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Les rapports avec l’Assurance Maladie

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 136-140)

L’OFFRE DE SOINS

4.2.5. Les rapports avec l’Assurance Maladie

L'assurance maladie française est basée sur le principe d'un remboursement a posteriori d'une activité médicale facturée à l'acte (fee for service). Elle ne pouvait s'engager à rembourser des honoraires établis en toute liberté sans courir le risque d'une dérive de ses comptes. La solution choisie par l’ordonnance du 19 octobre 1945 a été de fixer par contrat les honoraires s'imposant aux médecins. En outre, les conventions médicales contiennent des clauses exorbitantes du droit commun, c'est à dire non contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs et qui, par certains éléments, se rattachent au service public. Cela permet de les qualifier de contrats administratifs (Hauser 1997). De nombreuses dispositions conventionnelles s'insèrent dans un dispositif d'ensemble qui relève, en dernier ressort de l'État, ce qui explique l'approbation ministérielle de la convention médicale. La jurisprudence imposera une évolution, car l'application des conventions médicales ne pouvait se satisfaire du droit des contrats (Prétot 1998). Le Conseil constitutionnel a tranché le débat en confondant la convention et son arrêté d'approbation (22 janvier 1990), ce qui confère à la convention médicale un caractère réglementaire (Prétot 1998). Or d'après la constitution, le pouvoir réglementaire appartient au gouvernement, qui dès lors l'exerce de manière résiduelle en approuvant la convention médicale. En outre, depuis son arrêt du 14 avril 1999 concernant la convention des généralistes, le Conseil d'État a pris l'habitude de ne rejeter que certaines dispositions entachées d'illégalité, ce qui est caractéristique du contrôle d'excès de pouvoir relatif aux actes administratifs (Truchet 1999). En conclusion, les conventions médicales ont un régime juridique particulier, entre le contrat et le règlement, ce qui a fait parler à leur sujet de tératologie juridique (Pellet 2003), c'est à dire de monstruosité juridique.

4.2.5.1. Les conventions départementales

A l’origine, les conventions étaient signées au niveau départemental. Cela fonctionnera très mal. Les médecins pouvaient pratiquer des dépassements d’honoraires, mais dans les départements non conventionnés, les tarifs d'autorité40 étaient fixés à un niveau dérisoire. De plus, les syndicats médicaux refusaient le plus souvent de signer une convention. En mai 1950 seules 48 conventions avaient été signées (Barjot 1988, p. 194), mais elles ne concernaient pas les grands centres urbains, ce qui signifiait l’échec de la mise en place de l'assurance

maladie. Durant les années 50, les médecins ne cesseront de réclamer le droit à l'entente directe. Le décret du 12 mai 1960 modifie le système : au décret, une convention-type est annexée dont la plupart des clauses sont obligatoires, les tarifs ne peuvent dépasser des tarifs plafonds, les adhésions individuelles sont rendues possibles, les litiges seront tranchés par l'ordre des médecins, il est institué un régime d'assurance maladie et de vieillesse propre financé en grande partie par les caisses d'assurance maladie. Dans le même temps, la consultation a augmenté d'environ 50%, alors que la visite a plus que doublé (Barjot 1988, p. 349). Le système se met en place rapidement et 77 départements signent une convention. De plus, dans les départements non conventionnés, la majorité des médecins ont adhéré individuellement, si bien que 79,5% des médecins étaient conventionnés (Barjot 1988, p. 356).

Ce n’est finalement qu’en 1960 que les médecins libéraux ont accepté le tarif unique, autrement dit conventionnel, ce qui correspondait à l’abandon de l’attribut essentiel de la médecine libérale, l’entente directe. C’est là que l’on peut situer historiquement le basculement institutionnel de la médecine libérale justement nommé « Le grand tournant de la médecine libérale » (Hatzfeld 1963). A partir de ce moment, le système de santé est devenu ce qu’il était déjà dans les textes, et qu’il est toujours, un ensemble hiérarchisé conçu, organisé, piloté et contrôlé par l’Etat.

4.2.5.2. Les conventions nationales

Devant les menaces d’étatisation de la Sécurité Sociale en raison du dérapage des dépenses d’assurance maladie et de suppression du paiement à l’acte, la CSMF propose une convention nationale. Il y aura dix conventions nationales (dont la convention séparée des généralistes et des spécialistes de 1997) signées selon un scénario classique : des négociations difficiles marquées par l’antagonisme des deux parties, l’intervention ou la menace d’intervention de l’Etat, la signature in extremis, des conflits dans l’application et des sanctions peu nombreuses.

La convention du 28 octobre 1971 se caractérise par les éléments suivants : reconnaissance des principes de la charte de la médecine libérale, création d’organes de concertation et de Tableaux statistiques d’activité des praticiens (TSAP). Elle s’est accompagnée d'une augmentation des honoraires, à compter du 1er novembre, 11% pour la consultation du généraliste et 6,7% pour celle du spécialiste en région parisienne et dans les grandes

agglomérations (calcul réalisé par nos soins à partir des chiffres de Barjot 1988, p. 566). La convention est un relatif succès, puisque quatre mois après son approbation par le ministre, 96,7% des médecins étaient conventionnés (Le Monde, 4 mars 1972). Le Conseil d'Etat annulera la convention le 19 février 1975, inaugurant ainsi une longue série d'annulations qui montrent la fragilité de son statut juridique.

La convention du 3 février 1976 apporte peu d’innovation, en dehors du fait que désormais, la signature d’un seul syndicat suffit.

La convention du 29 mai 1980 sera signée par la FMF, puis par la CSMF. Ses innovations étaient la maîtrise concertée des dépenses liant les revalorisations tarifaires à son respect, la création de deux types d'instances de concertation, l'institution de deux secteurs conventionnels : le secteur 1, pour les praticiens respectant les tarifs conventionnels avec, en contrepartie, la prise en charge partielle des cotisations maladie et vieillesse, le secteur 2 pour les praticiens non liés par les tarifs conventionnels.

La quatrième convention, du 1er juillet 1985 est peu différente de la précédente.

Les négociations préalables à la cinquième convention, du 9 mars 1990, ont duré plus d'un an et ont été très dures. Un nouveau syndicat de généralistes, MG France, y a participé pour la première fois. Elles ont été marquées par une situation très conflictuelle avec la grève illimitée des chefs de clinique et des internes dont la raison première était le gel attendu du secteur 2. La convention a été signée par la FMF puis, dans un second temps, par le SML. Ses avancées étaient les suivantes : une régulation chiffrée de l'évolution des dépenses, le gel du secteur 2 pour deux ans, le financement de la formation médicale continue. Elle a été annulée par le conseil d'Etat le 10 juillet 1992.

La sixième convention, du 21 octobre 1993, signée par la CSMF et par la FMF, a mis en œuvre le dispositif prévu par la loi du 4 janvier 1993 : la fixation d'objectifs quantifiés nationaux (OQN) portant sur les honoraires et les prescriptions des médecins, l'établissement de références médicales opposables (RMO), interdisant certaines pratiques inutiles ou dangereuses, la mise en place du codage des actes, prescriptions et pathologies et du carnet de santé, la sanction du non-respect des OQN et des RMO.

Comme l'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins le permet, une convention des généralistes a été signée par MG France et une convention des spécialistes par l'UCCSF (Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français) pour les spécialistes, le 12 mars 1997. La deuxième sera annulée par le Conseil d’Etat le 26 juin 1998 et la première le 3 juillet de la même année.

Les spécialistes n'ayant pas signé, leurs relations avec l'assurance maladie étaient régies par le règlement conventionnel minimal du 13 novembre 1998. La convention des généralistes du 4 décembre 1998 a repris, en les précisant, la plupart des dispositions de la convention précédente. Signée pour 4 ans, elle a été tacitement reconduite à son terme.

Le 25 octobre 1999, le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (Evin 1999), dénonce la paralysie du système conventionnel et plaide pour la redéfinition du champ des conventions. La « mission de concertation pour la rénovation des soins de ville » mandatée par le ministre constate « …qu’un large consensus se dégage pour

assigner au généraliste une place privilégiée dans la coordination des soins et l’orientation du patient » (Brunhes 2001, p. 7). Le rapport plaide également pour un système mixte

combinant rémunérations à l’acte et « …des compléments forfaitaires qui garantissent une

plus grande transparence et une plus grande neutralité pour le patient » (Ibid., p. 17) dans

trois domaines : l’égal accès aux soins, les priorités de santé et les bonnes pratiques. La plupart des propositions seront reprises dans le rapport sur le projet de loi portant rénovation des rapports conventionnels (Evin 2002) et dans la loi du 6 mars 2002 définissant une nouvelle architecture conventionnelle à trois étages. Le premier est constitué par l'accord cadre interprofessionnel signé par le Centre national des professions de santé et deux caisses nationales dont la CNAMTS. Il fixe les dispositions communes à l'ensemble des professions de santé libérales. Le deuxième concerne les conventions bilatérales fixant les tarifs, les dispositions spécifiques ainsi que des Accords de bon usage des soins (AcBUS), lesquels sont des accords collectifs d'évolution des pratiques. Enfin, le troisième étage correspond à des contrats individuels d'incitation à la qualité des soins.

La loi du 13 août 2004 fixe le cadre de la convention et confie aux partenaires conventionnels le soin d'en organiser les modalités. La nouvelle convention a été signée le 12 janvier 2005 par l'UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance maladie) et trois syndicats médicaux, la CSMF, le SML et l’Alliance intersyndicale des médecins indépendants de France. Son innovation essentielle est d'instituer un parcours de soins coordonnés centré sur le médecin

traitant (généraliste le plus souvent), qui assure un rôle de référent. Les patients sont incités à respecter le parcours de soins coordonnés par un meilleur remboursement.

De manière surprenante, alors que cette convention promeut la profession de généraliste, le syndicat MG France y est opposé car il considère que le rôle spécifique du médecin traitant n'est pas suffisamment reconnu financièrement.

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