américain. Ce faisant, ils ont tout d‟abord du comprendre les règles du jeu d‟origine. Ils ont ensuite fait appel à des concepts de programmation événementielle et de logique Booléenne pour programmer leur « mod ». Dans un registre similaire, un autre groupe de lycéen transforma Warcraft III en un jeu de réflexion inspiré par Tetris (Alexey Pajitnov, 1985). Ces élèves furent ainsi amenés à réviser les notions de trigonométrie pour programmer le mouvement et la rotation des objets de leur « mod ». Un des éléments permettant à ces lycéens, sans connaissances particulières en informatique, de programmer de tels jeux est l‟emploi des outils proposés par le SDK de Warcraft III. Par exemple, « l‟éditeur de niveaux » permet aux « moddeurs » de créer un nouveau de terrain de jeu de manière visuelle et intuitive. Cette logique est conservée dans « l‟éditeur d‟événements », qui permet de créer des instructions de programmation de manière « graphique ». Concrètement, l‟utilisateur peut associer des « blocs d‟actions » à des « conditions » préprogrammées afin de créer la logique

de son jeu. Il est également possible d‟inventer de nouvelles « conditions » et « blocs d‟actions » grâce à un langage de script dédié : JASS. Ce principe de fonctionnement est directement inspiré des usines à jeux que nous étudierons en détail dans le chapitre suivant (p.166). Au final, les deux chercheurs notent que l‟utilisation de ces outils a permis à des lycéens, réunis en petits groupes de travail, de créer leurs jeux en seulement cinq jours, temps de découverte des outils et de formation théorique inclus.

El-Nasr & Smith ont également mis en place une expérimentation similaire avec des étudiants plus âgés, en l‟occurrence des étudiants en licence d‟informatique. La réalisation de jeu vidéo a ici pour objectif d‟enseigner par la pratique les principes de base de la programmation informatique. Pour cela, deux outils furent utilisés. D‟un côté l‟usine à jeux WildTangent Web Driver (WildTangent, 1999), et de l‟autre le jeu Unreal Tournament 2003 (Epic Games, 2002) qui propose un langage de script propriétaire baptisé UnrealScript. Pour s‟adapter à un fonctionnement de module de Travaux Pratiques en milieu universitaire, les étudiants se sont vus proposer de nombreux exercices à réaliser pour chacun des deux outils. Ce faisant, ils mobilisaient leur cours théoriques sur la programmation informatique pour réaliser des « mods » de jeux (avec Unreal Tournament 2003) ou de nouveaux jeux autonomes (avec WildTangent Web Driver). Les chercheurs ont observés que les exercices de « modding » du jeu Unreal Tournament 2003 furent nettement plus motivants pour leur groupe de 35 étudiants. Par exemple, chaque module proposait des exercices facultatifs permettant de gagner quelques points bonus. Avec WildTangent Web Driver, seul 40% des étudiants ont choisi de réaliser ces exercices facultatifs, alors que 100% de ces mêmes étudiants les ont effectué dans le module Unreal Tournament 2003. De plus, un questionnaire de fin de module révèle que 60% des étudiants ont trouvé les Travaux Pratiques avec Unreal Tournament 2003 « très motivants », contre seulement 30% pour ceux dédiés à WildTangent Web Driver. Les deux chercheurs imputent ces différences à l‟existence d‟un jeu de base à modifier pour le premier outil, alors que tout est à créer avec le second. En nous référant aux expériences du groupe Pédagame (Llanas, 2009), nous pouvons également avancer l‟hypothèse que le fait de travailler sur un jeu vidéo commercial à succès augmente la motivation des élèves. Le « modding » leur donne l‟impression de « créer un jeu vidéo professionnel » d‟une qualité technique comparable à ceux qu‟ils utilisent pour se distraire à la maison. Une autre étude vise à explorer l‟utilisation du « modding » pour enseigner auprès d‟un public féminin (Yucel, Zupko, & El-Nasr, 2006). Après une délicate phase de sélection d‟un jeu vidéo qui soit modifiable et qui corresponde aux goûts d‟une audience uniquement féminine, le choix des chercheurs s‟est porté sur Warcraft III. La création de « mod » pour ce jeu visait à permettre l‟acquisition d‟un nombre déterminé de compétences du domaine « Technologies de l‟Information et de la Communication », pour un public de collégiennes et lycéennes. Cette étude montre que le choix d‟un titre adapté au public visé, aussi bien en terme de contenu qu‟en terme de complexité technique des outils proposés, permet d‟impliquer fortement les élèves dans les exercices proposés.

Pour le domaine de l‟éducation à l‟informatique, ces trois expérimentations mettent en lumière le fort impact de la création vidéoludique sur la motivation des élèves. Leurs conclusions rejoignent donc celles de travaux qui analysent l‟utilisation de Serious Games, au lieu d‟outils de création vidéoludique, pour ce même domaine (Muratet, 2010).

2.2.3 SYNTHESE : UNE APPLICATION UTILITAIRE DU « MODDING »

Nous constatons tout d‟abord que les outils de « modding » permettent bel et bien de créer des Serious Games. Nous avons malheureusement fait le choix de ne pas explorer plus en détail

leur potentiel dans ce domaine pour nous concentrer sur les « usines à jeux » (p.57), mais ces

quelques exemples illustrent si besoin est que l‟étude des outils de « modding » comme approche de facilitation de la création de Serious Games mériterait d‟être explorée dans nos futurs travaux.

Nous identifions également un autre apport utilitaire des outils de « modding ». Plusieurs travaux de recherche illustrent qu‟ils ont été utilisés avec succès dans un contexte pédagogique. Si, dans ces expérimentations, les outils de « modding » n‟ont pas été utilisé pour créer des Serious Games mais des jeux vidéo de divertissement, l‟activité même de création de ces jeux à par contre été associée à une finalité « sérieuse » : l‟enseignement de l‟informatique. S‟il s‟agit ici uniquement modifier des jeux vidéo existants, nous supposons que les outils permettant de créer de nouveaux jeux autonomes (usines à jeux…) possèdent un potentiel similaire. Comme nous le verrons dans la dernière partie de cette thèse, les thèmes abordables au travers de la création vidéoludique dépassent largement le seul cadre de l‟enseignement de l‟informatique, pour peu que la création de jeux de divertissement soit

remplacée par la création de Serious Game (p.235). Mais quel que soit le but visé, il semble

que la sélection des outils importe, comme le précisent El-Nasr & Smith (2006) :

« Il ne suffit pas de donner aux étudiants des moteurs de jeux de manière arbitraire pour s’attendre à ce qu’ils apprennent tout seul l’informatique. Nous avons sélectionnés ces trois moteurs de jeux car nous pensions qu’ils pouvaient faciliter l’acquisition de compétences bien précises »49

Ainsi, s‟il existe de nombreux outils permettant de s‟adonner à la création vidéoludique, leurs différences les rendent plus ou moins pertinents selon les objectifs pédagogiques visés. La connaissance d‟une large gamme d‟outils et de leurs caractéristiques semble donc primordiale. Cette conclusion motive donc le recensement et la classification des outils techniques de manière approfondie, tels que nous le proposons pour les « usines à jeux » dans le chapitre suivant.

49

“It is not enough to give students arbitrary game engines and expect them to learn computing skills. We chose

the three game engines in our courses because we believed they could assist in the development of particular skills.”

L

ES USINES A JEUX

Au sein de notre corpus d‟outils techniques, 363 usines à jeux ont été identifiées (critère « création de nouveaux jeux autonomes »). Si nous ne prétendons pas à l‟exhaustivité, nous avons précédemment noté que le thème des « usines à jeux » bénéficie d‟une littérature très

limitée (p.49). Nous proposons alors d‟utiliser ce corpus pour proposer une vue d‟ensemble

de ce champ, tout en étant conscient des limites qu‟impose le fait de baser notre analyse sur un corpus de seulement 363 éléments.

Nous commencerons par présenter les « usines à jeux » de manière qualitative. Si la place nous manque pour présenter en détail tous les logiciels présents dans notre corpus, nous pouvons néanmoins en présenter une sélection. Nous avons tout d‟abord choisi de mettre l‟accent sur les usines à jeux ayant eu une importance historique, et de présenter ces exemples qualitatifs en essayant de respecter une certaine chronologie. Le choix de ces exemples a également été influencé par la volonté d‟illustrer la diversité des approches permettant à des amateurs de créer des jeux vidéo. Nous détaillons donc ici les principales approches de facilitation de la création vidéoludique que nous avons pu observer dans notre corpus de 363 usines à jeux. Nous complèterons ensuite ces exemples qualitatifs par des données

quantitatives issues de l‟ensemble du corpus (p.190).

Avant de présenter les exemples qualitatifs, une distinction primordiale doit être faite entre deux catégories d‟usines à jeux : les logiciels spécialisés dans la création d’un genre de jeu

en particulier, et les usines à jeux « généralistes » qui permettent de créer tout type de jeux

vidéo, abstraction faite d‟éventuelles limitations techniques. Nous traiterons dans un premier

temps les usines à jeux « spécialisées » (p.166) avant de nous intéresser à leurs homologues

« généralistes » (p.177).

1 L

ES USINES A JEUX SPECIALISEES

Les logiciels présentés dans cette catégorie permettent à l‟utilisateur de créer uniquement des jeux d‟un genre donné. La notion de « genre » est en constante évolution (Apperley, 2006; Letourneux, 2006), et il n‟existe pas à ce jour de liste de genres vidéoludiques exhaustive et faisant consensus. De manière à néanmoins proposer une classification des usines à jeux spécialisées selon le genre de jeu qu‟elles permettent de créer, nous avons utilisé la liste suivante : Combat, Plateforme, Course, Tir & Action, Aventure & Rôle, Gestion, Stratégie, Autre genre. Cette liste est issue d‟une analyse synthétique personnelle des classifications par genre (p.28).

1.1 DU JEU D’AVENTURE TEXTUEL A LA FICTION INTERACTIVE

L‟exemple le plus ancien d‟usine à jeux « spécialisée » que nous recensons à ce jour est Eamon (Donald Brown, 1980). Explicitement destiné à une diffusion non commerciale, ce programme est pensé pour la création de jeux d‟aventure en mode texte. Pour cela, il propose des éditeurs permettant de modifier le contenu du jeu d‟aventure de base, et de redistribuer le

tout sous forme d‟un nouveau jeu complètement indépendant (p.49). Ce logiciel semble avoir

ouvert la voie à de nombreux autres outils destinés à faciliter la création de jeux d‟un genre similaire, aujourd‟hui connu sous le nom de « fiction interactive ». De l‟antique Generic Adventure Game System (Mark Weilch, 1985) aux plus récents Dreampath (Drake Vision

Software, 2008) et StoryWorld Authoring Tool (Chris Crawford, 2009), en passant par les populaires Inform 7 (Graham Nelson, 2006) et TADS3 (Michael J. Roberts, 2006), 60 outils du genre sont référencés dans notre corpus. S‟ils proposent toujours la possibilité de créer des histoires interactive ou des jeux d‟aventures en mode texte, ces logiciels ont lentement évolué avec le temps. Les outils les plus récents permettent maintenant d‟associer des images fixes au texte. Mais surtout, les éditeurs proposés sont nettement plus intuitifs. Là où les pionniers s‟appuyaient sur de simples éditeurs de texte, les outils plus récents proposent des environnements de travail élaborés. Par exemple, une fonctionnalité permet d‟afficher les différents « événements » d‟une histoire interactive sous forme d‟une carte matérialisant les liens qui les unissent. Le concepteur du jeu a ainsi un meilleur aperçu de son travail.

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