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Exemples de cahier des charges utilisés pour la conception de jeux pour le magazine Mobiclic (2008)

Au final, ce modèle, proposé par un concepteur multimédia indépendant dans un cadre universitaire, semble viser une portée plus générale que les autres. Au-delà du rappel des différentes étapes de conception d‟un Serious Game pédagogique, l‟auteur présente de nombreux « conseils de conception » pour chacune de ces étapes. Cette approche renvoie à

celles étudiés précédemment pour le secteur du Game Design (p.80)

2.7 UNE APPROCHE CENTREE SUR L’UTILISATION D’UN OUTIL TECHNIQUE

Les outils techniques peuvent également être au centre d‟une méthodologie théorique de conception d‟un Serious Game, comme l‟ont proposé les chercheurs à l‟origine des outils Adventure Author et Flip (p.225). En synthèse à l‟étude de travaux portant sur le processus créatif, pour des domaines allant du Game Design à l‟écriture en passant par l‟ingénierie logicielle, ils proposent une « série d‟étapes » pour la création de jeux vidéo en contexte pédagogique (Robertson & Nicholson, 2007) :

- Exploration : le concepteur prend connaissance de l‟outil technique qu‟il va utiliser, évalue ses capacités de création et commence à réfléchir en quoi elles abondent dans le sens du message qu‟il souhaite transmette

- Idea Generation : dans cette phase, le concepteur propose de nombreuses idées et évalue leur pertinence. Il sélectionnera alors un ensemble d‟idées convergentes, qui permettront d‟esquisser les bases d‟un concept de jeu. Durant cette phase, le

concepteur sera régulièrement amené à revenir à la phase précédente pour évaluer la faisabilité technique de son idée.

- Game Design : le concepteur développe les idées qu‟il a retenu en un concept de jeu détaillé : mécanismes de jeu, personnages, scénario, contenu des niveaux…

- Game Implementation : le concepteur utilise l‟outil technique pour réaliser le jeu qu‟il a imaginé. Cette étape est itérative : le concepteur teste régulièrement son jeu et le corrige, quitte à modifier ce qui a été définit durant l‟étape précédente. Cette étape continue jusqu‟à ce qu‟un jeu « complet » soit réalisé

- Game Testing : le concepteur teste alors son jeu en intégralité, afin d‟identifier des problèmes généraux tels que l‟équilibrage du jeu ou des bugs techniques.

- Evaluation : le concepteur fait tester son jeu par une personne issue du public ciblé. Il observe alors ses réactions, prend note de ses éventuels compliments et critiques, et peut décider de revenir aux étapes précédentes du processus pour améliorer son jeu. Les chercheurs ont par la suite éprouvé (et confirmé) la validité de ce modèle grâce à l‟observation d‟enfants utilisant leurs outils techniques pour la création de jeux vidéo. Une première vague d‟expérimentations a été menée en la forme d‟ateliers estivaux optionnels durant une semaine. Des adolescents âgés de 12 à 16 ans ont alors pu y créer des jeux vidéo de manière libre, sans forcément intégrer une dimension « sérieuse » à leur projets. Une seconde série d‟expérimentations de terrain se déroula en contexte scolaire, auprès d‟enfants âgés de 10 ans. Les ateliers duraient cette fois-ci une heure par semaine, et s‟intégraient à l‟emploi du temps de l‟école. A l‟image des travaux de Kafai (1994) ou du projet Gameplay

des écoles parisiennes (p.206), ces expériences montrent l‟intérêt pédagogique de la création

de jeux vidéo en contexte scolaire. Au lieu de se limiter à l‟utilisation d‟un jeu comme support pédagogique, c‟est le processus de création en lui-même qui devient alors un vecteur

pédagogique (p.235).

Ce modèle théorique a également servi de base pour la création d‟outils techniques destinés à renforcer la créativité des ses utilisateurs, en proposant des outils adaptés aux différentes étapes. Par exemple, le choix de se spécialiser dans le genre des jeux d‟aventure graphique vise à faciliter l‟intégration de contenu pédagogique. Mais contrairement aux usines à jeux

spécialisées dans ce genre vidéoludique (p.174), les outils inventés par ces chercheurs

proposent une interface pour noter et regrouper les diverses idées de la phase « Idea Generation ». La phase « Game Implementation » se trouve facilitée par le travail sur l‟accessibilité de l‟outil technique, tandis que la phase « Evaluation » s‟appuiera sur une fonctionnalité d‟analyse automatique des jeux intégrée au logiciel. Nous reviendrons

ultérieurement sur les deux outils techniques associés à ce modèle théorique (p.225).

2.8 LA METHODOLOGIE DU JEU-CADRE POUR L’EDUCATION

Une autre approche intimement liée à un outil technique est développée à travers les « Coquilles Génériques de Jeux Educatifs (CGJE) ». La création de Serious Games éducatifs obéit ici à une logique particulière afin de simplifier le processus de création : « la méthodologie du jeu-cadre » (Sauvé, 2010a). Cette approche consiste à prendre un jeu existant, et à le vider de son contenu (« informations véhiculées par le jeu ») pour ne garder que sa structure (« manière de jouer »). Le « jeu-cadre » ainsi obtenu peut alors être enrichi par un nouveau contenu, notamment un contenu pédagogique. Nous reviendrons

ultérieurement sur l‟outil technique lié à ce projet (p.227), mais pouvons déjà nous arrêter sur

le processus de conception utilisé pour réaliser les « jeu-cadre » permettant la conception de Serious Games éducatifs. D‟après Sauvé (2010a), il se compose de cinq étapes :

- Analyse préliminaires ou planification de la CGJE : identification du contenu pédagogique à transmettre et choix d‟un « jeu-cadre » dont la structure va être utilisée.

- Conception de la CGJE : description détaillée des composants du « jeu-cadre » à conserver ou à modifier au sein d‟un « devis de conception ». Ce devis de conception est composé d‟illustrations des différents écrans de jeu, annotées de manière à détailler les différentes interactions possibles (Sauvé, 2010b). Cette approche n‟est pas sans

rappeler les « devis de conception » utilisés pour les projets « ludo-éducatifs » (p.96).

- Médiatisation de la CGE : programmation des différentes fonctionnalités de la coquille pour aboutir à une première version fonctionnelle.

- Validation de la CGJE : évaluation de la coquille générique auprès du public de concepteurs ciblé, et révisions du logiciel selon un processus itératif si besoin.

- Evaluation formative de jeux créés à l‟aide de la CGJE : création d‟un jeu vidéo éducatif à l‟aide de la coquille, et évaluation de ce jeu auprès du public d‟utilisateurs ciblé.

Le processus décrit ici ne porte donc pas directement sur la création d‟un Serious Game, mais sur la création d‟un outil technique visant à faciliter la création d‟un Serious Game éducatif. Plus précisément, il s‟agit de concevoir la partie « ludique » d‟un jeu éducatif, pour permettre à des enseignants de se focaliser uniquement sur la partie « sérieuse », leur permettant ainsi de créer simplement et en un temps record des jeux vidéo éducatifs. Nous étudierons donc plus en détail cet outil dans le chapitre suivant (p.227).

2.9 AIDE A LA REFLEXION CREATIVE : LES SERIOUS GAME DESIGN PATTERNS

Les modèles théoriques étudiés jusqu‟ici sont des méthodologies de conception. Nous avons également identifié deux outils théoriques d‟aide à la réflexion créative. Le premier d‟entre eux s‟inscrit dans la catégorie des « pièces à assembler » pour créer un Serious Game. Nous avons déjà évoqué des approches similaires dans le domaine du Game Design, à l‟image des Game Design Patterns (p.79). Une équipe de chercheurs français s‟est appuyée sur ces travaux pour en proposer une variante spécifique aux Serious Games : les Serious Game Design Patterns (Huynh-Kim-Bang & Labat, 2010).

Il s‟agit globalement de conseils rédigés de manière à répondre à des problématiques de conception concrètes telles que « Comment assurer une progression continue à l‟apprenant ? » ou « Comment encourager la réflexion ? ». Les solutions proposées sont soit des « patterns » générales, telles que « Alterner des phases d‟entraînement et des phases de réflexion » ou plus spécifiques comme « Proposer une représentation des connaissances à obtenir sous formes d‟objets virtuels à collectionner ». Chaque solution est alors illustrée par un exemple de Serious Game afin d‟être plus facilement utilisable pour les concepteurs. Au total, 37 patterns réparties en six catégories (correspondant à des grandes problématiques de conception) sont proposées (Huynh-Kim-Bang, 2010). Elles sont issues de l‟analyse d‟un

corpus d‟une vingtaine de Serious Games extraits de Serious Game Classification (p.32).

Ces Serious Game Design Patterns peuvent être utilisés en complément des autres outils que nous venons d‟évoquer. Lors des phases « d‟invention de concept de jeu » décrites par les autres modèles, elles peuvent par exemple permettre d‟évaluer la pertinence des idées du concepteur, ou encore lui suggérer des idées « clé-en-main » éprouvées par d‟autres titres.

2.10 AIDE A LA REFLEXION CREATIVE : LE GAME OBJECT MODEL

Nous avons également pu identifier un outil d‟aide à la réflexion créative basé sur un modèle formel du « jeu ». Le Game Object Model dresse une typologie des éléments permettant de créer un jeu éducatif (Amory, 2007). Son approche et sa finalité sont donc similaires à celle

Concrètement, le Game Object Model s‟inspire du paradigme de programmation « Orienté Objet » pour proposer une typologie hiérarchisée des éléments constitutifs d‟un jeu vidéo éducatif. Ce modèle définit des « objets », tels que « Espace de jeu » ou « Espace social ». Ces objets peuvent être soit indépendants, soit contenu les uns dans les autres. Dans ce dernier cas, un objet contenu « hérite » des caractéristiques de l‟objet qui l‟englobe. Ces caractéristiques sont matérialisées par des « interfaces » telles que « Graphismes », « Fun » ou « Esprit critique ». Deux types d‟interfaces existent. D‟un côté, les interfaces « abstraites » correspondent à des notions telles que « Fun » ou « Découverte », et sont représentées par des cercles noirs dans le schéma ci-dessous. Les notions « concrètes » telles que « Graphismes » ou « Gestes » sont quant à elles matérialisées par des points blancs. L‟auteur du modèle précise que les « interfaces abstraites » renvoient à des notions qui seront utilisées par le concepteur du jeu, alors que les « interfaces concrètes » seront plutôt mises en place par le programmeur. Au final, ces interfaces représentent les différentes composantes d‟un Serious Game. Le recours à une hiérarchie d‟objets permet alors de les organiser.

37. La seconde version du Game Object Model

La première version du Game Object Model fut introduite en 1999. En 2007, une seconde version de cet outil théorique, enrichie de nouveaux « objets » et de leurs « interfaces », fut proposée. La principale différence entre ce modèle typologique et ceux étudiés dans le champ du Game Design vient de l‟introduction d‟un objet « Espace des problèmes », qui amène de nombreuses notions liées à l‟acquisition de compétences scolaires comme la maîtrise de la lecture ou des mathématiques. Les autres notions proposées dans ce modèle, telles que « Fun », « Histoire » ou « Exploration » se rapprochent de celles de la typologie multidimensionnelle des jeux (p.68). Ainsi, nous pourrions dire que cet outil théorique dédié au Serious Game se distingue par l‟ajout de notions liées à la dimension « sérieuse », là où les modèles similaires mais destinés au jeu vidéo de divertissement regroupent uniquement des notions liées à la dimension « ludique ».

3 S

YNTHESE

:

FORMALISER LE PROCESSUS DE

« S

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A l‟image de ce que nous avions observé pour les modèles du processus de Game Design (p.65), il semble exister plusieurs « séries d‟étapes » permettant d‟aboutir à la création d‟un Serious Game. La formalisation du processus de Serious Game Design à travers une « série d‟étapes » qui serait universelle n‟est donc pas envisageable, pas plus qu‟elle ne l‟était pour le processus du Game Design. Cependant, au sein de ces différents outils théoriques, nous pouvons identifier des étapes récurrentes, ainsi que des notions transversales comme le recours à des cycles de création itératifs. Nous pouvons alors envisager d‟utiliser une démarche similaire à celle utilisée pour analyser les différentes méthodologies de conception

de jeux vidéo de divertissement (p.65). À défaut d‟une série d‟étapes universelle pour la

conception de Serious Games, nous proposons de définir un « modèle générique ». Il s‟agit d‟une proposition « d‟étapes génériques » destinée à inspirer les concepteurs de Serious Games pour définir leur propre série d‟étapes. Pour cela, nous avions comparé et synthétisé les séries d‟étapes des différents outils théoriques de notre corpus. En effectuant cette démarche avec les modèles du processus de Game Design, nous avions abouti à la définition

du modèle générique ICE (p.65).

Nous pouvons tenter de réaliser un travail similaire pour le champ du Serious Game, en essayant cette fois d‟analyser et de synthétiser les séries d‟étapes proposées par les dix modèles du processus de Serious Game Design étudiées dans ce chapitre. Ce faisant, nous remarquons tout d‟abord que les trois étapes du modèle générique ICE, à savoir « Imaginer », « Créer » et « Evaluer », permettent de regrouper la plupart des étapes de ces modèles. Cependant, certaines de ces étapes ne rentrent dans aucune de ces trois « étapes génériques ».

Par exemple, l‟étape « Cadrage » des modèles de Cheruette et Lhuillier (p.94), l‟étape

« Analyse des besoins » des modèles de KTM Advance (p.93) et de St-Pierre (p.98) ou encore l‟étape « Définition du contenu sérieux » utilisée dans le processus de conception de geDriver (p.86) ne peuvent être regroupés au sein du modèle générique ICE. Pourtant, toutes ces étapes semblent toutes être centrées sur la même tâche : l‟identification et la formalisation du contenu « sérieux » qui devra être diffusé à travers le jeu. Nous proposons alors de créer une nouvelle « étape générique » pour regrouper toutes ces étapes : « Définir ». Le modèle générique que nous proposons d‟utiliser pour la conception de Serious Game est donc composé de quatre étapes :

- Définir : spécification du contenu sérieux qui devra être transmis à travers le jeu (objectifs pédagogiques, listes de connaissances à transmettre, message publicitaire…) - Imaginer : à partir du contenu sérieux, le créateur invente un concept de jeu. Cette

étape va généralement de pair avec l‟emploi d‟outils théoriques.

- Créer : un prototype est réalisé pour tester la pertinence de ce concept de jeu. Cette étape est généralement appuyée par l‟utilisation d‟outils techniques.

- Evaluer : le prototype est évalué auprès d‟un public cible. Les critères d‟évaluation varient selon les projets, mais, pour la plupart des Serious Games, la transmission effective du contenu définit lors de la première phase sera généralement mesurée. Nous proposons d‟appeler ce modèle générique de conception de Serious Games, le modèle générique DICE. Le tableau ci-dessous expose comment les quatre étapes de ce modèle générique permettent de regrouper les séries d‟étapes des dix modèles du processus de conception de Serious Game étudiés dans ce chapitre :

Tableau 4. Comparaison des modèles du processus de Serious Game Design à travers le modèle générique DICE

Outil théorique Définir Imaginer Créer Evaluer

Processus de conception de geDriver (p.86) - Définition du contenu sérieux - Game Design - Level Design - Réalisation de prototypes - Evaluation des prototypes Modèle de Marfisi- Schottman & al.

(p.91) - Client‟s need - Conception - Pedagogical quality control - Production - Coherence control &

debugging

- Test on test group - Use & maintenance

Modèle de KTM Advance (p.93) - Analyse des besoins - Proposition de Game Design - Développement du Prototype - Livraisons itératives - Livraisons finale Modèle de Cheruette (p.94) - Cadrage - Conception générale

- Conception détaillée - Réalisation

- Tests - Livraison - Capitalisation Modèle de

Lhuillier (p.94) - Cadrage - Conception - Prototype(s) - Livraison

Modèle de McMahon (p.95) - Situation analysis - Design proposal - Design documentation - Production documentation - Prototype - Development - Implementation - Evaluation Modèle de Moreno-Ger & al. (p.96) Conception assurée directement par les experts du domaine « sérieux » - Conception of the storyboard - Language customization - Storyboard writing/modification - Preparation of sketches and designs

- Engine customization - Storyboard markup - Production of the art

assets - Game production

Evaluation continue tout au long du processus (au début et

à la fin de chaque cycle d‟itération) Modèle de St- Pierre (p.98) - Analyse des besoins -Développement créatif - Documentation - Production des éléments médiatiques - Intégration et programmation - Evaluation - Diffusion et maintenance Modèle de Sauvé (p.100) - Analyse préliminaires ou planification de la CGJE - Conception de la CGJE - Médiatisation de la CGJE - Validation de la CGJE - Evaluation formative

de jeux crées à l‟aide de la CGJE Modèle de

Robertson & Nicholson (p.99)

- Exploration - Idea Generation - Game Design

- Game Implementation

- Game Testing - Evaluation

Nous constatons ici que chacun des modèles étudiés propose une ou plusieurs étapes pouvant être regroupée à travers notre modèle générique. A l‟image de notre réflexion sur les outils

théoriques de Game Design qui se concluait par les propos de Crawford (p.84), nous pensons

que le processus de conception d‟un Serious Game reflète une part artistique, et qu‟il n‟est donc pas possible de le formaliser de manière universelle. Nous proposons alors d‟utiliser le modèle générique DICE comme un canevas destiné à inspirer chaque concepteur de Serious Game dans la recherche de la « série d‟étapes » qui lui convient le mieux, ou qui est la plus adaptée au contexte du projet de Serious Game qu‟il doit créer. A l‟image de son prédécesseur, le modèle générique DICE repose sur un cycle itératif. Plus précisément, la première étape de ce modèle n‟intervient qu‟une seule fois durant le processus de conception,

alors que les trois étapes suivantes font partie d‟un cycle itératif qui commence par l‟étape « Imaginer » pour se terminer après l‟étape « Evaluer », tel qu‟illustré par le schéma ci- dessous :

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