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Le deuxième programme d’assainissement

6.1 Politique des caisses vides et

6.1.2 Le deuxième programme d’assainissement

d’assai-nissement est publié par le Conseil fédéral en octobre 1993.

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Excepté une ou deux recettes supplémentaires d’un montant insignifiant, ce nouveau plan ne prévoyait que des économies. Une fois toutes entrées en vigueur, les di-1. La rapidité du processus d’érosion des recettes supplémentaires engendrées par des hausses de l’imposition fixées selon la quantité et non ad valorem dé-pend d’une part de la vigueur de l’inflation et d’autre part de l’ampleur des hausses en question. Si l’on part de l’hypothèse, plutôt faible, d’une augmen-tation moyenne des prix de 2,5 % par an sur la longue durée, on peut estimer, dans le cas des droits sur les carburants, que la moitié des recettes supplémen-taires engendrées par l’entrée en vigueur en 1993 de la hausse de 20 centimes par litre devrait être « mangée » par l’inflation en l’espace de dix ans déjà, c’est-à-dire d’ici 2002. Le même processus d’érosion se produit dans le cas de l’im-position du tabac qui est en large partie fixée selon la quantité et non ad valo-rem, à la différence près que le rythme de l’érosion dans le cas du tabac devrait être encore plus rapide. Dès lors, on comprend encore mieux pourquoi les hausses de la pression fiscale décidées dans le cadre du premier programme d’assainissement du Conseil fédéral ne représentaient qu’une entorse relative à la politique des caisses vides.

2. Il existe encore plusieurs facteurs, de moindre importance, expliquant le chan-gement de position des organisations faîtières du patronat : la hausse de l’im-position des carburants n’a finalement pas été jugée comme un élément d’atonie du marché automobile, celui-ci étant frappé par les effets plus globaux de la récession. De plus, l’adaptation des salaires au renchérissement devenant aléatoire, l’impact du prix de l’essence sur l’indice des prix a été désormais con-sidéré par les milieux économiques comme une question subalterne. Enfin, les autorités fédérales ont largement évité de donner à cette hausse une connota-tion de première étape vers une taxe écologique.

3. Cf. par exemple le JAP du 17 septembre 1992, p. 922.

4. Cet engagement figure dans le Message concernant le budget pour 1993 et rapport sur le plan financier 1994-96, Berne, 1992, p. 8. Celui-ci est adopté par le Conseil fédéral le 28 septembre 1992, quelques jours avant le débat final du Parlement sur le premier programme d’assainissement.

5. Cf. le Message sur les mesures d’assainissement des finances fédérales 1993, 4 octobre 1993, Feuille fédérale 1993, Vol. 4, pp. 313-347.

verses mesures proposées devaient restreindre les dépenses d’une somme globale estimée entre 1,5 et 2 milliards de francs par année, un montant équivalant à environ 3 % des dépenses totales projetées par la Confédéra-tion à l’époque. Parmi ces économies, celles qui devaient frapper directe-ment la grande masse des salariés (diminution des subventions à l’AVS, li-mitation des salaires du personnel fédéral, réduction de subventions destinées à baisser certains prix, etc.) en représentaient à peu près le tiers.

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Les Chambres ont adopté ce programme au pas de charge et sans modifica-tions notables lors des sessions de l’hiver 1993-1994 et du printemps 1994.

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Le fait qu’un tel plan « se présent [ait] comme un pur programme d’écono-mies »

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ne signifiait pas que le Gouvernement ait abandonné officiellement le principe selon lequel l’équilibre budgétaire devait être rétabli grosso modo moitié par limitation des dépenses et moitié par hausse des revenus. Par ailleurs, une situation analogue à celle de 1992 s’est répétée : le Conseil fé-déral déclarait, dans la présentation même de ce deuxième plan, que les mesures d’austérité décidées et proposées jusqu’alors étaient insuffisantes;

et il prenait l’engagement d’élaborer un troisième programme d’assainisse-ment des finances fédérales.

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On ne peut comprendre les deux aspects qui viennent d’être mention-nés sans traiter déjà de l’introduction de la TVA, épisode qui fera l’objet d’un prochain chapitre (cf. le chapitre 6.2.2.). En effet, la période durant la-quelle le Conseil fédéral a élaboré puis publié son deuxième programme est marquée par la discussion publique sur un nouveau projet de TVA, soumis au scrutin populaire le 28 novembre 1993. Pour des raisons tacti-ques, la majorité bourgeoise des Chambres avait décidé de le présenter au vote, doté au choix de deux taux différents, 6,2 % ou 6,5 %.5 Autrement dit, les votants ne devaient pas seulement se prononcer sur le principe de l’in-troduction de la TVA, mais également sur le taux de cette dernière.

Le Gouvernement était partisan du taux le plus élevé qui, selon les cal-culs de l’Administration fédérale des finances, devait rapporter environ 1. À titre de comparaison, les économies projetées dans le domaine militaire re-présentaient, quant à elles, environ 15 % du total. Il faut à nouveau souligner qu’en raison de l’embrouillamini des données chiffrées fournies par les autori-tés fédérales, les estimations que je donne, pour ce programme d’assainisse-ment comme pour les suivants, ne prétendent pas à l’exactitude mais visent seulement à indiquer des ordres de grandeur.

2. Cf. le BoCN 1993, pp. 2361-2376 et 2386-2411; le BoCN 1994, pp. 356-357, ainsi que le Bulletin sténographique officiel de l’Assemblée fédérale — Conseil des États [abrégé désormais BoCE] 1994, pp. 39-64 et 78-82.

3. Message sur les mesures…, 4 octobre 1993, op. cit., p. 302.

4. Cf. ibid., p. 303.

5. Il s’agissait là des taux dits normaux. Relevons qu’à chaque taux normal cor-respondait un second taux appliqué aux biens dits de première nécessité : 1,9 % pour le taux normal de 6,2 %, et 2 % pour le taux normal de 6,5 %.

1,4 milliard de recettes supplémentaires à la Confédération par an, contre 0,8 milliard pour le taux inférieur.

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Défendant du côté de la TVA une crois-sance des recettes de 1,4 milliard, et du côté de son deuxième plan d’aus-térité une diminution des dépenses de 1,5 à 2 milliards, le Conseil fédéral considérait donc qu’il respectait le principe maintes fois répété selon lequel hausse des revenus et baisse des dépenses devaient contribuer de façon plus ou moins équivalente à la résorption des déficits fédéraux.

Du côté des partis bourgeois et des noyaux centraux du patronat, on a longuement hésité sur cette question du taux de la TVA. Dans un premier temps, ces milieux ont plutôt penché vers le pourcentage inférieur. Ainsi, en janvier 1993, la NZZ écrit que « lors du changement de système, c’est au maximum le taux de 6,2 % […] qui devrait être utilisé… »; en effet, argumente-t-elle comme à son habitude, « plus on remplit la caisse de l’État, plus il y a de chances que les intérêts particuliers parviennent à s’imposer », et donc que les pouvoirs publics se chargent « de nouvelles tâches ».

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Si par la suite ces mi-lieux ont changé leur position et, durant la campagne précédant le vote de novembre 1993 sur la TVA, ont finalement appuyé, ou en tout cas n’ont pas combattu, le taux de 6,5 %, c’est essentiellement pour deux raisons.

Premièrement, grâce à leur manœuvre tactique consistant à présenter au choix des votants deux taux de TVA, ils ont pu exercer une pression sur le Gouvernement en faisant dépendre leur appui au taux le plus élevé de la condition suivante : savoir si le Conseil fédéral s’engageait ou non à poursuivre plus avant dans la voie de l’austérité. En janvier 1993, par exemple, le président du Vorort déclare que son organisation décidera de son attitude définitive « en fonction des efforts d’économies annoncées par le Conseil fédéral ».

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Comme on vient de le voir, ils ont obtenu satisfaction puisqu’avant même que le deuxième programme d’austérité ait été dis-cuté au Parlement, pour ne pas dire décidé et a fortiori appliqué, le Gou-vernement leur a donné l’assurance qu’il en élaborerait un troisième.

La seconde raison est très proche de celle qui, fin 1992, avait déjà amené les milieux d’affaires et leurs représentants, en dépit de leur politique des caisses vides, à appuyer le projet fédéral de hausse de l’imposition du car-1. Cf. la NZZ du 18 juin 1993. À relever que le taux de 7 % défendu par O. Stich durant la phase d’élaboration du nouveau projet de TVA, qui aurait rapporté des recettes supplémentaires estimées à un peu plus de deux milliards avait été très rapidement abandonné. Le Vorort avait en effet averti que « jamais » les or-ganisations patronales ne soutiendraient le projet de TVA « si le taux atteint 7 %, ce qui condamnerait le projet à l’échec dès le départ »; Vorort, Rapport annuel 1992, La Chaux-de-Fonds, avril 1993, p. 34.

2. NZZ, 23-24 janvier 1993. Cf. également le Tages-Anzeiger du 17 mars 1993, ainsi que le JAP du 1er avril 1993, p. 384, et du 29 avril 1993, p. 464.

3. Propos rapportés par la NZZ, 9 juillet 1993; cf. également les propos de V. Spörry dans la NZZ du 10 juin 1993.

burant. En dépit de quelques lueurs d’amélioration, la seconde moitié de 1993 a été encore entièrement placée sous le signe du marasme économi-que, et la situation financière de la Confédération continuait à se dégrader.

L’inquiétude mêlée de contrariété qu’éprouvaient des fractions non négli-geables du patronat et des partis bourgeois durant l’hiver 1992-1993, lors de la discussion du premier programme d’assainissement (cf. le chapitre 6.1.1.), ne pouvait que s’en trouver stimulée. À cet élément s’ajoutait, tou-jours comme lors de l’épisode précédent, qu’en regard des quelque huit milliards de déficit atteints par la Confédération en 1993, les quelque 600 millions de recettes supplémentaires correspondant à la différence entre le taux de 6,2 % et celui de 6,5 % n’avaient guère de signification. Ces revenus en plus ne risquaient en aucun cas de remettre en cause la straté-gie bourgeoise axée sur une sévère politique d’austérité. Comme le souli-gne la NZZ dans un éditorial appelant à voter pour le taux supérieur :

«…les recettes supplémentaires sont trop modestes pour libérer les politiciens de la pression à économiser. Même avec un taux de 6,5 %, “Berne” n’échappera pas à l’obligation d’opérer des coupes sombres dans le maquis des tâches et des dépenses. »

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Avant de passer au troisième programme d’assainissement des finances fédérales, soulignons encore que le 28 novembre 1993, la nouvelle mou-ture de TVA, dotée du taux de 6,5 %, est acceptée en votation populaire.

6.1.3 Le troisième programme d’assainissement des finances