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CHAPITRE 3 LE PREMIER REGISTRE D’ANALYSE RESTITUTIF: Les deux processus adaptifs interactifs de la reconstruction du savoir-évaluer des enseignants formés à l’étranger

3.1 L’abandon des manières d’évaluer non opératoires

3.1.2 Les manières d’évaluer jugées pénalisantes pour les élèves

[...] c’est très rare qu’un élève puisse avoir 20 sur 20; on s’arrange pour toujours glisser une question qu’ils vont presque tous échouer; ici tu ne peux pas faire ça; ça fait partie des choses qu’on abandonne vite en intégrant le système (DS-CC-EIE, Békir).

Dans mon pays, quand ta notation est sévère, tu as bonne presse; l’administration t’apprécie, alors qu’ici quand tu es sévère dans ta notation, tu es vu entre guillemets comme ‘‘un prof méchant’’; et s’il y a trop de plaintes, l’administration va te renvoyer; c’est là qu’on comprend qu’ici, l’évaluation ce n’est pas que pour sanctionner les élèves (DS-CC-EG1, Békir).

Un autre usage de l’évaluation des apprentissages abandonné par les enseignants formés à l’étranger au Québec est sa mobilisation à des fins de sanction sur les élèves. Lorsqu’ils parlent de cette pratique de l’évaluation qui aurait façonné les manières d’évaluer dans leurs pays d’origine, les enseignants réfèrent surtout au fait qu’ils pouvaient mobiliser l’évaluation des apprentissages pour faire perdre des points aux élèves lorsque vient le temps de vérifier leurs acquis. Comme expliqué par plusieurs, l’évaluation des apprentissages pouvait selon « l’humeur de l’enseignant » porter soit exclusivement sur des contenus qui ont été étudiés en classe avec les élèves, soit sur des contenus qui n’ont jamais fait l’objet d’une étude en classe. Il s’y ajoute que, pour pénaliser les élèves, les enseignants pouvaient faire le choix de rendre l’évaluation inaccessible, c’est-à-dire beaucoup plus difficile pour la grande majorité de leurs élèves. Dans le contexte de leurs pays d’origine, cette façon d’éprouver les élèves serait vue comme une manière d’aiguiser leur curiosité intellectuelle, les pousser à s’améliorer; ce qui en retour faisait qu’ils étaient vus par la société et leurs élèves comme de « bons enseignants ». Or, ce n’est pas le cas au Québec. En s’intégrant dans les écoles, ils font le constat que les élèves se plaignent lorsque l’évaluation est difficile ou comporte des informations qui n’ont pas été vues en classe.

Qu’arrive-t-il alors aux manières d’évaluer qu’ils mobilisaient autrefois pour faire valoir leur réputation de « bon enseignant »? À quelle tension les confrontent les sanctions de leurs partenaires de travail qui voient dans cette manière de mobiliser l’évaluation une façon de pénaliser les élèves? Comme on le verra, les enseignants formés à l’étranger abandonnent cette manière d’évaluer à mesure qu’ils apprennent que les plaintes répétées de leurs élèves et leurs parents pourraient porter préjudice à leur maintien en poste et surtout ralentir le processus de leur intégration socioprofessionnelle.

Le savoir-évaluer des enseignants formés à l’étranger dans le pays d’origine

Deux des manières de pénaliser les élèves auxquelles les enseignants formés à l’étranger disent avoir recours dans leurs pays d’origine, c’est soit de leur donner des tests difficiles soit de sanctionner par un zéro leurs productions qui ne se conforment pas aux attentes de l’évaluation.

Pour éprouver leurs élèves, c’est-à-dire les pousser à apprendre davantage, certains enseignants formés à l’étranger ont expliqué qu’ils avaient recours à des tests difficiles, par exemple des tests qui sont souvent inaccessibles pour la grande majorité d’entre eux. L’inaccessibilité du test se manifesterait par le fait « d’y introduire habilement un piège » (DS- CC-EG2, Békir), soit des éléments qui induisent les élèves en erreur. Aussi pour avoir une certaine crédibilité, être définis comme pertinents, ces tests ne devaient être accessibles qu’à une petite minorité d’élèves : « l’élite ». Toutefois, si ces tests étaient maintenus par les enseignants pour contraindre les élèves à travailler plus fort, « renforcer l’esprit de compétition » (DS-CC- EG2, Fatima), ces derniers semblaient y trouver des repères de comparaison pour distinguer leurs enseignants les uns les autres, selon leur propre vision du « bon enseignant ». Aux dires de certains enseignants formés à l’étranger, le fait de rendre le test inaccessible à la grande majorité des élèves leur générerait une certaine forme de reconnaissance sociale générale, un prestige étant accordé à un enseignant dont les tests sont d’un haut niveau de difficulté pour les élèves. C’est ce que reflète Nabila :

chez nous, les enseignants qui donnent des évaluations difficiles sont vus comme de bons profs; [...] les élèves font des comparaisons entre les profs; [...] on adore surtout les profs qui donnent des sujets vraiment difficiles; [...] si tu ne donnes pas de sujets difficiles, c’est comme si tu ne maitrises pas ta matière, tu ne prépares pas bien tes élèves (DS-CC-EG2, Nabila).

Cet extrait fait écho aux propos de Békir qui relève la valorisation des enseignants dont les tests sont inaccessibles. Aussi, pour rentrer en conformité avec cette vision du « bon enseignant », les enseignants formés à l’étranger ont expliqué qu’il ne suffisait pas seulement de proposer des tests difficiles. Il fallait également que, dans la correction des productions des élèves, l’enseignant fasse preuve de rigueur et d’intransigeance en sanctionnant sévèrement toutes les erreurs et les autres manquements, et parfois même en leur appliquant d’office une norme restrictive d’imperfection lorsqu’arrive le moment d’évaluer les apprentissages. Cette norme partagée dans leurs pays d’origine consisterait à considérer d’emblée que la perfection est inatteignable par les élèves. Deux manières d’évaluer reflèteraient l’application de cette norme : donner un zéro à un travail qui ne répond pas aux attentes ou trouver le moyen de retirer quelques points à un travail bien fait pour empêcher l’élève d’obtenir la totalité des points.

[...] si l’élève trouve la question mais que tout le reste des résultats qu’il produit c’est des erreurs, je donne zéro; c’était comme ça; [...] j’enlève 0,5 parce qu’il a oublié l’alinéa; parce qu’il n’a pas bien organisé sa feuille; même si tout est correct, je trouve quelque chose pour enlever des points (DS-CC-EG2, Nabila).

Cet extrait suggère que la traque des imperfections, c’est-à-dire ce qui ferait baisser la note de l’élève, serait une caractéristique importante des manières d’évaluer des enseignants formés à l’étranger dans leurs pays d’origine. Suivant le point de vue exprimé par la plupart des enseignants formés à l’étranger, ces façons de faire l’évaluation, c’est-à-dire être intransigeant face à l’erreur ou encore rechercher les défaillances pour retirer des points, permettraient à la fois de valoriser socialement son enseignement auprès de la communauté élargie, mais aussi maintenir la compétition entre les élèves. La réputation de l’enseignant se construirait par ses façons de faire l’évaluation : « être sévère, c’est une façon de montrer qu’on est un bon

enseignant » (DS-CC-EG2, Fatima).

Une autre manière de pénaliser les élèves au travers de l’évaluation, c’est de leur donner un zéro lorsque leur travail est « mal fait ». Au sujet de la question de la sanction avec le zéro, les enseignants formés à l’étranger ont explicité comment dans leurs pays d’origine l’exactitude de la réponse est un élément fondamental dans l’attribution de la note. Corriger, expliquent-ils, c’est d’abord et avant tout « valider ou invalider une réponse par rapport à ce qui a été enseigné » (DS-CC-EG2, Sadia). Selon cette perspective, les enseignants formés à l’étranger disent qu’ils s’expliquaient difficilement qu’un travail non conforme aux attentes puisse mériter une note

supérieure à zéro. Sanctionner un travail par un zéro, c’est une manière d’attirer l’attention de l’élève sur son manque d’assimilation des connaissances enseignées; c’est du moins ce que relève Békir.

Nous, on se dit que si l’enseignant a trimé pour trouver les savoirs à enseigner, l’élève doit les apprendre par respect à l’investissement de l’enseignant; ne pas les apprendre, c’est donc manquer de respect à cet enseignant qui sacrifie son temps à rechercher et organiser les savoirs; donc, on se dit que la meilleure façon de sanctionner, c’est donner une mauvaise note quand on répond mal; ça va pousser l’élève à faire attention la prochaine fois; […] donc ne pas donner zéro, quand la réponse n’est pas correcte [...] ça peut bien choquer un enseignant qui vient de mon pays (DS-CC-EG2, Békir).

Dans cet extrait qui reflète une subordination de l’apprentissage à l’évaluation, l’évaluation serait utilisée comme une sanction pour faire respecter le contrat pédagogique entre l’enseignant et les élèves. C’est donc la désobéissance aux exigences de ce contrat tacite, c’est-à- dire le refus d’apprendre les leçons enseignées, qui serait sanctionnée par une note pénalisante. C’est cet usage de l’évaluation comme sanction du manquement au contrat pédagogique qui se déconstruirait aussi au travers des interactions avec les élèves qui en revendiquent le caractère négocié.

On vient de le voir, proposer des évaluations difficiles, corriger sans aucune forme de tolérance et sanctionner les élèves quand ils font défaillance au contrat pédagogique, c’est donner les gages d’un « bon enseignant » dans le contexte des pays d’origine des enseignants formés à l’étranger. Ces manières d’évaluer laissent entrevoir comment la valorisation de l’enseignant se construit sur la base d’un usage négocié de l’évaluation mais dans lequel l’une des parties en cause – l’enseignant – aurait un plus grand pouvoir. Les enseignants formés à l’étranger vont-ils pouvoir compter sur ces mêmes manières d’évaluer pour gagner en reconnaissance auprès de leurs différents partenaires de travail au Québec?

Les défis/turbulences au Québec

D’emblée, les enseignants formés à l’étranger découvrent que leurs représentations de l’évaluation sont en conflit avec celles de leurs partenaires scolaires. Ceux-ci sont réfractaires à toute forme d’usage de l’évaluation pour pénaliser les élèves et le manifestent par des critiques et

parfois des plaintes et des sanctions. C’est ce que rapportent plusieurs des enseignants formés à l’étranger, notamment Fatima, qui déclare : « je me suis fait reprocher par mes élèves que mes

tests sont toujours difficiles; [...] un collègue m’a aussi dit qu’une des questions que j’avais proposée pour l’examen, il n’était pas sûr que les élèves allaient trouver la réponse » (DS-CC-

EG2, Fatima). Une autre enseignante, Vika, dit aussi avoir reçu cette remarque de ses élèves « [...] madame, pourquoi vous ne donnez pas des examens comme le prof de l’année passée? [...]

les vôtres sont jamais évidentes; on ne peut pas avoir des 100% » (DS-CC-EG2, Vika). Des

plaintes de cette nature, Békir en a aussi reçu au cours de sa première année d’enseignement au Québec où un élève lui dit « monsieur, vos maths sont différentes des autres; [...] vous enseignez

bien, mais vos examens, c’est jamais facile » (DS-CC-EG2, Békir).

Ces différentes formes de critiques des partenaires de travail quant à leurs manières d’évaluer leur reflètent les écarts avec les façons d’évaluer de leurs pairs. Il faut remarquer que les enseignants formés à l’étranger ne partagent pas d’emblée la même vision de l’évaluation des apprentissages avec leurs élèves. Ce faisant, dans leurs premières expériences de notation de leurs travaux, plusieurs n’ont pu éviter des confrontations directes avec des élèves qui venaient revendiquer des tests à leur portée. C’est ce que reflète Békir :

au début, je ne comprenais pas pourquoi ils réclamaient des tests plus faciles et faisaient des comparaisons avec ce que proposent les autres collègues; [...] moi, j’étais convaincu que leur donner des tests un peu plus difficiles était la meilleure façon de les préparer; [...] eux trouvaient que je les pénalisais; [...] donc le conflit est là; [...] on se critique; [...] moi, je leur reprochais de ne pas travailler fort; eux trouvaient que je ne respectais pas ce qu’on a vu en classe; [...] alors la tension monte; [...] mais, pour éviter les sanctions, il faut étouffer l’affaire pour que ça ne remonte pas à la direction (DS-CC-EG2, Békir).

Cet extrait reflète que l’évaluation des apprentissages est au cœur d’un jeu de pouvoir. On voit se confronter des façons de faire et des conceptions trouvant une légitimité ou non selon le contexte de référence des acteurs concernés : le pays d’origine pour les enseignants formés à l’étranger et le Québec pour les élèves. Il faut noter que l’incompréhension mutuelle entre les enseignants et les élèves proviendrait surtout de cette divergence d’interprétations de l’usage de la « rigueur » dans l’évaluation des apprentissages. Dans un camp, celui des enseignants formés à l’étranger, celle-ci signifie « mieux préparer les élèves », tandis que dans l’autre, celui des élèves québécois, cela représenterait une manière de les « pénaliser ». Ce faisant, les acteurs en présence

ne peuvent éviter la confrontation : ils se critiquent mutuellement parce qu’ils n’ont pas une vision partagée de l’évaluation. Le cas de Békir est exemplaire des confrontations conflictuelles que certains enseignants formés à l’étranger ont eues avec leurs élèves. Sommés de renoncer à des manières d’évaluer auxquelles ils attachent un sens – que ne partagent pas leurs partenaires de travail – et compte tenu des pressions à l’alignement sur les manières d’évaluer des pairs, plusieurs enseignants formés à l’étranger se retrouvent assez souvent avec une faible marge de manœuvre. Premièrement, l’évaluation est au cœur d’enjeux sociaux très forts et qui placent la réussite de l’élève au centre du projet de l’École québécoise. Deuxièmement, plusieurs enseignants formés à l’étranger n’ont pas encore acquis l’ensemble des règles de fonctionnement qui permettent d’y répondre selon les normes prescrites. Plusieurs vivraient la tension entre accepter ou rejeter les demandes des élèves surtout qu’ils n’ont pas l’habitude de les voir dans leur expérience antérieure. Ils doivent décider sous la pression des sanctions, comme l’explique Vika :

au début, on ne sait vraiment pas si les élèves ont droit ou pas de réclamer des tests faciles; pour nous [...] facile ou difficile ça dépend de l’enseignant ; c’est lui qui décide [...] ici si les élèves réclament [...] si cela remonte aux parents [...] retombe à la direction [...], tu risques de perdre ton poste [...] donc on n’a pas vraiment le choix (DS-CC-EG2, Vika).

Il apparaît ici que les élèves socialisent les enseignants à des manières de faire qui reflètent une pratique négociée de l’évaluation. N’ayant pas connu cette pratique, plusieurs se questionnent quant à la légitimité de négocier l’évaluation avec les élèves. Aussi, certains douteraient de la bonne foi des élèves, compte tenu de leur méconnaissance des codes du contexte, ils craindraient que « les élèves ne [soient] en train de chercher le moyen de [les] piéger, pour [les] induire en erreur » (DS-CC-EG2, Nabila).

En résumé, les enseignants formés à l’étranger réalisent au travers des critiques et des sanctions de leurs partenaires de travail que certaines de leurs manières d’évaluer antérieures ne sont pas opératoires dans leur nouveau contexte scolaire ; leurs partenaires de travail jugeant ces manières d’évaluer pénalisantes pour les élèves. Vont-ils tout de même continuer à les perpétuer au risque de perdre leur poste ?

La transformation/apprentissage des manières d’évaluer au Québec

À mesure qu’ils rencontrent des résistances de leurs élèves qui refusent de cautionner leurs explications, les enseignants formés à l’étranger apprennent progressivement qu’ils ne peuvent pas compter sur certaines des manières d’évaluer qui faisaient qu’ils apparaissaient dans leurs pays d’origine comme des exemples de « bons enseignants ». Au Québec, la reconduction de ces manières d’évaluer les met en conflit avec leurs élèves, ces conflits pouvant occasionner ultimement leur perte d’emploi. Comme on le verra, sous le coup des conseils des pairs, ils renoncent progressivement à ces manières d’évaluer. Ils apprennent que l’évaluation n’est pas un processus de jugement nécessitant de piéger les élèves; puisqu’elle implique de porter prioritairement attention aux réussites d’abord.

Une troisième norme et valorisation : éviter de piéger les élèves dans un test

Comme noté par les enseignants formés à l’étranger eux-mêmes, tenter de piéger les élèves par l’évaluation s’est révélé une pratique non opératoire au Québec, pour deux raisons principales : premièrement, en raison « des prescriptions24 » qui leur interdit formellement de telles pratiques; deuxièmement, en raison de la sanction des écarts entre leurs manières d’évaluer et celles de leurs pairs. Certains enseignants l’auraient appris au travers des revendications des élèves qui souhaitaient plus de cohérence et de transparence dans l’évaluation. Par exemple, Békir explique comment une discussion avec un de ses élèves le socialise à une manière d’évaluer rejetée dans son nouveau contexte de travail. Cet élève lui raconte la mésaventure d’Abdoulaye (prénom fictif), un enseignant qui l’avait précédé dans l’école et qui aurait été congédié à cause de ses pratiques d’évaluation. Abdoulaye est un enseignant qui introduisait un piège dans les tests qu’il proposait pour évaluer les apprentissages de ses élèves.

moi, je me rappelle d’un élève qui m’a posé la question de savoir si j’allais évaluer de la même façon que monsieur Abdoulaye ; je lui ai demandé comment monsieur Abdoulaye faisait; puis il m’a expliqué que lui il ajoutait une réponse avec les QCM qui était comme un piège parce ça peut ressembler à la réponse sur une partie et l’autre est fausse ; là les élèves tombaient dans le piège ; j’ai demandé comment réagissaient les élèves ; et puis il m’a dit que les élèves n’étaient pas contents ; certains parent sont venus se plaindre […] ; après je pense que l’école s’est séparée de ce monsieur parce qu’il y avait beaucoup de plaintes […] cet élève-là, je pense il vient du Maghreb ; il m’a pris en sympathie, et je pense que c’est pour cela qu’il m’a parlé de ça (DS-CC-EG1-Békir).

24 Les enseignants formés à l’étranger désignent par ce terme les documents administratifs qui encadrent l’évaluation

Pour Békir, l’échange avec cet élève a été pour lui un révélateur puissant de ce qu’il pouvait faire ou ne pas faire concernant l’évaluation. Il comprend à partir des conséquences d’un cas concret que les élèves et même les parents apprécient peu des tests contenant des pièges. Cette expérience l’amène à requestionner sa pratique et à la mettre en perspective avec son nouveau contexte de travail. Il précise :

ça m’a fait réfléchir un peu sur comment nous on voyait l’évaluation avant ; mais en même temps, on comprend que ici la fonction de l’évaluation ce n’est pas pour sanctionner l’élève ; […] donc, on ne doit pas le piéger ; […] j’ai eu la chance avec cet échange parce que je pouvais moi aussi faire les mêmes erreurs que monsieur Abdoulaye ; […] donc nous aussi on apprend des élèves les erreurs des autres ; […] on voit ce qu’ils n’ont pas apprécié et on essaie de ne pas reproduire les erreurs qui ont fait que les autres ont été sanctionnés (DS-CC-EG1-Békir).

Cet extrait montre que les élèves sont aussi des acteurs importants dans la reconstruction des manières d’évaluer des enseignants formés à l’étranger : ils les socialisent aux manières de faire acceptables en leur expliquant celles qui ne le sont pas et qui sont susceptibles d’entrainer des sanctions à leur égard.

Les collègues sont aussi actifs dans la socialisation aux manières d’évaluer acceptables de la même façon, par exemple en prévenant les sanctions qui sont susceptibles de tomber si les enseignants formés à l’étranger maintiennent leurs manières de faire, notamment l’introduction de pièges dans l’évaluation. Par exemple, Fatima l’apprend par son collègue de travail qui lui fait des remarques à propos d’une question que ses élèves n’ont pas bien réussie. Elle révèle que ce collègue attirait habilement son attention sur le fait de ne pas piéger les élèves au risque de se faire sanctionner par les plaintes de ces derniers ou de leurs parents. Elle explique :

ce n’est pas que j’ai introduit un piège, mais il y avait une question que les élèves ont moins bien réussi ; […] et puis mon collègue m’a suggéré de regarder cette question, parce qu’il y a un problème si beaucoup d’élèves ne l’ont pas réussie ; […] voir un peu si elle n’était pas difficile par rapport au niveau des élèves ; […] moi, c’est un peu tout ça en plus des échanges qu’on a eues à l’université dans les cours avec d’autres collègues qui étaient déjà dans les classes qui m’a fait changer de méthode; […] tout ça

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