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Le modèle générique DICE du processus de Serious Game Design

En comparant le modèle générique ICE (p.65) et le modèle générique DICE, nous pouvons

affirmer que le processus de conception de Serious Game se distingue de celui de conception d‟un jeu vidéo de divertissement par la présence d‟une catégorie d‟étape supplémentaire : l‟étape « Définir ». Au-delà du processus de conception en lui-même, nous pouvons également voir à travers les travaux exposés dans ce chapitre que la conception d‟un Serious Game est rarement un travail solitaire, et implique donc le recours à des documents permettant aux différents acteurs de communiquer. A travers la notion de « devis de conception », nous retrouvons des approches similaires au « Game Design Document » utilisé

dans l‟industrie du jeu vidéo de divertissement (p.44). Bien que l‟industrie du Serious Game

soit plus jeune que celle du jeu vidéo, nous pouvons imaginer qu‟elle pourrait elle aussi bénéficier de l‟utilisation d‟outils théoriques d‟aide à la réflexion créative pour la

communication entre les différents acteurs d‟un projet (p.82). De tels modèles spécifiques aux

Serious Games étant plutôt rares (p.101), le fait de s‟inspirer de ceux issus du jeu vidéo de

divertissement (p.68) pourrait sûrement permettre de créer de nouveaux « outils théoriques »

adaptés au Serious Game. Pour cela, il convient au préalable d‟essayer d‟identifier de manière plus détaillée les différences entre la conception d‟un jeu vidéo de divertissement et d‟un Serious Game.

S

PECIFICITES DU

G

AME

D

ESIGN DE

S

ERIOUS

G

AMES

Bien qu‟il n‟existe visiblement pas de méthodologie universellement applicable à la conception de Serious Games, nous avons pu identifier à travers le modèle générique DICE un cadre permettant d‟analyser et synthétiser les différentes méthodologies que nous avons étudiées. Ce modèle se rapproche du modèle générique ICE, qui avait été utilisé pour

synthétiser les méthodologies de Game Design (p.65). Nous remarquons cependant que les

processus de conception de Serious Games se distinguent de ceux du jeu vidéo par la mise en place d‟une « catégorie d‟étape » supplémentaire. Mais les différences entre la création d‟un Serious Game et d‟un jeu vidéo de divertissement ne s‟arrêtent pas là. Il nous semble empiriquement que la création de mécanismes et d‟univers de jeu destinés à servir des finalités « sérieuses » invite le concepteur de Serious Game à se poser des questions légèrement différentes de celles d‟un Game Designer visant le seul divertissement.

Nous proposons alors d‟étudier de manière qualitative quelques spécificités de la conception d‟un Serious Game. Nous exposerons tout d‟abord des considérations théoriques sur le sujet, avant d‟analyser la genèse de deux Serious Games réalisés dans le cadre du CIFRE accompagnant cette thèse.

1 A

SSOCIER LES DIMENSIONS

«

SERIEUSE

»

ET

«

LUDIQUE

»

Avant de revenir en détail sur des expériences de conception de Serious Games, nous proposons d‟étudier des travaux théoriques existants sur le sujet.

1.1 DIFFERENTES APPROCHES DE LA CONCEPTION DE SERIOUS GAME

Un tour d‟horizon de la littérature scientifique consacrée aux Serious Games fait ressortir plusieurs approches possibles de leur conception. Plus précisément, ces différentes approches semblent liées à la manière dont les concepteurs de Serious Games essaient d‟associer les

dimensions « sérieuse » et « ludique » qui les caractérisent (p.18).

Nous pouvons tout d‟abord nous référer aux travaux de Egenfeldt-Nielsen (2006), consacrés à l‟analyse de Serious Games à vocation pédagogique pour les domaines de l‟éducation et de la santé. A travers un article de synthèse, ce chercheur détaille l‟influence de différentes théories cognitives sur la conception des jeux vidéo pédagogiques. Son analyse met en évidence un lien entre chaque théorie et une manière particulière de mélanger les dimensions « ludique » et « pédagogique ». Par exemple, il observe que des titres s‟inscrivant dans le courant « behavioriste » séparent explicitement la dimension pédagogique de la dimension ludique, en utilisant cette dernière pour récompenser l‟utilisateur qui réussit la partie pédagogique. Le plaisir de jeu est ici utilisé comme un facteur de motivation « extrinsèque » pour l‟apprentissage d‟un contenu sérieux. A l‟inverse, les titres s‟appuyant sur les théories « constructivistes » mélangent ces deux dimensions de manière à ce qu‟il ne soit plus possible de les distinguer. La motivation de l‟apprenant découle donc ici de facteurs « intrinsèques », le contenu sérieux étant au cœur du principe de jeu. S‟il s‟agit là des deux principales théories cognitives que Egenfeldt-Nielsen identifie comme approches de conception d‟un Serious Game, ce chercheur cite également une troisième théorie utilisée pour l‟apprentissage par le

jeu vidéo : le « constructionnisme ». Cette théorie partage la nature « intrinsèque » du « constructivisme », mais s‟articule autour d‟un processus de création comme vecteur d‟apprentissage. Le « constructionnisme » ne s‟appuie donc pas directement sur l‟utilisation d‟un Serious Game pour l‟apprentissage, mais permet de mettre leur création au cœur d‟une activité pédagogique. Nous reviendrons ultérieurement sur cette approche différente mais très intéressante (p.235).

Les constatations de Egenfeldt-Nielsen ne semblent pas être réservées aux seuls secteurs de la santé et de l‟éducation. En effet, Chen & Ringel (2001) aboutissent à des conclusions similaires suite à une étude des Serious Games à caractère publicitaire. Ainsi, ils distinguent trois types de stratégies publicitaires mobilisant le jeu vidéo :

- Associatif : utilisation d‟une structure ludique sur laquelle est appliquée un contenu publicitaire détaché du contexte du jeu. Exemple : mise en place de panneaux publicitaires dans le jeu Sportura the game (Nonoche & Medialand, 2004). En plus des publicités décorant le circuit de ce jeu de course, le temps restant est affiché sur un chronomètre arborant une marque célèbre.

- Illustratif : utilisation d‟une structure ludique sur laquelle est appliquée un contenu publicitaire lié au contexte du jeu. Exemple : utilisation des différentes générations de voitures comme « buzzer » permettant de répondre à un quiz musical dans Volkswagen Drive In (Achtung!, 2007). Dans ce titre, le joueur doit retrouver la « décennie » de sortie d‟une chanson en cliquant sur le modèle de voiture correspondant.

- Démonstratif : intégration du message publicitaire au cœur même de la structure ludique, de façon à ce qu‟il ne soit plus possible de les considérer séparément. Exemple : mise en avant de certains modèles de voitures dans Volvo S60 Concept (Simbin, 2009). Dans ce titre, le joueur peut directement conduire le modèle de véhicule qui est valorisé par le Serious Game.

Si nous recoupons ces stratégies publicitaires avec les approches observées pour les jeux vidéo pédagogiques, nous remarquons que les stratégies Associatives et Illustratives reposent toutes deux sur une juxtaposition des dimensions « sérieuse » et « ludique », renvoyant donc à l‟approche « extrinsèque » influencée par les théories béhavioristes. A l‟inverse, la stratégie Démonstrative, qui mélange les deux dimensions, se rapproche clairement de l‟approche « intrinsèque » et des théories constructivistes. Comme nous l‟avons déjà évoqué, l‟éducation, la santé et la publicité représentent les principaux secteurs du Serious Game (p.35). D‟un point de vue quantitatif, les observations de ces deux études nous semblent donc pertinentes pour l‟ensemble du secteur. En conclusion, nous identifions plusieurs manières de concevoir un Serious Game, qui semblent s‟inspirer de deux grandes approches :

- L’approche « extrinsèque », dans laquelle les dimensions « sérieuse » et « ludique » sont séparées. Un concepteur de Serious Games s‟inscrivant dans cette approche aura tendance à alterner des phases de jeu avec des phases de transmission du contenu sérieux. Le jeu est alors utilisé comme une « récompense » suite à la compréhension du contenu sérieux.

- L’approche « intrinsèque », qui vise à mélanger les dimensions « sérieuse » et « ludique » de manière à ce qu‟il ne soit plus possible de les séparer. Un concepteur de Serious Game s‟appuyant sur cette approche cherchera à intégrer le contenu sérieux au sein des mécanismes de jeu. La réussite au jeu découle donc directement de la compréhension du contenu sérieux.

1.2 L’APPROCHE INTRINSEQUE AU CŒUR DU COURANT DES « SERIOUS GAMES »

Bien que présentant chacune leurs avantages et leurs inconvénients, ces deux approches n‟ont visiblement pas suscité le même intérêt pour les concepteurs de Serious Games. Ainsi, comme le note Egenfeldt-Nielsen (2006), l‟approche « extrinsèque » fut particulièrement prisée durant les années 1980 et 1990, se retrouvant au cœur de la plupart des ancêtres des Serious Games actuels, courant du « ludo-éducatif » en tête (p.33). Si ces titres sont utilisés avec succès par des parents ou enseignants à des fins d‟apprentissage, les Serious Games basés sur l‟approche « extrinsèque » souffrent des mêmes critiques qui sont adressées aux théories béhavioristes.

Par exemple, le fait que l‟apprentissage soit lié à un facteur de motivation externe au contenu « sérieux » n‟est pas sans poser problème. Ainsi, l‟efficacité du jeu TechnoCity (Rectorat de Toulouse, 2006), basé sur une approche « extrinsèque », a été longuement étudiée (J. Alvarez,

2007). Ce titre est destiné à sensibiliser des collégiens en 3e à différents métiers industriels et

techniques, tels qu‟électricien, chef de chantier ou mécanicien. Pour chacun des cinq métiers mis en avant par le jeu, la démarche est identique. Tout d‟abord, le joueur se voit proposer un jeu sur le thème du métier. Ainsi, pour le métier d‟électricien, un jeu de plateforme demande au joueur d‟incarner un personnage devant récupérer des lucioles pour alimenter une centrale électrique. Après deux niveaux de ce jeu rappelant Super Mario Bros. (Nintendo, 1985), un court reportage vidéo illustrant le métier d‟électricien est projeté. Ces quelques minutes d‟interviews de professionnels du métier se concluent par un questionnaire à choix multiple. La question posée porte sur le contenu du reportage vidéo. Si le joueur répond correctement à la question, il peut passer à la suite du jeu, et ainsi parcourir deux niveaux supplémentaires du jeu de plateforme avant de retomber sur une nouvelle vidéo assortie de questions. S‟il répond mal, il doit choisir une autre réponse, en visionnant éventuellement le reportage à nouveau. Nous voyons clairement que ce jeu propose d‟un côté des phases de contenu « sérieux », à travers les vidéos d‟information, et des phases « ludiques » récompensant un joueur qui a prêté attention au contenu « sérieux ». Bien que les concepteurs aient pensé les jeux de la partie « ludique » par rapport aux compétences du métier illustré (par exemple, un jeu de plateforme nécessite de l‟agilité comme le métier d‟électricien), l‟évaluation de ce Serious Game sur le terrain est on ne peut plus mitigée. Ainsi une étude menée par Alvarez dans un collège fait ressortir les conclusions suivantes :

La majorité de ces collégiens consultent souvent Technocity essentiellement pour jouer. […] Pour les garçons qui prétendent ne pas tenir compte des vidéos, lorsque nous leur demandons ce qu’ils retiennent avec Technocity, les réponses sont clairement associées aux jeux pratiqués. Pour la fille de 12 ans, qui consulte les vidéos dans le but de répondre au quiz, un amalgame s’opère entre les jeux et les vidéos. […] La collégienne semble faire une confusion avec le jeu dédié à la filière "Ingénierie mécanique" proposant à l’utilisateur d’assembler des scooters. Un jeu qu’elle affectionne particulièrement. Quant aux collégiens qui disent avoir consulté les vidéos, les informations restituées sont assez laconiques voire confuses. [p.88]

Comme le note Alvarez dans sa thèse, le fait que les dimensions « sérieuse » et « ludique » de TechnoCity soient présentées de manière alternées aux joueurs n‟a pas véritablement aidé ce jeu à délivrer son message. La plupart des collégiens se sont uniquement consacrés aux phases de jeu proposées comme « récompense », délaissant leur poste lors des phases de présentation d‟une vidéo. Ils allaient alors aider leurs camarades à compléter les phases de jeu, puis revenaient répondre aux questions posées par les vidéos. Soit les collégiens s‟échangeaient entre eux les bonnes réponses pour aller directement à la phase de jeu, soit ils répondaient au hasard jusqu‟à trouver la bonne réponse. Si certains collégiens ont néanmoins été sensibles au message délivré par ce Serious Game, allant même jusqu‟à se renseigner sur

un métier donné, pour la plupart de ses utilisateurs le constat est plutôt mitigé. S‟il cela n‟est pas uniquement lié à l‟approche « extrinsèque » choisie par ce titre, l‟étude de terrain fait ressortir qu‟il s‟agit d‟un des facteurs majeurs du manque de pertinence observé. Notons d‟ailleurs que cette même tension entre « jeu » et « apprentissage » dans les Serious Games « extrinsèque » fut également étudiée et critiquée en des termes similaires pour les titres du courant du « ludo-éducatif » (Kellner, 2000, 2007).

Contrairement à l‟approche « extrinsèque », l‟approche « intrinsèque » est relativement peu répandue dans les ancêtres des Serious Games. Quelques rares titres comme Packy & Marlon (Raya Systems, 1994) et Bronkie the Bonchiasaurus (Raya Systems, 1994), respectivement destinés à l‟apprentissage des précautions de vie liées au diabète et à l‟asthme, ont montré des résultats très encourageants auprès d‟enfants atteints de ces maladies (Brown et al., 1997; Lieberman, 2001). De même, des travaux de recherche ont montré le potentiel de l‟approche « intrinsèque » dès le début des années 1980 (Malone, 1981). Mais ces quelques initiatives n‟ont pas véritablement fait écho dans les Serious Games des années 1980 et 1990 dominés par l‟approche « extrinsèque » (Egenfeldt-Nielsen, 2006). Cette tendance semble néanmoins

s‟inverser avec la vague actuelle des Serious Games (p.37). En effet, les études récentes sur la

conception de Serious Games semblent favoriser l‟approche « intrinsèque ». Que ce soit du côté de l‟industrie ou de la recherche, les concepteurs de Serious Games semblent donc avoir assimilés les critiques adressées à l‟approche « extrinsèque », et expérimentent actuellement l‟approche « intrinsèque ». Par exemple, pour la société KTM Advance, les approches de type « extrinsèque », influencées par les théories béhavioristes, se trouvent au cœur de leurs produits de type « e-learning ». En revanche, leur gamme de Serious Games s‟inscrit dans une approche « intrinsèque » afin d‟explorer d‟autres modes de transmission pédagogique (Boudier & Dambach, 2010). Au-delà des aspects pédagogiques, cette approche semble présenter pour la société un réel avantage lors de l‟évaluation des apprenants :

« Un premier indicateur fiable de succès [des apprenants] est le passage des différents niveaux du jeu : si le Game Design a été correctement conçu, les objectifs pédagogiques sont encapsulés dans les différents éléments de gameplay qui permettent de progresser et de passer un à un les niveaux. [p.162] »

Ainsi, l‟approche « intrinsèque » permettrait de faciliter l‟évaluation de l‟impact d‟un Serious Game en suivant le parcours du joueur. Si nous reviendrons ultérieurement sur cet aspect (p.120, p.126 et p.145), nous notons ici le caractère ouvertement « intrinsèque » de l‟approche de conception de Serious Games utilisée par cette société. Du côté de la recherche, nous pouvons par exemple nous référer aux travaux de Bruckman (1999), qui critique ouvertement l‟approche « extrinsèque ». Elle remarque tout d‟abord que cette approche correspond à des titres cherchant à rendre attrayant l‟apprentissage de contenus grâce à des « pauses ludiques » faisant office de récompenses. Suite à l‟analyse de ces titres, elle conclut que cette approche « extrinsèque » est aussi vaine que celle de « recouvrir un brocoli de chocolat » pour que des enfants l‟apprécient. Elle appelle donc les concepteurs de jeux pédagogiques à expérimenter d‟autres approches où l‟apprentissage est au cœur de l‟activité ludique (cet article est antérieur à la vague actuelle des Serious Games). L‟appel lancé par Bruckman trouve, entre autres, un écho dans les travaux de Habgood (2007) sur la pertinence de l‟approche « intrinsèque » pour la création de jeux vidéo pédagogiques. Dans sa thèse, ce chercheur et concepteur de Serious Games développe et évalue un jeu vidéo destiné à l‟apprentissage des mathématiques pour des enfants de 7-8 ans : Zombie Division. Plusieurs versions de ce Serious Game ont été créées par le chercheur en s‟appuyant soit sur une approche « extrinsèque », soit sur une approche « intrinsèque ». Une version du jeu « débarrassée de tout contenu éducatif » fut également utilisée comme témoin lors des expérimentations de terrain. Ces expérimentations font tout d‟abord ressortir que les approches « extrinsèque » et « intrinsèque » sont plus ou moins équivalentes en terme de

motivation générale des élèves. Par contre, sur la version « extrinsèque », divisée en sessions de « jeu » alternées avec des « quiz mathématiques », les élèves ont émis les mêmes remarques que pour TechnoCity. Ils ont étés gênés par « l‟ennui » procuré par ce quiz, auquel il ne prêtaient d‟ailleurs que peu d‟attention car ils étaient pressés de « continuer à jouer ». A l‟inverse, la version « intrinsèque » du Serious Game a été saluée pour son côté « amusant et fun ». Cette dernière version semble également avoir permis un apprentissage de meilleure qualité, en permettant aux élèves d„apprendre plus de contenu et de le retenir plus longtemps qu‟avec la version « extrinsèque ».

Si plusieurs facteurs rentrent bien évidemment en ligne de compte, le fait que les élèves n‟aient plus de « rupture » dans leur pratique du jeu et soient donc exposés simultanément aux dimensions « ludique » et « sérieuse » semble ici avoir un effet positif sur l‟impact du Serious Game. Ainsi, un Serious Game « intrinsèque » semble donc en mesure de susciter le « flow » chez les utilisateurs. Cette notion, introduite par le psychologue Csikszentmihalyi (1990), correspond à un état mental dans lequel l‟utilisateur se consacre totalement à la réalisation d‟une tâche donnée. Pour cela, cette tâche doit posséder certaines caractéristiques, telles que le fait d‟être adaptée aux compétences de l‟utilisateur, de lui donner des retours qualitatifs régulier sur son travail et de posséder des objectifs clairs. Cet état de concentration maximale s‟accompagne généralement d‟une distorsion de la notion de temps et permet d‟aboutir à un sentiment de réussite une fois la tâche accomplie. Si l‟état de « flow » peut être suscité par de nombreuses activités comme la lecture, la peinture, le sport ou la musique, nous le retrouvons également à travers le jeu vidéo. Dans l‟industrie du jeu vidéo de divertissement, certains Game Designer s‟appuient par exemple sur cette théorie afin de concevoir des titres particulièrement immersifs et prenants (Jenova Chen, 2006). Mais nous voyons ici qu‟elle peut être également intéressante pour le Serious Game, et que l‟approche « intrinsèque » permet justement de conserver le « flow » durant toute la partie, là où l‟approche « extrinsèque » est obligée de le briser pour diffuser son contenu sérieux.

Quel que soit son intérêt en terme de motivation et d‟immersion, le « flow » n‟est pourtant pas une recette miracle pour l‟apprentissage. Par exemple, si nous revenons sur l‟expérimentation de Habgood (2007), nous constatons que la bonne qualité d‟apprentissage observée sur le terrain n‟est pas uniquement liée au Serious Game en lui-même. En effet, les meilleurs résultats d‟évaluation avec ce jeu ont été obtenus lors de l‟utilisation de la version « intrinsèque » conjuguée à une séance de discussion menée par l‟instituteur. Après une session de jeu, l‟enseignant a joué un rôle essentiel pour permettre à ses élèves de prendre conscience du contenu pédagogique auquel ils ont été confrontés en les faisant réfléchir sur les mécanismes du jeu auquel ils venaient de jouer. Ainsi, lorsqu‟un joueur est complètement immergé dans la sensation de « flow » que lui procure un Serious Game « intrinsèque », la problématique est d‟arriver à amener le joueur à prendre du recul sur son expérience ludique pour mieux assimiler le contenu « sérieux » auquel il a été confronté. A ces fins, certains concepteurs de Serious Games n‟hésitent pas à créer des jeux faisant volontairement perdre le joueur pour l‟inciter à réfléchir sur les mécanismes de jeux, et donc sur le contenu qu‟ils véhiculent (Lee, 2003). Nous reviendrons plus en détail sur cette méthode permettant d‟allier « flow » et « prise de recul » lors de notre retour d‟expérience (p.132). En attendant, nous constatons à travers ces quelques exemples que si l‟approche « extrinsèque » était plébiscitée par les ancêtres des Serious Games, les titres de la vague actuelle semblent principalement s‟appuyer sur l‟approche « intrinsèque », et commencent donc à en explorer les nombreuses possibilités. Nous essaierons modestement d‟en faire de même à travers une expérimentation de terrain (p.115).

1.3 TOUS LES JEUX VIDEO IMPLIQUENT UN APPRENTISSAGE

Si l‟approche « intrinsèque » permet de diffuser un contenu sérieux à l‟intérieur d‟un jeu vidéo, cela ne signifie t‟il pas simplement que tout jeu vidéo est potentiellement un vecteur

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