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CADRE THEORIQUE

II. L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : UN TERREAU FERTILE POUR DES ENJEUX GÉOPOLITIQUES POUR DES ENJEUX GÉOPOLITIQUES

2.4 La géopolitique des limites administratives

L’interrogation au sujet des limites et des frontières en géopolitique de l’aménagement territorial semble intéressante à analyser autour des questions telles que : Qu’est-ce que la géopolitique a à voir avec les limites administratives ? Pourquoi et comment lier les limites administratives avec la géopolitique de l’aménagement territorial ?

2.4.1 Le rôle des limites dans la géopolitique

Les réponses à ces questions apparaissent au travers d’un des concepts fondamentaux de la géopolitique : la frontière (Jaquier, 2005 : 25-38). Par sa dimension institutionnelle, la frontière joue un rôle dans le maintien de l'effectivité souveraine (Hinfray, 2010 : 30-31).21 Jean Baptiste Dubrulle (2005 : 161) souligne que « les frontières sont avant tout nées pour asseoir et fixer des territoires politiques sur lesquels vont s’exprimer la puissance étatique et le pouvoir régulateur des institutions sur les éléments appartenant à ce territoire ». La frontière est un facteur modifiable, notamment par son emplacement, la frontière matérialise la croissance, la force et les modifications territoriales des États. Ces changements sont une des conséquences produites par l’expansion spatiale des États qui absorbent les unités politiques de moindre importance (Lorot, 1995 : 17-18). Dans un contexte où la géopolitique ne couvre pas seulement l’Etat, nous nous appuyons sur Cynthia Salloum (2014 : 2-3) : « l’extension des espaces et des territoires physiques et/ou virtuels se confronte à un repli des territoires par la réaffirmation ou l’érection de frontières physiques ou politiques. Ces frontières s’érigent à différents niveaux, local, national, régional et communautaire ». Sont comprises aussi les frontières entre les pouvoirs locaux et centraux au sein d’une même entité nationale et les frontières entre les espaces communautaires. Les limites administratives sont donc au cœur de cette analyse, surtout par les

53 modifications des frontières concernées par cette extension, comme le souligne Stéphane Rosière (2007 : 24) : « la géographie politique inclut aussi la description des frontières. […]. La géopolitique ne peut pas ignorer les limites administratives internes et les frontières socio-culturelles ».

2.4.2 La liaison entre les limites administratives et l’aménagement territorial

Afin d’analyser la liaison entre les limites administratives et l’aménagement territorial, il nous semble important de revenir sur une approche classique du territoire. Le mot territoire est emprunté au latin classique territorium. Pour Alain Faure (2005), ce n’est pas un hasard si ce mot vient de la racine jus terrendi, qui correspond à celui qui détient le droit de terrifier. « La notion de territoire est historiquement attachée à des enjeux de pouvoir et de domination » (Faure, 2005 : 3). L’existence d’un territoire n’est présente qu'à travers ses limites. C’est la raison pour laquelle Claude Raffestin (cité dans Centre George Pompidou, 1980 : 412-421) explique que

« le pouvoir a besoin des limites et des frontières pour « quadriller » c'est-à-dire pour contrôler, pour organiser, pour élargir, pour faciliter mais aussi pour surveiller, pour enfermer et à la limite pour réprimer. C'est pourquoi, il importe d'être très attentif à toute restructuration des systèmes de limites et de frontières car aucun changement n'est jamais innocent : il finira toujours par influencer l'existence même des hommes à travers leur territorialité vécue quotidiennement. »

Le rôle de la limite en tant qu’un des éléments fondamentaux dans la construction d’un territoire a été abordé précédemment. Sa présence est une obligation pour gérer, administrer, aménager un territoire (Paasi, 2003 : 477–478).22 Cela s’explique par le fait que la limite est un cas particulier de frontière. La limite dépasse le concept de frontière. Elle a la fonction de (dé)finir les territoires, qu’ils soient administratifs ou pas. La limite implique une fin ou une délimitation (Imbert-Vier, 2011 : 5). Sans opération de délimitation, un territoire d’action n’existe pas. Pour qu’une action publique soit conçue et mise en œuvre, la délimitation d’un périmètre d’action est indispensable. Dans ce sens, la limite et la frontière doivent être intégrées à une analyse de l’aménagement d’un territoire. Les limites et les frontières en aménagement territorial semblent importantes pour déterminer le périmètre d’un « territoire pertinent » où l’opération d’aménagement va se dérouler. Selon le Groupe de Recherches Interfaces (2008 : 195), « un aménageur doit fixer des limites explicites sur les discontinuités pour déterminer des politiques d’habitat,

22 Voir également le tableau 1 sur « les différents types de limites et les formes de territoires correspondantes ».

54 de transport, etc. ». Sans la présence de la limite, les acteurs ne peuvent pas appliquer un projet d’aménagement territorial car le territoire d’action n’existe pas. Désormais nous savons que les limites sont liées aux domaines de la géopolitique et de l’aménagement territorial, il nous reste à savoir comment les limites administratives sont liées à la géopolitique de l’aménagement territorial. Nous nous appuyons sur le propos d’Arnaud Lecourt (2003 cité dans Lecourt et Faburel, 2005 : 7) : « c’est l’irruption d’un projet d’aménagement dans l’espace qui déclenche le conflit en menaçant l’organisation d’un territoire donné, identifié et approprié au sens strict et/ou symbolique par un groupe social ». L’identité est un des éléments qui favorise l’apparition de conflits dans l’aménagement. Ces conflits sont plus nombreux dans un territoire à forte identité. Rappelons que la source de l’identité vient des limites. Frédérick Douzet et Béatrice Giblin (2012 : 13-14), en s’appuyant sur « la rivalité » des territoires d’Yves Lacoste, écrivent que

« Les frontières sont des discontinuités géopolitiques à fonction de marquage politique. […] toute rivalité de pouvoirs ayant en jeu du territoire peut se traduire par un marquage politique du ou des territoire(s) en question sans qu’il(s) soi(en)t pour ce faire obligatoirement institutionnalisé(s), la discontinuité pouvant être elle aussi plus ou moins visible et nette. ».

L’empLoi du terme « limites » dans la géopolitique de l’aménagement d’un territoire correspond au propos de Stéphane Rosière (2007 : 24-50) qui présente une typologie des frontières comme « une ligne politique ». Elle joue un rôle comme une ligne de séparation entre deux territoires qui constituent l’espace en tant que cadre politique. Les découpages administratifs ne sont pas créés par hasard, ils sont produits ou stabilisés par les acteurs politiques. Un maillage administratif montre toujours une volonté politique entre les territoires et entre les acteurs exprimés par le pouvoir ou par un compromis. Un compromis est indispensable parce que « tout pouvoir qui s’exerce sur un territoire cherche à en garantir la cohérence » (Raffestin, 1980 cité dans Alexandre et Genin, 2008 : 311), et parce qu’un projet d’aménagement urbain s’arrête à la limite de son périmètre d’action. Pourtant, les territoires sont aussi déterminés par les réseaux (Raffestin et A. Turco, 1984 cité dans Hoerner, 1996 : 11) dont dépend aussi la cohérence territoriale – donc une limite de territoire de pertinence–, et qui ne s’arrêtent pas nécessairement aux limites administratives. De ce fait, la limite et la frontière, prises comme des synonymes ou comme des concepts différents, constituent des concepts à mobiliser dans le champ de l’aménagement d’un territoire.

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III. QUELLES SONT LES LIMITES DES CONCEPTS D’URBAIN ET DE

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