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La situation actuelle

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 162-164)

L’OFFRE DE SOINS

4.2.13. Le malaise des généralistes

4.2.13.3. La situation actuelle

Elle se caractérise par un profond malaise d’une profession qui ne se sent pas reconnue et qui exprime une souffrance qu’il faut prendre en compte (voir encadré ci-après), et cela d’autant plus que les médecins généralistes sont au cœur de toutes les réformes de la médecine ambulatoire ainsi que le pivot de l’efficience et de la réduction des inégalités (Burdillat 2009, Bourgueil 2009, Samson 2009).

A cela il convient d’ajouter un certain nombre d’éléments :

- La moindre attractivité de la médecine de premier recours. Les passerelles entre l’internat de médecine générale et celui de spécialités ainsi que la possibilité pour les généralistes d’avoir une activité hospitalière aux urgences ou en gériatrie, constituent pour ces derniers un encouragement à se détourner de la médecine générale de premier recours.

- La méconnaissance de la médecine générale par les étudiants en médecine. Un stage de deuxième cycle de sensibilisation à la médecine générale a été mis en place en 2006. Un an après, seuls 395 étudiants avaient pu suivre ce stage, soit moins de 10% de l’effectif des étudiants de DCEM2.

- Les revenus les plus bas du corps médical français, mais également parmi les plus bas des pays de l’OCDE. Selon une étude comparative des revenus des médecins généralistes de douze pays réalisée en 2004, les premiers étaient les généralistes américains avec 146 000 dollars devant leurs confrères britanniques avec 121 000 dollars, les hollandais 120 000 et, au 10ème rang les français avec 84 000 dollars (OCDE 2008). Cependant, ce type de comparaisons internationales est à prendre avec prudence, car les séries collectées ne prennent pas toujours en compte des rémunérations du même type et portent généralement sur des revenus bruts alors que la structure des prélèvements obligatoires et de l’imposition sont très

- La transformation du modèle professionnel chez les médecins. Dans cette évolution, on peut noter le refus de la disponibilité permanente, l’aspiration à concilier vie personnelle et vie professionnelle et le désir de ne pas être isolé, faisant du salariat le modèle implicite (Schweyer 2008).

- La désillusion des médecins généralistes. Beaucoup de médecins généralistes manifestent une désillusion et une souffrance au travail. Quatre facteurs explicatifs ont été identifiés : (1) Le décalage progressif entre la vision du métier et les conditions réelles d’exercice à l’origine d’un sentiment de perte du métier. Le statut libéral rend, selon eux, l’exercice de la médecine générale de plus en plus difficile. (2) Le désir de rééquilibrage entre vie professionnelle et vie personnelle. La profession est ressentie comme trop dure, imposant un temps de travail trop important53 alors que les conditions de travail sont vécues comme dégradées et les pressions des patients et des familles de plus en plus fortes, particulièrement en zone rurale. Un médecin généraliste, le Dr Renaud Bousquet installé au Berric (1400 habitants), près de Vanne l’exprime clairement : «J’ai 53 ans. Je suis le seul docteur du

village et des alentours. J’ai deux confrères à Questembert qui attendent l’improbable successeur pour partir à la retraite. Je vois environ 55 patients par jour. Et je suis appelé en première intention pour tout et par tous : les gendarmes, les pompiers…Je commence ma journée à 8 heures, je la termine à 22 heures, et il reste encore toute la paperasse »54. (3) Un rapport dégradé à l’environnement institutionnel. Il concerne essentiellement les approches gestionnaires des politiques de maîtrise des dépenses de santé, les pratiques professionnelles attendues des pouvoirs publics et le caractère excessif, à leurs yeux, des tâches administratives. (4) La place et le statut social de la profession. Si le champ d’intervention des généralistes ne cesse de s’élargir (scolarité, conflits familiaux, etc.), cela se fait sans l’appui d’un encadrement ou d’une structure. Derrière les discours et les revendications tarifaires, apparaissent le caractère symbolique de la rémunération et de la reconnaissance de l’utilité sociale du généraliste. Beaucoup de généralistes ont le sentiment d’une dévalorisation sociale (Ibid.), voire même « …d’une explosion du mal être de la profession »55.

53 Parmi les 500 généralistes de Vendée, deux médecins femmes de 31 et 35 ans devaient quitter la médecine libérale pour une activité salariée en juin et juillet 2010. Le Généraliste ; 28 mai 2010.

54 Le Figaro Magazine - 5 décembre 2008. 55

Encadré 3

La désespérance des généralistes

Nous avons rencontré un membre du bureau national du syndicat MG France56afin de recueillir son avis et son témoignage sur les rapports qu’entretient son organisation avec l’Assurance maladie.

Ce qui est mis en avant est le désir de reconnaissance sociale des généralistes avec une définition de ses spécificités et de sa place dans le système de soins. A côté du paiement à l’acte, une rémunération globale, forfaitaire, doit être en rapport avec ses missions et ses contraintes. Le non-respect de la parole est un élément pouvant amener un conflit ainsi que le parcours de soins non identifié et non valorisé financièrement.

En 2004, la convention précédente a été annulée et les négociations ont porté sur une nouvelle convention. Cela a été vécu comme un « déni de syndicalisme » et une « offense aux généralistes ». MG France a donc rompu les négociations.

Les demandes des généralistes ne seraient pas entendues, ce qui conduit au désespoir, à l’épuisement de nombre d’entre eux et à la perte d’attractivité de la médecine générale. Les médecins généralistes se sentent « opprimés » et « en proie à la désespérance » car «l’argent est pour les spécialistes et les contraintes pour les

généralistes ».

Il est reproché à la convention de 2005 d’être un simple outil de gestion, au profit des spécialistes, sans dimension structurante du système de soins. En outre, aucun avenant n’est spécifiquement pour les généralistes. En revanche, la période de la convention précédente est vécue comme un quasi âge d’or dans lequel les partenaires conventionnels avaient des objectifs communs et collaboraient de manière fructueuse.

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 162-164)