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1.1.3 La recension d’écrits sur l’intégration socioprofessionnelle des EFE en enseignement Disons d’emblée que la recherche n’a pas documenté les pratiques d’évaluation des

1.1.3.3 Les recherches centrées sur les mesures d’appui à l’intégration

À côté des travaux qui ont porté sur les difficultés rencontrées par les enseignants formés à l’étranger dans le cadre de leur processus d’intégration, d’autres ont analysé les mesures d’appui à leur intégration socioprofessionnelle. Sur ce plan, deux tendances se dégagent: l’engagement personnel des enseignants formés à l’étranger au travers des stratégies qu’ils mettent en œuvre pour s’intégrer et celui des autres acteurs de diverses communautés professionnelles qui coordonnent leurs efforts et stratégies pour favoriser leur intégration.

Comme le présument certains auteurs, l’intégration socioprofessionnelle serait d’abord une affaire d’engagement individuel sur une voie de changement. À ce titre, les enseignants formés à l’étranger mobiliseraient dans leurs démarches d’intégration socioprofessionnelle un ensemble de stratégies qui témoigneraient de leur volonté de porter les attentes qui émaneraient de leur environnement de travail. La recension de Morrissette et al. (2014), qui analyse les travaux réalisés sur la question dans divers pays du monde, notamment au Canada, aux États- Unis, en Australie et en Israël, dégage quatre stratégies particulièrement mises de l’avant par la recherche : une stratégie générale de flexibilité pour s’adapter aux nouveaux contextes de travail (voir aussi Collins, 2008; Martineau & Vallerand, 2007; Peeler & Jane, 2005; Phillion, 2003), le bénévolat dans les écoles, l’implication dans les activités para-éducatives et le mentorat informel avec un enseignant qui connaît la culture du métier dans la société d’accueil. Par exemple, la recherche de Jabouin et Duchesne (2012), qui s’intéresse au point de vue des enseignants formés à l’étranger sur les avantages du bénévolat qu’ils réalisent dans leur propre lieu de stage, note que ces derniers trouveraient dans ce bénévolat le moyen de se doter de l’expérience – au sens d’expérience de pratique et d’expérience sociale – requise pour obtenir un emploi en enseignement. La recherche de Charles (2006) relève l’avantage que les enseignants formés à l’étranger tirent de leur implication dans les activités para-éducatives (i.e. : associations artistiques, colonies de vacances, etc.), soit la consolidation de leur vocation en enseignement, une expérience qui compterait beaucoup aux yeux des éventuels recruteurs car elle témoignerait de leur intérêt tangible pour la profession.

D’autres auteurs ont mis de l’avant l’idée que l’intégration socioprofessionnelle concernerait aussi l’accompagnement offert par différentes communautés. Par exemple, une recension récente de Charara et Morrissette (2018) éclaire cette orientation des recherches à

l’appui d’une perspective internationale. Les auteures mettent en relief les dispositifs mis en place en milieu universitaire comme en milieu scolaire pour faciliter l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger. D’autres auteurs qui ciblent des appuis concrets visant à faciliter l’intégration reflètent que les enseignants formés à l’étranger auraient besoin d’être soutenus de manière continue et personnalisée afin de développer les compétences nécessaires à une meilleure compréhension des situations professionnelles rencontrées. Par exemple, Ross et Ahmed (2016) identifient l’apprentissage en contexte de travail comme une stratégie efficace pour soutenir le développement des compétences attendues. Ces auteurs préconisent la mise en place d’une communauté d’apprentissage qui userait d’une approche clinique et réflexive comme levier d’apprentissage. D’autres, par exemple Lee (2015) ainsi que Hutchison et Jazzar (2007), suggèrent la mobilisation d’une perspective interculturelle pour mieux accompagner les enseignants formés à l’étranger. Cette perspective semble soutenue par Schmidt et Janus (2016) qui identifient le dialogue avec la communauté élargie, celle-ci impliquant les parents d’élèves, comme une démarche appropriée pour faciliter l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger.

Hutchison (2005) estime pour sa part que le soutien offert aux enseignants formés à l’étranger au cours des premières années de transition est essentiel à la réussite de leur intégration socioprofessionnelle à long terme et à leur maintien dans la profession enseignante. Ce point de vue est corroboré par les travaux plus récents qui examinent la manière dont les communautés professionnelles s’y prennent pour soutenir l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger. Par exemple, Morrissette et al. (2016) ont conduit des entretiens individuels auprès de 14 acteurs de la communauté universitaire et professionnelle qui travaillent à faciliter l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger au Québec. Leur étude documente la double structuration de leurs stratégies de médiation culturelle. De fait, ces stratégies se déploient tel un « savoir accompagner » qui s’articule autour du recadrage de l’interprétation et du passage à l’action, suivant trois objets d’accompagnement : le prescrit, les interactions sociales et les pratiques pédagogiques. L’analyse réalisée met en exergue que ces acteurs effectuent principalement un travail de (re)socialisation auprès des enseignants formés à l’étranger, leurs stratégies étant essentiellement centrées sur l’idée de les familiariser à la culture éducative « québécoise ».

Dans d’autres recherches qui ciblent les mesures d’appui offertes pour faciliter l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger (Charara & Morrissette, 2018). Par exemple, Charara et Morrissette (2018) présentent un portrait des dispositifs de soutien destinés aux enseignants formés à l’étranger. Elles identifient la pertinente offre facultative de stage (aujourd’hui inexistante) et l’importance des ateliers complémentaires à orientation pratique mis en place en milieu universitaire. En milieu scolaire, les auteures montrent que les dispositifs mis en place semblent plus diversifiés. Elles relèvent les programmes d’intégration professionnelle, les ateliers thématiques centrés sur les besoins spécifiques des enseignants formés à l’étranger, la supervision pédagogique des directions durant la période probatoire, l’accompagnement des conseillers pédagogiques. Finalement, les auteures identifient la recherche-formation préconisée plus récemment par des chercheurs dans une logique partenariale pour soutenir la transition liée au changement de contexte de travail.

D’autres auteurs vont surtout documenter les programmes de mentorat qui semblent être la dominante (Bennett, 2006; Beynon & al., 2004; Hutchison & Jazzar, 2007; Okamura, 2008; Seah, 2001). Ils renvoient à une relation d’aide et d’apprentissage prenant appui sur la réciprocité et la solidarité entre un mentor (personne expérimentée) qui accepte de partager ses connaissances, ses expériences et ses idées avec un collègue moins expérimenté et disposé à tirer profit de ce partage (Elbaz-Luwisch, 2004; Hutchison & Jazzar, 2007; Seah, 2005). Pour les enseignants formés à l’étranger, le mentorat constituerait un accompagnement au changement pédagogique qui, pour beaucoup d’entre eux, se révèle complexe parce qu’ils le vivent dans un pays étranger et ont à composer avec l’influence des survivances de leurs croyances et pratiques antérieures (Elbaz-Luwisch, 2004; Seah, 2005). Comme le soulignent plusieurs, dans le cadre d’une transition professionnelle en enseignement dans un autre pays, le changement pédagogique nécessite entre autres de bien comprendre l’importance des valeurs culturelles impliquées dans les processus d’enseignement-apprentissage (Bennett, 2006; Beynon & al., 2004), de mettre en œuvre les pratiques souhaitées (Cruickshank, 2004; Okamura, 2008) et d’être cohérent avec la philosophie qui sous-tend le système éducatif (Seah, 2001; Vohra, 2005). Même pour les enseignants formés à l’étranger qui ont cumulé beaucoup d’années d’expérience dans leurs pays d’origine, ces exigences nécessitent l’accompagnement d’un mentor (Okamura, 2008; Vohra, 2005). Les auteurs avancent que les programmes de mentorat offrent d’ailleurs un perfectionnement professionnel très apprécié par les enseignants formés à l’étranger et les écoles

(Bennett, 2006; Beynon & al., 2004; Cruickshank, 2004; Jhagroo, 2004; Okamura, 2008; Seah, 2001; Vohra, 2005). Ils les aident à adapter leurs pratiques pédagogiques, leurs pratiques de gestion de classe et à s’approprier la culture du métier. Bref, ces programmes agiraient au plan de la requalification et du renforcement des compétences professionnelles des enseignants formés à l’étranger.

En résumé, le bénéfice reconnu des programmes de mentorat pour les enseignants formés à l’étranger suggère aussi l’importance de l’Autre dans le processus d’intégration socioprofessionnelle. Cela justifierait d’ailleurs que les enseignants formés à l’étranger prennent eux-mêmes des initiatives personnelles dans ce sens. Comme je l’ai souligné, les enseignants formés à l’étranger sollicitent l’accompagnement d’un pair, comme mentor informel, dans le but de se doter de l’expérience nécessaire pour mieux négocier leur intégration socioprofessionnelle (Jabouin & Duchesne, 2012; Phillion, 2003). En somme, l’on retiendra que l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger est autant une affaire d’engagement personnel que d’accompagnement collectif, les stratégies de la personne accompagnée (l’enseignant formé à l’étranger) se coordonnant à celles de ses partenaires professionnels.

En synthèse, au total, si l’examen du cadre contextuel a permis de démontrer l’importance de la

question de l’intégration socioprofessionnelle des enseignants formés à l’étranger face aux enjeux de l’école et de la société québécoise, la recension des écrits met en relief que trois tendances ont principalement retenu l’attention de la recherche :

§ Une première tendance qui se centre sur les difficultés d’intégration à la société d’accueil met en relief que les enseignants formés à l’étranger feraient face, et cela avant même leur entrée dans les écoles, à des obstacles à la fois nombreux et variés, en raison de différences culturelles, parfois sources de conflits dans le milieu de travail. La plupart des travaux concernés par cette tendance misent sur une approche individuelle, abordant ces difficultés à partir de l’expérience subjective des enseignants formés à l’étranger recueillie lors d’entretiens individuels (cf. section 1.1.3.1).

§ Une deuxième tendance qui se centre sur l’appropriation d’un curriculum nouveau pour les enseignants formés à l’étranger soulève leur manque de maîtrise des approches pédagogiques, des pratiques évaluatives et des pratiques de gestion de classe valorisées

dans les milieux d’accueil. Ces travaux recourent, pour certains, à une perspective déficitaire justifiant les conflits émergeant par l’inadéquation des pratiques des enseignants formés à l’étranger avec celles attendues, l’ancrage de leurs façons de faire dans le modèle de l’enseignement magistral, de l’évaluation sanction et des rapports interpersonnels hiérarchiques étant souvent mis en cause (cf. section 1.1.3.2).

§ Une troisième tendance qui se centre sur les mesures d’appui à l’intégration socioprofessionnelle dégage l’engagement personnel des enseignants formés à l’étranger à mettre en œuvre des stratégies pour s’intégrer (i.e. : bénévolat, mentorat informel, etc.) et les initiatives et actions de diverses communautés professionnelles (i.e. : programmes de mentorat formel) coordonnant leurs efforts et stratégies pour favoriser cette intégration. Ces recherches, conduites pour certaines avec une perspective d’acculturation13 (i.e. : amener les enseignants formés à l’étranger à changer leurs conceptions de l’enseignement) et pour d’autres avec une perspective évaluative (i.e. cerner, au travers des entretiens individuels, les représentations ou appréciations des acteurs concernant les initiatives d’accompagnement informelles ou formelles), relèvent certes l’importance de l’Autre dans le processus d’une intégration socioprofessionnelle plus ou moins harmonieuse, mais mettent peu en relief – voire pas du tout – le savoir qui se coconstruit au travers des interactions sociales (cf. section 1.1.3.3).

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