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L’aire métropolitaine lyonnaise : un enjeu stratégique pour franchir le périmètre du Grand Lyon

LE GRAND LYON : « UN ORGANISME VIVANT » QUI VEUT S’AGRANDIR

COMMUNAUTÉ URBAINE DE LYON DE S’AGRANDIR

1.1 L’aire métropolitaine lyonnaise : un enjeu stratégique pour franchir le périmètre du Grand Lyon

Dans cette section, nous aborderons les stratégies métropolitaines utilisées par le Grand Lyon dans ses relations avec les communes voisines. Quel est l’intérêt du Grand Lyon pour les territoires qui l’entourent ? Quelle est l’influence de cet intérêt sur l’agrandissement du Grand Lyon ? Comment le Grand Lyon se rapproche-t-il des communes voisines ?

Nous organiserons cette section en deux volets. Le premier sera dédié à un travail sur la vision métropolitaine du Grand Lyon et son appellation. Le deuxième sera consacré à l’étude de l’affirmation du pouvoir du Grand Lyon sur la région urbaine par la création de la RUL.

1.1.1 « Devenir grand », un projet au centre de la vision métropolitaine de la Courly

Nous sommes dans les années 1980/1990. C’était l’époque où la communauté urbaine voulait développer sa « vision métropolitaine ». Cette époque est considérée comme le point départ de la volonté de la Communauté urbaine de Lyon d’aller au-delà de son périmètre : « Donc à l’époque, on était vraiment le Grand Lyon. Ce qui a fait changer de cap, c’était dans l’année 1980 – 1990, on a fait le SDAL (le

150 Schéma Directeur de l’Agglomération Lyonnaise). C’est le Schéma Directeur qui allait au-delà des limites du Grand Lyon et qui s’est projeté dans une planification plus importante. » (Rolland, 2013). Pour François Ascher (cité dans Linossier, 2006 : 330), cette époque est marquée par la rivalité des territoires afin d’accueillir des entreprises :

« Si dans les années 1960/1970 les pouvoirs publics se préoccupaient beaucoup de la « maîtrise » des processus d’urbanisation, dans les années 1980/1990, la préoccupation principale des autorités locales, qui ont dorénavant pleinement la compétence en matière d’urbanisme, est avant tout la création d’emplois. Ayant pris conscience qu’un certain nombre de qualités urbaines sont des facteurs clefs de leur attractivité, les villes se livrent à une concurrence aiguë sur ces « facteurs » pour attirer les entreprises. »

La question de la concurrence territoriale ne peut pas oublier la taille des villes et la hiérarchie des territoires. Avec plus de 1,2 millions d’habitants sur 50 000 hectares,110 la Communauté Urbaine de Lyon devient la plus importante communauté urbaine de France (à part Paris bien sûr, mais qui n’est pas une communauté urbaine). Le programme « Lyon 2010 » a été adopté pour faire de Lyon « la première métropole européenne française après Paris ». La vision métropolitaine de la Communauté urbaine de Lyon était bien mentionnée sous le mandat de Michel Noir (1989-1995) qui « renoue avec les grands projets pour l’agglomération avec la volonté « d’affirmer plus fortement la dimension supra-communale de la Communauté urbaine, pour laquelle il a imposé de façon très significative la dénomination de Grand Lyon. » (Gueugneau, 2013 : 37). Selon (Leroy, 2000 : 79), « la métropolisation vient de métropole qui signifie ville-mère», comme c’est le cas de plusieurs métropoles en Europe et aux États-Unis qui ont conservé le nom de la ville-centre dans la dénomination de l’agglomération : Greater London, Greater Manchester, Greater Philadelphia, Greater Cincinnati en sont des exemples. Pour cette raison la COmmunauté URbaine de LYon – Courly– a été renommée « Grand Lyon » depuis 1991.

Le passage de la « COURLY » au « Grand Lyon » était destiné à soutenir sa visibilité et sa légitimité métropolitaine affirmées « pour permettre à tous, acteurs et habitants du territoire, de mieux identifier leur appartenance à la deuxième agglomération française » (Grand Lyon, 2007). Avec cette identification, ce passage confirme également le pouvoir politique de la Communauté urbaine dans les enjeux métropolitains. Le développement de l’agglomération se fait dans l’espace vécu avec des relations fonctionnelles : culturelles, économiques et sociales. Cet espace n’est pas neutre, mais un champ d'affrontement de valeurs, particulièrement pour ceux qui détiennent ou conquièrent la maîtrise de l'espace

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(Chevalier, 1974 : 68.). Il se traduit par une concurrence pour devenir la « représentation de l'espace » : « une représentation qui symbolise et définit un

espace et lui donne ainsi sa valeur » (Diener et al., 2006 : 169).

Afin de réaliser sa vision métropolitaine, la Communauté Urbaine de Lyon s’est intéressée à tous les territoires situés dans sa périphérie. L’intérêt du Grand Lyon pour les territoires qui l’entourent est très variable. Il dépend des stratégies métropolitaines et des différents acteurs locaux. Donc certaines communes voisines apparaissent aux yeux du Grand Lyon comme importantes afin de réaliser les stratégies métropolitaines présentées par de nombreux outils de planification : le Syndicat d’Etudes et de Programmation de l’Agglomération Lyonnaise (SEPAL), la Directive Territoriale d’Aménagement de l’aire métropolitaine lyonnaise (DTA). Ces périmètres contribuent à fixer les enjeux des acteurs. Ces périmètres montrent également la même ambition de regrouper des territoires qui sont différents administrativement.

1.1.2 La RUL : le franchissement de l’échelle intercommunale

L’intérêt du Grand Lyon pour son aire métropolitaine s’est notamment traduit par la création de la Région Urbaine de Lyon (RUL) :

« Avec la première loi de décentralisation dans les années 80, les collectivités ont pris des compétences, de l’importance et cette idée de RUL qui était animée par l’État, a été reprise à leur compte par les collectivités. […]. Au départ, il y avait un nombre de collectivités limitées. La RUL, quand elle est créée en 1989 est composée : (1) du Grand Lyon […], (2) de 3 Départements (le Rhône, l’Ain et l’Isère), (3) le Président de la Région qui est un peu observateur, (4) le Préfet de Région qui est membre de droit […].

Un an après la création de la RUL, il y a eu un rapprochement entre Lyon et Saint-Etienne. […] La RUL est sur ces bases-là dans sa première phase, ce qui correspond au premier mandat de Michel Noir. La RUL est dans son rôle de conduire un diagnostic, conduire des recommandations et très vite, on lui confie la mission d’élaborer une charte d’objectifs qui s’est appelée RUL 2010. […] La charte d’objectifs RUL est quand même le premier document politique donnant la vision qu’avaient les élus de ce territoire, de l’importance qu’ils pensaient qu’il devait avoir au niveau national.

La charte RUL 2010 commence en disant que Lyon est la seconde Métropole, c’était important. Il y avait beaucoup de positionnements par rapport à Paris, une revendication de jouer la deuxième Métropole après Paris. Il y avait une ambition de positionnement du territoire en France et en Europe, on commençait à voir l’ambition d’être dans les grandes villes

152 européennes, et puis une ambition d’organisation dans ce RUL 2010. C’était une vision de l’organisation de ce territoire tant du point de vue des déplacements, de la stratégie économique, etc. » (Dubromel, 2013). La création de la Région Urbaine de Lyon (RUL) constitue un exemple significatif de la volonté de franchissement des limites du Grand Lyon. Au lieu d’être utilisée comme un outil qui donne une vision d’ensemble des enjeux métropolitains, la RUL a été utilisée comme une plate-forme politique car « le Grand Lyon […] tente d’utiliser la RUL pour affirmer son pouvoir politique à une échelle plus large que celle de la communauté urbaine (aéroport de Satolas, principales zones d’activités métropolitaines…) » (Polère, 2008b : 5). Cela a provoqué des tensions entre le Président de la Communauté urbaine de Lyon et le Président du Conseil général du Rhône.

La RUL peut être considérée comme une « super Courly », un « très grand Lyon ». Cette instance permet au « Grand Lyon de dépasser son périmètre institutionnel pour devenir une « eurocité » » (Polère, 2008b : 5). Un peu comme l’intercommunalité lyonnaise permet au regroupement des communes de franchir les périmètres communaux, la RUL facilite le franchissement de l’échelle intercommunale. Mais les relations entre les responsables de la Communauté urbaine de Lyon et les élus voisins se sont vite tendues. La difficulté de mener un projet métropolitain qui dépasse son périmètre est devenue la principale difficulté à l’époque de Michel Noir (Ben Mabrouk, 2005 : 12). Lors de sa campagne électorale de 1989, il a soulevé l’idée d’étendre le périmètre de la communauté urbaine. Même si, finalement pendant son mandat, Michel Noir n’a pas réalisé son projet d’élargissement du Grand Lyon, cette idée a fait naitre six communautés de communes à fiscalité additionnelle bénéficiant de la Loi ATR de 1992.111 Avec ces communautés de communes, les communes voisines du Grand Lyon se protègent de l’intégration forcée à la Communauté urbaine de Lyon (Boino, 2009 : 56-57). La difficulté des relations entre le Grand Lyon et les territoires voisins à cette époque est confirmée par les refus des élus de la scène régionale adressés à la RUL et par les refus des communes voisines à l’idée de l’élargissement du Grand Lyon.

1.2 Les enjeux stratégiques métropolitains poussent la Communauté urbaine

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