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5. EPILOGUE

5.2 Et si c’était à refaire ?

Dans cette partie de ma conclusion, je vais revenir sur la recherche de manière globale, en essayant d’effectuer un retour critique sur la manière dont elle a été pensée et mise en œuvre. Cette réflexion devrait donc me permettre de mettre à jour les limites des choix que j’ai pu faire. Dans cette perspective, je rejoins bien l’idée que mon processus était une initiation à la recherche scientifique, et que de cette expérience comme je l’ai d’ailleurs développé tout au long de ma recherche, je dois garder la mémoire à la fois de ce qui a bien fonctionné, mais aussi de ce qui a moins bien fonctionné. Ainsi, cet état des lieux devrait transformer une possible autre expérimentation scientifique de ce genre.

Comme le formule si bien Van Der Maren (1996) : « […] chaque méthode a ses limites et en choisir une implique de les assumer, c’est-à-dire un renoncement » (p. 11). Concernant mon choix d’effectuer un recueil de données en réalisant et en conduisant des entretiens, j’ai pu éprouver les aspects positifs de cette technique, mais aussi relever non pas ce que j’appellerai ici des points négatifs, mais plutôt des pistes de réflexion.

Par rapport aux points positifs liés à ce choix, j’ai pu obtenir un matériel très riche et très nuancé, ce qui m’a donc permis d’effectuer des analyses assez fines de ce qui était en jeu dans le concept d’identité.

Par ailleurs et en lien avec la situation universitaire dans laquelle je me trouve actuellement, je dois avouer que le fait de pouvoir être à nouveau en contact avec le

Laura GOSTELI | Septembre 2013 103

terrain a été à la fois une grande source de motivation, mais aussi une grande source de réflexion, surtout en lien avec la thématique de mon mémoire et la carrière professionnelle à laquelle je me destine.

Pour terminer, je dois également avouer que j’ai été assez facilement séduite par la souplesse et la faible directivité du genre de dispositif impliqué par les entretiens.

Cependant, et pour rejoindre les propos de Van Der Maren (1996), j’ai très vite été confrontée non pas à des limites, mais plutôt à des difficultés qui m’ont fait « revoir ma copie » quant à la perception première que je pouvais avoir du geste scientifique qui est celui de concevoir et de mener des entretiens.

Tout d’abord, j’ai pu expérimenter à quel point la position d’interviewer était difficile à adopter et à tenir tout au long de l’entretien. En effet et parce que la thématique que je traite m’intéresse et me concerne, nombreuses ont été les fois où l’entretien aurait pu prendre la direction d’une discussion, à l’intérieur de laquelle j’aurais échangé mes points de vue avec ceux de mes sujets. A certains moments, j’ai même douté de la pertinence de mes questions. En effet, je me suis mise à la place des enseignants, et je me suis dit que j’aurais pu trouver certaines questions non pertinentes, dans le sens où tous les enseignants allaient y répondre par les mêmes éléments. En cela, je pense pouvoir rejoindre ce qui est avancé par Bourdieu (1993) : « […] l’interrogation tend naturellement à devenir une socioanalyse à deux dans laquelle l’analyste se trouve pris, et mis à l’épreuve, autant que celui qu’il soumet à l’interrogation » (p. 908).

En bref, il a donc parfois été très difficile de ne pas sortir de cette position spécifique qu’est celle du chercheur. Cette difficulté a été d’ailleurs d’autant plus ressentie que je connaissais certains des enseignants que j’ai interrogés. J’ai l’impression que c’est d’ailleurs dans ces entretiens-là que la notion d’influences réciproques dans l’échange a pris tout son sens pour moi. En effet, il a fallu gérer les implicites, les choses qui semblaient aller de soi, en demandant à chaque fois aux enseignants concernés de justifier leurs propos, ce qui leur a parfois paru étrange.

Pour avoir expérimenté cette technique, je dirai que sa souplesse est à la fois un critère attrayant, mais qu’elle suppose tout de même une réflexion qui doit se construire, construction qui ne peut se faire qu’en expérimentant à plusieurs reprises. En lien avec ma recherche, la pratique et la rétroaction sur des entretiens dits « exploratoires » aurait peut-être permis d’obtenir des données encore plus riches et plus nuancées.

D’un point de vue plus pratique, je pense que j’aurais sans doute dû effectuer une récolte des données qui soit moins tardive en termes de délais. En effet, les enseignants sont toujours très pris, et le fait que l’étape de la récolte de données ait été réalisée aussi

tardivement a non seulement rendu la mise en place de ces entretiens assez laborieuse, mais m’a surtout fait passer à côté de la réalisation d’un entretien collectif qui aurait sans doute été très riche. Ce dernier aurait permis la confrontation directe des points de vue des enseignants, alors que sous la forme que ma recherche a prise, ce sont mes mises en lien et mes interprétations qui sont à l’origine de la confrontation de ces points de vue.

Pour terminer, je voudrais souligner deux limites que j’ai pu entrevoir dans ma recherche et dans les orientations que je lui ai fait prendre.

La première réside dans la difficulté pour les enseignants interrogés et de ce fait pour moi-même dans l’analyse de leurs propos, de faire la différence entre ce qu’ils aimeraient être ou avoir été, et ce qu’ils sont ou ce qu’ils ont réellement été. Au jour d’aujourd’hui, je n’ai pas trouvé de moyens méthodologiques pour pallier à cette difficulté, si ce n’est de ne pas procéder uniquement à des entretiens mais plutôt à des prises de données qui soient combinées, en utilisant par exemple la démarche d’observation. Dans ce cas, il faudrait pouvoir mettre en place une étude longitudinale sur plusieurs années pour dégager des indices dans les actions des enseignants, en les comparants d’une période à l’autre. En d’autres termes, il s’agirait de trianguler les données de manière encore plus poussée.

La seconde limite réside dans les difficultés que certains enseignants ont eues à se remémorer des éléments relatifs au début de leur carrière. Pour pallier à cette difficulté, j’envisage deux possibilités. La première est celle qui viserait à se baser sur des éléments précis ayant eu lieu et étant communs à l’ensemble des enseignants interrogés (par exemple l’introduction d’un moyen d’enseignement précis, ou d’une nouvelle directive).

La seconde rejoint une des idées que j’avais initialement eue. Il s’agirait de comparer l’identité d’un enseignant novice avec celle d’un enseignant chevronné. Ici, on retrouverait la limite de l’écart entre idéal et réalité, et nous perdrions l’idée d’évolution au fil du temps et pour un même enseignant. Cependant, nous pourrions comparer l’identité de deux populations d’enseignants différents, en faisant ainsi des hypothèses sur la manière dont celle-ci peut évoluer pour ces deux populations. La difficulté relative à la mémoire qui est à mobiliser est ici effacée, puisque la comparaison s’effectue à un moment « T » dans la carrière de ces deux types d’enseignants.

Cette idée m’est notamment venue en lien avec des vidéos que nous avions dû réaliser au tout début de notre formation et justement pour un module relatif aux rôles et à l’identité de l’enseignant. Ces vidéos nous ont été remontrées en fin de formation. Le constat a été frappant : il semblait que les représentations que nous avions du rôle et de l’identité de l’enseignant se réduisaient principalement à la question de l’autorité et de la gestion de classe. Par rapport au visionnage de ces productions, je me souviens avoir eu un regard assez enjoué parce que quatre ans plus tard, je savais qu’être enseignant c’est beaucoup

Laura GOSTELI | Septembre 2013 105

plus que cela. Observer l’écart qui peut alors exister entre les représentations du métier chez un enseignant débutant et chez un enseignant chevronné, est donc sans doute un autre moyen de pouvoir faire état de ces transformations.