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3. REPÈRES MÉTHODOLOGIQUES

4.1 Les compétences professionnelles

4.1.2 Présentation et analyse des données du second groupe

N.B. : Afin de faciliter l’analyse en résonance entre les deux matériaux recueillis, nous proposons ici une analyse selon les mêmes entrées qui ont été proposées pour le premier groupe. Cette procédure est employée pour chacune des thématiques analysées.

· Une catégorisation des compétences sur le mode innées/acquises

Trois enseignants sur quatre renforcent l’idée que les compétences s’acquièrent au fil des années et donc de l’expérience. Selon l’un d’entre eux, certains des manques qui pourraient être définis chez un enseignant débutant peuvent être comblés par l’expérience, ce qui démontre bien à nouveau qu’une acquisition est envisageable : « elles peuvent vraiment être acquises au fur et à mesure des années qui passent » (annexe 6, ens.4, p.212), « Il y a des lacunes dont on sait très bien qu’elles seront comblées par l’expérience » (annexe 6, ens.2, p.214). Pour un autre d’entre eux, elles se complexifient de

Laura GOSTELI | Septembre 2013 49

manière positive puisqu’elles permettent par exemple en lien avec les difficultés d’apprentissage, d’intervenir de manière plus efficace. En cela, le sujet rejoint la position évoquée par un des membres du premier groupe : « les compétences se sont affinées»

(annexe 6, ens.4, p.212).Par ailleurs, deux autres sujets mentionnent une efficacité rendue plus grande justement grâce à l’acquisition progressive de compétences.

Cependant, un autre versant plus négatif est renforcé par un des sujets, qui exprime le fait que si les compétences permettent une certaine efficacité sur du long terme, ces dernières sont de plus en plus complexes et de plus en plus nombreuses à appréhender, ce qui pose la question de savoir jusqu’où cette complexité peut être poussée : « ça c’est complexifié, ça c’est intensifié » (annexe 6, ens.1, p.213).

Par rapport à ce groupe, nous avons pu dégager un troisième pôle intervenant entre des compétences dites « acquises » et des compétences dites « innées ». Cette nuance est plus nette dans les données de ce groupe que dans celles du premier groupe. En effet, un certain nombre de sujets du second groupe ont mis en évidence que l’acquisition

« totale » de l’une ou l’autre compétence n’était pas envisageable pour les enseignants.

Pour ne pas rester figé et aussi pour faire face aux nouvelles situations qu’ils rencontrent, ils doivent toujours s’adapter, travailler, et être en mouvement par rapport à ces compétences : « Alors il y a des compétences qui vont bouger plus que d’autres […]« on travaille tout le temps» (annexe 6, ens.3, p.214). En d’autres termes, la compétence ne peut selon eux pas être acquise puisqu’elle se modifie au fil du temps. Parfois, elle est même définie comme étant « émergente » ou encore « nouvelle » (Perrenoud, 1999), c’est notamment ce que mentionnent deux enseignants au sujet des aspects dits « annexes » au travail d’enseignant (majoritairement le travail administratif), et par rapport à la mission éducative que les enseignants ont dû prendre à leur charge, « nouvelle » mission que nous avons mise en évidence en nous basant sur les propos tenus par Monetti (2002) et Jacquet-Francillon (1997).

Concernant les compétences dites « innées », l’ensemble de l’échantillon semble être d’accord avec les propos du premier groupe en ce qui concerne la présence de ce qu’ils qualifient de « prédispositions », « facilités », « réflexes innés », « démarches inscrites en nous » (annexe 6, divers ens., pp.215-217). L’un d’entre eux va même plus loin en parlant de l’enseignement comme étant quelque chose d’inné en soi. Finalement c’est comme si être enseignant était une vocation à laquelle un échantillon précis de personnes pouvait avoir accès. Prenant le contre-pied de cette affirmation et rejoignant ainsi une des idées également avancée par le premier groupe, deux d’entre eux mettent en évidence le fait que tout n’est pas perdu si ces compétences ne sont pas présentes initialement. En effet et selon eux l’énergie dépensée sera peut-être plus importante, mais tant que la motivation

et l’attirance pour ce métier sont présentes, tout est possible : « On sent tout de suite si quelqu’un est fait pour ça comme on dit, ou pas. Ca veut pas dire quelqu’un qui est pas fait pour ça il y arrivera pas, mais je pense que ça va lui demander beaucoup d’énergie et beaucoup de travail » (annexe 6, ens.4, p.216), « on fait un métier de l’humain. Je pense c’est pareil chez les soignants, il y a des choses, la capacité d’empathie chez les médecins […] ils l’ont, ils l’ont pas, après ils ont des modules pour travailler ça face au patient » (annexe 6, ens.3, p.216-217).

· La compétence : un geste technique ou une adaptation permanente ?

L’aspect technique de la compétence n’est pas repris par cet échantillon.

Cependant, un enseignant soulève tout de même le fait que l’exercice de cette profession nécessite de la part de celui qui s’y engage, d’accepter d’être toujours dans une situation d’adaptation et donc d’apprentissage perpétuel. En cela cet enseignant rejoint les propos des enseignants du premier groupe, qui évoquent en filigrane l’idée que l’on ne peut jamais acquérir totalement l’une ou l’autre compétence.

· La compétence : un outil à plusieurs fonctions

Concernant l’utilisation de la compétence comme étant un moyen d’être reconnu par la hiérarchie, deux enseignants s’expriment de manière assez contradictoire à ce sujet, et surtout de manière assez inattendue par rapport à ce qui a été développé dans le premier groupe. En effet, le premier enseignant évoque le fait de ne jamais avoir recherché une quelconque forme de reconnaissance de la part de sa hiérarchie, mais d’avoir toujours été beaucoup plus sensible à la reconnaissance des enfants : « De sentir qu’ils viennent à l’école avec plaisir, que le bilan soit positif en fin d’année, qu’on ait toujours des retours, oui c’est plutôt ce genre de reconnaissance ou alors des parents très contents de certains cas difficiles d’enfants à gérer, voilà ce genre de choses » (annexe 6, ens.2, p.218). Dès le départ, cet enseignant semble donc avoir été capable de centrer son attention sur autre chose que sur la reconnaissance de sa hiérarchie. Cette prise de position peut sembler assez étrange surtout pour un enseignant qui débute dans la profession et dont l’objectif est bien souvent celui d’être reconnu par la profession comme faisant partie du collectif enseignant. De son côté, l’autre enseignant évoque le fait que malgré les années d’expérience, le regard de l’autre et donc une forme de reconnaissance dans ce regard, est toujours quelque chose qu’il prend en considération et qui l’habite dans sa pratique :

« Même si j’ai acquis de l’expérience, je suis plus sure de moi vis des collègues, vis-à-vis de la direction, vis-à-vis-à-vis-à-vis des parents, je reste quand même, je sais que dans un petit coin de ma tête il y a quelque chose du regard des autres. […] je sais qu’il y a une pensée

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qui me traverse l’esprit en disant : « Mais que pourrait penser la directrice si elle passait à ce moment-là », et puis une autre qui la remplace en disant : « Non mais je sais pourquoi », donc quand même je peux pas dire que ça m’est complètement égal » (annexe 6, ens.4, p.217). Finalement, ce regard semble donc être défini comme étant présent sous une forme ou sous une autre tout au long de la carrière, ce qui ne semblait pas vraiment être le cas pour le premier groupe. Au départ, cet enseignant parle d’un manque de compétences dû à un manque d’expérience, manques qui sont tout deux comblés par une espèce d’enthousiasme. Par rapport à cet enthousiasme et contrairement à ce que nous avons développé dans notre cadrage, il semble qu’ici il permette de masquer les lacunes alors que dans notre propos, il était un indice d’un fort sentiment de compétence de la part de l’enseignant novice. Avec les années, nous pourrions être tentés de dire que cette reconnaissance n’est plus recherchée, ou qu’en tout cas elle n’est plus une considération prioritaire pour les enseignants. Les sujets de cet échantillon nous démontrent ici le contraire.