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Le grand patronat divisé

Les quelques pas faits par la droite en direction de la fraction parlemen-taire sociale-démocrate ont suffi pour que le PSS décide d’accorder « un appui clair et net »

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au projet de paquet financier. Cela en dépit de

« l’abolition partielle du droit de timbre et celle de la taxe occulte » qui, comme le souligne Peter Bodenmann, le Président du parti, « sont, du point de vue de la gauche, deux points négatifs. »

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Il serait trop long de discuter ici les arguments avancés pour justifier un tel choix.

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Relevons seulement qu’il signifiait un recul considérable par rapport aux positions traditionnelles de la gauche institutionnelle en ma-tière de politique fiscale. À sa manière, le commentaire du quotidien La Tribune de Genève sur la décision du Parti socialiste témoigne de l’am-pleur de ce recul : « Il est étonnant de constater que les socialistes ont accepté à l’unanimité (moins deux abstentions) et sans débat contradictoire un projet de taxation indirecte dont ils dénonçaient depuis des années le caractère antisocial. »

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En témoigne également le commentaire, mi-cynique mi-désabusé, que le social-démocrate André Gavillet, ancien patron des finances du canton de Vaud, fait paraître au lendemain de la décision de son Parti. Après avoir souligné à juste titre que ce sont «… les socialistes [qui] ont fait les plus gran-des concessions : les allégements substantiels — le transfert se chiffre par mil-liards — qu’obtiennent les banques et surtout l’industrie d’exportation, seront payés par impôts indirects nouveaux, frappant chacun, les plus modestes compris », après avoir relevé avec raison que le projet qu’ils soutiennent en 1991 est plus antisocial que celui qu’ils ont combattu en 1979, il conclut que la gauche devait faire preuve d’ « abnégation » et « aller au charbon »5, sans que l’on sache bien pourquoi un tel sacrifice était nécessaire. Consi-gne qui a été largement respectée. Dès lors, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Parti socialiste et l’Union syndicale ont compté parmi les adep-tes les plus fermes du produit fabriqué en décembre 1990.

1. Compte rendu de la séance du Comité central du PSS qui décide du mot d’or-dre du Parti, Tribune de Genève, 22 avril 1991.

2. Service de presse du PSS, 20 novembre 1990, p. 2.

3. Il me semble que le point commun des divers arguments avancés pour justifier la décision prise par la direction du PSS est une attitude très défensive, voire fataliste dans le domaine de la politique financière. Cette attitude s’exprime par exemple chez P. Bodenmann lorsque, plaidant devant le Comité central pour le soutien au paquet financier, il déclare que ce dernier «…reflète l’équilibre des forces politiques à Berne. Actuellement, l’insatisfaction est sensiblement plus grande à droite qu’à gauche »; Service de presse du PSS, 23 avril 1991, p. 2.

4. Tribune de Genève, 22 avril 1991.

5. Domaine public, 25 avril 1991.

En revanche, dans le camp bourgeois, malgré le vote largement positif des fractions parlementaires en décembre 1990, le scepticisme était incom-parablement plus grand. À vrai dire, seule l’Union suisse des Paysans a soutenu le projet de réforme fiscale avec énergie. D’une part, les exploita-tions agricoles n’étaient pas assujetties à la TVA. D’autre part, le paquet fi-nancier ne diminuait pas les recettes de la Confédération et ne risquait donc pas de remettre en cause les subventions fédérales au paysannat.

À l’inverse, l’USAM, l’association faîtière du petit patronat où cafetiers/

hôteliers et entrepreneurs de la construction sont particulièrement in-fluents, a mené une vigoureuse campagne prônant le rejet. C’était égale-ment le cas des relais politiques de ces couches, tels que le Parti libéral ou certaines sections cantonales du Parti radical, du Parti démocrate-chrétien et de l’Union démocratique du Centre. Attitude due notamment au fait que ces milieux ne pouvaient de toute façon guère s’enthousiasmer pour un projet de réforme fiscale qui, en étendant l’imposition aux services et à l’ensemble des activités liées à la construction, devait tendre à contracter la demande dans ces domaines.

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Les secteurs clés de l’industrie et de la finance se sont divisés, quant à eux, en deux groupes opposés. Le phénomène revêtant une importance cruciale, je vais m’attarder longuement sur les origines et les enjeux de cette division. D’un côté, les cercles bancaires et leur association, l’ASB, une partie des milieux de l’industrie d’exportation comme la Société suisse des constructeurs de machines, ainsi que le principal quotidien des milieux d’affaires, la NZZ, se sont montrés favorables au projet de paquet financier. De l’autre, de très puissantes associations patronales, où prédo-minent les intérêts des exportateurs, comme le Vorort et l’UCAP, ont fait campagne pour le Non.

Pour comprendre la source de cette division, il faut commencer par sou-ligner que le désaccord entre le groupe des partisans et celui des oppo-sants n’était pas aussi tranché que la presse de l’époque l’a fait croire.

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En fait, le soutien des défenseurs du projet de réforme fiscale était tout sauf ardent, car ils partageaient l’essentiel des critiques avancées par ceux qui le refusaient. « Le nouveau régime financier ne peut susciter l’enthousiasme » dans la mesure où il comporte trop d’ «… éléments qui passent difficilement la rampe »

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reconnaît la Conseillère nationale radicale V. Spörry, pourtant l’une des chevilles ouvrières du paquet financier.

1. Ces petits patrons étaient d’autant plus réticents que l’introduction de la TVA devait obliger nombre d’entre eux à tenir une comptabilité et risquait donc de leur rendre plus compliquée, voire plus difficile, la fraude du fisc.

2. Cf. par exemple Die Weltwoche des 11 avril et 23 mai 1991, ou encore la Sonn-tagsZeitung du 7 avril 1991.

3. Bulletin du Crédit Suisse, février 1991, p. 9.

C’est également « sans enthousiasme », apprend-on, que « la Société suisse des Constructeurs de Machines s’est prononcée […] pour le projet. »

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Dans l’arti-cle qu’il publie pour soutenir le paquet financier, le Directeur de ladite So-ciété prend d’ailleurs soin de mentionner que celui-ci «…ne représente en rien un projet « idéal » du point de vue économique. »

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La NZZ admet égale-ment que les milieux industriels et financiers qui, comme elle, appuient la réforme le font « à vrai dire sans grand enthousiasme ».

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De façon significative, R. Studer, Président de l’Union de Banques Suisses, termine sa prise de po-sition en faveur du paquet financier par ces mots : « Oui, malgré tout ».

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À cette première constatation s’en ajoute une seconde. La division au sein du grand patronat ne suivait pas, pour l’essentiel, une ligne de clivage socio-économique correspondant à des intérêts matériels immédiats. Cer-tes, les milieux bancaires étaient globalement favorables, même si tiède-ment, en raison de l’allégement sensible des droits de timbre qui les tou-chaient. Les sociétés d’assurance se rangeaient du côté des opposants pour la raison inverse. Mais la grande industrie était partagée, la coupure pas-sant à l’intérieur même de certaines branches, à l’instar de l’industrie des machines. Si, on l’a vu, la Société suisse des constructeurs de machines soutenait le projet, sa sœur jumelle, l’Association patronale suisse des constructeurs de machines, y était opposée.

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Cette dernière constatation nous amène au cœur du problème. La divi-sion au sein du grand patronat était avant tout d’ordre politique. Elle corres-pondait principalement à des appréciations différentes quant à l’ampleur des concessions qui avaient été faites dans le cadre du projet de réforme des finances fédérales adopté par le Parlement en décembre 1990.

Les termes mêmes du débat entre opposants et partisans montrent qu’à la source du conflit se trouvait une question de stratégie politique. D’un côté, les grandes organisations patronales opposées au projet ont mis en avant, pour reprendre les termes du Vorort, que « le prix » payé pour obte-nir le passage à la TVA et l’allégement des droits de timbre était « beaucoup trop élevé ».

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Selon elles, il était possible d’obtenir davantage en faisant moins de concessions. Derrière les exagérations de langage, tel est en 1. Die Weltwoche, 23 mai 1991.

2. NZZ, 23 mai 1991.

3. NZZ, 25-26 mai 1991.

4. NZZ, 17 mai 1991.

5. Die Weltwoche, 23 mai 1991. Les résultats de la consultation interne menée par le Vorort auprès de ses membres indiquent aussi, à leur manière, que la cou-pure passait à l’intérieur même des milieux industriels : 30 % des réponses étaient en faveur du paquet financier, 40 % contre, et 30 % indécises; cf. Vorort, Rapport annuel 1990, Neuchâtel, 1991, p. 70.

6. Compte rendu d’un communiqué de presse de la Chambre suisse du Com-merce, l’organe de contrôle du Vorort, NZZ, 27 mars 1991.

substance le message que tient H. Letsch, qui vient alors de quitter la pré-sidence de l’UCAP, lorsqu’il justifie la prise de position des opposants.

Après avoir caractérisé le projet de paquet financier de « capitulation politique », car «… nos parlementaires bourgeois se sont précipités dans le rôle d’exécutants du Parti socialiste », il conclut par ces mots significatifs : « Le gros des opposants […] refusent […] de payer le prix économique et politique beaucoup trop élevé consenti par nos parlementaires. L’objectif essentiel reste l’al-légement de la charge fiscale totale. Si l’on parvenait à un accord entre les oppo-sants et ceux qui, parmi les partisans bourgeois, ressentent un malaise vis-à-vis du « multipack » fiscal, on réussirait à faire passer cet objectif. »

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Kurt Moser, Directeur du Vorort, défend exactement la même perspective. Déplorant le « prix extrêmement élevé » payé sur l’autel du « compromis avec la social-démocratie », il affirme que si « partisans et opposants au projet s’en préoccu-pent déjà aujourd’hui de manière interne, […] il devrait […] être possible [de parvenir] au but visé : […] éviter une nouvelle hausse de la charge fiscale et cor-riger le déséquilibre entre impôts directs et indirects. »

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De l’autre côté, les milieux bourgeois qui soutenaient le projet ont repro-ché à leurs contradicteurs de préconiser une stratégie manquant de réa-lisme, dans la mesure où il s’agissait d’ « une politique du tout ou rien ».

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Ainsi, répondant à H. Letsch et à K. Moser, la NZZ les blâme pour «… un manque visible de vision stratégique » parce qu’ils «… [oublient] que dans le rapport de force politique de notre pays, aucune solution n’est possible qui favo-rise unilatéralement un groupe d’intérêt. »

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Martin Erb, Directeur de la Société suisse des constructeurs de machines, reprend la même critique : « L’espoir propagé par les opposants au projet qu’il sera possible, après un vote populaire né-gatif, de faire passer dans un délai rapide un paquet financier beaucoup plus favo-rable aux intérêts de l’économie, néglige ce qu’enseigne la longue expérience de la Suisse. »

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Ici, il faut souligner un point très important. Cette divergence sur le paquet financier s’inscrivait dans un conflit interne portant sur une question considérablement plus vaste, soit sur l’orientation stratégique générale des sec-teurs centraux du patronat, et plus largement des milieux politiques les représen-tant, vis-à-vis de la gauche institutionnelle.

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Schématiquement, on peut dire que depuis la fin des années 1980, une aile des milieux industriels et finan-ciers était à l’offensive pour modifier l’orientation politique des principales 1. JAP, 16 mai 1991, p. 431. Cf. également son article dans la NZZ du 13 mai 1991.

2. NZZ, 21 mai 1991.

3. NZZ, 9 avril 1991.

4. NZZ, 25-26 mai 1991 [souligné dans le texte].

5. NZZ, 23 mai 1991.

6. Sur ce conflit, cf. Hans Letsch, Soziale Marktwirtschaft als Chance. Die Schweiz auf dem Prüfstand, Aarau, juin 1992, pp. 165-181, ainsi que Viktor Parma, « Les chi-mistes aux commandes », Bilan, avril 1994, pp. 36-40.

associations patronales, en particulier du Vorort, et par ricochet, des partis bourgeois. Il s’agissait de faire passer une ligne plus dure, plus agressive à l’égard des salariés et de leurs organisations. Pour reprendre les termes de H. Letsch, l’un des promoteurs de cette offensive, l’attitude traditionnelle des directions patronales, et à leur suite des parlementaires bourgeois, se résumait à ces trois mots : « Enregistrer, se résigner, trouver un compromis ».

Face à cela, « que cela plaise ou non […] au Parti démocrate-chrétien, au Parti radical ou à l’Union démocratique du Centre, […] au Conseil fédéral, à l’adminis-tration ou aux médias », les milieux patronaux devaient imposer « une orien-tation plus dure […] dans les confronorien-tations politiques », axée davantage sur

« la défense conséquente des demandes de l’économie » et moins sur « la stratégie de l’entente [die Verständigungs-Strategie] » et « les compromis ».

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Ce conflit est resté en partie confiné à l’intérieur même des organisa-tions patronales.

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Mais il s’est aussi exprimé plus ouvertement, et donc plus visiblement, en se transportant sur le terrain politique public. Il s’est notamment cristallisé autour du projet de réforme du régime fiscal fédé-ral. Les propagateurs d’une ligne plus agressive ont fait des concessions, pourtant maigres, accordées par la majorité des parlementaires bourgeois en décembre 1990, l’exemple même de ce que le Conseiller national de l’Union démocratique du Centre Christoph Blocher dénonçait comme le

« bricolage de compromis sans stratégie [konzeptlose Kompromisswurste-lei] ».

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Dans ces conditions, le paquet financier a acquis une haute portée symbolique. Ce qui était en jeu dans la prise de position des principales as-sociations patronales à son égard, puis dans le résultat du vote du 2 juin 1991, allait bien au-delà des seules questions financières.

Le fait que le Vorort, la plus influente organisation faîtière des milieux d’affaires, ait décidé, après beaucoup d’hésitations, de combattre le paquet financier signifiait un important succès des partisans de l’orienta-tion plus agressive. Le refus du paquet en votal’orienta-tion populaire a conforté ce succès : l’aile plus dure du patronat remportait là sur ses adversaires in-ternes une victoire d’autant plus significative qu’elle pouvait s’auréoler d’une sorte de légitimité démocratique. Dans ce sens, ce n’est pas un hasard que les principaux représentants de cette aile, regroupés autour de F. Leutwiler et S. Schmidheiny, aient précisément choisi le lendemain du 1. H. Letsch, Soziale Marktwirtschaft…, op. cit., pp. 173-175.

2. À titre d’exemple, on peut mentionner la lutte qui s’est déroulée à la fin des an-nées 1980 au sein de la Société pour le Développement de l’Économie suisse, une association dont le rôle est de servir de charnière entre le monde patronal et les partis bourgeois. Ce conflit s’est terminé par la victoire des partisans d’une ligne plus dure, qui ont réussi à imposer l’adoption de nouveaux statuts, au début de 1990, et le remplacement d’une partie de la direction, jugée trop conciliante à l’égard des salariés. À ce propos, cf. ibid., pp. 174-177.

3. Cité dans ibid., p. 172.

2 juin pour publier leur « programme pour un ordre plus libéral ».

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Il s’agis-sait d’utiliser cette victoire afin d’asseoir leur emprise idéologique et poli-tique, et gagner l’hégémonie au sein des forces bourgeoises. François Gross, le rédacteur du quotidien fribourgeois La Liberté, mettait le doigt sur ce lien dans le commentaire qu’il faisait de la démarche de F. Leutwiler et consorts. Il relevait que « le résultat de la votation de dimanche dernier sur le régime des finances devrait donner un coup de fouet » à ceux qu’il appelle

« les maîtres à penser du libéralisme helvétique », lesquels veulent « secouer le patronat helvétique, trop somnolent sur le lit des principes de la libre économie. »

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Six mois plus tard, le Vorort publiait à son tour un manifeste qui se situait dans le sillage de son prédécesseur. Le signe ne trompe pas. Comme le souligne H. Letsch avec satisfaction, désormais, c’était bien l’aile plus dure du patronat qui avait le vent en poupe.

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Revenons maintenant au paquet financier lui-même et essayons de comprendre les principaux points sur lesquels les deux courants patro-naux divergeaient.

Pour ce faire il faut se remettre dans le contexte du moment. Au début de l’année 1991, la Confédération venait de boucler ses comptes par un solde positif pour la cinquième année consécutive. Ces excédents lui avaient permis de diminuer considérablement la dette : en francs cons-tants, la dette brute de l’État fédéral avait diminué de plus de 10 % entre 1985 et 1990 et son taux d’endettement brut (rapport entre la dette brute et le PIB) était passé de 17,2 % en 1985 à 12,9 % en 1990.

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La récession économique n’avait pas encore frappé la Suisse. Même si les symptômes d’une telle récession commençaient à se faire clairement sentir, et même si les autorités fédérales pronostiquaient une rapide et massive dégradation de la situation financière de la Confédération en cas de retournement de la conjoncture économique, le projet de budget pour 1991 prévoyait de nou-veaux excédents budgétaires pour les deux années à venir.

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Dans ces circonstances, le fait que, selon le projet adopté par le Parle-ment en décembre 1990, le nouveau régime des finances fédérales devait maintenir, voire accroître légèrement les recettes de la Confédération, et ne devait donc pas déboucher sur des déficits dans le court terme, sauf re-tournement de la situation économique, est apparu inacceptable aux mi-lieux patronaux partisans d’une stratégie plus agressive. Présentant leur point de vue dans la publication de la Société pour le Développement de 1. Ce manifeste a été présenté à la presse le 4 juin 1991.

2. La Liberté, 8-9 juin 1991.

3. Cf. H. Letsch, Soziale Marktwirtschaft…, op. cit., p. 176.

4. Cf. le Message concernant le budget 1992, Berne, 1991, p. 244, et le Message concer-nant le budget 1996, Berne, 1995, p. 632.

5. Cf. le Message concernant le budget pour 1991 et rapport sur le plan financier pour 1992-94, Berne, 1990, pp. 106-108.

l’Économie suisse, ils écrivent qu’ «… étant donné les excédents de recettes considérables qu’a enregistrés la Confédération tout au long des dernières années, il aurait été plus sage d’envisager des baisses de recettes. » D’autant plus, re-lèvent-ils, que « l’expérience montre […] que l’abondance des recettes fiscales stimule en général l’appétit dépensier […]. Le seul et unique moyen politique ef-ficace pour contenir les dépenses consiste à accorder aux pouvoirs publics des res-sources limitées. Or, le projet de « paquet » financier s’inscrit en faux par rap-port à cette exigence. »

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Même son de cloche du côté de l’UCAP : «… non seulement le nouveau régime financier ne [prévoit] rien pour accroître la disci-pline du parlement en matière de dépenses, — fulmine H. Letsch — mais il [ouvre] encore davantage les écluses pour l’afflux de nouvelles recettes dans la caisse fédérale, de telle sorte que l’expansion du budget de l’État, de l’appareil d’État et de la production de lois pourra se poursuivre sans entraves. » Donnant en exemple la politique menée durant les années 1970, il souligne que grâce aux déficits budgétaires de l’époque, « on a été obligé de respecter la discipline budgétaire, [ce] qui a abouti à de véritables « paquets » d’économies » et « a eu pour effet pendant plusieurs années de ralentir con-sidérablement la croissance des dépenses… ».

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Dans le prolongement de ce premier reproche, les milieux d’affaires hostiles au projet de réforme du régime fiscal fédéral ont vivement attaqué la disposition autorisant le Parlement à accroître le taux de la TVA de 1,3 point de pour-cent, le surplus de recettes étant destiné à financer l’AVS en cas de difficultés dues à l’évolution démographique. Pourquoi cette oppo-sition alors que sur le principe, je l’ai signalé plus haut, le patronat était plutôt favorable à ce que les cotisations de sécurité sociale soient en partie remplacées par l’imposition de la consommation?

On ne peut comprendre cette attitude si l’on ne se souvient pas qu’en parallèle à la discussion sur le projet de réforme financière s’en déroulait, aux Chambres, une autre, très importante également : celle sur la 10e révi-sion de l’AVS. À ce moment, l’aile patronale partisane d’une ligne plus dure à l’égard des salariés et de leurs organisations était loin d’avoir gagné une claire majorité au sein des forces bourgeoises pour la remise en

On ne peut comprendre cette attitude si l’on ne se souvient pas qu’en parallèle à la discussion sur le projet de réforme financière s’en déroulait, aux Chambres, une autre, très importante également : celle sur la 10e révi-sion de l’AVS. À ce moment, l’aile patronale partisane d’une ligne plus dure à l’égard des salariés et de leurs organisations était loin d’avoir gagné une claire majorité au sein des forces bourgeoises pour la remise en