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LA COOPERATION INTERCOMMUNALE D’UN POINT DE VUE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL

1.1 Les racines institutionnelles de l’intercommunalité

L’émiettement communal français est à l’origine du développement de la coopération intercommunale et de la création de structures dans lesquelles les communes se réunissent pour travailler ensemble. Au départ, il s’agit de la transformation, en 1789, des 44 000 anciennes paroisses en 38 000 communes (Gevart, 2006 : 88). Le nombre important de communes semble être un problème récurrent, qui ne fait que s’accroitre par le fait que ces communes rencontrent des problèmes de plus en plus nombreux et complexes ayant besoin de solutions de plus en plus coûteuses. Ces communes sont confrontées à des problèmes économiques et administratifs. Les tentatives pour simplifier le nombre des communes deviennent une constante de la vie administrative française. La recherche de cette simplification n’est pas nouvelle. Elle est inscrite à l’instruction de l’Assemblée nationale à propos des fonctions des assemblées administratives en date du 20 août 1790 :

« il peut être à la convenance de plusieurs communes de se réunir en une seule municipalité, il est dans l’esprit de l’Assemblée nationale de favoriser ces réunions, et les corps administratifs doivent tendre à les provoquer et à les multiplier par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. C’est par elles qu’un plus grand nombre de citoyens se trouvera lié sous un même régime, que l’administration municipale prendra un caractère plus imposant, et qu’on obtiendra deux grands avantages toujours essentiels à acquérir, la simplicité et l’économie » (Instruction de l'Assemblée nationale cité dans Motte, 2003 : 107).

Cette instruction n’introduit pas les bases d’une coopération intercommunale. Son but est de pallier l’émiettement communal. L’assemble nationale a annoncé que des changements aux limites soit des départements soit des districts pouvaient être apportés si les convenances locales et intérêts des administrés exigent que quelque partie de territoire soit transportée d’un département ou d’un district à un autre. En dehors du projet de fusion de communes, l’intercommunalité apparait comme un choix dans la rationalisation administrative. Cela s’explique par l’évolution de la législation dans la longue histoire de la coopération intercommunale française.

25 Nous nommons « périmètre de solidarité » un espace qui comprend le périmètre institutionnel (EPCI) et les compétences.

66 Nous ne nous proposons pas ici une histoire de l’intercommunalité. L'histoire peut cependant nous aider à comprendre l’évolution de l’intercommunalité. C’est pourquoi nous n’analyserons pas en détails l’histoire de l’intercommunalité. Nous nous intéresserons aux lois et aux règlements qui introduisent les grands changements dans les fonctionnements de la coopération intercommunale. Deux idées principales sont à l’origine du travail qui est présenté. La première sera une étude des syndicats, ce que certains appellent une intercommunalité «associative». La deuxième étudiera les types de coopération intercommunale qui définissent une intercommunalité « fédérative ».

1.1.1 L’intercommunalité « associative ».

L’histoire de l’intercommunalité en France commence au XIX siècle par la Loi du 18 juillet 1837 créant les commissions syndicales pour la gestion des biens indivis entre communes et pour la réalisation de travaux d’intérêt commun. Ensuite, la Loi du 5 avril 1884 mettant en place le fonctionnement des communes a institué la coopération intercommunale sous forme des relations intercommunales : les ententes et les conférences. Il n’y avait aucune structure ad hoc établie par cette loi. Ces deux formules sont de simples relations basées sur les engagements entre une commune et ses communes voisines. Ces types de relation intercommunale donnent aux conseils municipaux la possibilité de « constituer des « ententes » dans le cadre desquelles des « questions d’intérêt commun »26 pourront être débattues au sein de « conférences » où chaque conseil municipal sera représenté et dont les décisions devront être ratifiées par ces conseils » (Pezon et Petitet, 2004 : 2).

Les ententes sont des conventions qui lient les communes, simples relations contractuelles fixant leurs engagements mutuels. Les conférences intercommunales sont quant à elles de simples forums de discussion sans pouvoir de décision. Ces conférences suscitent seulement un engagement moral (Moquay, 1996 : 17). C’est pourquoi ces types de relation intercommunale sont insuffisants lorsqu’il s’agit d’intérêt commun concernant les services.

L’engagement des communes pour confier un ensemble de tâches que ces communes souhaitent réaliser collectivement dans une structure formelle a été facilité juridiquement par la Loi du 22 mars 1890. Elle a créé la forme la plus ancienne de coopération intercommunale en France : le syndicat intercommunal. Celui-ci est introduit comme personnalité juridique de droit public, constituée par l’association libre de plusieurs communes. Par cette loi, le législateur a autorisé les communes à constituer entre elles un établissement public autonome destiné à créer

67 et gérer un service d’intérêt commun. Ces syndicats ont pour but de défendre les droits et les intérêts sociaux, économiques et professionnels de ses adhérents. Ces syndicats sont des établissements publics spécialisés. Ils permettent d’adapter la gestion communale comme les nécessités techniques (électrification, adduction d’eau) et les besoins qui sortent des limites territoriales des communes (transports, urbanisme, assainissement). Ces syndicats se sont développés lentement à cause d’un contrôle strict de leur opportunité, imprégné d’une vision restrictive de l’intervention communale appliquée par le Conseil d’Etat (Pezon et Petitet, 2004 : 3). En témoigne le nombre de syndicats avant les années trente (voir tableau 2 suivant).

Tableau 2 : Le nombre de syndicats de 1897 à 1953

Années Nombre de syndicats

1897 8

1908 22

1914 40

1936 2 168

1953 3 828

Source : Pezon et Petitet (2004 : 3)

Le nombre de syndicats s’est fortement développé après la reconnaissance des syndicats mixtes par le décret-Loi du 30 octobre 1935. Un décret du 20 mai 195527 a diversifié ces syndicats mixtes : les communes sont autorisées à associer d’autres personnes morales de droit public. Les regroupements des collectivités publiques de nature et de niveau différents sont donc autorisés. Ce décret est le texte fondateur des syndicats mixtes fermés et des syndicats mixtes ouverts. Dans le cadre de l’évolution des institutions intercommunales et du renforcement de la coopération intercommunale mis en place dans les années cinquante, les ordonnances du 5 janvier 195928ont instauré la création de syndicats à vocation unique (SIVU) et à vocation multiple (SIVOM). Ces derniers peuvent avoir plusieurs missions comme l’adduction d’eau, la lutte contre les incendies, la construction et la gestion d’installations sportives, de locaux scolaires, de crèches, de maisons de retraite ou encore, du transport de personnes. Les SIVU, les SIVOM et les syndicats mixtes fondent une intercommunalité « associative ».

27 Le décret du 20 mai 1955 (n° 55-606)

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1.1.2 L’intercommunalité « fédérative »

La définition de l’intercommunalité « fédérative » est donnée aux types de coopération intercommunale hors des syndicats classiques. La même année que la création du SIVOM, l’intercommunalité « fédérative » a été instaurée par les ordonnances du 5 janvier 195929 qui ont créé la formule du district urbain. L’Etat a proposé ce district urbain comme une première étape vers « la formation d’une nouvelle collectivité territoriale unitaire » dans l’intercommunalité. Cette formation est dotée de compétences obligatoires et reçoit une partie des taxes locales. Cela veut dire que cette formation soulève un problème concernant l’indépendance financière de ses communes membres, à tel point que le district urbain n’est pas bien accueilli par les communes. D’autres formules de coopération intercommunale ont vu le jour à la fin de 1966. L’Etat a imposé la création de la communauté urbaine qui permet d’intégrer la coopération tout en maintenant l’existence des communes membres. La Loi du 31 décembre 1966 a institué les quatre premières communautés urbaines : Lyon, Strasbourg, Lille et Bordeaux.

Malgré ces réformes, comme nous l’avons évoqué plus haut, le découpage institutionnel français au niveau local reste un problème. Le morcellement communal étant devenu inadapté et archaïque, il s’agissait, pour l’Etat de reconfigurer la caractéristique de ce découpage communal par la diminution significative du nombre de communes. Afin de supprimer 10 000 communes, la Loi du 16 juillet 197130 sur la fusion des communes a renforcé les regroupements des communes. En 1974, l’aboutissement de 779 fusions n’a concerné que 1 909 communes parce que l’idée de fusion a fait face à des blocages (Chantepie, 2008 : 3). La loi Marcellin a provoqué un refus des élus.

En raison des résistances à mettre en place la fusion, le gouvernement privilégie à présent la coopération intercommunale comme la solution la plus efficace pour pallier les inconvénients du morcellement (Le Saout, 2012). Une relance de l'intercommunalité a été amorcée par la Loi du 6 février 1992.31 Avec cette loi, l’intercommunalité a connu un premier tournant sur l’administration territoriale de la République : « la fédération des moyens est perçue comme la voie la plus pertinente d’organisation d’un projet de développement » (Dussauge et Larcade, 2006 : 105). À travers son rôle en tant que promoteur d’intercommunalité « de projet », la Loi ATR a proposé les formules des communautés de communes et des communautés de villes.

29 Les ordonnances du 5 janvier 1959 (n°59-30)

30 Loi n° 71-588 sur les fusions et regroupements de communes dite loi Marcellin.

69 L’intercommunalité a pris son rythme de développement dans les années 1990 grâce à la formule de la communauté de communes qui a remporté un succès immédiat, manifesté par son succès quantitatif. Les communautés de communes étaient 192 à la fin de l'année de leur institution législative en 1992. Elles se sont multipliées rapidement : 554 en 1993, 562 en 1994, 756 en 1995 et 894 en 1996 et 1348 en 1999 (Gaxie cité dans CURAPP, 1997 : 26). Le dernier chiffre a été influencé par la Loi du 12 juillet 199932 qui a amplifié la création de l’intercommunalité par la simplification des règles applicables en matière d’EPCI. D’une part, cette loi a introduit le renforcement de l’intercommunalité, notamment l’intercommunalité urbaine en créant les communautés d’agglomération et en réformant les communautés urbaines. D’autre part, la Loi Chevènement a supprimé certaines formes d’EPCI : districts, communautés de ville et, à terme, syndicats d’agglomération nouvelle. La Loi Chevènement a encouragé la taxe professionnelle unique (TPU). Le fonctionnement de l’intercommunalité a été amélioré par les dispositions de la Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales en renforçant la cohérence des périmètres des structures intercommunales et en facilitant leur évolution vers des structures intégrées.

En 2010, une nouvelle loi, la Loi de Réforme des Collectivités Territoriales (RCT)33 vient réorganiser le paysage territorial. Le gouvernement a fixé trois objectifs à cette loi : « (1) la couverture intercommunale intégrale du territoire français du début de l’année 2014, (2) la rationalisation des périmètres des structures intercommunales à la même échéance et (3) l’approfondissement de l’intercommunalité » (Pauliat et Deffigier, 2011 : 77). La Loi RCT enrichit les institutions des EPCI en créant le Pôle Métropolitain et la Métropole. Pour cette dernière, sa naissance est due à la Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles (MAPAM).34 Celle-ci donne un statut particulier à Paris, Lyon, et Aix-Marseille et abaisse la condition de seuil démographique de 500 000 habitants exigés par la Loi RCT à 400 000 habitants pour créer les métropoles dans le but du renforcement de l'intercommunalité.

32 Loi n° 99-586 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale dite Loi Chevènement.

33 Loi n° 2010-1563 16 décembre 2010 : La loi de réforme des collectivités territoriales dite la Loi RCT

34 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite Loi MAPAM ou Loi MAPTAM.

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