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Les mutuelles

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 64-66)

2.1.4 « L'invention » de la médecine libérale

2.2. LES MEDECINS FACE A L'ASSURANCE MALADIE NAISSANTE

2.2.1. Les mutuelles

Très tôt les médecins ont été confrontés à un embryon de protection sociale, puisque les premières mutuelles sont apparues au début du 19ème siècle. En effet, en 1822, on comptait 132 mutuelles à Paris (Guillaume 1988). Toutefois, elles ne touchaient que 11 000 membres, et de plus, elles servaient essentiellement, voire exclusivement, à couvrir la perte de revenu des travailleurs malades ou plus souvent au chômage. Elles ne se développeront que progressivement, car le Journal des économistes d'avril-juin 1850 souligne le retard français par rapport à l'Angleterre où on compte 2 millions de membres (Ibid.) contre 270 000 membres en France en 1852. Ce nombre passera à 910 000 en 1869 et à 1,5 million en 1890 (Hassenteufel 1997). Ce retard semble dû à la loi Le Chapelier qui s’opposait au droit d’association. Néanmoins, l’industrialisation et l’urbanisation ont fait apparaître des besoins de protection si bien que les autorités ont peu à peu assoupli leur attitude sans jamais cependant aller jusqu’à la reconnaissance juridique. On distingue deux types d’associations d’entraide, les mutuelles ouvrières ayant servi de matrice aux syndicats ouvriers menaient simultanément des activités de secours et de défense des intérêts de la profession et les mutuelles de secours vouées quasi exclusivement à l’organisation de l’entraide. Les règlements de nombreuses associations d’entraide affirmaient d’ailleurs leur fidélité à la loi Le Chapelier et s’engageaient à respecter une stricte neutralité sociale (Gibaud 1995).

Les mutuelles seront reconnues en 1852 par décret impérial qui a introduit un règlement type, ce qui a suscité une évolution en légitimant leur fonction sanitaire. Alors que les mutuelles étaient jusque là destinées à compenser la perte de salaire du travailleur en cas de maladie, elles ont développé des prestations en nature, c’est-à-dire les remboursements des frais médicaux et pharmaceutiques, voire la mise à disposition de leurs affiliés d’un médecin sous contrat. En 1861, la société « La Préservatrice » lance un contrat d’assurance collective contre les accidents du travail. Ce type de contrat sera reconnu par la loi du 11 juillet 1868 qui institue une caisse nationale contre les accidents du travail.

traditionnelle d'assistance. La logique de l'Etat providence est fondée par la loi de 1898 sur les accidents du travail qui consacre le passage "d'une problématique de la responsabilité à une

problématique de la solidarité" (Ewald 1986, p. 16). L'Etat devient alors "l'assureur…du risque social" (ibid., p. 344). Le nombre de mutualistes connaîtra une croissance sensible,

passant de 2,5 millions en 1900 à 5,3 millions en 1913 et 8,2 millions en 1930 (Dupeyroux 2000).

Le principe de l'assurance obligatoire est introduit, de manière limitée, par la loi de 1910 sur les retraites des ouvriers et paysans puis par la loi sur les assurances sociales (voir infra).

A l'instar des autres professions libérales, les médecins français se sont fortement opposés à la création d'une assurance maladie obligatoire, qui pourtant solvabilisait une part importante de la clientèle, et par là, constituait la garantie de revenus réguliers et plus élevés, alors même que 80% d'entre eux avaient, en 1901, un revenu inférieur à celui d'un bon revenu ouvrier (Zeldin 1978, tome 1). On comprend dès lors la frustration d'une profession dont l'utilité sociale était négligée, dont le savoir et l'efficacité croissaient continûment, et qui pourtant, ne se sentait pas reconnue et n'avait pas le statut économique auquel elle s'estimait en droit de prétendre.

Au nom du respect de l'autonomie professionnelle, les médecins s'opposent à la mise en place de la loi de 1893 sur l'assistance médicale gratuite. Ils ne refusent pas le principe de la loi, mais le principe du tiers payant qu'elle institue. Ils demandent, et obtiennent, le respect de principes tels que le libre choix du médecin par le malade et le paiement à l'acte après signature d'un accord, en 1895, entre la ligue de la mutualité et USMF.

Le même scénario se reproduit après le vote de la loi de 1898 sur les accidents du travail. Dans le même temps des pressions sont exercées sur les ouvriers afin qu'ils consultent les médecins salariés des entreprises. La conséquence en est une mobilisation des médecins dont la force croît dans l'action collective et qui pratiquent un lobbying politique intense, ce qui leur permet d'obtenir en 1905 le vote du tarif Dubief qui inscrit dans les textes le principe du libre choix et garantit des tarifs différenciés pour les accidents du travail (Hassenteufel 1997). En outre, en 1906, une commission d'arbitrage est créée afin de régler les litiges survenant entre les mutuelles et les médecins.

L'USMF voit ses effectifs augmenter rapidement puisqu'ils atteignent 12 000 adhérents en 1910, soit plus 50% du corps médical français (Cariage 1965).

Mais il convient de noter que dans un pays aussi centralisé que la France, l'action collective des médecins s'est moins manifestée par des conflits avec les institutions de protection sociale que par une influence auprès des décideurs politiques, c'est à dire des parlementaires et des ministres.

En 1919, la loi sur les pensions de guerre instaure le tiers payant comme expression du droit des victimes de guerre à se faire soigner gratuitement. En 1920, la loi est modifiée dans le sens d'une limitation du libre choix et de la création d'un tarif fixe et donc unique. Cela déclenche une grève administrative des médecins qui obtiennent la négociation du tarif et le contrôle du tiers payant.

A partir de ce moment, la question du rapport du corps médical à la protection sociale se pose, c'est à dire celui de l'intervention d'un tiers dans la relation entre un médecin individuel et un malade en particulier, le colloque singulier.

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