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Remise en cause des propriétés mathématiques : les trois erreurs d’interprétation de la violation de l’inégalité triangulaire

Une grande part de la littérature sur la distance met à l’écart la question des propriétés mathématiques. Le choix fait par de nombreux auteurs de ne pas insister sur les propriétés métriques des distances, ou plutôt de laisser libre leur respect ou non, et en particulier concernant l’inégalité triangulaire, est justifié par deux postures différentes.

Une première raison tient au fait que certains veulent se donner un cadre théorique intégrant les distances spatiales et les distances non-spatiales. C’est clairement le cas chez le géographe Gatrell468

et plus généralement pour une grande partie des tenants des espaces plastiques469, à l’exception notable de Tobler. Se posant des questions fondamentales de cartographie, autour des systèmes de projection et des distances produites par les systèmes de transport, Tobler répugne à déchirer ses cartes, à en rompre la topologie interne. Ou bien quand il le fait, il le note et souligne le caractère exceptionnel de ces transformations. Les autres auteurs sont plus enclins à réduire au maximum les contraintes mathématiques de leur cadre de réflexion, au risque de sacrifier les propriétés liées à la spatialité.

Une seconde raison de ce choix tient à une orientation épistémologique en faveur de la recherche d’une formule analytique de la distance. C’est en particulier le cas de beaucoup de recherches sur les espaces mentaux470 ou sur les surfaces de transport471. Cette approche cherche à établir par approximation une formule représentant au mieux des données de distance provenant soit de représentations mentales, soit de mesures géographiques. Si ces auteurs discutent des propriétés

465Nous n’avons jamais été modernes : Essai d’anthropologie symétrique (Editions La Découverte, 1991), http://fr.wikipedia.org/wiki/Nous_n%27avons_jamais_%C3%A9t%C3%A9_modernes.

466 « The end of geography or the explosion of place? Conceptualizing space, place and information technology », Progress in human geography 22, no 2 (1998): 181.

467 « The Compulsion of proximity », 277. 468 Gatrell, Distance and space.

469 Bernard Marchand, « Deformation of a transportation surface », Annals of the Association of American Geographers 63 (1973): 507-521; R.G. Golledge et L.J. Hubert, « Some comments on non-Euclidean mental maps », Environment and planning A., no 14 (1982): 107-118.

470 Tobler, « The geometry of mental maps »; Golledge et Hubert, « Some comments on non-Euclidean mental maps ».

471 Tobler, « Map transformation of geographic space »; Marchand, « Deformation of a transportation surface »; G.O. Ewing et R. Wolfe, « Surface feature interpolation on two-dimensional time-space maps », Environment and Planning A. 9 (1977): 419-437; G.M. Hyman et L. Mayhew, « Advances in travel geometry and urban modelling », GeoJournal, no 59 (2004): 191-207.

mathématiques des formules analytiques qu’ils proposent, ils ne s’intéressent pas directement à la nature métrique ou non-métrique des mesures elles-mêmes. La discussion éventuelle porte sur les écarts entre mesures observées et calculs issus du modèle. Ici la focale est mise sur la compréhension de la distance, et non pas sur l’espace directement, en suivant le raisonnement selon lequel une meilleure connaissance de celui-ci devrait découler d’une meilleure formulation de celle-là. Ces deux orientations mises de côté, le débat le plus intéressant porte sur la remise en cause une à une des propriétés mathématiques des distances, nous allons maintenant l’exposer.

On dispose d’un côté de définitions de la distance dans les champs de la géographie, de l’économie et de l’analyse spatiale et de l’autre de définitions abstraites mathématiques aux propriétés établies, vérifiables, démontrables472. Pour les sciences humaines et sociales, l’enjeu consiste, par le dialogue entre ces deux domaines, à établir des correspondances entre les définitions, entre les propriétés. Ainsi on cherche à savoir si les propriétés mathématiques se vérifient dans les mesures empiriques. Si tel n’est pas le cas on va chercher à construire un nouvel appareil mathématique adapté aux propriétés appauvries ou enrichies selon le cas473.

La démarche scientifique invite à poser la totalité des questions possibles face à une construction intellectuelle telle que la distance. La remise en cause des conceptions existantes fait partie intégrante de la démarche scientifique. Les avancées de la connaissance consistent le plus souvent à faire évoluer celle-ci et donc à abandonner des conceptions antérieures. Cependant nous voulons ici affirmer que la posture de remise en cause, tout en étant nécessaire et fondamentale, n’est pas toujours fructueuse dans l’avancée du savoir. Dans le domaine des sciences humaines et sociales, si la remise en cause d’un concept ou d’une idée théorique, comme la distance, n’est pas validée par les faits, alors elle n’est pas pertinente et en reste au niveau d’une hypothèse intellectuelle sans implication pratique, c’est-à-dire une conjecture au sens du langage courant.

Dans l’entreprise scientifique de remise en question des fondements mathématiques de la distance une des voies privilégiées consiste à tester ce que pourrait signifier, pour les analyses géographiques, la remise en cause des quatre propriétés fondamentales. Nous avons montré que c’est la discussion sur la dernière propriété de l’inégalité triangulaire qui s’avère la plus digne d’intérêt474. La symétrie est de toute évidence une propriété inconnue des espaces géographiques475, mais l’enjeu épistémologique de cette observation n’est pas aussi profond que celui lié à l’inégalité du triangle. J’ai exposé dans ma thèse de doctorat une première série de problèmes posés par la supposée violation de l’inégalité triangulaire dans le domaine des transports476. Rappelons que notre analyse voit l’inégalité triangulaire comme garante de l’optimalité de la mesure de la distance. Nous reprenons et étendons ici cette analyse, en particulier avec des sources récentes, car elle constitue un sujet de discussion très illustratif des débats actuels sur la distance et plus généralement sur la conception des transports dans la littérature académique.

Toute une littérature en géographie, mais aussi en économie est, depuis les années 1960, imprégnée de l’idée des espaces plastiques pour reprendre l’énoncé du géographe Forer477 et qui met en avant une conception renouvelée de l’étendue spatiale s’exprimant en particulier par des cartographies déformées comme les anamorphoses478. Ces travaux ont cherché à illustrer les formes prises par

472 Confère au paragraphe « Erreur : source de la référence non trouvée », page Erreur : source de la référence non trouvée.

473 L’Hostis, « Images de synthèse pour l’aménagement du territoire: la déformation de l’espace par les réseaux de transport rapide », 113.

474 Ibid., 120.

475 Brunet, « Les sens de la distance », 16.

476 L’Hostis, « Images de synthèse pour l’aménagement du territoire: la déformation de l’espace par les réseaux de transport rapide », 120.

477 « A Place for plastic space ».

478 Waldo Rudolph Tobler, « Geographic area and map projections », Geographical Review 53 (1963): 59-78; Gatrell, Distance and space; C. Cauvin, « Espaces cognitifs et transformations cartographiques », 1984; Rimbert,

Carto-l’espace géographique en fonction de relations entre les lieux479 en réaction à la rigidité de la cartographie conventionnelle tendue dans un effort de réduction de l’inexactitude et de la distorsion480

que l’on peut voir comme un prolongement de l’orientation scientifique fixée par Ptolémée, une quête d’exactitude481. De ce fait je ne partage pas le reproche que Lévy fait à la cartographie actuelle de n’avoir pas suivi le « tournant » que la géographie a pu imprimer dans les sciences sociales482. Même si ces idées étaient en germe dans des travaux cartographiques du début du 20e siècle483, les cartographies des espaces plastiques, ont constitué un renouvellement en profondeur des conceptions de l’espace de la géographie. Or les images produites par ces recherches induisent une remise en cause, explicite ou implicite, des conceptions antérieures de l’espace et des distances, pour l’essentiel euclidiennes comme on l’a vu484. Ma thèse de doctorat mise à part, aucune source ne détaille en profondeur le sens géographique de l’inégalité triangulaire. Au contraire, lorsqu’elle est évoquée, elle est mentionnée rapidement et fait régulièrement l’objet d’erreurs d’interprétation.

Nous allons examiner de manière critique la littérature académique ayant discuté la définition de la distance et de la propriété de l’inégalité triangulaire, en recensant les erreurs d’interprétation, au nombre de trois, commises aussi bien par les géographes que par les économistes. Dans la thèse de doctorat nous avions identifiée une unique erreur. Il nous a semblé pertinent de la subdiviser en trois erreurs. L’une générale et les deux autres constituant des formalisations particulières de cette erreur générale ; les trois interprétations sont étroitement liées.

Une première série d’erreurs

porte sur le fait de considérer une mesure sous-optimale de l’écartement entre deux lieux comme équivalente à une me-sure de distance.

Le géographe quantitativiste Haggett présente le problème consistant à représenter correc-tement la position d’un ensemble de villes p, q, r, et s séparées par des écarts donnés485 :

Cette illustration reprend en

grande partie les données d’un exemple présenté précédemment486. Or dans son exemple d’applica-tion, représentée sur la figure 44, les mesures ne respectent pas l’inégalité triangulaire : ainsi entre q et s l’écart est de 6 heures mais en passant par r, si on additionne les écarts (2+3) on aboutit à une mesure de 5 heures. Ceci signifie que la mesure indiquée par Haggett n’est pas la plus petite mesure observée dans les chemins liant les villes entre elles. Au sens mathématique la mesure présentée par Haggett est un écart, c’est-à-dire une mesure sans propriétés particulières487, mais n’est pas une dis-tance, car elle comprend des mesures non optimales. Cette situation sub-optimale est présente pour d’autres couples de villes. Certes Haggett est resté prudent dans sa désignation, utilisant le vocable

graphies.

479 Pumain, « Essai sur la distance et l’espace géographique », 37.

480 Jean-Claude Müller, « Non-Euclidean geographic spaces: mapping functional distances », Geographical analysis 14 (1982): 189-203.

481 Ptolémée, Traité de géographie de Claude Ptolémée. 482 Lévy, « A Cartographic Turn? ».

483 Joseph Letaconnoux, « Note comparative sur la distance en temps entre l’intérieur de la Bretagne et la mer, au XVIIIe, XIXe et XXe siècle », Annales de Bretagne 23, no 3 (1907): 305-321, doi:10.3406/abpo.1907.1272. 484 Dans la partie intitulée « L’encombrante distance euclidienne », page 50.

485 Peter Haggett, Geography, a global synthesis (Harlow: Prentice Hall, 2001), 341.

486 Peter Haggett, Andrew D. Cliff, et Allan E. Frey, Locational methods in human geography (London: Edward Arnold, 1977), 326.

487 Comme nous l’avons définie à la page 56.

Illustration 44. Quatre villes séparées

par des écarts, mesures non opti-males violant l’inégalité du triangle, c’est nous qui soulignons (Haggett 2001, 341)

Illustration 45. Quatre villes séparées

par des distances, mesures optimales respectant l’inégalité du triangle

d’écart, mais les mesures qu’il représente ne peuvent former une distance et c’est là que réside l’er-reur à notre sens.

Haggett semble avoir disposé des nombres choisis aléatoirement sur son diagramme. Or s’il s’agit bien d’un es-pace géographique comme il le laisse supposer puisque les sommets sont des villes, on devrait pouvoir retrouver des propriétés de l’espace et des réseaux dans les mesures qu’il indique. Deux chemins peuvent avoir des longueurs différentes, mais si un chemin est plus court alors il correspond à une dis-tance ; s’il existe un chemin plus court que celui indiqué alors celui-ci n’est pas la distance, n’est pas le chemin réel, ob-servable. L’itinéraire le plus court doit être privilégié pour représenter l’écart entre les deux lieux.

La représentation de Haggett est la seule relevée au cours de cette analyse bibliographique qui présente des me-sures sous-optimales, mais elle est re-présentative d’une conception de la dis-tance comme une abstraction sans pro-priétés particulières488. Au contraire, une illustration de même type proposée par Lynch présente des mesures optimales de durées entre quatre points489. Ici, sur l’illustration 45, ce sont bien des me-sures d’une distance qui sont représen-tées.

Parmi les représentations des distances fournies au public, les expériences me-nées à Genève depuis les anme-nées 2000 fournissent des illustrations très intéres-santes490. Ainsi la figure ci-contre montre-t-elle une cartographie des dis-tances piétonnes dans la ville de Ge-nève. On constatera que les mesures in-diquées sont des distances au sens ma-thématique, et qu’elles respectent toutes l’inégalité triangulaire. Pour véri-fier le respect de la propriété il suffit d’examiner, à l’intérieur de chacune des mailles du graphe, les valeurs de dis-tance associées aux arcs : les éven-tuelles violations sont alors apparentes, comme celle illustrée sur la figure 44 au-dessus. Une mesure sous-optimale sur

488 Gatrell, Distance and space; Dumolard, « Distances, accessibility and spatial diffusion ». 489 Lynch, L’Image de la cité, 191.

Illustration 47. Distances-temps dans le plan piéton de la vile de Pontevedra (site web www.pontevedra.es consulté en août 2014) Illustration 46. Distances-temps du piéton à Genève en 2000 (Lavadi-no 2011, 433)

ce plan n’aurait aucun sens pour le lecteur qui cherche à construire un itinéraire et à évaluer le temps nécessaire pour son trajet. Cette représentation est un autre exemple de respect de l’inégalité trian-gulaire.

Plus récemment, la commune espagnole de Pontevedra a proposé un plan piéton avec des distances indiquées en durée et en longueur de trajet en mètres entre un ensemble de lieux urbains significatifs. En plus des trajets directs entre les principaux lieux, le plan figure aussi des distances entre des itiné -raires plus longs distingués par des couleurs différentes, par exemple entre le centre urbain et un lieu périphérique comme le campus universitaire. Là aussi le respect de l’inégalité triangulaire est patent. Nous reviendrons plus bas sur la question de l’optimalité de la distance491.

Une deuxième série d’erreurs, qui est la plus fréquemment observée, concerne la confusion entre

ligne droite et plus court chemin.

Commençons par Müller, géographe, spécialiste de cartographie et d’information géographique, qui en 1982 donne l’exemple d’un « automobiliste effectuant un détour pour éviter la congestion [comme une] preuve d’une situation ou l’inégalité du triangle ne s’applique plus »492. Dans cette situation l’automobiliste cherche à minimiser la durée de son déplacement. Dans une perspective économique, la distance est définie comme un chemin minimal. En conséquence, ici, la distance sera calculée selon un itinéraire minimisant la durée totale du déplacement, ce qui entraîne un respect de l’inégalité triangulaire. Dans l’exemple de Müller c’est la loi d’Archimède, le fait que la ligne droite soit la plus courte entre deux points493, qui est violée et non pas l’inégalité triangulaire. S’appuyant sur des travaux menés par son équipe dans les années 1970494, Golledge décrit une situation de violation de l’inégalité triangulaire, à certains moments, dans l’espace cognitif urbain495. Cette situation s’apparente au cas de la congestion sur lequel s’appuie Müller.

Cette même interprétation erronée est développée par la géographe Cauvin dans sa thèse de 1984, à partir de la comparaison des durées de déplacement entre un itinéraire le long d’une route secondaire alignée sur la ligne droite, et un itinéraire empruntant une autoroute effectuant un détour496. Pour Cauvin, « l’automobiliste aura besoin de moins de temps pour franchir la distance [pq + qr] que la distance [pr], en particulier s’il possède une automobile puissante »497. Elle en déduit que « en unités de temps, l’inégalité du triangle […] est violée ». Ici, comme dans l’exemple de Müller, la ligne droite n’est pas le chemin le plus court, mais l’inégalité du triangle n’est pour autant pas violée. Il s’agit en fait d’une confusion entre la métrique euclidienne et une métrique économique calculée le long d’un itinéraire de coût minimal. Tous ces auteurs concluent à une violation de l’inégalité triangulaire dans une situation où la ligne droite n’est pas le chemin le plus court.

Les géographes Ahmed et Miller mentionnent la possibilité pour une matrice de temps de déplacement de violer l’inégalité triangulaire dans le cas où « des trajets indirects sont plus courts que des trajets directs »498. Ici aussi la référence est faite à un trajet proche de la ligne droite, direct, par opposition à un trajet comportant des détours. C’est implicitement une référence à la ligne droite euclidienne, comme dans les interprétations précédentes.

490 Sonia Lavadinho, « Le renouveau de la marche urbaine: Terrains, acteurs et politiques » (Ecole normale supérieure de lyon-ENS LYON, 2011), 433, http://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00737160/.

491 Nous consacrons plus loin une section entière à cette question : « La distance et l’optimum », à partir de la page 100.

492 « Non-Euclidean geographic spaces: mapping functional distances », 191.

493 Ce n’est pas Euclide mais Archimède qui le premier énonce le caractère optimal de la ligne droite « de toutes les lignes ayant les mêmes extrémités la ligne droite est la plus courte » (Heath, The Works Of Archimedes, 193.). 494 Victoria Lynne Rivizzigno, « Cognitive representations of an urban area » (Ohio State University, 1976). 495Wayfinding Behavior: Cognitive Mapping and Other Spatial Processes (JHU Press, 1999), 8.

496 « Espaces cognitifs et transformations cartographiques », 62. 497 Ibid.

498 « Time–space transformations of geographic space for exploring, analyzing and visualizing transportation systems », Journal of Transport Geography 15, no 1 (2007): 4, doi:10.1016/j.jtrangeo.2005.11.004.

La confusion est aussi reprise par Lévy499 qui présente l’inégalité du triangle comme étant une caractéristique de la distance euclidienne. Il considère que cette propriété n’est pas observée dans le cas d’un chemin empruntant les réseaux de transport rapide « peu connexes »500.

Toujours chez les géographes, Dumolard présente l’inégalité du triangle comme le fait que tous les chemins différents d’une ligne droite sont plus longs que la ligne droite501. Il s’agit encore d’une référence à l’espace euclidien ; on sait pourtant que la plupart des distances géographiques sont non-euclidiennes.

La même interprétation est établie, en économie spatiale, par Perreur en 1989 concernant le chemin minimal calculé selon la loi de la réfraction en optique502. Perreur va jusqu’à écrire que le non-respect systématique de l’inégalité triangulaire, en réalité le fait que la ligne droite soit rarement le chemin optimal, traduit l’idée que « l’espace économique n’est pas métrique »503. Cette interprétation disparaît dans l’article écrit avec Huriot en 1990504. Ils font alors référence à la nature non-euclidienne du mouvement : « l’itinéraire choisi s’écarte de la ligne droite ». Cette dernière citation porte la discussion sur la forme de la distance, et il n’est plus question d’une violation de l’inégalité du triangle.

En économie spatiale également, le travail de Rouget mentionne la possibilité que « sur de petits parcours, cas fréquent en ville » l’inégalité du triangle n’est pas respectée par la « distance effective exprimée en temps de transport »505. Cette interprétation fait référence au caractère non-euclidien des petits trajets urbains.

On retrouve cette interprétation erronée dans la préface d’un ouvrage interdisciplinaire sur la proximité, écrite par Lamure, informaticien, qui explique les quatre axiomes de la distance en écrivant que « l’inégalité triangulaire affirme que le plus court chemin d’un point à un autre est la ligne droite »506. Plus loin il pose que cette idée apparaît comme une évidence507.

Le lecteur sera sans doute lassé de cette litanie d’erreurs d’interprétation. Pourtant l’accumulation permet d’insister sur la prégnance de ce problème, et démontre la nécessité d’y répondre et de proposer une interprétation correcte.

La plupart de ces confusions provient de l’idée que l’on considère la longueur d’un chemin minimum en temps comme une distance. Or ceci est une erreur, car cette longueur n’est pas le seul élément qu’il faut optimiser dans le cas d’un réseau comportant des vitesses différentes, c’est-à-dire le cas le plus général dans les espaces géographiques. De plus, les espaces en question ne sont pas euclidiens, ce qui entraîne que la vérification de l’inégalité triangulaire ne peut s’appuyer sur des lignes droites.

La troisième série d’erreurs provient d’une discussion économique sur les problèmes d’additivité de

portions de trajet pour former des itinéraires complets.

Nous avons présenté précédemment, dans la section consacrée à « La distance en économie »508, la distance de coût minimum proposée par Huriot, Smith et Thisse, qui permet de considérer le caractère sub-additif des portions de trajet composant un itinéraire optimal509. Le transport aérien de

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