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Remplacement de l’ICHA par la TVA

5.1 Le projet de réforme du régime fiscal fédéral

5.1.2 Remplacement de l’ICHA par la TVA

Le remplacement du système de l’ICHA par celui de la TVA, tel qu’il était en vigueur dans les pays membres de la Communauté européenne, constituait le pivot du projet de réforme adopté par les Chambres fédéra-les en décembre 1990. L’introduction de la TVA à la place de l’ICHA était en effet depuis de nombreuses années la principale revendication des mi-lieux industriels et financiers en matière fiscale.

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Sous leur impulsion, deux tentatives dans ce sens avaient d’ailleurs déjà été effectuées dans les années 1970. La première avait été rejetée lors d’un vote populaire en 1977, par une majorité de près de 60 % d’opposants. La tentative suivante, en 1. J.-C. Lambelet, L’économie suisse…, op. cit., p. 74.

2. Les allégements prévus directement par la révision de la Loi fédérale sur les droits de timbre (suppression du droit sur les stocks des négociants en titres, du droit d’émission sur les obligations et actions émises en monnaies étrangè-res par les sociétés étrangèétrangè-res, du droit de négociation sur les papiers monétai-res étrangers dont l’échéance est inférieure à 12 mois, etc.) devaient entraîner, compte tenu de la compensation partielle sous forme d’introduction d’un droit de timbre sur les contrats d’assurance-vie, un manque à gagner de près de 300 millions. Mais cette révision prévoyait également — compétence était don-née au Conseil fédéral d’agir dans ce sens — la suppression du droit de timbre sur les emprunts en francs suisses de débiteurs étrangers, ce qui devait provo-quer une diminution supplémentaire de recettes estimée à 200 millions. Il s’agit des estimations faites à l’époque par l’Administration fédérale des finances; cf. la NZZ du 8 mai 1991.

3. En fait, une partie des milieux patronaux était plutôt favorable à une modifica-tion du système de l’ICHA, éliminant ce qui représentait à leurs yeux des in-convénients, sans passer à la TVA proprement dite. Toutefois, un ICHA ainsi modifié aurait été pratiquement similaire au système de la TVA. Aussi ces sub-tiles différences ne sont-elles ici pas prises en compte. Ce qui permet également d’éviter de compliquer encore un domaine déjà passablement rébarbatif.

1979, avait subi un échec encore plus cuisant : plus de 65 % des bulletins valables portaient un Non.

Dans l’optique des milieux d’affaires, le système de l’ICHA présentait deux inconvénients majeurs. Pour les comprendre, il faut commencer par décrire les principaux attributs de l’ICHA. Il s’agissait d’un impôt sur la consommation, prélevé normalement au taux de 6,2 %, sauf pour certaines marchandises dites de première nécessité telles que les produits alimen-taires, l’eau, le gaz, l’électricité, les livres et les journaux, etc., qui étaient exonérées. D’autre part, la grande majorité des prestations de service n’étaient pas directement imposées, dans les domaines de la restauration/

hôtellerie, de la construction (travaux d’architectes et d’ingénieurs), des transports, de la publicité, des activités de conseil juridique, financier ou fiscal, des soins esthétiques, des loisirs, etc. Les exploitations agricoles n’étaient pas non plus soumises à l’impôt.

Dernière caractéristique importante, l’ICHA était un impôt dit « à stade unique sans déduction de l’impôt préalable ». Les implications de cette ca-ractéristique ne peuvent être saisies que si l’on sait que presque tout bien de consommation passe par plusieurs étapes avant de parvenir au con-sommateur final : par exemple, du fabricant de produits semi-finis au fa-bricant de produits finis, puis au grossiste, puis au magasin de détail, et enfin au consommateur final. Certes, l’ICHA de 6,2 % n’était perçu par le fisc que lors de la vente finale de ce bien. Mais chacun des maillons précé-dant cette vente devait payer l’ICHA sur les moyens de production qu’il achetait : usines et entrepôts, machines, outillage, moyens de transport, équipements de bureau, etc. Il répercutait donc cette charge sur le prix des marchandises qu’il vendait au maillon suivant, sans que celui-ci puisse la déduire par la suite. Il se produisait donc un effet de cascade qui avait pour conséquence, en fin de compte, de grever les produits suisses d’une charge supérieure au taux nominal de 6,2%. Cette charge supplémentaire, qui tournait en moyenne autour de 1,5 % du prix des marchandises helvé-tiques, n’apparaissait pas ouvertement; pour cette raison, elle s’était vue attribuer le nom de « taxe occulte ».

Cette taxe occulte constituait le premier inconvénient que les milieux in-dustriels et financiers désiraient éliminer en remplaçant l’ICHA par la TVA. De manière intéressée, ces milieux ont polarisé le débat public, aussi bien lors du premier vote populaire sur la réforme du régime fiscal fédéral (2 juin 1991) que du deuxième (28 novembre 1993), autour de cette taxe oc-culte. Ils ont répété jusqu’à satiété qu’elle mettait en danger la compétiti-vité des entreprises helvétiques. En effet, celles-ci avaient le droit de dégre-ver l’ICHA sur les produits qu’elles exportaient. Mais ce dégrèvement ne touchait pas la taxe occulte. Les cercles patronaux, en particulier l’indus-trie d’exportation, ont donc martelé qu’il en résultait un renchérissement des marchandises suisses, renchérissement qui les handicapait dans la

lutte concurrentielle sur les marchés étrangers. « La priorité doit être donnée à l’adoption » de la TVA, écrit le Vorort dans son manifeste déjà souvent cité, car « cela permettra d’éliminer […] la taxe occulte, qui affaiblit gravement la compétitivité de l’économie suisse et surtout celle de son industrie. »

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La taxe occulte, insiste la NZZ, « signifie de considérables désavantages compétitifs pour les entreprises dont les biens sont soumis à la concurrence internationale. »

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Il y a de bonnes raisons de penser que ces plaintes étaient exagérées.

Nous avons vu plus haut que, pour les produits helvétiques exportés, la compétition portant sur les prix était et est largement relativisée par celle portant sur d’autres critères : qualité, innovation, délais de livraison, ser-vices après-vente, crédits à l’achat, etc.3 Ensuite, il faut s’interroger : quelle incidence pouvait avoir la hausse minime des prix induite par la taxe oc-culte par rapport au renchérissement du franc suisse? Répondant à cette question dans son rapport économique annuel consacré à la Suisse, l’OCDE soulignait en 1990 : « Dans la réalité, le désavantage concurrentiel lié à cette taxe occulte estimée à un à deux pour cent environ, devrait être plutôt mineur en comparaison avec l’effet de l’appréciation parfois importante du franc suisse sur le marché des changes. »

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Enfin, en 1993 et 1994, malgré l’existence de l’ICHA et donc de la taxe occulte, la balance commerciale suisse a obtenu ses deux meilleurs résultats jamais observés en temps de paix au cours du XXe siècle. Dès lors, « on peut raisonnablement se demander », comme le fait l’économiste Bernard Lambert, une fois la TVA introduite,

« si l’industrie exportatrice suisse avait besoin d’un tel coup de pouce aux dépens des consommateurs. »

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Si les milieux industriels et financiers voulaient éliminer la taxe occulte, c’était peut-être dans certains cas parce qu’elle les handicapait vis-à-vis de la concurrence étrangère. Mais c’était tout autant, et vraisemblablement da-vantage, parce qu’une telle suppression devait accroître leur faculté d’élar-gir leur marge de profit et ainsi d’augmenter la rentabilité de leurs investissements.

Même si ces milieux se sont gardés de mettre cet aspect en avant, il est arrivé qu’ils y fassent référence au détour d’une phrase. À cause de la taxe occulte « la marge de profit s’amoindrit »

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, relèvent ainsi tour à tour deux di-1. La politique économique…, op. cit., p. 43.

2. NZZ, 27-28 avril 1991.

3. Sur ce point, cf. par exemple « Le GATT vu par la Société suisse des Construc-teurs de machines », Société pour le développement de l’Économie suisse, Do-cumentation, 16 août 1994, p. 2.

4. OCDE, Études économiques de l’OCDE, Suisse 1989-1990, Paris, 1990, p. 78. Cf.

également R. Nef, Populärer Immobilismus…, op. cit., p. 56, ainsi que les décla-rations de Pascal Couchepin et de Otto Stich, qui vont dans le même sens; SLI, 19 septembre 1985, et 24 Heures, 18 juin 1993.

5. Journal de Genève, 9 février 1995. Bernard Lambert est économiste à la Banque genevoise Pictet.

6. NZZ, 27 octobre 1993; JAP, 28 octobre 1993, p. 1007.

rigeants du Vorort peu avant le second vote populaire sur la réforme du régime fiscal fédéral (28 novembre 1993). Une fois l’introduction de la TVA acceptée, cet aspect a d’ailleurs été mentionné avec moins de réticence. Par exemple, à la veille de l’entrée en vigueur du nouvel impôt, la Société des Constructeurs de Machines fait savoir que grâce à « la suppression de la taxe occulte […] la marge de manœuvre financière des entreprises s’en trouvera améliorée. »

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L’entreprise Sulzer attend du passage à la TVA une augmenta-tion de son bénéfice de l’ordre de 3 % à 4 %.

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L’économiste B. Lambert, déjà cité ci-dessus, estime qu’ « on devrait assister, du moins à très court terme, à une hausse considérable de leurs marges [des entreprises, nda]. »

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Prévision que semble confirmer la réalité. En effet, quelques mois après l’entrée en vi-gueur de la TVA, un sondage portant sur deux cents entreprises environ révèle que grâce «…à la disparition de la taxe occulte, […] à peu près une entre-prise sur trois […] attend […] une amélioration […] de sa marge bénéficiaire. »

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Quoi qu’il en soit, la polarisation du débat public autour de la taxe oc-culte et de la compétitivité de l’économie suisse a permis de laisser dans l’ombre la seconde raison, qui me semble cependant très importante, pour laquelle les milieux industriels et financiers voulaient le remplacement de l’ICHA par la TVA. Afin de comprendre cette deuxième raison, il est né-cessaire de se souvenir des objectifs à moyen ou long terme de ces milieux en matière financière, tels que nous les avons vus précédemment (cf. le chapitre 4.1.). Sous le mot d’ordre : diminution de l’imposition directe et augmentation de l’imposition indirecte, on vise notamment une modifica-tion d’ampleur de la structure interne de la fiscalité fédérale. Il s’agit d’un côté de réduire le poids des impôts qui touchent et/ou gênent les déten-teurs de capitaux et d’avoirs fonciers, et de l’autre d’accroître celui de l’im-position reposant sur la consommation, c’est-à-dire pour l’essentiel sur les couches salariées. Parmi les cibles des milieux bourgeois figure toute une série d’impôts, au premier rang desquels se trouve l’IFD. En 1972 déjà, H. Letsch, le futur Président de l’UCAP, proposait le démantèlement de l’IFD.

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Il était alors relativement isolé, à l’avant-garde si l’on peut dire.

Vingt ans plus tard, cette revendication est devenue le bien commun de l’essentiel des forces patronales. Dans son manifeste, le Vorort souligne par exemple qu’il faut aller vers « une diminution progressive de l’IFD en vue d’une abolition complète de ce dernier ».

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Je reviendrai plus tard sur les moda-lités concrètes de l’offensive bourgeoise contre l’IFD et les autres impôts.

Pour le moment, il suffit de savoir qu’elle existe.

1. Propos rapportés par le NQ, 12 septembre 1994.

2. Cf. ibid.

3. Journal de Genève, 9 février 1995.

4. Notices économiques de l’Union de Banques Suisses, avril/mai 1995, p. 6.

5. Hans Letsch, Öffentliche Finanzen und Finanzpolitik in der Schweiz, Bern/Stutt-gart, 1972, p. 122.

6. Pour une Suisse compétitive…, op. cit., p. 45.

En effet, sur cette voie, l’existence de l’ICHA représentait un gros obsta-cle. Tout transfert de la charge fiscale directe vers l’indirecte, notamment par démantèlement de l’IFD, aurait exigé une forte hausse du taux de l’ICHA. Or, premier inconvénient, la base d’imposition de l’ICHA était assez réduite : rappelons que les prestations de service n’étaient pas impo-sées. Aussi cette hausse aurait-elle sensiblement amplifié les distorsions de la concurrence entre secteurs à l’intérieur même du marché helvétique.

Elle aurait incité, avant tout en période de haute conjoncture, les consom-mateurs à acheter proportionnellement moins de biens manufacturés (re-lativement plus chers parce qu’imposés) et davantage de services (non im-posés). Elle aurait donc aggravé le préjudice des producteurs de biens de consommation.

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Second inconvénient, une telle hausse aurait notablement accru l’ampleur de la taxe occulte, exerçant une pression supplémentaire sur les marges de profit de l’industrie helvétique, ou aggravant dans cer-tains cas le handicap de celle-ci vis-à-vis de la concurrence étrangère.

Dès lors, il aurait été pratiquement impossible, sur le plan politique, de faire passer un projet visant à remplacer en totalité ou en partie l’IFD et/

ou d’autres impôts fédéraux, par un alourdissement de l’ICHA. Non seu-lement un tel projet se serait heurté à l’opposition d’autres groupes so-ciaux, en particulier à celle des organisations de gauche, mais il n’aurait pas pu rassembler derrière lui un front uni et offensif des milieux écono-miques eux-mêmes. Dans l’optique des cercles patronaux, le remplace-ment de l’ICHA par la TVA constituait donc la condition préalable indispen-sable à la réalisation d’un de leurs objectifs centraux : le transfert d’une partie de la charge fiscale fédérale sur les épaules des autres classes et cou-ches sociales. La conclusion s’impose d’elle-même, et elle mérite d’être mise en évidence dès maintenant : à partir du moment où la TVA est intro-duite, la hausse ultérieure de son taux n’en est que la suite logique, presque inévi-table. Cette hausse est en quelque sorte préprogrammée dès le départ.

Encore une fois, les milieux industriels et financiers ainsi que leurs re-présentants ont largement occulté cet aspect. Il est toutefois arrivé qu’ils le mentionnent explicitement. Ainsi, en mars 1989, le Parti radical suisse dé-clare publiquement qu’« à moyen et à long terme » il vise « la suppression de l’impôt fédéral direct »

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, mais que la condition en est l’introduction d’une TVA au taux de 10 %. À la veille du vote populaire de juin 1991 sur le pas-sage à la TVA, le Directeur de la Société des Constructeurs de machines a ces mots significatifs : «…l’extension de la base d’imposition au domaine des services […] et le taux de la TVA qui, pour le moment, est fixé bas en comparaison 1. Sur ce point, cf. Peter Saurer, « La charge fiscale suisse en comparaison internationale », La Vie économique, No 8, octobre 1989, p. 22. À noter qu’il n’était guère possible de remédier à cet inconvénient en étendant l’ICHA aux prestations de service car cela aurait fait croître la taxe occulte.

2. Cf. le SLI du 21 mars 1989.

européenne, laissent le champ libre pour la réalisation de l’aspiration commune des milieux économiques et des forces bourgeoises : le transfert de la charge fiscale en direction des consommateurs. »

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Au lendemain du vote, négatif, le Parti ra-dical réaffirme sa volonté de remplacer l’ICHA par la TVA car, explique-t-il, cette dernière « constitue un préalable important pour la suppression désira-ble de l’impôt fédéral direct. »

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Peu après, le Vorort fait une déclaration simi-laire. Seul l’adjectif change : le passage à la TVA est qualifié ici de préalable

« indispensable »

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à l’élimination de l’IFD. Dernier exemple : peu avant le nouveau vote populaire, de novembre 1993, sur le remplacement de l’ICHA par la TVA, le Directeur du Vorort relève en passant qu’une fois celle-ci introduite, « il faudra envisager, en temps opportun, une hausse du taux.

[…] Les recettes supplémentaires devront servir à compenser les pertes fiscales ré-sultant de l’allégement ou de la suppression d’autres impôts dommageables à l’économie. Par exemple, l’impôt fédéral direct comme le droit d’émission sur la création des fonds propres doivent être réformés. »

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Venons-en maintenant au projet de TVA tel qu’il figurait dans le paquet financier adopté par le Parlement en décembre 1990 et tel qu’il a été soumis au verdict populaire en juin 1991. Ce projet répondait très largement aux préoccupations des secteurs clés du patronat. En effet, il éliminait les deux inconvénients majeurs qui viennent d’être mentionnés. Premièrement, selon le système projeté, désigné dans le jargon comme « multi-stades avec déduction de l’impôt préalable », la TVA devait empêcher l’apparition d’une taxe occulte. Elle devait être prélevée à chaque échelon de la chaîne conduisant une marchandise du producteur au consommateur final.

Autrement dit, chaque entreprise intervenant dans le processus de produc-tion et de distribuproduc-tion devait acquitter l’impôt sur ses ventes. Mais chacune pouvait déduire l’impôt qu’elle avait supporté sur ses propres achats.

Grâce à ce mécanisme, elle se voyait remboursée de la charge fiscale gre-vant ses moyens de production. Aussi la TVA devait-elle éviter les effets de cascade et, par conséquent, la formation d’une taxe occulte.

Deuxièmement, la TVA projetée proscrivait l’apparition de distorsions dans la concurrence. En effet, la TVA était étendue à la quasi-totalité des objets qui échappaient à l’ICHA. Cela concernait en premier lieu le très vaste secteur des prestations de service. Les biens dits de première néces-sité étaient également assujettis. À relever que, pour éviter l’opposition de la paysannerie, les exploitations agricoles continuaient à bénéficier de l’exonération.

1. NZZ, 23 mai 1991 [souligné dans le texte].

2. SLI, 27 août 1991.

3. Vorort, Rapport annuel 1991, Zurich, 1992, p. 36.

4. JAP, 28 octobre 1993, p. 1012.

À noter encore que le taux général de la future TVA devait être le même que celui de l’ICHA, soit 6,2 %.

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Pour un certain nombre de produits de base, il était toutefois prévu un taux réduit de 1,9 %.

Passons aux effets que le paquet financier adopté en décembre 1991 devait avoir sur les comptes de la Confédération. D’une part, l’élimination de la taxe occulte par le passage de l’ICHA à la TVA impliquait une baisse des revenus estimée à un peu plus de 2,1 milliards de francs. Si l’on y ajoute la perte de recettes d’environ 500 millions due à l’allégement prévu des droits de timbre, ainsi qu’une perte d’une centaine de millions due à une modification fiscale annexe

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, le manque à gagner devait s’élever au total à un montant évalué à 2,7 milliards environ. D’autre part, l’extension de la matière assujettie devait entraîner, à terme, des recettes supplémen-taires de l’ordre de 3,1 milliards.

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En fin de compte, le paquet financier devait se solder par un très léger surplus, d’à peu près 400 millions dans la caisse de la Confédération. Ce surcroît de recettes étant négligeable (il équivalait à moins de 1 % du budget fédéral total), on peut donc dire que, du point de vue des comptes fédéraux, le paquet financier était globale-ment neutre.

En revanche, ce paquet était loin d’être neutre du point de vue de ses effets sociaux. Il impliquait un transfert substantiel de la charge fiscale fé-dérale des couches les plus aisées vers le gros de la population salariée. Je reviendrai sur cet aspect dans le chapitre consacré à la seconde tentative, réussie, d’introduction de la TVA (cf. le chapitre 6.2.). Pour le moment, il suffit de dire que d’un côté, un tel paquet allégeait sensiblement les droits de timbre qui gênent et touchent presque exclusivement les milieux finan-ciers. Et il supprimait la taxe occulte, ce qui devait permettre aux milieux industriels d’accroître leurs marges. De l’autre, il compensait ce double dé-lestage, d’un montant global de plus de 2,5 milliards de francs, par une ex-tension de l’imposition, d’une part aux services, et d’autre part à un grand nombre de biens de consommation courante qui n’étaient pas imposés jusque-là. Cette extension devait provoquer une hausse du coût de la vie es-timée à 1 %-2 %. Par conséquent, elle devait tendre à une baisse du pouvoir 1. Sous la pression des partisans de la limitation des ressources de l’État, le Par-lement a décidé que ce taux de 6,2 % continuerait à figurer dans la Constitution même. Cela signifie que toute tentative de modifier ce taux doit automatique-ment être soumise au vote populaire, ce qui n’est pas le cas si le taux est fixé

En revanche, ce paquet était loin d’être neutre du point de vue de ses effets sociaux. Il impliquait un transfert substantiel de la charge fiscale fé-dérale des couches les plus aisées vers le gros de la population salariée. Je reviendrai sur cet aspect dans le chapitre consacré à la seconde tentative, réussie, d’introduction de la TVA (cf. le chapitre 6.2.). Pour le moment, il suffit de dire que d’un côté, un tel paquet allégeait sensiblement les droits de timbre qui gênent et touchent presque exclusivement les milieux finan-ciers. Et il supprimait la taxe occulte, ce qui devait permettre aux milieux industriels d’accroître leurs marges. De l’autre, il compensait ce double dé-lestage, d’un montant global de plus de 2,5 milliards de francs, par une ex-tension de l’imposition, d’une part aux services, et d’autre part à un grand nombre de biens de consommation courante qui n’étaient pas imposés jusque-là. Cette extension devait provoquer une hausse du coût de la vie es-timée à 1 %-2 %. Par conséquent, elle devait tendre à une baisse du pouvoir 1. Sous la pression des partisans de la limitation des ressources de l’État, le Par-lement a décidé que ce taux de 6,2 % continuerait à figurer dans la Constitution même. Cela signifie que toute tentative de modifier ce taux doit automatique-ment être soumise au vote populaire, ce qui n’est pas le cas si le taux est fixé