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LE GRAND LYON : UNE CONSTRUCTION POLITIQUE CIMENTEE PAR L’INTERCOMMUNALITE

III. LA COURLY NEE D’UN TERRITOIRE POLITIQUE FRAGMENTE

La communauté urbaine est une institution politique qui permet aux différents acteurs de partager les compétences, les ressources, les expériences pour défendre les intérêts communautaires (Paris, 2002 : 1). Il s’agit de permettre à ces acteurs de prendre conscience de problèmes courants, sur des périmètres parfois différents. Bien travailler ensemble sous-entend toutefois la possibilité d’être « pour » et

86 Le périmètre du SIVMAL a étéle noyau du périmètre initial de la Courly. Concernant notre thèse, l’adhésion de Jonage au SIVMAL nous permet de comprendre son intégration au Grand Lyon. La commune de Jonage fait partie de notre terrain d’étude concernant la suppression de la discontinuité territoriale de la CCEL. Voir le cinquième chapitre : « petits arrangements territoriaux ».

123 «contre». Le travail de groupe peut mener à des collaborations et à des confrontations. Il en va de même pour la création de la Communauté urbaine de Lyon. Le projet de cette création a provoqué l’opposition des maires, sauf celle du maire de Lyon. En conséquence celle-ci a été imposée par la loi. L’intervention de l’État montre la difficulté des élus locaux à se mettre d’accord dans l’histoire de l’intercommunalité lyonnaise.

Cette section s’intéresse à la manière dont la Communauté urbaine de Lyon est traitée sous l’angle de la géopolitique « interne ». Cette analyse porte premièrement sur les principaux enjeux des acteurs locaux et nationaux dans les lobbyings politiques lors du projet de la création de la communauté urbaine. Deuxièmement, nous examinerons le sujet du territoire pertinent à travers la délimitation du périmètre.

3.1 Le projet de la communauté urbaine : l’arène des acteurs politiques

Dans le cadre de notre approche géopolitique, nous mettons en évidence le rôle des acteurs et les enjeux qui les motivent. Nous aborderons dans un premier temps le rôle de l’État dans la construction d’un territoire pertinent face à l’extension urbaine de l’agglomération lyonnaise. Dans un deuxième temps, nous examinerons les acteurs locaux qui se trouvent dans les alliances politiques pour refuser la création de la communauté urbaine. Parallèlement, les motifs de ces refus seront étudiés.

3.1.1 Le rôle déterminant de l’État dans la construction d’un territoire pertinent de gestion

Les présentations du « théâtre de multiples démarches de coopération intercommunale » (le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009a) jusqu’aux années 1960 montrent que l'enjeu de l'échelle pluri-communale était de remédier au décalage entre les structures administratives et la réalité géographique de l’agglomération lyonnaise. De nombreuses tentatives sont proposées afin de maitriser le développement de l’agglomération lyonnaise. Dans le cas de l'aménagement du territoire, à la fin de 1958, la ZUP et les Plans d’urbanisme directeur (PUD) ont été créés pour la rénovation urbaine (Delfante, 2009 cité dans l’Agence d’urbanisme, 2010a : 8). En 1962, le Plan d’Aménagement et d’Orientation générale (PADOG) montre le souhait de l’État d’harmoniser une zone de solidarité entre communes à un niveau plus grand que l’agglomération lyonnaise. Le PADOG a été suivi par la création de la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR) en 1963. Un an après, en 1964, huit villes sont désignées pour devenir des « métropoles d’équilibre » par la DATAR. C’est avec le but de réaliser la politique des métropoles d’équilibre que

124 l’organisation d’Études d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine (OREAM) est mise en place en 1966. L’OREAM était chargée d'élaborer un Schéma d'Aménagement (SDAM) (Agence d’urbanisme, 2010a : 4-17).

L’essentiel ici est que tous ces organismes ont été pris dans un système politico-administratif « top down ».87 L’État était l’initiateur-concepteur de ces organismes. L’État a repris l’initiative dans la recherche d’un territoire pertinent de gestion (Deffigier, 2007 : 81). Le renforcement des coopérations intercommunales dans l’agglomération lyonnaise a été relancé après le conflit qui a opposé Lyon à certaines villes voisines. Le rôle de l’État dans cette réforme était lié à la fonction publique avec l’objectif de l’intérêt général. L'un des exemples les plus frappants se trouve dans la politique des « métropoles d’équilibre » qui présentait l’intérêt national d’un renforcement en services et en industries.

La politique des « métropoles d’équilibre » avait pour but d’être un contrepoids au développement démographique de la région parisienne (Giblin-Delvallet, 1990 cité dans Dolez et Paris, 2004 : 73). Cette politique a été lancée dans le cadre de l’intérêt national destiné à équilibrer la croissance et le développement économique sur le territoire français en répartissant la centralisation économique parisienne. En vue de favoriser l’émergence de métropoles régionales, « l’État souhaite disposer d’un interlocuteur unique à l’échelle des grandes agglomérations » (le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009b). Le gouvernement a choisi huit agglomérations appelées « villes en réseaux » dont celle de Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Lille, Nancy, Strasbourg et Nantes (DATAR, 2003 : 8). Cette démarche devait ainsi « renforcer, en services, ou en industrie d'ailleurs, mais du moins pour autant que cela dépendait des pouvoirs publics, pour mailler un peu plus fermement le territoire français » (Cohen, 2002). D’un côté, la politique des «métropoles d’équilibre» confirmait le rôle des acteurs nationaux. Cette politique a entrainé la création de missions telles que la DATAR pour laquelle, « les élites technico-administratives agissent et pensent alors dans le cadre d’un référentiel planificateur et stator-centré dont la DATAR est le bras armé » (Bue et al. cité dans Dolez et Paris (dir), 2004 : 73). D’un autre côté, la politique des « métropoles d’équilibre » a « consisté à déplacer vers la province certaines administrations de l'État » (Senat, n-d.c). Cette politique donnait une place aux acteurs locaux par le biais d'une politique dite de déconcentration des activités tertiaires (Senat, n-d.c). Rappelons-nous que « dans les années 1960, il n’y a pas de décentralisation, c’est l’État qui commande » (Le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009c). C’était une époque où l’État était dans la capacité d’imposer toute réforme territoriale. Dans la continuité des « métropoles d’équilibre », l’État a imposé la

87 « Top down » est une approche de l’action publique menée par Jeffrey Pressman and Aaron Wildavsky en 1973. La démarche « top-down » laisse à l’État le point de départ d’une décision (Hill et Hupe, 2014 : 47-49).

125 création des quatre premières communautés urbaines parmi les huit métropoles d’équilibre : Bordeaux, Lille, Lyon, et Strasbourg.

3.1.2 La création de la communauté urbaine reconfigurait l’alliance politique locale lyonnaise

La formation de la Communauté Urbaine de Lyon ne s’est pas faite par l’adhésion des seules communes. Elle fut imposée par la loi,88 « Dans un contexte politique spécifique, l’État décide alors d’imposer par la loi la création de la Communauté Urbaine. La préparation de cette loi, comme sa mise en œuvre en territoire lyonnais, fait l’objet d’une vive protestation de la part de nombre d’élus des communes de l’agglomération » (Le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009a). La création de la communauté urbaine a provoqué les résistances locales des agglomérations concernées. Dans l’agglomération lyonnaise, les maires de soixante communes concernées par cette création ont tout d’abord tenté de s’y opposer, sauf celui de Lyon. 59 sur 60 communes ont manifesté leur intérêt pour le maintien du syndicat intercommunal à vocation multiple, avec une extension de ses attributions (Assemblée Nationale, 1966 :3216) lors de la réunion du 28 juin 1966 : « rejet du projet de loi et demande à ce qu’à la place, le SIVMAL soit étendu aux 60 communes pressenties par le projet de loi, avec une extension des compétences du syndicat. » (Polère, 2010 : 14).

Il importe de souligner que la création de la communauté urbaine reconfigurait l’alliance politique locale lyonnaise. Alors que, comme nous l’avons vu, pendant le débat sur l’extension des compétences du SIVMAL en 1962, les communes s’étaient divisées en deux groupes : les plus favorables et les plus hostiles, et la commune de Villeurbanne s’étant jointe à la ville de Lyon parmi les communes les « plus favorables », mais lors des discussions pour la création de la communauté urbaine de Lyon, en 1966, la ville de Lyon était toute seule à l’accepter parmi l’ensemble des communes concernées.89

Tout en reconnaissant le fait que la commune de Villeurbanne appartenait aux communes qui refusaient le projet de la communauté urbaine, il faut cependant noter que les autres communes opposantes considéraient Villeurbanne comme une menace potentielle et faisaient de Villeurbanne une des raisons pour lesquelles ils refusaient ce projet. Voici les trois motifs de refus :

88 La Loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines

126 - une perte d’autonomie des communes périphériques : peur d’être absorbées par les villes centres Lyon et Villeurbanne, peur que les conseils municipaux perdent du pouvoir.

- l’hypothèse de la nomination par l’État d’un haut fonctionnaire à la tête du futur établissement public.

- un nombre de sièges communautaires qui ne permet pas la représentation directe des petites communes dans le projet initial (Le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009.d). Une grande partie des élus de l’agglomération a résisté au projet de la communauté urbaine en raison de l’inquiétude face au volontarisme de l’État. Cette peur était provoquée par le rôle important de Lyon et Villeurbanne dans le SIVMAL. Les édiles opposants anticipaient la domination de ces deux communes dans la future communauté urbaine. Une remarque importante peut être faite concernant le rôle crucial de Villeurbanne dans l’intercommunalité lyonnaise. D’une part, Villeurbanne était à la tête des communes banlieues s’opposant à la ville de Lyon lors du projet d’annexion et aussi au début de l’intercommunalité dans les années 1930. D’autre part, Villeurbanne était identifiée avec la ville de Lyon comme « un couple territoriale » qui représentait les villes-centres dans les années 1960 (Scherrer voire Le feuilleton de 40 ans de la communauté urbaine de Lyon, 2009d). « La mise en place de la Communauté Urbaine sera ainsi soumise aux soubresauts du lobbying des différentes communes pour ne pas faire partie… ou faire partie de la nouvelle institution. L’attitude de Lyon et Villeurbanne notamment jouera un rôle important, celles-ci percevant clairement le bénéfice qu’elles pouvaient tirer d’une institution au sein de laquelle elles allaient être surreprésentées. Ces tergiversations vont conduire à la délimitation d’un territoire communautaire présentant des contours pour le moins surprenants. »

Il semble intéressant d’identifier les acteurs qui jouent un rôle important dans la création de la communauté urbaine de Lyon : les acteurs nationaux (l’État et les hauts fonctionnaires), les élus de la ville-centre (Lyon) et les édiles des communes périphériques (59 communes). Comme la communauté urbaine a été à l'origine initiée par l’État et lancée par la DATAR, les alliances politiques dans l’agglomération lyonnaise pendant la création de la communauté urbaine étaient représentées d’un côté par les édiles des communes périphériques et de l’autre par les acteurs nationaux et les élus de la ville-centre. Autrement dit, l’analyse de la composition politique du fait de l’intercommunalité, à travers la création de la communauté urbaine de Lyon, n’est pas une opposition qui constate le pouvoir du centre (l’État et acteur nationaux) devant le pouvoir local (les représentants des collectivités locales). Il ne s’agit pas non plus d’une opposition démographique (entre grandes et petites communes), ni d’opposition géographique (entre la ville centre et les communes périphériques) (Guéranger 2008 : 601). Nous proposons les

127 diagrammes suivants pour illustrer ces configurations politiques (figure 14 et figure 15) :

Figure 14 : Les configurations des communes lyonnaises pendant l’extension des compétences du SIVMAL en 1962

Source : réalisé par Arie Fitria, mai 2015

Figure 15 : Les configurations des alliances politiques dans l’agglomération lyonnaise pendant la création de la communauté urbaine en 1966

Source : réalisé par Arie Fitria, mai 2015

Les plus favorables

Lyon

Villeurbanne

Les plus hostiles

Vénissieux

Vaulx-en-Velin Un arbitrage venu du pouvoir central en

1962

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