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CHAPITRE 2. LA MÉTHODOLOGIE: Une recherche collaborative

2.4 L’approche analytique

2.4.2 La stratégie d’analyse

2.4.2.1 Les étapes de mise en forme du matériau d’analyse

L’analyse par questionnement analytique (Paillé & Mucchielli, 2008) est mobilisée comme stratégie d’analyse, celle-ci consistant plus concrètement à formuler un ensemble de questions qui permettent de répondre aux objectifs de l’étude. Il s’agit d’un mode de traitement des données qui se poursuit dans une dynamique d’allers-retours entre les questions de recherche et le corpus des données:

Lorsqu’un chercheur aborde un corpus de données qualitatives avec l’intention de l’analyser, c’est qu’il veut savoir certaines choses. L’effort qu’il a consenti pour recueillir, avec toutes les précautions utiles, des observations nouvelles et des entretiens inédits est motivé par l’espoir de trouver réponse à ses questions de recherche par le biais du travail proximal avec le matériau empirique. (p. 141)

Le questionnement analytique favoriserait ainsi la production d’un canevas qui guide l’analyse dans le but d’approfondir la compréhension de l’objet d’étude. Ce questionnement analytique procède d’abord par une logique descriptive à partir de la question suivante : « De quoi parlent les enseignants formés à l’étranger lorsqu’ils discutent de la façon dont leur savoir- évaluer s’est (re)construit en s’intégrant aux écoles montréalaises? ».

Pour répondre à cette question, il fallut s’intéresser aux cas exemplaires rapportés par chacun des enseignants formés à l’étranger, aux turbulences, aux faux-pas, au rôle des chocs, aux conseils ou recommandations reçues des partenaires de travail, soit un faisceau d’indices qui signalaient une rupture majeure ou minime par rapport à ce que les enseignants formés à l’étranger faisaient avant dans leurs pays d’origine en matière d’évaluation. La lecture transversale des verbatims à partir de cette question a d’abord permis d’identifier deux catégories principales : (a) les manières d’évaluer reconstruites et (b) les normes ou conventions partagées

façonnant la reconstruction.

Ainsi, à l’issu du dépouillement des données collectées, 8 manières d’évaluer ont été identifiées comme ayant fait l’objet d’une reconstruction par les enseignants formés à l’étranger et 18 normes ont été dégagées comme contribuant de cette reconstruction. Ayant constaté le lien entre les deux catégories dégagées, j’ai poursuivi la conceptualisation en prenant la catégorie les

manières d’évaluer reconstruites comme principale et la deuxième les normes ou conventions partagées façonnant la reconstruction comme subordonnées. Cette articulation m’a amené à tenir

compte des interactions avec les autres partenaires de travail dans la reconstruction du savoir- évaluer, ce qui a donné un caractère dynamique à ce qui j’avais identifié au départ comme deux catégories distinctes. Les deux catégories ont ainsi été fusionnées en une seule catégorie que j’ai nommé : les processus adaptatifs interactifs de la reconstruction du savoir-évaluer. J’ai poursuivi la conceptualisation à partir de la question suivante : « Comment s’organisent les processus adaptatifs interactifs de la reconstruction du savoir-évaluer? »

La réponse à cette question a permis de dégager sémantiquement deux processus adaptatifs interactifs : (a) l’abandon des manières d’évaluer jugées non opératoires ; (b)

l’ajustement des manières d’évaluer jugées viables dans les deux contextes. L’identification de

ces deux processus adaptatifs de reconstruction des manières d’évaluer est rendue possible par l’analyse des cas exemplaires de faux-pas, de turbulences, de renoncements, des recadrages de pratiques, en lien avec les façons de faire l’évaluation par les enseignants formés à l’étranger. La Figure 3 ci-dessous schématise le résultat du travail d’analyse ayant conduit à cette conceptualisation.

Figure 3. Les processus adaptatifs et les manières d’évaluer reconstruites

On voit au travers de cette configuration que trois manières d’évaluer sont abandonnées et 5 manières d’évaluer sont ajustées. Partant de cette configuration thématique, j’ai poursuivi le travail de conceptualisation à partir de la question suivante : « Quelles normes partagées

participent de la reconstruction de chacune des manières d’évaluer identifiées dans les deux processus adaptatifs interactifs? »

J’ai relevé précédemment que la reconstruction de chacune des manières d’évaluer est éclairée par les normes et valorisations portées par les partenaires scolaires, qui représentent des règles de fonctionnement que la société d’accueil, le milieu scolaire notamment, semble ériger comme barrière de protection contre la reproduction de pratiques d’évaluation non souhaitées. Ces barrières seraient étroitement liées à la culture véhiculée dans les pratiques routinières, c’est- à-dire au sens de Becker (1985), les « compréhensions partagées » par les acteurs. De fait,

lorsque d’autres manières de faire se déroulent, on voit jusqu’à quel point cette culture est « extensible ». Elle façonne l’adaptation du savoir-évaluer des enseignants formés à l’étranger aux exigences de leur nouveau contexte d’enseignement. Les normes qui sous-tendent cette culture sont schématisées dans les figures ci-dessous. La Figure 4 reflète les différentes normes façonnant l’abandon des manières d’évaluer non viables, tandis que la figure 5 présente celles qui façonnent l’ajustement des manières d’évaluer viables. J’y place chacune des normes à côté de la manière d’évaluer dont elle influence la reconstruction.

Figure 4. L’abandon comme processus adaptatif de la reconstruction du savoir-évaluer

Au total, on voit que les 7 conventions qui semblent façonner l’abandon. Ces conventions, je l’ai mentionné, sont dégagées à partir de l’analyse des chocs ou turbulences ainsi que les référents convoqués par les partenaires scolaires pour justifier les sanctions qu’ils posent lorsque les manières d’évaluer mises de l’avant par les enseignants formés à l’étranger s’opposent aux

attentes socialement partagées. Aussi, les arguments que les enseignants formés à l’étranger mettaient de l’avant pour justifier pourquoi il était important pour eux d’abandonner des manières d’évaluer qui faisaient partie de leur répertoire de pratique donnaient accès à certaines conventions. Finalement, on note que ces conventions se définissent soit en termes d’interdits (i.e. : Éviter de ...; Ne pas ...) ou de recommandations (i.e. : Aider ...; Composer avec ...; Développer...) en lien avec la pratique de l’évaluation des apprentissages dans les écoles montréalaises.

Je l’ai relevé, la figure 5 ci-dessous reflète les manières d’évaluer ajustées et les normes et valorisations qui y participent.

Au total 11 conventions partagées semblent contribuer à façonner l’ajustement du savoir- évaluer des enseignants formés à l’étranger aux exigences de leur nouveau contexte de travail. Ces conventions ont été dégagées principalement à partir de l’analyse des conseils, suggestions et recommandations, soit l’ensemble des informations névralgiques auxquelles les partenaires scolaires socialisent les enseignants formés à l’étranger. J’ai été attentif aux informations distillées par les enseignants formés à l’étranger lorsqu’ils expliquent les soutiens reçus des partenaires de travail, les changements qu’ils leur demandaient parfois de faire, les dispositions règlementaires qu’ils conseillaient de respecter pour cadrer leurs manières d’évaluer avec les prescriptions en lien avec l’évaluation des apprentissages. Finalement, on note que ces conventions partagées sont formulées en termes de recommandations pour la pratique de l’évaluation des apprentissages visent autant les conduites (i.e. : Faire preuve de transparence; Adopter une approche collaborative), les représentations (i.e. : Évaluer des compétences n’est pas un contrôle de connaissances), que les pratiques concrètes (i.e. : Accommoder les élèves ayant des déficits diagnostiqués; Associer les élèves à l’évaluation de leurs apprentissages) (cf. Figure 5).

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