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Les parlementaires sont-ils responsables

Il existe plusieurs modèles explicatifs de la crise financière de l’État en dehors de celui auquel je me rattache. Les examiner tous m’emmènerait trop loin. En revanche, je crois qu’il n’est pas inutile de commencer par soumettre l’un d’entre eux à la critique. Non qu’il soit le plus intéressant.

Mais, martelé depuis longtemps dans et par les médias en Suisse comme dans de nombreux autres pays, il a acquis aujourd’hui, au moins au sein du large public, une position à ce point dominante qu’il semble quasiment relever du ce qui va de soi.

Selon ce modèle, qui dérive en droite ligne du courant du « Public Choice », l’origine essentielle de la précarité des finances publiques se trouve du côté des dépenses, et non des recettes. « La raison de fond » des dé-ficits budgétaires, déclarait en février 1995 la Conseillère nationale radi-cale Vreni Spörry, considérée comme une spécialiste des questions finan-cières, « doit être cherchée en premier lieu dans les dépenses et non dans des diminutions de recettes. »

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Credo repris le même jour par la Neue Zürcher Zeitung (abrégée désormais NZZ) qui accusait « la croissance démesurée des dépenses ».

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« Les vraies raisons », répétait une fois de plus, en octobre 1996,

1. NZZ, 21 février 1995 [souligné dans le texte]. Les citations en langue étrangère ont été systématiquement traduites par mes soins.

2. Ibid.

Les origines de la crise financière

Kaspar Villiger, chef radical du Département fédéral des finances, « se si-tuent du côté des dépenses. »

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Mais quelle est l’origine de ce que James Buchanan, l’un des principaux artisans de ce modèle, appelle lui aussi des « dépenses excessives »?

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Les par-tisans du modèle discuté ici avancent d’abord toute une série de facteurs que l’on peut appeler classiques dans le sens où ils se retrouvent, avec des pondérations et des mises en perspective fort différentes, dans tous les mo-dèles explicatifs : croissance et vieillissement de la population, industriali-sation et urbaniindustriali-sation, développement de la technologie et de la culture, armement et guerres, etc. Mais, poursuivent-ils, l’élément le plus impor-tant ne se trouve pas là. En effet, affirment-ils, même si de tels facteurs jouent un rôle considérable, ils n’expliquent qu’en partie la croissance des dépenses étatiques.

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Ces éléments permettent certes de comprendre ce qu’il faudrait appeler l’augmentation normale des dépenses par opposi-tion à la croissance dite « excessive » ou « démesurée ».

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Or, c’est précisément cet excédent de croissance qu’il s’agit d’élucider car c’est lui, toujours dans cette optique, qui constitue la source essentielle des déficits.

Afin d’expliquer un tel excédent, le modèle met alors en cause certaines caractéristiques formelles de la démocratie parlementaire. Dans sa version populaire destinée au grand public, le noyau de l’explication, au-delà de toutes les nuances et variantes, est le suivant : le monde politique et plus particulièrement les parlementaires sont responsables de cet excédent de croissance, et par conséquent des déficits budgétaires, parce qu’ils aug-mentent les dépenses étatiques sans se soucier du reste, leur préoccupa-tion centrale pour ne pas dire exclusive étant de se créer une clientèle et d’obtenir ainsi leur (ré) élection.

Citons quelques exemples récents : « Les années électorales sont toujours des années dispendieuses »

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, décrète Otto Stich, chef du Département fédéral des finances. « La démocratie directe », déclare Dick Marty, Conseiller d’État ra-dical tessinois, « favorise une logique de dépense. Pour gagner les élections, on promet beaucoup, on réalise beaucoup aussi et cela coûte. […] L’année électorale est toujours la plus dispendieuse. »

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Même écho chez l’« économiste en chef » de la 1. NZZ, 21 octobre 1996.

2. James Buchanan, « Why Does Government Grow? », in Th. Borcherding (éd.), Budgets and Bureaucrats : The Sources of Government Growth, Durham, 1977, p. 11.

3. Ainsi, un adepte de ce modèle prétend qu’aux États-Unis seule une proportion de l’ordre de la moitié aux deux tiers de la croissance des dépenses étatiques provient de ces facteurs classiques; cf. Thomas Borcherding, « The Sources of Growth of Public Expenditures in the United States, 1902-1970 », in ibid., p. 56.

4. Le modèle en question se distingue donc par sa dimension fortement normative; je reviens sur cette question un peu plus loin.

5. Facts, No 16, 1995, p. 23.

6. L’Hebdo, 22 septembre 1994, p. 12.

Société de Banque Suisse : « L’inflation de revendications au gré de ligues d’élec-teurs qui se font ou se défont pousse nos hommes politiques, dont les visées sont électorales […], à une surenchère permanente quant à la part des dépenses de l’État dans le produit national. »

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Quant à la NZZ, elle martèle ce leitmotiv dans ses colonnes : « Les politiciens […] veulent en général être réélus et cherchent donc à procurer à leur clientèle le volume le plus élevé possible de prestations étatiques »

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lit-on en janvier 1995. Nouvelle leçon quelques semaines plus tard : « Que les représentants élus du peuple ne veulent pas se soumettre volontairement à cette discipline [budgétaire, nda], cela va de soi. Il est dans la logique du « marché politique » que ne peuvent manifestement avoir du succès que ceux qui sèment gé-néreusement les bienfaits au tarif nul [c’est-à-dire sans augmenter les impôts, nda]. »

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En juillet 1995, l’ancien Rédacteur en chef, Willy Linder, prend le relais : « Les politiciens et les partis “optimisent” leurs chances électorales en se rappelant au bon souvenir de leurs électeurs par un comportement adéquat. Il faut reconnaître que la propension à faire “des cadeaux politiques” constitue une ori-gine essentielle du dérèglement du budget de la Confédération. »

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Au même mo-ment, le journal Finanz und Wirtschaft, également très proche des milieux d’affaires, affirme : « La principale origine des déficits budgétaires, qui croissent depuis le début des années 1990, […] réside dans les largesses du Parlement […].

Pour les politiciens, il est plus simple d’augmenter les dettes de l’État que de mettre en œuvre d’impopulaires économies ou augmentations d’impôts. »

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Comme à son habitude, le Professeur de finances publiques Walter Wittmann n’y va pas par quatre chemins : « L’endettement de l’État », affirme-t-il en janvier 1996,

« est indissolublement lié à notre système parlementaire », car « les politiciens viennent à Berne pour piller la caisse fédérale afin d’être réélus. »

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La version académique ne fait que reprendre ce schéma en lui donnant une forme un peu plus sophistiquée, ceci au moment où s’ouvre une of-fensive en règle contre les politiques keynésiennes de l’après-guerre. Elle établit une homologie entre le fonctionnement idéalisé de la démocratie parlementaire et celui, également idéalisé, du marché capitaliste. « Dans une démocratie — affirme J. Buchanan — la pression qu’exerce sur les politi-ciens la concurrence de ceux qui aspirent à prendre leur place ressemble à la pres-sion exercée sur les entrepreneurs privés. Les entreprises sont en concurrence entre elles […] pour s’attacher la clientèle des consommateurs. De manière simi-laire, les politiciens sont en compétition pour obtenir le soutien de l’électorat… ».

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Dès lors, ce modèle considère que l’attitude rationnelle des responsables politiques, en tant qu’individus privés en concurrence sur le marché élec-1. Société de Banque Suisse, Le Mois économique et financier, novembre 1994, p. 13.

2. NZZ, 22 janvier 1995.

3. NZZ, 12 mars 1995.

4. NZZ, 8-9 juillet 1995.

5. Finanz und Wirtschaft, 14 juin 1995.

6. Propos cités dans et par le Tages-Anzeiger, 18 janvier 1996.

7. James Buchanan/Richard Wagner, Democracy in Deficit. The Political Legacy of

toral, consiste à maximiser les dépenses (et corrélativement à minimiser les impôts), car il s’agit d’une manière particulièrement efficace de con-quérir le vote des citoyens. Étant entendu que les députés n’auront pas à payer le « prix » électoral de la croissance de la dette, puisque celle-ci re-posera sur les épaules de la génération qui les suivra et qui, actuellement, n’est pas en âge de voter.

Partant de ce modèle, le Professeur américain Guy Peters arrive à la con-clusion que les hommes politiques «… tenteront d’augmenter les dépenses pu-bliques […] peu avant les échéances électorales afin d’accroître la probabilité que les citoyens se souviennent de [leurs] bonnes actions et les élisent à nouveau. […]

Par conséquent, […] les années les plus proches des élections devraient connaître des déficits budgétaires plus élevés que les autres années ».

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Trois autres Profes-seurs américains, dont J. Buchanan, prétendent en commun que «… les dé-ficits naissent parce que les politiciens […] trouvent qu’il est de leur propre intérêt de prendre la voie la plus facile dans la politique budgétaire. Ces politiciens ac-croissent leurs perspectives de survie politique en augmentant les dépenses et en engendrant des réductions d’impôts… ».

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Le Professeur allemand Robert von Weizsäcker énonce quant à lui « une thèse qui ne peut être réfutée empirique-ment que difficileempirique-ment », à savoir que « les dépenses sont élevées, en particulier peu avant les échéances électorales, afin de gagner des voix »

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, attitude qui joue un rôle décisif dans l’apparition des déficits budgétaires dans les États dé-mocratiques. En langage plus imagé, le chercheur américain Edward Tufte explique que « la stratégie des politiciens et d’ouvrir rapidement et sûrement le robinet et de remplir l’abreuvoir de façon à avoir un impact sur les électeurs. »

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Dans un des livres les plus récents consacrés aux finances publiques en Suisse, on peut lire le passage suivant : « Tout système politique démocratique n’a-t-il pas une propension à accroître les dépenses et à réduire le fardeau des recettes? […] L’approche des élections rend la classe politique plus généreuse mais aussi moins prévoyante à propos de la couverture financière de ses décisions. »

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À relever que le modèle attribue également une certaine responsabilité au comportement de la bureaucratie étatique, censée accroître les dépenses dans l’objectif d’augmenter ses rémunérations, d’agrandir ses pouvoirs, ou encore de maximiser les montants qu’elle gère.

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Afin de ne pas trop al-longer, je laisse cet aspect de côté.

1. G. Peters, The Politics of Taxation, op. cit., pp. 11 et 115.

2. James Buchanan et al., « Government by Red Ink », in J. Buchanan et al. (éd.), Deficits, op. cit., p. 5.

3. Robert von Weizsäcker, « Staatsverschuldung und Demokratie », Kyklos, Vol. 45, 1992, p. 58.

4. Edward Tufte, Political Control of the Economy, Princeton, 1980, p. 10.

5. Rémi Jequier, « La décision », in Luc Weber et al., Les finances d’un État fédératif.

La Suisse, Paris/Genève, 1992, pp. 336 et 337-338.

6. Cf. notamment William Niskanen, Bureaucracy and Representative Government, Chicago, 1971.

Ouvrons ici une rapide parenthèse pour signaler l’un des corollaires d’une telle conception. Si la précarité des finances publiques est due à la démocratie parlementaire, il est bien évidemment logique de chercher à li-miter cette dernière. C’est ainsi que les partis de droite, vigoureusement stimulés par les organisations patronales, se sont récemment battus, en Suisse, afin d’introduire dans la Constitution, sans limitation temporelle, un mécanisme appelé « frein aux dépenses » (Ausgabenbremse) visant à restreindre les compétences du Parlement lorsqu’il s’agit d’accroître les dépenses. Cette proposition a été approuvée en votation populaire le 12 mars 1995. Désormais, la majorité qualifiée est requise au sein des deux Chambres fédérales pour engager de nouvelles dépenses uniques ou pé-riodiques de, respectivement, plus de 20 et plus de 2 millions de francs, à l’exception des dépenses qu’entraînent les tâches de la Confédération déjà ancrées dans la législation existante.

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Rien de bien dramatique pour le moment. Mais certains projets vont beaucoup plus loin. Le Conseil fédéral projette d’introduire un mécanisme lui octroyant le pouvoir de réduire automatiquement les dépenses.

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Un quotidien romand suggère de priver les parlementaires fédéraux de leurs compétences budgétaires durant l’année électorale.

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Les plus hardis, comme R. von Weizsäcker, proposent de retirer la politique financière des mains du Parlement et de la transférer à une institution qualifiée d’« indé-pendante », comme la Banque centrale.

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1. Cf. notamment Paolo Urio/Véronique Mercks, Le budget de la Confédération. Le système politique suisse face à l’équilibre des finances fédérales, Lausanne, 1996, pp. 71-73. De tels « freins aux dépenses » ont déjà été introduits dans le passé à plusieurs reprises en Suisse, à chaque reprise pour une période provisoire.

Les résultats ont toujours été extrêmement maigres. Cela devrait suffire à dé-montrer que les sources essentielles de la tendance à la hausse des dépenses étatiques ne se situent pas au niveau des caractéristiques formelles de l’organi-sation politique mais au niveau des fondements structurels de la société de marché généralisé; cf. Heinz Kneubühler, Ursachen der Ausgabenmehrung beim Bund insbesondere in der Zeit seit 1913, Schwarzenbach, 1961, pp. 124-125.

2. Cf. le Rapport du Conseil fédéral sur le Programme de législature 1995-1999, 18 mars 1996, Feuille fédérale 1996, Vol. 2, p. 303, ainsi que Le Nouveau Quotidien [abrégé désormais NQ] du 24 janvier 1995, et la NZZ du 22 février 1996.

3. Cf. le NQ du 27 janvier 1995.

4. Cf. R. von Weizsäcker, « Staatsverschuldung… », op. cit., p. 64. R. Tufte, Politi-cal Control…, op. cit., pp. 149-154, évoque des propositions analogues avancées aux États-Unis. Une fois de plus, de telles propositions n’ont rien de nouveau.

Au début des années 1930, le programme de l’Association patriotique vau-doise propose de retirer au Parlement l’initiative des dépenses, en raison de la prétendue surenchère électorale; cf. Roland Bütikofer, « Des gardes civiques à l’Association patriotique vaudoise (1918-1947) », in Hans Ulrich Jost et al., Cent ans de police politique en Suisse (1889-1989), Lausanne, 1992, p. 127.

Que faut-il penser de la conception qui vient d’être présentée? Remar-quons d’abord qu’elle n’a rien de nouveau. Elle existe au contraire depuis si longtemps qu’on peut la ranger au nombre des stéréotypes constitutifs de l’orthodoxie financière. En 1877 déjà, alors que les dépenses publiques ne représentent qu’une petite fraction de celles d’aujourd’hui, le célèbre Professeur français de science financière Paul Leroy-Beaulieu affirme : « Il y a dans nos sociétés modernes et démocratiques […] une cause particulière qui tend à faire hausser […] les dépenses […], c’est la dépendance où se trouvent les membres du parlement d’une foule d’intérêts particuliers ou locaux. En principe, le régime parlementaire est regardé comme un frein aux dépenses excessives; c’est là, en effet, ce qu’il devrait être : nous ne pouvons dire qu’il le soit. […] De toutes parts nos députés fondent sur le budget comme sur une proie; chacun s’efforce d’en arracher un lambeau pour le distribuer à ses commettants. »

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Une dizaine d’années plus tard, le Professeur genevois d’économie et de sociologie Louis Wuarin explique qu’en régime de démocratie parlementaire, « pour durer, les gouvernements se voient contraints de […] plaire à la masse des élec-teurs […], plaire partout, plaire toujours », attitude qui les amène à promettre

« monts et merveilles, des routes aux uns, des bâtiments publics aux autres » et constitue donc « une menace constante pour l’équilibre budgétaire. »

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En 1912, un autre Professeur, français celui-là, réitère que « le régime parlementaire […] est […] enclin à des prodigalités fâcheuses. Il se prête […] à la surenchère électorale. Les membres du parlement se piquent d’émulation pour obtenir le vote de crédits destinés à servir des intérêts politiques et électoraux […]. Le dépouille-ment des crédits législatifs pendant un certain nombre d’années permet assez fa-cilement à un œil exercé de découvrir celles qui sont contemporaines d’élections générales. »

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On peut ensuite objecter qu’elle ne soutient guère une mise en perspec-tive historique, même rapide.

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Prenons le cas de l’Allemagne impériale entre 1881 et 1913. Durant cette période, alors que les pouvoirs parlementai-res sont pratiquement inexistants, les dépenses étatiques passent de 9,9 % du PIB à 17 %, ce qui correspond à un accroissement annuel moyen de 1,7 %.

Entre 1956 et 1995, les dépenses étatiques passent de 30,8 % du PIB à 49,5 %, 1. Paul Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances, Paris, 1877, Vol. 2, p. 573.

2. Louis Wuarin, Le contribuable ou comment défendre sa bourse, Paris/Genève, 1889, pp. 42-45.

3. Edgard Allix, Traité élémentaire de science des finances et de législation financière française, Paris, 1912, p. 5. On trouve une argumentation analogue dans des pu-blications suisses comme, par exemple, le Journal de Genève, 21 décembre 1911, et le Bulletin mensuel de la Société de Banque Suisse, No 7, juillet 1923, p. 129.

4. H. Kneubühler, Ursachen…, op. cit., pp. 121-124, conteste aussi la pertinence d’un tel modèle sous l’angle d’une mise en perspective historique.

soit une augmentation annuelle moyenne de 1,2 %.

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Le rythme de crois-sance est donc plus lent durant la phase parlementaire.

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En Italie, il n’y pas de différence significative entre le rythme de croissance annuel moyen des dépenses de l’État central durant la période fasciste allant de 1923 à 1938 (1,6 %) et celui de la période démocratique allant de 1948 à 1975 (1,5 %).

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Enfin et surtout, ce modèle explicatif ne s’appuie guère sur une démonstra-tion empirique solide.

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Tout semble se passer comme si l’évidence du modèle était établie par le simple sens commun à un point tel qu’il ne soit même pas indispensable de l’asseoir dans les faits, mais qu’il suffise, en paraphrasant la jolie expression d’Edgard Allix, de s’exercer quelque peu les yeux. Ou encore d’affirmer sans l’ombre d’une vérification, comme le fait ci-dessus R. von Weizsäcker, qu’il « ne peut être réfuté empiriquement que difficilement. »

Rares sont les adeptes d’un tel schéma qui se soient donné la peine de chercher à le fonder sur le plan empirique. À ma connaissance, l’ouvrage d’E. Tufte cité précédemment constitue l’une des principales, si ce n’est la principale tentative dans ce sens.

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Aussi est-il assez fréquemment invoqué comme fournissant la preuve palpable de l’existence d’un lien de causalité entre parlementarisme, croissance des dépenses et déficits budgétaires.

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1. Il s’agit de l’ensemble des dépenses étatiques (de l’État central, des Länder et des communes), y compris des institutions de sécurité sociale. Pour les don-nées chiffrées, cf. Peter Flora, State, Economy, and Society in Western Europe 1815-1975, Vol. 1, Frankfurt/London/Chicago, 1983, pp. 383-384, ainsi que le Mes-sage du Conseil fédéral concernant le compte d’État 1996, Berne, 1997, p. 639.

2. Les résultats ne changent pas significativement si on prend d’autres périodes en considération. Entre 1860 et 1913, le rythme de croissance annuel moyen des dé-penses étatiques allemandes atteint 1,2 % (rapportées au produit national). Pour la période 1925-1995, durant laquelle l’Allemagne a connu un régime de démo-cratie parlementaire sauf pendant les douze années de nazisme, le chiffre corres-pondant est également de 1,2 %. Pour les données chiffrées de la phase 1860-1913, cf. Walther Hoffmann, Das Wachstum der deutschen Wirtschaft seit der Mitte des 19. Jahrhunderts, Berlin/Heidelberg/New York, 1965, p. 108. Les données re-latives à la période 1925-1995 sont tirées des ouvrages cités à la note précédente.

3. Cf. P. Flora, State, Economy…, op. cit., p. 400.

4. À relever que même certains des initiateurs de ce genre de modèles semblent com-mencer à mettre en doute leur pertinence; cf. Dominique Lafay, « Théorie économi-que de la bureaucratie : du mea culpa de Niskanen à l’examen des faits », Problèmes économiques. Sélection d’articles français et étrangers, No 2.373, 27 avril 1994, pp. 27-30.

5. E. Tufte, Political Control…, op. cit., p. 56, se plaint d’ailleurs lui-même de l’ab-sence de recherches empiriques dans ce domaine.

6. Ainsi, G. Peters, The Politics of Taxation, op. cit., p. 115, renvoie à deux publica-tions comme preuves empiriques de ses affirmapublica-tions : l’ouvrage de E. Tufte et l’article de Andrew Cowart, « The Economic Policies of European Govern-ments. Part II : Fiscal Policy », British Journal of Political Science, Vol. 8, 1978, pp. 425-440. Or, cet article traite de problèmes très différents et ne fournit donc aucune démonstration factuelle de la corrélation discutée ici. Il irait d’ailleurs plutôt dans le sens contraire en réfutant une idée voisine de celle dont il est question ici, selon laquelle les gouvernements « de gauche » tendent à

pro-Le travail du chercheur américain fait cependant problème sur plusieurs points importants.

E. Tufte, comme tous les adeptes de ce modèle, part de l’hypothèse que les effets économiques positifs entraînés par l’accroissement des dépenses publiques avant les élections, effets à la fois limités et éphémères, seraient malgré tout susceptibles d’exercer une forte influence sur le comporte-ment des électeurs. Autrecomporte-ment dit, une modification modique et dans le court terme de la conjoncture économique serait capable de modifier le comportement électoral de larges couches de citoyens dans un sens

E. Tufte, comme tous les adeptes de ce modèle, part de l’hypothèse que les effets économiques positifs entraînés par l’accroissement des dépenses publiques avant les élections, effets à la fois limités et éphémères, seraient malgré tout susceptibles d’exercer une forte influence sur le comporte-ment des électeurs. Autrecomporte-ment dit, une modification modique et dans le court terme de la conjoncture économique serait capable de modifier le comportement électoral de larges couches de citoyens dans un sens