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Exercer la profession d’enseignant: avoir été, ne plus être et devenir ? Le développement professionnel: parcours identitaires de quelques enseignants de l'école primaire genevoise

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Texte intégral

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Master

Reference

Exercer la profession d'enseignant: avoir été, ne plus être et devenir

? Le développement professionnel: parcours identitaires de quelques enseignants de l'école primaire genevoise

GOSTELI, Laura

Abstract

La recherche développée ici a pour thématique principale l'identité des enseignants et son évolution au fil de la carrière. En effet et par le biais d'entretiens individuels menés auprès de huit enseignants chevronnés de l'école publique primaire genevoise, il s'agit ici d'ouvrir la réflexion sur la place qu'un enseignant peut prendre dans sa profession au fil du temps, et au fil des changements à la fois identitaires et institutionnels, qu'il peut vivre. Ces entretiens prennent la forme d'un bilan effectué sur le chemin parcourru et sur la manière d'investir le métier hier et aujourd'hui, en faisant également des hypothèses sur la place qui pourra être prise ou non dans la suite de la carrière professionnelle.

GOSTELI, Laura. Exercer la profession d'enseignant: avoir été, ne plus être et devenir

? Le développement professionnel: parcours identitaires de quelques enseignants de l'école primaire genevoise. Master : Univ. Genève, 2013

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:31223

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Exercer la profession d’enseignant : avoir été, ne plus être et devenir ?

Le développement professionnel : parcours identitaires de quelques enseignants de l’école primaire genevoise.

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU/DE LA MAITRISE EN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE (MAEP)

PAR Laura GOSTELI

DIRECTEUR DU MEMOIRE Anne PERREARD-VITE

JURY

Kristine BALSLEV

Santiago MOSQUERA ROA

GENEVE, Septembre 2013

UNIVERSITE DE GENEVE

INSTITUT UNIVERSITAIRE DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

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RESUME

La recherche développée ici a pour thématique principale l'identité des enseignants et son évolution au fil de la carrière. En effet et par le biais d'entretiens individuels menés auprès de huit enseignants chevronnés de l'école publique primaire genevoise, il s'agit ici d'ouvrir la réflexion sur la place qu'un enseignant peut prendre dans sa profession au fil du temps, et au fil des changements à la fois identitaires et institutionnels, qu'il peut vivre. Ces entretiens prennent la forme d'un bilan effectué sur le chemin parcourru et sur la manière d'investir le métier hier et aujourd'hui, en faisant également des hypothèses sur la place qui pourra être prise ou non dans la suite de la carrière professionnelle. Ce bilan conduit les enseignants à se poser diverses questions: quelle(s) est/sont la/les évolution(s) vécue(s)? Comment la/les perçoivent-ils, la/les comprennent-ils et se positionnent-ils par rapport à elle(s)? La réponse à ces questions nous emmène notamment sur l'appréhension de tensions quotidiennement vécues dans l'exercice du métier d'enseignant, à savoir : la liberté/la contrainte et l'identité professionnelle/personnelle, divers équilibres qui nous permettent de mettre à jour des

"tendances identitaires". La définition de "tendances" et non de "profils", rappelle que bien que les enseignants puissent se regrouper autour de certains "invariants" relatifs à la profession, ils se construisent également dans leur singularité.

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Institut Universitaire de Formation des Enseignants (IUFE) Maîtrise en Enseignement Primaire (MAEP)

Travail de Mémoire

Exercer la profession d’enseignant : avoir été, ne plus être et devenir ?

Le développement professionnel : parcours identitaires de quelques enseignants de l’école

primaire genevoise.

GOSTELI Laura Jury

Anne PERRÉARD ViTÉ, directrice

Kristine BALSLEV, membre de la commission

Santiago MOSQUERA ROA, membre de la commission

Septembre 2013

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REMERCIEMENTS

Tout d’abord, je souhaiterais remercier les membres de ma famille pour avoir cru en moi et pour m’avoir soutenue à toutes les étapes de la réalisation de ce mémoire. Présents à chaque instant, que ce soit pour les bons ou les moins bons moments, ils ont été les piliers sur lesquels j’ai pu à de nombreuses reprises m’appuyer. Toute ma reconnaissance va plus particulièrement à ma mère qui m’a transmis la chose la plus essentielle qui soit : le désir d’apprendre, d’aller toujours plus loin, et de croire que rien n’est impossible.

Un grand merci également à toutes mes collègues étudiantes, croisées par hasard un matin à l’entrée d’une salle de cours, et qui sont devenues au fil de toute ma formation bien plus que des camarades de « galère », des amies. Avoir autour de vous des personnes qui vivent les mêmes choses, qui vous comprennent, qui aspirent aux mêmes objectifs, a été une énorme source de motivation et de développement d’un point de vue aussi bien professionnel que personnel.

Bien évidemment, je remercie également tous les enseignants de l’école primaire genevoise qui ont gentiment accepté de participer à mon projet de mémoire. Tout comme Mme BALSLEV et Mr. MOSQUERA qui ont accepté d’être membres de ma commission de mémoire, ils ont tous participé à la réflexion que j’ai menée en en étant tantôt la source, et tantôt une forme de son aboutissement. Sans eux, rien n’aurait été possible, ou en tout cas rien n’aurait ressemblé trait pour trait à ce qu’ils ont contribué à construire.

Enfin, je me devais également de remercier très chaleureusement ma directrice de mémoire Anne Perréard Vité, qui a toujours su trouver les mots pour m’accompagner au mieux dans ce processus. Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir permis de bénéficier de ses compétences professionnelles mais aussi humaines. Travailler avec elle sur ce mémoire aura symboliquement été une manière de « boucler la boucle » : c’est en effet elle qui est à l’origine de mon admission dans la formation. Ainsi, nos chemins se seront croisés au début et à la fin de ce qui a été pour moi, une formidable aventure.

MERCI

à tous !

Laura.

« Ne vous endormez pas en pensant qu’une chose est impossible, vous pourriez être réveillé par le bruit que ferait quelqu’un en train de la réaliser. »

(Proverbe anonyme du XXème siècle)

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TABLE DES MATIÈRES

PARTIE THÉORIQUE

1. INTRODUCTION ... 1

1.1 Au commencement… ... 1

1.2 De ce que l’on pense savoir…à ce que l’on veut comprendre ... 3

1.3 De ce que l’on pense savoir…à ce que l’on veut comprendre ... 4

1.4 Entre allées et venues : présentation de la structure du mémoire ... 4

2. CADRAGE CONCEPTUEL ... 6

2.1 « C’est quoi être enseignant ? » : d’un idéal préconstruit à une réalité complexe… ... 8

2.1.1 « Etre enseignant, c’est faire preuve de maîtrise » : un discours idéalisé ... 8

2.1.2 « Etre enseignant, c’est apprendre dans la reconnaissance de l’autre » : prise de conscience ... 10

2.1.3 « Etre enseignant, c’est construire sa propre identité professionnelle » : au plus près de la réalité ... 12

2.2 Un enseignant : une identité qui s’adapte aux contextes ... 16

2.2.1 L’expérience : clef de voûte des changements identitaires ? ... 17

2.2.2 De l’expérience à l’investissement personnel de la profession ... 20

2.3 Aux frontières de l’identité enseignante : entre la profession passée et la profession présente ... 22

2.3.1 Les compétences : de l’acquis à la définition de nouveaux horizons ... 22

2.3.2 Liberté et contrainte : un équilibre sans cesse (re)questionné ... 24

2.4 Et pour demain : quelle identité enseignante ? ... 26

3. REPÈRES MÉTHODOLOGIQUES... 27

3.1 Démarche méthodologique choisie ... 27

3.1.1 Questionnement autour du dispositif de recherche ... 28

(7)

3.1.2 La démarche d’entretien comme instrument de recherche ... 28

3.1.3 Un recueil de données en deux étapes ... 30

3.2 Contexte de la recherche ... 32

3.2.1 Choix de l’échantillon ... 32

3.2.2 Conditions de passation des entretiens ... 35

3.3 Traitement des données ... 36

3.3.1 Vous avez dit, « analyse de contenu » ? ... 36

3.3.2 Première étape : l’exploration globale des données recueillies lors des premiers entretiens ... 38

3.3.3 Seconde étape : vers la mise en œuvre des seconds entretiens ... 39

3.3.4 Troisième étape : une analyse basée sur le principe de résonance ... 39

PARTIE ANALYTIQUE

4. PRÉSENTATION & ANALYSE DES DONNÉES... 42

4.1 Les compétences professionnelles ... 43

4.1.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 43

4.1.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 48

4.1.3 Synthèse ... 51

4.2 Les origines des changements dans la profession ... 53

4.2.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 53

4.2.2 Présentation et analyse des données du second échantillon ... 57

4.2.3 Synthèse ... 63

4.3 Positionnement par rapport à l’évolution / au changement ... 65

4.3.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 65

(8)

4.3.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 67

4.3.3 Synthèse ... 69

4.4 Perception et rapport à la liberté ... 70

4.4.1 Présentation et analyse des données du premier échantillon ... 70

4.4.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 73

4.4.3 Synthèse ... 76

4.5 Perception et rapport à la contrainte ... 77

4.5.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 78

4.5.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 79

4.5.3 Synthèse ... 81

4.6 Perception de l’articulation entre liberté et contrainte ... 81

4.6.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 82

4.6.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 83

4.6.3 Synthèse ... 84

4.7 L’investissement personnel de la profession au fil du temps ... 85

4.7.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 85

4.7.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 87

4.7.3 Synthèse ... 90

4.8 Perception de l’enseignant hier, aujourd’hui et demain : invariants et instabilités ... 91

4.8.1 Présentation et analyse des données du premier groupe... 91

4.8.2 Présentation et analyse des données du second groupe ... 93

4.8.3 Synthèse ... 96

(9)

PARTIE CONCLUSIVE

5. EPILOGUE ... 97

5.1 Pour faire le point … ... 97

5.2 Et si c’était à refaire ? ... 102

5.3 Le mot de la fin ... 105

BIBLIOGRAPHIE

Références conceptuelles ... 107

Références méthodologiques ... 109

Autres références ... 109

Webographie ... 110

ANNEXES

Annexe 1 : Canevas entretiens 1 ... 111

Annexe 2 : Décomposition des concepts (entretiens 1)... 113

Annexe 3 : Canevas entretiens 2 ... 117

Annexe 4 : Transcriptions des seconds entretiens ... 122

Entretien enseignant 1 ... 122

Entretien enseignant 2 ... 135

Entretien enseignant 3 ... 153

Entretien enseignant 4 ... 165

Annexe 5 : Traitement des données (échantillon 1)... 177

(10)

1. Les compétences professionnelles ... 177

2. Les origines des changements dans la profession ... 184

3. Positionnement par rapport à l’évolution / au changement ... 191

4. Perception et rapport à la liberté ... 198

5. Perception et rapport à la contrainte ... 200

6.Perception de l’articulation entre liberté et contrainte ... 203

7. L’investissement personnel de la profession au fil du temps ... 206

8. Perception de l’enseignant hier, aujourd’hui et demain : invariants et instabilités ... 208

Annexe 6 : Traitement des données (échantillon 2)... 212

1. Les compétences professionnelles ... 212

2. Les origines des changements dans la profession ... 220

3. Positionnement par rapport à l’évolution / au changement ... 232

4. Perception et rapport à la liberté ... 237

5. Perception et rapport à la contrainte ... 245

6.Perception de l’articulation entre contrainte et liberté ... 250

7. L’investissement personnel de la profession au fil du temps ... 251

8. Perception de l’enseignant hier, aujourd’hui et demain : invariants et instabilités ... 255

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Partie théorique

Introduction Cadrage conceptuel

Repères

méthodologiques

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1. INTRODUCTION

Un travail de recherche demande un investissement considérable que l’on ne fournit pas de la même manière selon si l’on trouve ou non une satisfaction personnelle à vouloir l’effectuer. Cette satisfaction peut naître à la fois de l’intérêt que l’on porte à la problématique soulevée, mais aussi et surtout aux apports que celle-ci peut avoir tout d’abord sur un plan personnel, et éventuellement ensuite pour les divers acteurs qui prennent part au projet. En bref, la visée principale de toute recherche quelle qu’elle soit, est donc bien celle d’un développement, qui, s’il ne se matérialise jamais par une réponse complète et incontestable à la question de recherche construite, permet à l’individu qui l’effectue et à ceux qui y ont accès, de rentrer dans un éternel renouvellement des connaissances. En cela, il est possible de se référer aux propos tenus par Van Der Maren (1996, p. 276) qui souligne que : « chaque recherche particulière n’est qu’une brique qui s’ajoute aux autres dans un travail collectif où certains éléments seront conservés et renforcés, d’autres seront restaurés ou modifiés alors que quelques-uns paraîtront nouveaux ».

1.1 Au commencement…

Le point de départ de toute recherche est un questionnement qui dépend à la fois des parcours de formation, mais aussi des expériences personnelles et de l’identité, dimensions qui sont propres à tout un chacun, et qui peuvent nous rendre plus ou moins sensibles à certains objets de recherche. En ce qui me concerne, j’ai choisi de m’intéresser au métier d’enseignant tel qu’il est perçu aujourd’hui par les praticiens genevois, et en écho avec la façon dont ces derniers se le représentaient il y a une quinzaine d’années. Il s’agit donc d’effectuer une sorte de rétrospective sur ce que la profession a été, pour pouvoir mieux mesurer le chemin qui a été parcouru jusqu’à aujourd’hui, faisant état des transformations identitaires ayant entraîné un certain nombre de positionnements, ou en tout cas d’adaptations du côté des enseignants.

A l’origine de ce questionnement, il y a tout d’abord un constat unanime réalisé notamment dans le contexte genevois : le métier d’enseignant évolue. En effet à Genève, cette évolution a été marquée par l’introduction récente des directeurs d’établissement, ainsi que d’un nouveau plan d’études. A cela, on parle aujourd’hui d’ajouter encore l’anglais au programme, et même de faire école le mercredi matin. Que de changements qui peuvent donner l’impression que tout est arrivé d’un coup, que tout a été bouleversé

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Laura GOSTELI | Septembre 2013 2

en même temps. Or, des changements, il y en a toujours eu dans grand nombre de domaines. Cependant, il est à noter que certaines périodes sont peut-être plus

« habitées » de ces changements, en ce sens qu’ils suscitent de plus fortes réactions, aussi bien positives que négatives. En effet, les changements ont bien souvent des implications assez importantes sur un grand nombre de dimensions relatives à l’enseignant et à sa profession, et peuvent tantôt être associés à quelque chose de bénéfique et positif, tantôt à quelque chose de négatif. Mais alors, comment les enseignants, qui sont donc les principaux concernés, vivent-ils ces nouveautés ? Ont-ils tous la même façon de les accueillir et de les comprendre ?

Par ailleurs, j’ai ici fait état d’éléments ayant été modifiés de manière « institutionnelle » par des réformes, mais qu’en est-il alors de ces changements qui se font sur le long terme et de manière plus implicite, tels que les changements liés à l’identité même des enseignants ? En effet, pas de lois ni de réformes sur cette question, mais des représentations de la profession qui évoluent et qui impliquent donc des changements identitaires. Il semblerait donc que la perception du métier évolue parfois au fil des réformes et parfois selon l’identité de chacun. Faut-il alors penser de manière séparée les changements « institutionnels » et les changements identitaires ? Quels peuvent être les liens qui se tissent entre eux ? Doit-on envisager que les influences entre ces deux types de changements, si elles sont remarquables, ne se réalisent qu’à sens unique ?

Si mon questionnement semble donc être chargé socialement parlant, il n’en reste pas moins tout aussi significatif pour moi-même en tant qu’apprentie chercheuse. En cela, la réalisation d’un tel travail de recherche constitue certes une formation à la recherche et à ses divers processus, mais aussi par une recherche en lien avec les connaissances qui peuvent y être acquises. En effet, si je m’intéresse à l’évolution du métier et au regard que les enseignants peuvent y porter, c’est qu’indirectement, je me questionne sur la place que je serai amenée à prendre en tant que future enseignante, dans ce fonctionnement évolutif. En réalité, en observant et en analysant ce qui se passe chez d’autres, je pense pouvoir trouver comment me positionner par rapport à mes propres représentations du métier d’enseignant. D’autre part, j’espère également pouvoir développer des outils pour comprendre les phénomènes liés aux mouvements identitaires, et être ainsi mieux armée pour répondre à des questions du type : où est-ce que j’ai débuté ? Dans quoi est-ce que je suis ? Vers quoi est-ce que je tends ?

Pouvoir donner des éléments de réponse à ces questions n’est pas une manière de prescrire des attitudes à avoir par rapport aux changements qu’il y aurait à vivre au sein d’une carrière. Au contraire, en les vivant en quelque sorte avant l’heure, il s’agit de comprendre les impacts de ces changements sur l’identité et sur les représentations que les enseignants ont de leur profession. Aussi, être enseignant ne me semble pas être un

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statut obtenu et détenu pour toujours, mais bien une entité en mouvement par rapport à laquelle il faut apprendre à se positionner, à prendre conscience de ce qui s’y joue et mieux saisir la manière dont chacun d’entre nous peut intervenir à l‘intérieur de ces divers mouvements.

1.2 De ce que l’on pense savoir…à ce que l’on veut comprendre

La justification d’une thématique de recherche prend place là où il semble y avoir un écart entre ce que je sais ou que je pense savoir, et ce que je ne sais pas et que je veux comprendre. La définition de cet écart et des différentes facettes qu’elle peut amener à évoquer est indispensable, puisque c’est entre autres elle qui permet de délimiter encore un peu plus ce qui constitue mon objet d’étude.

Si l’on s’attarde à écouter l’opinion publique ou tout simplement à lire quelques journaux, on arrive très rapidement à « prendre la température » en ce qui concerne la perception générale qui se dégage quant à l’enseignement et aux praticiens qui évoluent dans cette profession. Les réactions souvent vives qui visent directement les enseignants, prennent souvent racine dans certains des changements qui sont proposés par rapport à l’enseignement, et dont j’ai donné quelques exemples auparavant. L’opinion publique a en effet tendance à attribuer ces changements directement aux enseignants, et lorsque les nouvelles propositions ne plaisent pas, ce sont ces mêmes enseignants qui trinquent par manque ou par excès d’engagement en termes de positionnement. Par leurs diverses réactions, les praticiens donnent ainsi à voir une image de leur identité jugée comme étant trop imposante, ou au contraire, trop peu affirmée selon les cas. Au final, les enseignants voient ainsi grandir un manque de reconnaissance et de compréhension de leur travail tel qu’ils le définissent ou aimeraient pouvoir le définir, ce qui semble donc avoir des impacts sur l’évolution de leur identité professionnelle, parfois paralysée par ces types de discours.

Pourtant derrière tous les changements, qu’ils soient explicites ou plus implicites, se cachent de multiples enjeux qui sont à l’origine de la complexité de leur introduction, et de leur assimilation par les professionnels. En effet, le métier d’enseignant est un métier dans lequel il faut continuellement jouer avec les limites que l’on peut accorder à sa liberté, en lien avec les contraintes qu’il faut cependant respecter. Finalement, il ne s’agit donc pas tellement d’accepter ou de réfuter l’introduction d’un changement, mais d’observer comment ce changement se matérialise dans l’image de son propre métier et de la construction de son identité professionnelle. En d’autres termes et en rejoignant l’approche ergonomique du travail telle que définie par Teiger (1993), il y a un écart entre

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Laura GOSTELI | Septembre 2013 4

ce que l’on peut appeler le travail théorique tel qu’il existe dans les représentations, le travail prescrit tel qu’il se déploie dans une institution donnée, le travail réel tel qu’il est effectué au quotidien par les praticiens et le travail perçu par les praticiens eux-mêmes.

C’est d’ailleurs l’approche de ce travail perçu, qui permet d’observer de plus près les mouvements identitaires dans lesquels les enseignants peuvent être portés.

1.3 De ce que l’on pense savoir…à ce que l’on veut comprendre

Par rapport à ce bref état des lieux, ce que j’aimerais mieux comprendre se situe dans l’approche de la notion d’évolution, avec les impacts que ce concept peut engendrer sur l’identité des enseignants, et indirectement donc, sur leurs pratiques. Ma recherche est donc orientée par le questionnement suivant :

En quoi est-ce que l’identité des enseignants évolue au fil de leur carrière, et comment les enseignants perçoivent-ils et comprennent-ils ces changements identitaires ?

En d’autres termes, ce questionnement autour du déplacement des enseignants au sein du collectif que constitue leur profession, peut être décliné par les questions spécifiques suivantes :

Comment les enseignants définissent-ils leur identité professionnelle ? Quels sont les « invariants » relatifs à l’évolution de leur profession ? Comment les enseignants définissent-ils leur identité personnelle ?

En quoi estiment-ils s’exprimer de manière singulière au sein de leur profession ? Comment ces deux identités s’articulent-elles l’une à l’autre ?

S’expriment-t-elles de la même manière aujourd’hui qu’en début de carrière ?

1.4 Entre allées et venues : présentation de la structure du mémoire

Retracer de manière linéaire un processus de recherche mené de façon circulaire n’est pas une mince affaire. Malgré cela, faire état des différentes étapes du processus qui est de facto construit sur des changements, des avancées, mais aussi des retours en arrière, reste fondamental pour démontrer toute la cohérence du projet tel qu’il a initialement été pensé, jusqu’à son « aboutissement », qui reste malgré tout, provisoire. Pour tenter de donner à voir tout cela, mon discours est séparé en trois grandes parties.

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La première partie est d’ordre « théorique », en ce sens qu’elle montre comment un fait que l’on pensait conquis notamment sur des préjugés, redevient progressivement un fait que l’on reconstruit par la raison, permettant ainsi la prise de recul par rapport à un objet d’actualité faisant donc de facto, partie du quotidien. En cela, nous pouvons nous joindre aux propos tenus par Bardin (2001) qui évoque ce processus comme étant une lutte contre l’« « illusion de la transparence » des faits sociaux » (p. 31), lutte ayant pour objectif premier de « […] détruire l’intuition au profit du « construit » » (p. 31). En ce qui me concerne, il s’agit donc ici de démontrer que contrairement à certaines idées reçues, on ne naît pas enseignant, on le devient. En effet, on n’est jamais tout à fait le même que celui que l’on a été. On se transforme chaque jour, chaque année, chaque décennie, tout au long de sa carrière.

Ce passage entre le sens commun et le discours scientifique se matérialise déjà dans mon propos, notamment par le biais de l’introduction que je viens d’exposer, introduction qui présente la thématique générale de ma recherche ainsi que sa pertinence sociale, scientifique mais aussi professionnelle. A présent, il s’agit d’appréhender ce questionnement initial sous divers angles théoriques construits et développés dans le cadrage conceptuel. A ce sujet, je souhaite souligner qu’au vu du caractère exploratoire de ma recherche, les entrées pour analyser mon objet d’étude ont été définies après une première analyse des données recueillies. Pour terminer, j’accorde également une place importante aux éléments méthodologiques légitimant ma recherche et me permettant ainsi de faire un lien avec le deuxième volet de cette dernière.

La deuxième partie, à considérer comme étant plus d’ordre « pratique » par rapport à la précédente, est la partie centrale de la recherche. En effet et toujours en cohérence avec le cadrage conceptuel effectué auparavant, il s’agit de constater dans les faits, c’est-à dire empiriquement, ce qui a été pensé en théorie. Ce chapitre est donc consacré en totalité à la présentation et à l’analyse des données recueillies.

Pour terminer, je clos mon « épopée scientifique » au sein d’une partie conclusive qui comporte trois facettes. Pour commencer, j’effectue un retour synthétique sur les résultats obtenus par le biais de mes investigations. Ensuite et dans une deuxième sous-partie, je mets en évidence les apports et les limites de la recherche telle que je l’ai pensée et mise en œuvre. Cette réflexion critique, à penser sous la forme d’un « si c’était à refaire ? », me permets de mettre en lumière le caractère toujours « insuffisant » de la recherche, ouvrant ainsi de nouvelles pistes de questionnement par rapport à la problématique que j’ai abordée. Pour finir, je réalise également un retour sur ce que la recherche m’a permis de développer et d’acquérir d’un point de vue plus personnel, une recherche scientifique

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laissant toujours une empreinte sur celui qui l’a menée, voire sur ceux qui ont pu y participer.

Pour clore le mémoire, suivent enfin les références bibliographiques sur lesquelles les propos avancés se sont basés ; ainsi que les différentes annexes présentant les instruments de recherche et autres outils d’analyses utilisés pendant la recherche.

2. CADRAGE CONCEPTUEL

Depuis plusieurs décennies, le métier d’enseignant doit faire face à ce qui est communément appelé la « crise de l’enseignement », crise dont on ne sait d’ailleurs plus vraiment ni pourquoi ni comment elle a débuté. Quoi qu’il en soit, cette situation de

« crise » lui a souvent valu et lui vaut encore d’être remis en cause, questionnant aussi par ce biais l’efficacité, le statut, mais aussi l’identité de l’ensemble des praticiens, qui sont catalogués par l’opinion publique comme étant finalement « tous à mettre dans le même panier », notamment quant à la part de responsabilité qui leur incombe dans les difficultés rencontrées à grande échelle par l’enseignement. Face à la remise en question, les enseignants ne peuvent que se cacher derrière l’institution pour laquelle ils travaillent, et qui est d’ailleurs censée défendre non seulement chacun d’entre eux en tant que professionnel, mais aussi et surtout l’ensemble de la profession, en légitimant à chaque fois qu’elle le peut, l’action et la place des enseignants.

Dans la confrontation qui peut parfois naître entre l’opinion publique et les représentants de l’institution, la discussion ne porte que rarement ses fruits car elle est souvent construite sur un « dialogue de sourds » entre deux populations qui n’ont pas la même image du métier et de ses finalités, et qui ont, de fait, des propos qui se révèlent être incompris dans chacun des camps respectifs. Ces réactions assez vives de part et d’autre sont en partie dues au fait que l’école reste malgré tout une institution qui a encore aujourd’hui une certaine importance dans l’esprit de chacun, ce qui a donc pour implication que dès lors qu’un évènement surgit en lien avec cette dernière, l’indifférence n’est de loin pas de mise.

En effet, chaque évènement mobilise de fait « une activité cognitive pour le comprendre, le maîtriser et s’en défendre » (Jodelet, 2009, p. 51). Dans cette activité, le problème majeur qui est rencontré par l’opinion publique réside dans le « manque d’information et l’incertitude », qui « favorisent l’émergence de représentations » souvent non-fondées, et

« qui vont circuler de bouche à oreille ou rebondir d’un support médiatique à l’autre » (Jodelet, 2009, p. 51).

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Si l’on se risque à adopter un point de vue plus objectif par rapport à ce qui est en jeu dans cette « opposition », nous pouvons donc rapidement nous rendre compte que la profession enseignante est en effet sujette à de nombreuses représentations. Ces dernières sont souvent très caricaturales, et de fait très réductrices de ce que la profession est réellement, et de ce qu’elle implique pour ceux qui ont choisi d’en être un des membres. Tardif et Lessard (1999) expriment en ces mots les représentations de la profession auxquelles il est parfois si facile de se laisser aller :

On n’échappe pas encore totalement à l’image romantique d’une vocation définie uniquement par des valeurs et des principes et qui, au fond, ne pourrait relever que d’un jugement normatif. On n’échappe pas non plus à l’approche purement pédagogique d’une activité qui relèverait de techniques apprises dans les institutions de formation, pas plus que l’on résiste à l’idée selon laquelle l’enseignement est une simple affaire de « personnalité » (p. IX et X).

Prendre le temps de se mettre à la place des enseignants serait sans doute un premier pas pour tenter de saisir toute la complexité sous-jacente à ce métier et à son évolution. Par la suite, essayer de mesurer le chemin qui a dû être parcouru de manière tantôt semblable, tantôt différente par les praticiens, serait encore une autre manière de comprendre le métier tel qu’il est aujourd’hui, au regard de ce qu’il a été hier. Cette rétrospective donnerait également l’opportunité de saisir les mouvements identitaires dans lesquels les enseignants peuvent être amenés à naviguer, et ce bien souvent « à vue », tout au long de leur carrière. Bien évidemment, cette seconde démarche est beaucoup plus complexe que la première, étant donné que l’on touche ici à des domaines qui sont peut-être moins facilement observables, ou en tout cas plus difficiles à rendre conscients pour ceux qui vivent ou qui ont vécu ces changements. D’ailleurs, les enseignants eux-mêmes rencontrent de grandes difficultés à effectuer cette rétrospective pour laquelle ils ont, consciemment ou non, des capacités de mémorisation relativement réduites. Perrenoud (1995) s’arrête d’ailleurs sur ce point, en faisant le constat suivant :

Ceux dont le cycle de vie professionnel a traversé ces vingt dernières années mesurent-ils le chemin parcouru ? Pas toujours, parce que nous avons doublement la mémoire courte. Nous perdons vite nos repères sociaux […] en vivant au jour le jour cette évolution, nous la saisissons aussi mal que les transformations graduelles de nos proches (p.103).

En effet, parler de l’évolution de la profession enseignante n’est pas une mince affaire, en ce sens qu’elle peut être remarquée et remarquable sur grand nombre de dimensions relatives à l’enseignement. Pour y arriver, certains auteurs (Lang, 1999 ; Rochex, 1995) se sont basés sur un concept très en vogue dans le milieu de la recherche et par rapport au développement professionnel des enseignants : le concept de professionnalisation. Dans son Dictionnaire de l’éducation, Van Zanten (2008) synthétise les apports de ces auteurs

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par le biais de la définition suivante : la professionnalisation est « un ensemble de processus qui portent tout à la fois sur les transformations du travail et de son organisation, sur les constructions identitaires et sur la mobilisation des acteurs » (p. 541).

Si cette entrée n’est de loin pas inintéressante au vu du champ thématique qui est le nôtre, elle pose tout de même quelques questions notamment sous l’angle du statut, et donc par ce biais, de l’identité enseignante. Monetti (2002) met d’ailleurs à jour ce questionnement : parler d’un enseignant qui se professionnalise ne reviendrait-il pas à dire que nous passons « d’une situation antérieure de non-professionnalité à une situation nouvelle de professionnalité ? », ou bien est-ce que cela signifie que nous passons « plutôt d’une forme de professionnalité à une autre ? » (p. 186). En effet et au premier abord, le concept de professionnalisation donne cette impression de construction qui arrive finalement après-coup, alors que l’enseignant a déjà fait son entrée dans le métier. Cela pourrait donc sous-entendre qu’auparavant, l’enseignant novice était dans une situation de non-professionnalité, jusqu’à ce qu’il atteigne donc une forme de professionnalité dont les critères semblent par ailleurs assez flous. En ce qui nous concerne, nous pencherions plutôt pour l’hypothèse suivante : l’enseignant passe d’une forme de professionnalisation à une autre et ce, peut-être même plusieurs fois au cours de sa carrière, et avec des combinaisons possibles entre ces différentes formes.

Sous cet angle, s’interroger sur la professionnalisation de l’enseignant revient à questionner l’identité même du praticien, ainsi que des mouvements qui peuvent être caractéristiques de cette identité, tout au long ou sur une partie de la carrière. De manière plus précise et comme le résume assez bien Maulini (2010), il s’agira donc ici de définir au sein de l’évolution identitaire des enseignants « ce qui est stable » (des formes d’ « invariances » dans la profession), et « ce qui est mobile », éléments que cet auteur englobe d’ailleurs sous le terme général de « ressorts internes, qui font qu’un métier est en même temps source de développement et d’identité » (p. 6).

2.1 « C’est quoi être enseignant ? » : d’un idéal préconstruit à une réalité complexe…

2.1.1 « Etre enseignant, c’est faire preuve de maîtrise » : un discours idéalisé

Au sortir d’une formation initiale qui est souvent accompagnée d’expériences du terrain diverses et variées, les enseignants qui débutent et qui ont donc choisi de s’engager

« corps et âme » dans cette voie, font généralement preuve d’un enthousiasme et d’un aplomb défiant toute concurrence.

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Cette envie de rentrer de plein pied dans la profession et de montrer ce dont on est capable, provient notamment du fait que les enseignants novices peuvent avoir l’impression d’avoir engrangé suffisamment d’outils et de connaissances tout au long de leur formation initiale. Ce sentiment de « compétence » semble de ce fait leur faire penser qu’ils sont capables de pouvoir répondre à toutes les situations possibles et inimaginables.

En effet, leur bagage principalement théorique (bien qu’il faille noter la présence et l’utilité de certaines expériences du terrain), leur donne cette impression de maîtrise de ce que veut réellement dire enseigner et être enseignant. D’ailleurs et lorsqu’il leur est demandé de donner une définition de ce qu’ils s’apprêtent à investir comme profession, ces derniers n’hésitent pas à utiliser « les grands mots », et à porter sur leurs épaules des « missions » dont ils ne mesurent pas toujours les tenants et les aboutissants. Ainsi, on en arrive parfois à des définitions qui en disent à la fois beaucoup et peu sur le métier d’enseignant et ce qu’il implique pour celui qui s’y engage. Certains d’entre eux peuvent de cette manière se rapprocher des éléments de définition qui sont proposés par Maulini (2010) en ce qui concerne le métier d’enseignant : « une occupation socialement définie, reconnue d’utilité publique et, du coup, source de reconnaissance matérielle et symbolique » (p. 6), ou encore, « […] une activité de transformation du monde « utile à la société » » (p. 2).

De manière globale, les enseignants dits « novices » savent donc dès le départ qu’ils ont à occuper un poste qui est déterminé par le social, ce qui implique notamment la nécessité de remplir des tâches qui leur sont assignées depuis l’extérieur, et auxquelles ils doivent se soumettre a priori, sans transiger. Que de responsabilités à devoir porter pour l’enseignant nouvellement arrivé dans la profession !

Cette image « préconstruite » a en effet pour conséquence le fait que ces enseignants finissent par s’investir d’une mission idéalisée par rapport à laquelle ils pensent avoir été suffisamment préparés, et par rapport à laquelle ils s’imaginent donc maîtriser les compétences requises, et ainsi correspondre totalement aux attentes institutionnelles présupposées. Il va donc sans dire que dès le départ, « la barre semble être mise assez haut », laissant penser qu’ils n’ont donc pas le droit à l’erreur, ou en tout cas que leur marge de manœuvre semble être relativement réduite.

Dans cette perspective, les nouveaux enseignants semblent ainsi constituer une forme d’ « élite » très homogène, à l’intérieur de laquelle Van Zanten (2008) dénonce le fait que les « dimensions plus affectives de l’enseignement (le sens de la vocation et l’investissement personnel) », semblent être des dimensions relayées au second plan « par l’exigence d’être performant, de devenir un « technicien expert » de la transmission aux élèves de savoirs et savoir-faire prédéfinis » (p. 251). La profession en est ainsi réduite à un

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amas de compétences qui sont soit innées, soit acquises durant la période de formation initiale.

Cette catégorisation des compétences laisse déjà entrevoir deux perceptions du métier d’enseignant et de l’évolution de chacun dans l’exercice de ce métier. En effet et partant du principe que les compétences enseignantes sont innées, la possibilité d’évoluer professionnellement semble être relativement réduite. Par ailleurs, et comme nous l’avons mentionné plus haut, les attentes auxquelles le praticien pense devoir répondre sont très exigeantes et laissent peu de place à l’erreur. Cependant et dans la perception de compétences dites « acquises », l’apprentissage perpétuel semble donner une marge de manœuvre plus grande en termes de pratique, et un statut moins « uniformisé » d’un point de vue identitaire. Il semble donc que la présence de ces deux types de compétences soit indispensable pour que l’enseignant puisse à la fois partir sur « de bonnes bases », tout en évoluant professionnellement.

2.1.2 « Etre enseignant, c’est apprendre dans la reconnaissance de l’autre » : prise de conscience

Bien vite, l’image d’Epinal que nous avons tenté de décrire ci-dessus rencontre la réalité complexe qu’est celle du terrain. Les enseignants que nous avons décrits comme étant relativement sûrs d’eux, ou en tout cas comme étant dans ce que Huberman, Grounauer et Marti (1989) appellent « la phase de découverte »1 (notamment symbolisée par l’enthousiasme dont nous faisions mention), semblent passer à une autre phase faisant partie intégrante de la phase plus générale que ces mêmes auteurs qualifient

« d’exploration » du métier, à savoir : la phase dite « de survie ». Cette phase n’est pas forcément successive à la première. Elle peut lui être complémentaire, ce qui rend d’ailleurs les choses plus vivables pour celui qui s’y trouve et qui doit y évoluer. En effet, cette dernière est principalement caractérisée par une déstabilisation et une prise de conscience de la part de l’enseignant, notamment par rapport au fait qu’il ne sait pas tout et qu’il ne maîtrise pas tout. Il va donc de soi que ces deux phases d’enthousiasme et de remise en question sont plus vivables si elles sont vécues en parallèle plutôt que de manière consécutive.

1 Notons ici que les phases proposées par Huberman et al. (1989) ne sont pas des phases que les enseignants vont toutes rencontrer à l’unanimité au cours de leur carrière. Autrement dit, elles ne sont pas des passages obligés et peuvent être répétées ou s’introduire pour certaines d’entre elles, à divers moments de la carrière. Dans leur ouvrage, les auteurs n’ont fait que dégager les grandes tendances que l’on peut rencontrer relativement à ces phases et à leur émergence au fil de la carrière des enseignants.

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Entre le professionnel totalement accompli que nous décrivions ci-dessus, et le professionnel qui bien qu’ayant ce statut, réalise qu’il va devoir continuer à apprendre, il y a donc un écart non négligeable. Par ailleurs et au-delà de cette première prise de conscience, arrive une deuxième variable dont il va falloir tenir compte, puisqu’il va non pas s’agir de continuer à se former seul, mais au contact d’autres enseignants qui eux aussi, continuent toujours à apprendre à la fois d’eux-mêmes et des autres. Deux nouveaux facteurs apparaissent donc ici comme étant à prendre en considération dans le développement professionnel de l’enseignant : l’apprentissage en continu et dans l’interaction avec l’Autre.

L’interaction avec l’Autre constitue en effet une interaction à l’intérieur de laquelle il se joue finalement grand nombre de choses d’un point de vue identitaire. Lipianski (1995) nous rejoint d’ailleurs sur ce point, en affirmant que

Envisager l’identité […] c’est la considérer comme un élément du système interactionnel formé par le réseau des relations et des communications relativement stable dans lequel il se situe. Dans cette perspective, l’individu est inséparable du contexte dans lequel il évolue […] (p. 29).

De plus, Wittorski, Briquet-Duhazé, Avice, Bailleul, Buhot, Cosnefroy, Janner-Raimondi, Roux-Perez, Tavignot et Thémines (2008) complètent les propos tenus par Lipianski (1995), en y ajoutant l’idée de reconnaissance qui se met en place au sein des interactions avec les pairs. Cette composante influe notamment sur le sentiment d’appartenance au groupe que le professionnel peut développer : « Au quotidien, le développement professionnel se construit par et dans l’élaboration identitaire, cette construction identitaire dépend d’une reconnaissance par les autres des compétences et des savoirs produits » (p.

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Le praticien doit donc être capable de montrer ce qu’il vaut, tout en se conformant au groupe pour pouvoir en être un membre à part entière. Pour être accepté, il doit parfois même aller jusqu’à s’inspirer des pratiques et des attitudes de ses collègues, s’identifiant donc d’une certaine manière à chacun d’entre eux, sous une forme ou sous une autre.

Petit à petit, on voit donc déjà ici se dessiner l’imbrication de deux identités qui n’ont pas toujours la même importance et la même place tout au long d’une carrière : l’identité personnelle qui rend chaque individu singulier, et l’identité professionnelle qui se construit dans l’interaction avec les autres membres du collectif que constitue la profession concernée. Ainsi, le praticien est perpétuellement à la recherche d’un équilibre entre la volonté d’intégrer le collectif en étant à la fois conforme, mais aussi singulier.

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2.1.3 « Etre enseignant, c’est construire sa propre identité professionnelle » : au plus près de la réalité

Comme nous avons essayé de le faire transparaître en filigrane et au travers de différents apports théoriques, le concept d’identité est central dans notre questionnement. Ce concept bénéficie d’un usage qui bien qu’il soit actuellement très en vogue et donc très répandu, recouvre dans les divers éléments de définition qui peuvent lui être donnés, des réalités parfois très floues et peu consistantes. Cette difficulté rencontrée dans la formulation d’une définition qui soit claire et concise, provient selon nous du fait que ce concept a pour fondement même le paradoxe et l’équilibre qui est en permanence recherché entre des pôles aux extrêmes les uns des autres. Par conséquent, bien que ces contradictions puissent être à première vue un obstacle pour appréhender le concept d’identité, elles restent néanmoins constitutives de la notion, et donc indispensables pour éviter de tomber dans l’un ou l’autre de ses extrêmes. Lipianski (1995) appréhende et illustre d’ailleurs cette notion de paradoxe, en définissant l’identité comme conjuguant

« en un même mouvement […] l’identique et le différent, l’individuel et le social, l’unicité et la multiplicité, la similitude et l’altérité » (p. 21).

Partant de ces premiers éléments de définition, il n’est alors plus possible d’appréhender l’identité comme étant quelque chose de figé. En d’autres termes, il nous faut dépasser les définitions de sens commun qui lui sont habituellement rattachées (nous avons tous en tête l’image de la carte d’identité, constituée d’informations qui ne changent pas ou peu au fil du temps). En effet, l’identité est appréhendée ici comme étant une entité en construction, avec à son fondement plusieurs dimensions qui tentent de trouver leur équilibre au sein du paradoxe. Parmi ces dimensions, l’équilibre entre les représentations que le praticien a de lui-même et les représentations qu’il a de sa profession, est celui qui va nous servir à approcher encore d’une autre manière le concept d’identité professionnelle :

C’est dans la tension entre la représentation qu’il a de lui-même comme enseignant, qui participe de celle qu’il a de lui-même comme personne, et de celle qu’il a du groupe des enseignants et de la profession, dans l’interaction entre le je et le nous, que le futur enseignant aussi bien que l’enseignant en exercice peuvent construire et reconstruire une identité professionnelle (Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier, 2001, p. 5).

Dans cette définition, nous pouvons souligner la présence et l’articulation de deux instances, renvoyant à deux sortes de sujets, à savoir : le « je » en tant que professionnel, et le « nous » en tant que groupe professionnel auquel la première instance est censée se rattacher. Pour clarifier les choses, nous allons définir ce que ces deux instances

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regroupent. La représentation de soi en tant qu’individu se rapporte « aux connaissances, aux croyances, aux attitudes, aux valeurs, aux habiletés, aux buts, aux projets, aux aspirations que la personne se reconnaît ou s’attribue indépendamment de son contexte professionnel » (Gohier et al. 2001, p. 9). L’énumération de ces éléments laisse donc entrevoir la facette « singulière » de l’identité, qui a donc pour caractéristique principale d’être plus ou moins propre à chaque individu. De leur côté, les représentations des enseignants et de la profession englobent un ensemble de dimensions, et mettent en évidence le rapport que le sujet singulier entretient avec ces dimensions, dont voici quelques exemples : rapport au travail, aux responsabilités, aux apprenants, aux collègues et au corps enseignant, à l’école comme institution sociale, etc. Tout le travail identitaire du praticien réside donc ici, dans la capacité à trouver son propre équilibre car, comme le souligne Dubar (2000) : « chaque enseignant est pris dans des contradictions entre ces diverses formes identitaires, ces définitions de soi par lui-même et par les autres qu’il s’efforce souvent de combiner et de concilier » (p. 12).

Dans ce processus de recherche, deux possibilités semblent pouvoir se dessiner du côté des praticiens. Nous assimilerons ici ces possibilités comme étant des choix de « stratégie identitaire » que le praticien effectue selon des critères définis. Un de ces critères est celui du moment de la carrière dans lequel le praticien se situe. Voici l’exposé de ces deux stratégies possibles : la première est celle qui consiste à réduire au maximum l’écart qui existe entre la définition de soi et celle de la profession. A l’inverse ou de manière parfois complémentaire, la deuxième vise plutôt à accentuer cet écart en marquant sa singularité.

Notons d’ailleurs que cette deuxième option nous paraît constituer un comportement identitaire peu probable, surtout dans les premières années d’enseignement. En effet, à ce moment-là de la carrière, il s’agit plutôt de « rentrer dans le moule », de se conformer, de s’identifier à ; bref d’appartenir à ce qui peut être défini comme le « monde de l’enseignement ». Ce monde a ses propres codes, ses propres signes qu’il faut acquérir pour pouvoir y rentrer. Cette idée rejoint notamment les propos tenus par Lipianski (1995) concernant le fait que l’individu acquiert un sentiment d’identité de manière indirecte, en

« adoptant le point de vue des autres et du groupe auquel il appartient » (p. 29-30).

Par rapport à la deuxième possibilité que nous évoquions comme peu probable surtout en début de carrière, Huberman et al. (1989) mentionnent la nécessité pour le praticien de se trouver dans ce que les auteurs définissent comme étant une phase de « stabilisation ».

Cette dernière est caractérisée par une forme de liberté et d’émancipation à l’intérieur de laquelle le praticien aurait plus de marge de manœuvre, et donc plus de possibilités pour exprimer sa singularité : « se stabiliser signifie insister sur ses degrés de liberté, sur ses prérogatives, sur ses propres modes de fonctionnement au sein de sa classe » (Huberman

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et al., p. 15). Au cœur de cette phase, se situe donc un sentiment de confiance et de confort acquis notamment par le biais de l’expérience, et permettant ainsi de redéfinir les priorités et les éléments sur lesquels toute l’attention et l’énergie de l’enseignant doivent être portées. Toujours selon Huberman et al. , le praticien s’y préoccuperait moins de lui- même (et donc peut-être de son degré de conformité aux autres praticiens), et plus des objectifs didactiques, de sa classe, de ses élèves. Son regard serait donc plus recentré sur sa mission première : offrir les meilleures conditions d’apprentissage possibles aux apprenants. Pour répondre à cette visée, l’enseignant se risque plus à tenter de nouvelles choses, de nouvelles pistes, faisant même preuve de relativisme par rapport aux échecs qu’il peut potentiellement rencontrer.

La logique suivie est donc différente puisque l’erreur n’est plus le signe d’une incompétence et donc d’une impossibilité de s’affilier au groupe enseignant, mais bien la possibilité d’évoluer professionnellement parlant, « d’avancer » dans sa profession. Evoluer au sein de cette « phase » permettrait donc de passer de ce que Tap (1980) cité par Gohier et al. (2001) nomme le phénomène d’identification, au phénomène d’identisation qui n’est autre qu’un mécanisme de singularisation, permettant donc une certaine forme de distinction au sein de la profession. De fait, on commence ici à entrevoir le degré de liberté que l’enseignant peut s’accorder non seulement par rapport à la conformité dont il a dû faire preuve auparavant, mais également par rapport aux assignations externes dont nous parlions plus haut, et par rapport auxquelles il peut finalement s’adapter plutôt que de se soumettre. Giust-Desprairies (1996) illustre ce fait de la manière suivante : « C’est en effet la reprise par le sujet des éléments extérieurs à lui selon des modalités particulières, la possibilité d’une liaison significative pour lui entre l’intérieur et l’extérieur, qui donne le sentiment d’identité » (p. 65).

Dans cette première partie, nous avons tenté de démontrer que l’identité est un concept complexe qui est à interroger sur plusieurs niveaux. Au final c’est comme si elle était composée de plusieurs identités articulées les unes aux autres, et faisant que l’individu est amené à naviguer :

-de l’identité personnelle qui renvoie aux rapports que chacun entretient avec soi-même ; -de l’identité sociale qui s’étaye sur la place occupée dans une hiérarchie de statuts sociaux ;

-de l’identité collective qui fait écho aux normes et aux valeurs des groupes d’appartenance du sujet et à la dynamique des relations au sein de ces groupes (Enriquez et Guienne-Bossavit, 1995, p. 3).

De manière générale et selon une approche psychologique, l’enseignant semble être toujours tiraillé entre deux logiques, l’une sociale et l’autre psychique. En effet, il est contraint par la dimension sociale et collective de sa profession, contrainte qui peut prendre différentes significations, nous y reviendrons plus tard. D’un autre côté, il a

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également une certaine marge de manœuvre à l’intérieur de laquelle il peut s’exprimer plus ou moins librement ce qui peut parfois, notons-le, engendrer une certaine forme d’insécurité. Ces contradictions internes sont évoquées par Giust-Desprairies (1996) comme n’étant rien d’autre qu’une « […] oscillation entre la tension unifiante et la fragilité dissociante » (p. 64). Du point de vue des mouvements identitaires à proprement parler, ce tiraillement est évoqué selon une autre approche par Mireille Cifali in Jacquet-Francillon (1997) :

Effectivement, nous ne survivons qu’en nous identifiant et en nous désidentifiant : si nous nous identifions à l’autre et que nous devenons comme l’autre, nous nous perdons. Et dans le mouvement d’identification et de désidentification […] se fait la création, c’est-à-dire que se fait le « je dois être comme, mais à un moment donné, je me différencie et réinvente quelque chose d’autre » (p. 81).

Selon les termes de Zakaria (2012), ces considérations relevant plutôt du domaine de la psychologie sociale seraient donc à l’origine du fait que « les maîtres n’ont pas tous une conduite de classe identique, ni la même efficacité cognitive, mais ils partagent massivement, aujourd’hui, une culture professionnelle qui apparaît à l’examen très homogène » (p. 131).

Au terme de ce premier chapitre, si nous espérons avoir réussi à démontrer la complexité interne de l’identité, il va s’agir dans le second chapitre de mettre en évidence son aspect plus contextuel, rejoignant ainsi les propos que tenait Lipianski (1995) lorsqu’il évoquait les interactions avec l’Autre comme faisant partie intégrante de ce contexte (cf. citation plus haut). En effet, la première approche que nous avons ici développée fait état de la question de l’identité à des moments précis de la carrière, et de manière relativement linéaire comme si finalement, il y avait des étapes par lesquelles tous les enseignants sont amenés à passer à un moment ou à un autre de leur carrière2. Or Huberman et al. (1989) avancent que le développement d’une carrière est « un processus, non pas une série d’évènements » (p. 12). D’autres, telle Giust-Desprairies (1996), rejoignent ces auteurs dans l’idée que l’identité doit s’appréhender selon le temps, l’espace et les situations, car

« elle est une confrontation et une négociation renouvelées entre réalité et idéal, dont les résultats se donnent à voir en termes de choix, d’investissements, de projets, ou de renoncements » (p. 64).

2 Cf. note 1

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2.2 Un enseignant : une identité qui s’adapte aux contextes

Pour introduire ce chapitre avec l’idée de mouvement que nous souhaitons mettre en lumière dans le concept d’identité, nous nous référons aux propos métaphoriques employés par Perrenoud (1995) : « Nous ne nous baignons jamais dans le même fleuve parce que nous changeons constamment » (p. 103).

En effet et après avoir vécu ce que Huberman et al. (1989) définissent comme étant des phases initiales plus ou moins communes à l’ensemble des enseignants (cf. phases évoquées ci-dessus), ces derniers entrent par la suite dans un cycle de vie professionnel qui se personnalise. Huberman et al. (1989) parlent dès lors de « parcours individuels » qui

« paraissent diverger davantage à partir de la phase de stabilisation » (p. 16), pour se diriger justement vers une phase dite de « diversification ». A l’intérieur de cette phase, plusieurs états identitaires peuvent être vécus à des moments différents par chacun des praticiens, conduisant ainsi à un dénouement de carrière plus ou moins positif selon les cas. Voici ci-dessous le détail de ces différents états et de la manière dont ces derniers peuvent se succéder tout au long d’une carrière professionnelle en tant qu’enseignant.

Figure 1 : Parcours thématiques possibles au cours de la carrière d’un enseignant (schéma tiré de Huberman et al., 1989, p. 23).

Le passage par l’une ou l’autre de ces étapes dépend selon nous de plusieurs facteurs.

Parmi ces facteurs, nous évoquerons ici ceux qui nous semblent avoir le plus d’impact en termes de parcours identitaires empruntés par les enseignants. Les facteurs que nous allons donc cibler sont les suivants : l’expérience personnelle, l’expérience professionnelle (notamment à l’origine du sentiment de confiance évoqué plus haut dans la phase dite de

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« stabilisation »), et l’investissement personnel engagé par le professionnel en fonction de l’expérience acquise.

2.2.1 L’expérience : clef de voûte des changements identitaires ?

Dans le sens commun, faire l’expérience de quelque chose veut dire éprouver cette chose en l’appréhendant sous une certaine forme, et être capable d’en retirer une connaissance potentiellement transférable à d’autres situations semblables.

En lien avec les processus identitaires, cette notion gagne en profondeur du point de vue de sa définition. En effet, si certains auteurs (Zeitler & Barbier, 2012 ; Barbier 2013) rejoignent tout à fait le sens commun dans le sens où ils mettent en évidence l’apport que l’expérience peut engendrer, ils développent cependant de manière plus prégnante l’idée d’une double transformation. Pour ces derniers, la transformation est remarquable à la fois sur le sujet qui agit, et sur l’environnement qui est agi. En d’autres termes, le sujet change son environnement en l’expérimentant. De cette expérience, il en retire des ressources qui le transforment, transformation qui rendra sa prochaine expérimentation sur l’environnement, différente de celles qu’il aura précédemment menées. Finalement, les deux instances « sujet » et « environnement » sont donc sujettes à des transformations de l’une sur l’autre. Relier ce constat à notre propos consiste donc à dire que certaines expériences conduisent à la transformation des praticiens (notamment les expériences personnelles et professionnelles qu’ils sont amenés à rencontrer), mais qu’ils sont aussi à même de transformer l’environnement qu’est le collectif professionnel, en investissant singulièrement leur métier.

Les expériences personnelles

D’une manière générale, l’ensemble des expériences personnelles qui ont cours dans la vie privée des enseignants, peut potentiellement avoir des effets sur leurs pratiques. En cela, nous pouvons nous joindre ici aux propos développés par Thévenet (2004), qui aborde la question de l’implication des employés dans leur travail. En effet, ce dernier insiste sur le fait qu’une expérience de travail ne peut être comprise qu’en lien à des éléments relevant de l’histoire personnelle de tout un chacun, éléments qui sont externes à la vie au travail. De surcroît, l’imbrication entre le travail et ces éléments relevant des histoires personnelles de chacun peut, toujours selon cet auteur, conduire à une forme d’épanouissement, caractérisée par une osmose entre vie personnelle et vie professionnelle. Pour illustrer cette position et revenir au champ professionnel qui nous concerne, nous pouvons ici donner l’exemple d’un enseignant qui pourrait développer

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une passion en dehors de l’école (peinture, photographie, cinéma, etc.) et investir sa profession de cette passion, concourant ainsi à une forme de bien-être qu’il peut partager avec ses élèves.

Toujours pour exemplifier la position de Thévenet (2004), nous pourrions également mettre sur le devant de la scène une autre expérience personnelle qui est d’ailleurs sujette à controverses en tout cas dans le monde de l’enseignement, à savoir : le fait d’avoir des enfants. Cette expérience et ses potentiels impacts sur l’identité et par ce biais, sur la manière d’être et d’agir en classe, est un sujet d’autant plus délicat que les écrits scientifiques à ce sujet se font plus que rares. Par conséquent, la réflexion que nous menons ci-dessous reste tout de même relativement subjective, et pose la question de l’importance qu’il est à donner ou non à cette expérience.

A première vue, on pourrait être amené à penser que cette expérience n’a d’importance que pour les enseignants exerçant dans les petits degrés, là où la dimension relationnelle et affective est souvent définie (peut-être à tort, mais ce ne sera pas notre propos ici) comme étant beaucoup plus importante que dans les degrés de la division moyenne.

Cependant, il semble que cela ne soit pas le cas. Effectivement, le fait d’enseigner à des élèves très jeunes combiné au fait de devenir parent, permet peut-être d’affiner le regard et la compréhension que l’on peut avoir des difficultés que rencontre cette classe d’âge d’apprenants, qui a justement parfois beaucoup de peine à exprimer la ou les raison(s) de son mal-être. De leur côté, les enseignants d’élèves plus âgés peuvent aussi percevoir leur profession de manière différente selon si eux-mêmes ont ou non des enfants. Par exemple, tous les enjeux liés à l’orientation prennent peut-être encore plus de sens si les enseignants les ont vécus en tant que parents pour leurs propres enfants. Cependant et comme nous l’avons fait ressurgir plus haut, le fait d’être parent ne constitue pas un

« passage obligé » pour devenir plus performant ou en tout cas pour développer de nouvelles compétences. Aussi, les enseignants qui n’ont pas d’enfants ne sont pas des enseignants qui sont par définition moins bons que les autres parce qu’il leur « manque » d’avoir vécu cette expérience.

Toujours du point de vue de la relation avec les élèves, la distance affective se modifie aussi en fonction de l’écart d’âge qu’il existe entre l’enseignant et ses élèves, comme nous le font d’ailleurs remarquer Huberman et Shapira (1979) cités par Huberman et al. (1989) :

« En grande partie, cette distance est créée par les élèves, qui traitent précisément les très jeunes enseignants de grand frère/grande sœur et qui, subtilement, refusent ce statut aux enseignants de l’âge de leurs propres parents » (p. 20). Ces mêmes auteurs expliquent ce phénomène de la manière suivante : les générations séparent d’année en année encore un peu plus l’enseignant de ses élèves, ce qui est donc forcément à l’origine d’un rapport qui se transforme.

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