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LE GRAND LYON : UNE CONSTRUCTION POLITIQUE CIMENTEE PAR L’INTERCOMMUNALITE

1962 Projet de l’extension des compétences du

4.1 Une représentation communautaire qui exclut les communes membres les moins peuplées

La Loi du 31 décembre 1966 précise que le système de répartition au sein du conseil de la communauté urbaine est fondé sur une application du principe de représentation proportionnelle au nombre d’habitants des communes. C’est-à-dire que la distribution des sièges s’effectue en fonction de la population totale de la communauté urbaine. Ce système a entrainé des inconvénients pour les petites communes, peu peuplées, parce qu’elles ne pouvaient pas remplir le quota demandé. C’était le cas du conseil de la communauté urbaine de Lyon de 1968 à 1983.

La géopolitique « interne » se manifeste par les actions des élus pour que toutes les communes membres de la Courly soient représentées au conseil communautaire. Notre étude de cette géopolitique se décline en trois volets. Le premier porte sur le système de la répartition des sièges qui ne permettait pas aux petites communes d’être représentées directement au sein du conseil communautaire, d’où la crainte des petites communes à propos de l’hégémonie de la ville centre. Le deuxième volet explore les réactions des élus qui critiquent le conseil de communauté de Lyon qui a adopté le système de représentation proportionnelle. Le troisième volet montre les efforts des élus afin de modifier la répartition des sièges. Ces élus ont pu réaliser cette modification grâce au boom démographique de l’Est de l’agglomération.

4.1.1 La COURLY administrée seulement par un tiers de ses communes membres.

La création de la communauté urbaine est destinée à répondre aux problèmes posés aux grandes agglomérations en regroupant les communes. Elle joue un rôle dans l'organisation administrative du territoire. Cette coopération s’étend du domaine technique au développement économique ou d'aménagement de l'espace. Dans cette évolution, les enjeux sont tout ainsi importants en termes de démocratie. Dans ce

136 domaine, les petites communes craignent l’hégémonie de la ville centre (Bernard voire Millenaire3, 2008).102

Ces craintes se retrouvent fondées lorsque la Loi du 31 décembre 1966 – fondation de la création de la communauté urbaine – précise que le Conseil de Communauté est composé, en fonction de la population totale de la communauté urbaine, de 20 à 90 conseillers élus pour 6 ans par les conseils municipaux, et que la distribution des sièges au conseil s’effectue par accord entre les conseils municipaux intéressés.103

La Communauté urbaine de Lyon avait 90 conseillers selon cette loi, parce qu’elle comprenait 55 communes et plus de 200 000 habitants. La répartition des 90 sièges révèle que seul un tiers des 55 communes de la Courly était représenté directement au sein du Conseil de Communauté. 40 communes sont représentées indirectement, par le biais de délégués désignés par des groupements de communes. Les conseillers des villes centre dominaient, notamment Lyon, qui avait 46 sièges ou Villeurbanne qui en avait 10. La question du caractère « démocratique » de la communauté urbaine était alors posée : 60 % des conseillers étaient issus de la ville de Lyon. L’inquiétude de la plupart des communes qui craignaient une perte de leur autonomie et l’hégémonie de Lyon réapparaissait fortement. Cette répartition peut être consultée complètement dans l’arrêté pris par le préfet du Rhône, Max Moulins, le 14 novembre 1968, conformément au tableau 8 ci-après :

102 Entretien avec Roland Bernard, sénateur de 1986 à 1995, député du Rhône de 1981 à 1986 et maire d’Oullins de 1977 à 1990. Propos recueillis par Catherine Panassier le 3 septembre 2008.

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Tableau 8 : Répartition des 90 sièges du Conseil de communauté urbaine de Lyon entre les communes et les groupes de communes incluses dans le périmètre de la Communauté urbaine en 1968

Source : Bulletin officiel de la communauté urbaine de Lyon (1969 cité dans Polère, 2014 : 65)

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4.1.2 Les élus critiques quant à la répartition des sièges au conseil communautaire de la Courly

La combinaison des sièges au sein du conseil communautaire de la Courly a provoqué les critiques des petites et moyennes communes. Marcel Houël (cité dans Polère, 2008a : 3), maire communiste de Vénissieux, a annoncé : «L’arrêt de mort des communes françaises» puis il a pointé un deuxième enjeu qui se profilait :

« La représentation des petites communes au conseil communautaire est susceptible de modifier le rapport de force entre groupes politiques. Pour comprendre comment le conseil en vient à représenter toutes les communes, il faut accepter de rentrer dans la petite histoire des calculs politiques, visant pour chaque groupe présent au conseil à maximiser son poids, voire même, au sein d’un même groupe, à obtenir un leadership dans l’agglomération (au sein du groupe socialiste, le conflit Hernu/Queyranne est aussi mémorable à Lyon que l’est celui de Notebart/Mauroy à Lille…) » (Polère, 2008a : 3).

Une autre protestation est venue de M. Guilhem (cité dans Polère, 2008a : 5), l’adjoint au maire de Bron, qui estime :

« il semble (alors) difficile d’appeler “Communauté” un organisme de gestion et d’administration qui d’emblée écarte la moitié de ses membres, quelles que puissent être par ailleurs les dispositions plus ou moins apaisantes dont cette mesure serait assortie. Certains maires ont alors imaginé, notamment au cours des réunions de Saint-Fons, que l’on pourrait concilier les deux tendances en introduisant dans le système des coefficients de pondération, susceptibles de rétablir, dans la mesure du possible l’équilibre entre communes d’importance très différentes. »

4.1.3 Le boom démographique : une opportunité pour reconfigurer le conseil communautaire

La combinaison des membres du conseil communautaire peut être influencée par l’évolution démographique. Le décret du 29 janvier 1971 prévoit que «la modification de la composition des conseils des communautés urbaines peut intervenir lorsqu’à la suite du dernier recensement général de la population, une ou plusieurs communes sont susceptibles de voir leurs modalités de représentation modifiées ».104 Pour le conseil communautaire de la Courly, il y a eu un changement de la configuration des membres du conseil de communauté à cause de l’augmentation de la population totale de la Courly qui est passée à 1 119 013 habitants. L’arrêté préfectoral a redistribué les sièges entre les communes en juin

139 1977. Pour qu’une commune ait un siège direct, elle devait avoir plus de 12 400 habitants. Puisqu’il faut 90 sièges pour la population totale de la Courly, dans la nouvelle composition, la ville de Lyon avait toujours le plus grand nombre de sièges dans les conseils des communautés avec 37 sièges même si elle avait perdu 67 900 habitants. En 1975, elle avait 456 700 habitants (Bonneville, 1977 : 18). En revanche les communes de l’Est de l’agglomération ont gagné jusqu’au double du nombre de délégués au conseil grâce à leur boom démographique : Vaulx-en-Velin et St-Priest sont passées de 2 à 4 conseillers, Décines-Charpieu, de 1 à 2, et Vénissieux de 4 à 6. Les nouvelles communes ont pu obtenir une représentation : St-Genis-Laval a eu 1 siège, et Meyzieu 2 sièges. Ces deux communes ont donc quitté les groupements respectifs qui les représentaient auparavant au sein du conseil communautaire.

Le boom démographique de l’Est de l’agglomération a opéré une nouvelle transformation de la répartition des sièges entre les communes, ce qui a eu de l’influence sur le plan de la composition politique parce que les socialistes avaient 22 sièges et les communistes en avaient 10. Ainsi l’opposition a plus que doublé ses effectifs depuis 1969, en passant de 15 à 32 sièges, soit un peu plus du tiers des sièges. Mais il restait encore 39 communes membres qui n’étaient pas représentées directement au sein du Conseil de Communauté. Elles devaient se regrouper pour avoir droit à une représentation. Cette disposition présente une autre difficulté sur la question de la délégation. Sur ce point, Martine Aubry (cité dans Lecocq et Lefebvre, 2001 : 30) a affirmé que « être élu local sans faire de la proximité, je vous demande à quoi on sert. Pour moi c’est intrinsèque à la fonction d’élu d’être à l’écoute des gens, de leurs demandes, de leurs avis (…) les gens veulent de la proximité (…) ils veulent que les élus les entendent, les écoutent et répondent à leurs questions ». Faute de délégation, le travail de proximité n’aboutit pas à des solutions parce que la décision finale est prise par la Courly. En conséquence, chaque regroupement entraîne ainsi des discussions, car entrent en jeu les proximités géographique, politique, mais aussi des calculs pour maximiser les sièges. Afin de remédier à cette situation en avril 1977, Jean Capievic, maire communiste de Vaulx-en-Velin, a adressé une lettre à tous les maires de la Courly indiquant la position des maires et responsables des groupes communistes des communes membres de la communauté urbaine, demandant une modification de la loi pour garantir la présence de tous les maires au conseil. Il s’en détache trois propositions :

« Le fait que les 55 communes ne soient pas toutes directement représentées au conseil de communauté, est contraire aux règles démocratiques élémentaires. Dans ces conditions, nous souhaitons vivement que s’affirme publiquement, une attitude ferme de l’ensemble des maires sur les points suivants : 1. Un siège, au moins, doit revenir à chaque commune, et ce sans exception. 2. Une représentation la plus

140 équitable possible, pour chaque commune, en fonction de son nombre d’habitants, doit être recherchée. 3. L’article L. 165.25 doit être modifié dans le sens d’une augmentation du nombre de conseillers en fonction même de la nouvelle répartition proposée » (Le Journal, 1977 cité dans Polère, 2008a : 10)

La réponse est venue des services du ministère de l’Intérieur qui a modifié les dispositions du code des communes relatif à la communauté urbaine en 1978-1979 par une proposition de modification de l’article L 165-19 : « La Communauté Urbaine est administrée par un Conseil où sont représentées toutes les communes de l’agglomération intéressée ».

4.2 Quand une garantie est donnée aux petites communes membres du

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